Séismes au Pérou : le capitalisme tire profit des destructions

Afficher une version adaptée à l'édition sur imprimante

Cette prise de position sur le dernier tremblement de terre au Pérou nous a été envoyée par un contact de ce pays. Elle respire l’indignation face aux conséquences qui en résultent pour les ouvriers et, de façon générale, pour les miséreux alors que, en ce qui la concerne, la bourgeoisie étale son hypocrisie et sa cupidité. Nous partageons bien sûr la vision que le capitalisme est responsable de ces conséquences et que seule sa destruction pourra permettre d’instaurer et de développer des conditions de vie vraiment humaines.

"C’est une épreuve de plus que Dieu, dans l’au-delà, nous envoie” (Alan Garcia Perez, Président du Pérou)

Il est parfaitement évident que la bourgeoisie tire profit de cette “épreuve divine”. Ces derniers mois, la bourgeoisie locale a dû s’affronter à la combativité de millions de prolétaires mobilisés pour leurs revendications, une combativité qui a favorisé, surtout au sein du prolétariat des mines, le développement d’un haut niveau de solidarité prolétarienne. […]

La manœuvre de Alan Garcia contre la bourgeoisie chilienne 1 avait fait long feu et n’avait eu de résultats que dans la presse aux ordres et dans la bouche des intellectuels à la solde de l’État. Alors qu’une nouvelle vague de luttes menaçait d’exploser sur divers fronts, le 15 août à 18 h 40, la terre a tremblé avec une puissance de 7,5 sur l’échelle de Richter à près de 60 kilomètres de Pisco, qui se trouve à près de deux heures de Lima. Des centaines de milliers d’habitants ont tout perdu en 70 secondes, en particulier à Pisco, Chincha et Ica. Ces villes ont été complètement détruites. A Lima, la capitale, l’onde de choc a causé des dommages importants. L’essentiel des dommages se situait par conséquent au nord de Lima et dans tout le département d’Ica et ceux limitrophes à celui-ci.

L’appareil de l’Etat paraissait en plein désarroi ; il n’a pas réagi durant des heures. Négligeant sa fameuse élégance, le président Garcia posait dans son bureau en manches de chemises, aux côtés de ses acolytes qui allaient envoyés pour évaluer l’ampleur du désastre. Personne ne pouvait y arriver par voie de terre, la route panaméricaine étant impraticable à plusieurs endroits, mais quelques journalistes parvinrent à atteindre Chincha, Pisco et Ica, les principales villes dévastées, et ils commencèrent immédiatement à envoyer leurs reportages. A Ica, l’église du Seigneur de Luren s’était effondrée, écrasant des dizaines de fidèles sous les décombres. A Tambo de Mora (le port de Chincha), les murs de la prison se sont effondrés et 600 prisonniers ont pu s’échapper. Le jeudi matin, on comptait déjà 500 morts et plus de mille blessés.

Ce même jour, le président Alan Garcia fit son apparition, accompagné par le premier ministre Jorge del Castillo, le ministre des armées Alan Wagner et le président du Congrès Gonzales Posada. Pendant la campagne électorale, ce dernier s’était engagé à reconstruire l’aéroport de Ica, promesse qu’il n’avait bien sûr pas tenue ; aujourd’hui, les secours ne peuvent toujours pas atteindre cette ville... inaccessible sinon par la voie des airs.

Les premiers signes de colère se sont exprimés dans la population. Quelques exemples de manifestations de mécontentement ont pu filtrer malgré le chaos des informations et la mainmise des médias sur celles-ci, qui montrent la véritable et profonde raison à l’origine du désastre : la misère. Dans les endroits où les villes ont été dévastées, la population construisait ses habitations en torchis et bien sûr sans la moindre précaution antisismique. Par ailleurs, beaucoup de maisons étaient très vieilles et ne purent résister au séisme.

Voici un exemple illustratif : à Pisco, une ville qui possède un port proche et une station balnéaire pour millionnaires, Paracas, la portée de la catastrophe fut très inégale. Les constructions en dur et les villas de plage des riches résistèrent au séisme, alors que toute la ville de Pisco et le port furent totalement détruits. La nature ne fait pas de différences ni n’accorde de privilèges, c’est la division de la société en classes qui les perpétue. C’est cette perpétuation qui a provoqué la catastrophe actuelle dont l’ampleur ne cesse d’augmenter. C’est la misère provoquée par la société capitaliste qui a provoqué autant de destructions, car les pauvres ne pourront jamais vivre dans des maisons solides, construites avec du matériel de bonne qualité et suivant des plans tenant en compte les exigences des zones sismiques. Mais l’ignominie du capitalisme n’en reste pas là, la bourgeoisie se frotte les mains en pensant déjà aux bénéfices qu’elle pourra tirer de la reconstruction du pays.

L’armée, qui compte dans ses rangs des centaines d’ingénieurs experts en construction et possède le matériel lourd nécessaire, reste pour l’heure dans ses casernes car la spéculation financière sur la construction a déjà commencé. Les diverses fractions de la bourgeoisie se disputent en ce moment les prochains marchés. L’exemple le plus significatif a été donné par l’alliance entre la journaliste Cecilia Valenzuela et la compagnie d’assurances La Positiva qui souhaite reconstruire la région.

Les billets d’avion pour cette zone ont déjà augmenté de 400 %, et Alan Garcia s’est contenté de protester à la télévision, car tout doit s’incliner devant les règles du libre-marché. La Banque de Crédit, avec à sa tête Dioniso Romero, a ouvert un compte pour capter les fonds d’aide à la région, un nouveau revenu pour une banque qui veut montrer qu’elle est la plus performante du pays, qu’elle a le sens des affaires inscrit dans ses gènes. La Coopération espagnole a aussi fait son apparition, de même que Pompiers sans Frontières, tout l’appareil d’aide sociale commence à montrer le bout de son nez alors que le gouvernement central, les gouvernements régionaux et locaux laissent la reconstruction aux mains des entreprises privées. Mais les prolétaires savent déjà que l’Etat, sous le capitalisme, ne peut être que l’Etat des capitalistes.

L’ONU a déjà envoyé un million de dollars et la Banque interaméricaine de développement (BID), qui avait prêté 80 millions à la corporation Wong avec l’aval du Fujimori, n’a envoyé pour sa part que 200 000 dollars. Caritas n’est pas en reste et a aussi mais tardivement ouvert son compte. Les affaires ne doivent bien sûr pas s’interrompre, c’est la leçon essentielle que les bourgeoisies locales ont tirée de la tragédie.

Celle que nous devons tirer pour notre part est que même si la force colossale de la nature peut causer de grands malheurs, la véritable puissance destructive se trouve dans les rapports sociaux auxquels sont soumis des millions d’êtres humains sur la terre. Ces rapports les condamnent à vivre misérablement, dans les pires conditions de logement. Ce n’est que leur disparition, la disparition des rapports sociaux bourgeois, la disparition du capitalisme au niveau mondial qui pourra permettre des conditions de vie décentes et humaines à toute la population de la planète, c’est la seule issue pour la survie que nous ayons dans le futur.

H
(17 août 2007)

1 L’Etat péruvien avait publié une carte affichant ses prétentions sur les eaux territoriales. La bourgeoisie chilienne avait saisi la balle au bond et envoyé immédiatement son armée effectuer des manœuvres au nord du Chili, dans la zone frontière avec le Pérou. On constate une fois de plus que les revendications nationalistes des Etats ne sont que des manœuvres pour prolonger et renforcer leur pouvoir au prix de millions de travailleurs qui pourraient être envoyés se battre contre leurs frères de classe d’un autre pays. L’ennemi des travailleurs péruviens, c’est la bourgeoisie péruvienne, comme la bourgeoisie chilienne est l’ennemie du prolétariat chilien.


Géographique: