Les syndicats, meilleurs défenseurs de l'ordre capitaliste

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Commeaux Etats-Unis, dans le reste de l’Europe et partout dans le monde,les prolétaires en France subissent de plein fouet les ravages dudéchaînement de la crise et sont les premières victimes duplongeon dans la récession de “l’économie réelle”. 

Derrièrel’accélération de la crise, les attaques anti-ouvrières 

Ladéferlante a déjà commencé : ralentissement de la productiondans tous les secteurs, avalanche de faillites dans les PME,fermetures d’usines dans tous les secteurs et chez tous les grandsgroupes, pas un jour ne se passe sans l’annonce de nouveaux plansde licenciements. Le secteur du bâtiment accuse en priorité le coupde la crise : avec plus de suppressions d’emplois en 4 moisqu’en 4 ans, déjà des charrettes de licenciements sont annoncéeschez deux des plus importants promoteurs, Nexity et Kaufman&Broad,tandis que 180 000 salariés sont menacés de chômage dans lesecteur du bâtiment et des travaux publics en raison de la baisse dela construction de logements neufs : en 2008, les mises enchantier pourraient être inférieures de 90 000 à celles de 2007.En Ile-de-France, les investissements immobiliers ont chuté de 64  %au cours des 9 premiers mois par rapport à la même période en2007. Les banques et les assurances sont évidemment également enpremière ligne avec des dizaines de milliers de suppressionsd’emplois en perspective. Mais cela ne s’arrête pas là. C’estmaintenant le secteur de l’automobile qui se trouve au cœur de latourmente : tous les constructeurs ont annoncé une baisse de 20à 30  % de leur production, Renault, PSA Citroën, Ford ontannoncé la mise au chômage technique de leurs salariés pourplusieurs semaines, voire plusieurs mois (alors que leur salairen’est plus versé qu’à 70  %) et certaines usines comme Fordà Blanquefort en Gironde pourraient ne jamais réouvrir. Toutes lesentreprises sous-traitantes sont menacées de délocalisation commel’équipementier Tyco Electronics à Pontoise. Et tous les nombreuxintérimaires utilisés dans la métallurgie sont mis à la porte dujour au lendemain. 9000 suppressions d’emploi ont été d’ores etdéjà annoncées en France d’ici la fin de l’année dans lesecteur automobile. Le même marasme frappe ce qui reste de lasidérurgie dans toute l’Europe : à Dunkerque, Arcelor vientd’annoncer la fermeture provisoire de ses hauts-fourneaux.Saint-Gobain a annoncé l’été dernier la suppression de 4000emplois en 2008 dans le monde, Hewlett Packard 6000. Dim ferme sadernière usine en France, à Autun, pour concentrer sa production enRoumanie. Yahoo se prépare à supprimer 1300 emplois (10  % deses effectifs). L’agence de voyage Wasteels vient d’êtredéclarée en cessation de paiement. La CAMIF vient de déposer sonbilan, laissant un millier de salariés sur le carreau, 672suppressions d’emplois (avec fermeture de 81 magasins) sont prévuesà la Redoute, et d’autres sociétés de ventes par correspondancedevraient suivre. Les prochains chiffres du chômage devraientpulvériser l’annonce des 41 300 chômeurs supplémentaires dumois d’août. Et ce n’est qu’un début !

Parallèlement,l’Etat poursuit et intensifie ses attaques tous azimuts dans lesecteur public : de la réforme de l’Education nationale parle ministre Darcos à celle du secteur hospitalier par RoselyneBachelot en passant par la loi sur la mobilité des fonctionnaires duministre Woerth, la privatisation de la Poste ou la réforme destribunaux par Rachida Dati, les coups et les suppressions d’emploispleuvent. 

Lesale boulot des syndicats 

Danscette situation, la bourgeoisie mise sur ses auxiliaires les plusprécieux, les syndicats, pour étouffer et stériliser le ras-le-bolet la colère croissante des salariés. Ils se partagent le travailpour diviser et saboter toute velléité de mobilisation massive :tous les syndicats déploient de plus belle une stratégied’éparpillement des luttes pour pousser les ouvriers vers desimpasses et finalement dans la démoralisation la plus totale.

Cettestratégie de dispersion se traduit par une multiplication demobilisations syndicales isolées les unes des autres par entreprise,par branches, par secteur.

Le2 octobre : l’intersyndicale de la branche hospitalière aappelé à une manifestation rassemblant 300 travailleurs deshôpitaux parisiens (sans appel à la grève) devant le siège del’AP-HP face au projet de loi pour résorber les déficit deshôpitaux publics et a réitéré une action du même style le 24octobre.

Le7 octobre : l’initiative d’une journée d’actioninterprofessionnelle lancée par la CGT est très vite transforméeen une mobilisation pour une vague “journée d’action syndicalemondiale pour le travail décent” appelée par la CSI à laquellese sont associées CFDT, CFE-CGC, FSU, Solidaires et UNSA, et lemouvement est peu suivi. FO, qui ne s’était pas associée à cettejournée, a continué à jouer cavalier seul en regroupant 6000personnes à Paris le 23 octobre dans une grève nationale desfonctionnaires.

Unegrève de 55 minutes contre la dégradation des conditions de travaila été simultanément organisée les 9, 10 et 13 octobre dans lesCaisses d’allocations familiales sur 3 sites différents dans leseul département du Val-de-Marne.

Lessalariés du Centre national de la météo à Toulouse se sont mis engrève le 13 octobre contre un plan qui prévoit 131 suppressions depostes en 3 ans et à plus long terme prévoit la fermeture de 70sites sur 115 en 2017, 500 suppressions d’emplois et la mutation dupersonnel lors de la fermeture progressive des différents sites.Dans le nuit du 14 au 15 octobre, les CRS investissaient les locaux àla demande de la direction pour favoriser l’entrée des personnesappelées “les notifiées”, c’est-à-dire les équipesd’astreinte assurant le service minimum de la météo, etchargeaient les grévistes, faisant 3 blessés.

Le16, dans une AG rassemblant de 300 à 400 personnes, à l’ambiancetendue après la violence des CRS, l’intersyndicale polarisait ladiscussion sur la question d’un blocage total ou partiel du site.Elle poussait d’autant plus les salariés dans un sentimentd’impuissance que d’un côté de la grille se tenaient unecinquantaine de personnes qui formaient le piquet de grève et del’autre côté, à l’extérieur, la majorité des participants del’AG, grévistes et non grévistes, attendaient le résultat desnégociations de la direction et de l’intersyndicale tandis qu’à500 mètres du site, 6 fourgons de CRS se tenaient prêts àintervenir, prenant les ouvriers dans la nasse de l’isolement etd’un lent pourrissement de la lutte.

Ceclimat d’isolement et de démoralisation répandu par le contrôlecadenassé des luttes favorise le développement d’actes désespéréscomme celui mis en avant le mois dernier par des ouvriers de lafonderie Helvicast aux Ponts-de-Cé près d’Angers, sous-traitantede PSA. Après plusieurs plans de licenciements au cours de cesdernières années (6 rachats de l’entreprise en 10 ans !) et unenouvelle annonce de licenciements concernant 18 d’entre eux,et après 12 jours de grève, une cinquantaine de salariésretranchés dans l’usine, exaspérés et “déterminés à allerjusqu’au bout” ont mis le feu à leur usine le 23 septembredernier, tout en menaçant de la faire sauter en entassant devantcelle-ci une pyramide de pièces en aluminium dont la base étaitfaite de bouteilles de gaz et de bidons d’essence. L’incendie apu toutefois être maîtrisé sans se propager à d’autres produitsinflammables ni faire de victimes corporelles. Après cette actiond’éclat tout aussi dangereuse que stérile, la reprise du travaila été votée et le black-out est retombé sur le sort de cesouvriers.

Malgrécela, le ras-le-bol et la combativité s’affirment partout.

L’appelà la grève dans les écoles primaires parisiennes a ainsi étélargement suivi (à 35  %, selon le rectorat) le jeudi 16octobre.

Lemême jour, les retraités ont défilé nombreux à Paris pourexprimer leur colère et réclamer une revalorisation de leurspensions.

Le17 octobre, une grève et un rassemblement ont regroupé un millierde salariés devant les grands magasins parisiens aux GaleriesLafayette (GL) contre l’allongement des horaires de travail et lafermeture à 21 heures au lieu de 20 heures entre le 8 octobre au 23décembre, la multiplication des nocturnes jusqu’à 22 heures et unprojet de travail le dimanche et au Printemps voisin où des mesuressimilaires sont imposées. Au Printemps, les syndicats avaient tentéde limiter la protestation à défiler dans les rayons du magasin etnon à l’extérieur pour mieux les isoler. Et s’ils ont reconduitla grève le 22 octobre, c’était cette fois à des heuresdifférentes, à 10 heures devant le Printemps et à 12 heuresdevant les GL.

Lessyndicats, CGT en tête, multiplient les actions, tantôt baladantles ouvriers dans des zones d’activités industrielles excentréescomme à Sandouville, tantôt les entraînant dans des actionsspectaculaires sans lendemain. Ainsi, des travailleurs del’automobile de Ford, Renault-Sandouville, de GeneralMotors-Strasbourg, de Renault-Lardy, sont venus défouler leur colèreau salon mondial de l’automobile en 2 vagues le 4 puis 10 octobre.

Le19 octobre, environ 80 000 personnes (enseignants, RASED-Réseauxd’aides spécialisées pour les élèves en difficulté dont 3000postes sont supprimés sur 9000, parents d’élèves, étudiants,lycéens) ont participé à la manifestation nationale à Paris faceaux coupes budgétaires dans l’Education nationale, entraînant lasuppression de 13 500 postes à la rentrée 2009 contre 11 200 en2008 ainsi que la “réforme de l’Education nationale”. Unenouvelle grève syndicale est envisagée le 20 novembre.

Ala Poste, des grèves sporadiques et isolées se poursuiventlocalement après la journée de “mobilisation” du 23 septembre.

Letravail de sape et de division des syndicats est complété par unpartage du travail : le secrétaire national de la CFDT,Chérèque, est venu déclarer sur Canal +, en pleine tempêteboursière, que ce n’était pas le moment de faire grève et qu’ilfallait réaliser “une union nationale” derrière Sarkozy face àla crise, tandis que la CGT multiplie les actions chacun dans soncoin, dans son atelier, son entreprise, son secteur en martelant lediscours suivant : “On lance des appels à la lutte mais onn’est pas suivis, la classe ouvrière ne veut pas se battre”.

Deplus, les syndicats ont entrepris de mener une vaste campagneidéologique qui se trouvait déjà au cœur de la manifestation del’Education nationale du 19 octobre : “Des sous il y en apuisqu’on balance des milliards pour sauver les banques quispéculent alors qu’il n’y a rien pour les salariés et qu’onréduit le budget, notamment pour l’Education nationale”. Enfait, les syndicats tentent de masquer et de nier la réalité et laprofondeur de la crise capitaliste mondiale en cherchant à faireprendre pour argent comptant aux yeux des prolétaires les effetsd’annonce du gouvernement alors que, sur les deux milliards d’eurospromis par l’Etat, la plupart sont une simple garantie, censéedissuader les banques d’étaler leurs faiblesses et de créer ainsiun nouveau vent de panique. L’avenir promis aux prolétaires esttout autre : flambée du chômage, nouvelles attaques surl’indemnisation du chômage, sur les pensions de retraite et ce quireste de couverture sociale est menacé partout, nouvelle baisse desindemnités du chômage, pression accrue sur tous les salaires,paupérisation croissante, généralisation de la précarité,pression fiscale accrue sur les ménages, etc.

L’associationEntreprises & Personnel qui regroupe plus de 150 directeursdes ressources humaines et “experts sociaux” vient de publier sonrapport annuel intitulé “La déchirure”, où tout ce beau mondetire la sonnette d’alarme sur la détérioration du “climatsocial”, comme le rapporte le journal financier les Echos du7 octobre 2008 : ils estiment que, dans les prochains mois,“toutes les composantes d’une crise sociale risquent d’êtreprésentes”, notamment “la faible adhésion de l’opinionau pouvoir en place et l’absence d’alternative politiquecrédible, la multiplication des situations personnelles difficiles,la montée de la conflictualité dans les entreprises contraintes àla rigueur et la contestation rampante dans le secteur publicaccompagné d’une crise mondiale qui va dramatiser le climat socialet restreindre les marges d’action du gouvernement”. Ilspréconisent que “l’exécutif doit renouer coûte que coûtela relation de confiance qui commençait à s’établir avec lessyndicats dont la coopération sera décisive en cas de crise ouverteaussi bien pour élaborer des réponses communes que pour canaliserla colère des salariés”. On ne saurait être plus clair.Enfin, ce même rapport signale que l’Etat et les employeursdoivent prendre au sérieux la remontée des conflits sociaux “tantl’exaspération est perceptible chez toutes les catégories desalariés que cette grogne n’entraîneront pas forcément unemultiplication des grèves mais pourront prendre la forme pluspernicieuse d’un désengagement silencieux, voire d’autres formesde grève froide”.

Pourque cette “grève froide” débouche sur un véritable rapport deforce entre les classes, les prolétaires ne peuvent compter que sureux-mêmes et prendre conscience que la défense commune et unitairede leurs intérêts ne passe nullement par les syndicats qui lespousseront toujours dans le piège de l’enfermement et ducloisonnement pour les décourager et les démoraliser. C’est parla solidarité qu’ils sont capables de mettre en œuvre à traversl’extension la plus large de leur lutte, qu’ils peuvent freinerles attaques de la bourgeoisie, comme ils l’ont prouvé notammentdans la lutte contre le CPE au printemps 2006.

W(25 octobre)


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