En Angleterre, la combativité ouvrière stérilisée par les syndicats

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Grève historique de la fonction publique britannique”, les médias sont unanimes, le mouvement de grève du 30 novembre qui a rassemblé dans les rues près de 2 millions de personnes en Angleterre a connu un taux de participation record. Les écoles, les hôpitaux, les services municipaux, tout a tourné au ralenti durant 24 heures. Du jamais vu depuis les années 1970 ! La massivité de cette grève révèle l’ampleur de la colère qui anime les rangs de la classe ouvrière outre-Manche. Depuis 40 ans, les travailleurs vivant en Grande-Bretagne subissent presque sans mot dire une dégradation continue et intolérable de leurs conditions de vie. Cette passivité est la conséquence de l’écrasement de la combativité ouvrière sous la botte de Margaret Thatcher. Mais aujourd’hui, c’en est trop. Les coups de boutoirs de la crise, les attaques incessantes font exploser la colère. Depuis quelques années maintenant, des grèves et mouvement éclatent ainsi régulièrement. Les syndicats ont parfaitement conscience de cette situation. Ils veulent à tout prix éviter que les travailleurs n’entrent en lutte spontanément, hors de leur contrôle et de leur encadrement. La journée du 30 novembre a donc eu pour but de “lâcher de la vapeur pour éviter que la cocotte minute n’explose”. Dans de très nombreux pays, les syndicats utilisent d’ailleurs cette technique de faire se succéder les journées d’action les unes aux autres pour que la colère s’exprime de façon stérile, pour décourager et épuiser les plus combatifs.

Nous publions ci-dessous un tract que nos camarades vivant en Angleterre ont réalisé et distribué les jours précédents cette manifestation comme le jour-même au sein du cortège pour encourager la prise en mains des luttes par les travailleurs eux-mêmes.

Tract de World Revolution (organe du CCI en Grande-Bretagne)

Le début de la lutte ou juste un autre geste symbolique ?

Les syndicats prédisent deux ou trois millions de travailleurs en grève le 30 novembre, ceux de l’éducation, de la santé, du secteur public, des services civils, et plus encore. La préoccupation principale de la grève : l’avenir des retraites du secteur public, est un problème très réel car nous sommes tous appelés à travailler plus longtemps et à payer plus pour toucher moins de retraite. Et ce n’est que le début. En Grèce, les retraites existantes sont déjà amputées. La logique de ce système est de nous faire travailler jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Mais les pensions ne sont pas le seul problème et ce n’est pas non plus le seul secteur public qui est concerné. Le chômage monte en flèche : selon les derniers chiffres, il touche 20 % des jeunes. En fait, de plus en plus de jeunes travaillent pour pratiquement rien alors qu’il devient de plus en plus coûteux d’aller à l’université.

Les plans d’austérité du gouvernement prévoient des réductions dans toutes sortes de prestations sociales, et les salaires sont également l’objet d’attaques. Par exemple, les électriciens sont en lutte contre les nouveaux contrats de l’industrie du bâtiment impliquant une réduction de 30 % de leur rémunération.

Tout cela est le produit d’une crise économique qui n’a pas simplement commencé en 2007, qui n’a pas été provoquée par des banquiers cupides ou par des Grecs paresseux. C’est le point culminant d’une crise historique mondiale du système capitaliste ! La dépression d’aujourd’hui qui va en s’approfondissant est le retour de la même crise sous-jacente qui a éclaté dans les années 1930. Et les dirigeants de ce monde n’ont aucune solution à y apporter. S’ils prennent parti pour la “croissance”, celle-ci les plonge plus profondément dans l’endettement et l’inflation. S’ils prennent parti pour “l’austérité”, ils réduisent encore plus la demande, puisque la crise est déjà le résultat de l’engorgement des marchés.

Comment se battre ?

La question qui se pose partout aux travailleurs, étudiants, retraités, et chômeurs n’est pas de savoir si nous devons résister. Si nous nous contentons d’accepter passivement ces attaques aujourd’hui, les patrons et l’Etat nous attaqueront encore plus brutalement demain. La question est de savoir comment riposter. Cette année, nous avons déjà eu deux grosses journées officielles d’action, le 26 mars et le 30 juin, mais ont-elles vraiment fait peur à nos dirigeants ? Le gouvernement a même suggéré que nous devrions faire une belle grève générale de 15 minutes, mais est-ce qu’un arrêt de travail de 24 heures, organisée du début à la fin par les appareils syndicaux, est un peu plus efficace ? En fait, ces gestes symboliques ont essentiellement pour effet de saper nos énergies et de nous faire sentir que nous avons perdu notre temps.

L’expérience de l’histoire a montré que la classe dirigeante ne commence à être sur ses gardes que lorsque la classe exploitée commence à prendre les choses en mains et à unir ses forces. Et l’expérience de cette dernière année a confirmé qu’il y a effectivement d’autres façons de se battre que de marcher du point A au point B, d’écouter les discours de quelques leaders connus, et de rentrer ensuite chez soi.

Partout dans le monde, du Caire à Barcelone, de New York à Londres, l’occupation et la défense des espaces publics, et l’organisation d’assemblées générales, ont montré la possibilité de moyens de lutte plus massifs et auto-organisés.

Au Royaume-Uni, les électriciens ont initié de nouvelles formes d’actions non-officielles, utilisant les manifestations pour appeler les autres travailleurs à rejoindre leurs grèves et tenant des discussions dans la rue ouvertes à tous. Ces mouvements soulignent la nécessité d’assemblées générales sur les lieux de travail, qui nous unissent par delà les divisions syndicales.

Le 30 novembre fournit une occasion pour les ouvriers qui viennent de nombreux secteurs différents de se rencontrer, de discuter et même de mettre en pratique les meilleures méthodes pour résister à l’offensive des patrons et de l’Etat . Mais nous avons besoin de rendre le débat aussi ouvert que possible, ce qui signifie qu’il faut rejeter les rassemblements passifs et, à leur place, organiser toutes sortes de réunions publiques où chacun peut s’exprimer. Et on ne peut pas tout concentrer sur une seule journée. Nous sommes confrontés à une période de crise prolongée, et donc à des assauts de plus en plus violents de nos conditions de vie et de travail. C’est pourquoi de nombreux travailleurs sont déjà sceptiques sur ce qui peut être obtenu le 30 novembre. Beaucoup d’autres, qui sont confrontés à des factures de plus en plus lourdes ou à la menace de licenciement, s’interrogent sur l’utilité des grèves et des occupations. Il est assez difficile de savoir comment résister quand votre entreprise est sur le point de couler. Le problème est multiplié des centaines de fois quand c’est l’ensemble des économies nationales qui semblent sombrer. Mais cela souligne que, non seulement nous devons trouver de meilleures façons de nous battre, mais que nous avons aussi besoin de développer une perspective à long terme. Le système capitaliste est à bout de souffle et ne peut nous offrir que la dépression, la guerre et le désastre écologique. Mais la classe ouvrière peut utiliser ses luttes pour devenir une véritable puissance sociale, pour développer sa compréhension politique du système actuel, et créer un avenir différent : une communauté mondiale où toute la production sera organisée pour les besoins humains et non pour les lois inhumaines du marché.

CCI (25 novembre)

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