L'équipe de France au Mondial : du pain et des jeux ? surtout du cirque !

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Les Romains avaient la recette idéale pour s’assurer de la tranquillité du peuple : du pain et des jeux. En ces temps de crise, le pain venant à manquer, la bourgeoisie française comptait bien sur “les bleus”, son équipe nationale de football, pour offrir un peu de rêve à l’occasion du championnat de monde, aux ouvriers terrassés par les attaques déjà menées et celles encore plus dures à venir. Sarkozy l’avait d’ailleurs déclaré sans ambages le 28 mai dernier : “Nous pensons en France que le sport est une réponse à la crise. (L’organisation en France de l’Euro de football 2016) est une décision stratégique qui engage tout le pays face à la crise.”

Les grands événements sportifs sont en effet toujours l’occasion d’occuper les esprits, de les faire s’évader. L’avantage est qu’on ne le fait pas avec n’importe quoi : le sport est un moyen très efficace d’exiger et d’obtenir le soutien inconditionnel que tout bon citoyen doit à son équipe, qui porte fièrement les couleurs de la nation et entonne, avant chaque rencontre, l’hymne national la main sur le cœur. La bourgeoisie attend de son “peuple” que chaque victoire soit fêtée le drapeau tricolore à la main. Tout est fait pour que le déchaînement nationaliste soit à son comble : les vitrine se parent de drapeaux, les menus des restaurants s’ancrent dans la tradition “franchouillarde”, le mot “France” est écrit sur tous les supports possibles, même les enfants sont rendus le soir à leurs parents le visage maquillé en bleu-blanc-rouge ! Malheur à celui qui n’apprécie pas la chose : c’est un traître ! Malheur à celui qui n’exprime pas pleinement son soutien à son équipe : il aura sa part de responsabilité dans la défaite !

Moins il y a de pain, plus il faut de jeux. C’est le principe des vases communicants. Pas de chance pour la bourgeoisie cette fois-ci, le miracle de 1998 ne s’est pas reproduit. Le parcours calamiteux de l’équipe de France a bien dû rendre la classe dominante à l’évidence : des jeux hérités de Rome, il ne reste bien guère que le cirque. Et quel cirque ! Un sélectionneur couvert de tous les défauts, des joueurs critiqués pour leur train de vie par un membre du gouvernement, une prestation sportive médiocre, des insultes d’un joueur à son patron, son exclusion et pour finir : la grève !

Le gouvernement n’a même pas pu faire autrement que de se mêler du désastre : Rama Yade a attisé le feu avant la compétition, sa supérieure Roselyne Bachelot a pris le relais pendant le championnat et a tancé l’équipe au nom de leur “devoir national”, jusqu’à faire pleurer en direct à la télévision ces pauvres footballeurs désespérés d’avoir à ce point terni l’image internationale de la France. En faisant cela, elles ont tenté, avec bien évidemment toute la maladresse et l’incompétence qui les caractérisent, de faire la séparation entre une équipe irresponsable et un gouvernement détenteur et défenseur des valeurs de droiture, de respect de la hiérarchie et du sens des responsabilités.

Mais finalement ce grand-guignol n’est pas si éloigné de celui qui agite la classe politique ; il en est même l’exact reflet ! Pendant que les représentants de la France en short désespéraient jusqu’à leurs plus fidèles supporters, leurs homologues en costume et tailleur se débattaient, et se débattent toujours, dans les affaires les plus glauques. Entre la débandade des “bleus” et les affaires du gouvernement (par exemple, pour ne citer que les dernières en date, Christian Blanc, secrétaire d’Etat au “grand Paris” qui aurait acheté et fumé pour 12 000 euros de cigares sur les fonds publics, ou encore Eric Woerth, ministre du travail, qui aurait dissimulé l’évasion fiscale de Liliane Bettencourt, plus grande fortune de France, pour les intérêts de qui travaille sa femme, et même Nicolas Sarkozy lui-même, intervenant dans une affaire purement privée en traitant un candidat à la reprise du quotidien le Monde d’“homme du peep-show”), il est légitime de se demander ce qui est le plus grave et le plus emblématique de l’état de décomposition dans lequel le capitalisme entraîne la société.

Les frasques de l’équipe de France prêtent plutôt à sourire car au-delà des intérêts financiers en jeu, leur élimination du Mondial ne changera rien au vrai quotidien des ouvriers. En revanche, les tristes pitreries du gouvernement ne font rire personne : elles sont la marque d’un système totalement délabré qui confie ses commandes à une clique irresponsable, tout juste bonne à cogner à bras raccourcis sur les prolétaires.

Finalement que ce soit dans l’univers footballistique ou dans l’univers politique, on retrouve la même déliquescence, la même absence d’orientation, la même irresponsabilité. Même l’insulte est identiquement de mise, à ceci près que dans la sphère politique, elle est réservée au “sélectionneur” !

GD (28 juin)

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