La petite tambouille bourgeoise et électoraliste de Lutte Ouvrière

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La grande presse nationale1 s’en émeut : Lutte Ouvrière (LO), symbole français du radicalisme révolutionnaire, forteresse vertueuse et intransigeante, défendant la pureté de son programme trotskiste, à l’image de son icône virginale, l’indéfectible Arlette, LO donc, s’apprête à conclure des accords avec le PCF et le PS, et l’a même déjà fait, en vue des prochaines élections municipales. « Une première pour l’organisation trotskiste, jusqu’ici prompte à fustiger la gauche ‘qui trahit’ » énonce Le Monde du 28 novembre. A Aubervilliers ou à La Courneuve, les accords sont pris avec les maires PCF sortants de ces communes de la « banlieue rouge » de Paris. « Ils ont même accepté l’hypothèse d’une fusion de liste avec le PS au second tour » constate le maire de La Courneuve (ibid.). Il en est de même par exemple à Saint-Brieuc où les cadres locaux de LO ont écrit dans le même sens aux édiles du PS avec la bénédiction de la direction nationale.

Lutte Ouvrière ne cache pas ces accords. Au contraire, elle les justifie : d’un côté, il s’agit « de ne pas nuire au PCF là où le PS veut lui prendre la mairie » (ibid.), d’un autre côté, LO, « ne [veut] pas que, dans la situation politique actuelle [ses] listes puissent nuire aux listes de gauche » (LO du 22 novembre) et opte donc de soutenir le PS quand il est menacé par l’UMP. Mais tout cela ne serait, pour l’organisation trotskiste qu’un « fait mineur » (ibid.). Car : « L’élection de Sarkozy et son offensive générale contre les travailleurs ont changé la donne » cherche à expliquer Georges Kaldy de la direction de LO (ibid.). En réalité, tout cela n’est que du baratin : quelle que soit la “donne”, LO a toujours su servir de « roue de secours » à la gauche.

Ainsi, LO n’a pas tort sur un point. En effet, n’en déplaise aux journaleux toujours à l’affût d’un scoop, ce n’est effectivement vraiment pas la première fois que LO va draguer le PCF et le PS à l’approche d’élections. Passons sur les désormais classiques appels à voter Mitterrand en 1974 et en 1981 et le plus récent vibrant soutien d’Arlette à Ségolène Royal, et penchons nous plutôt sur d’autres faits moins connus : en 1988, LO propose une alliance au PCF pour les élections législatives (qui avait encore à l’époque de beaux restes !) ; en 1995 LO et le PCF font liste commune dans trois villes aux municipales, parmi lesquelles Sochaux, bastion ouvrier de l’est. En 2004, LO se réjouit de la victoire de la gauche aux élections régionales en clamant bien fort : « beaucoup se sont dit que la droite est pire que la gauche. C’est vrai ! » (LO du 26 mars 2004).

Certes, tout cela peut paraître contradictoire avec ce que peut proclamer parfois LO à propos de la gauche, comme « la complète intégration de la social-démocratie au pouvoir d’État de la bourgeoisie » ou l’affirmation selon laquelle « le stalinisme a déformé et vidé de sens la plupart des objectifs du mouvement ouvrier » (Lutte de Classe n°101, décembre 2006-janvier 2007). De même, que croire quand cette organisation raconte que « ni LO ni la LCR ne sont des partis électoralistes, même s’ils se présentent aux élections. Car ils ne cherchent aucune place dans l’appareil d’État, qui ne peut être qu’au service de la bourgeoisie » (LO du 26 mars 2004) alors qu’elle déclare par ailleurs avec le même aplomb : « Gérer une municipalité ne nous gène pas » (Le Monde du 28 novembre) ?

Comment se fier à ce que prétend LO ? C’est justement sur le jeu des apparences et du double langage que LO fonde sa précieuse participation à la mystification électorale en apportant sa caution radicale au reste de la bourgeoisie. Et ce, à chaque élection, sans - jamais trahir.

G (29 novembre)

 

1 1 Le Parisien, Libération et Le Monde notamment.

 

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