Réchauffement climatique : il faut détruire le capitalisme avant qu'il ne détruise la planète (réunion publique à Bruxelles)

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Après tout le battage autour du film documentaire d'Al Gore Une vérité qui dérange, après les sommets du GIEC de Paris à Bangkok, tous les grands de ce monde déclarent haut et fort leur volonté d'agir pour protéger l'environnement et assurer l'avenir des générations futures. Cependant, malgré les précédentes déclarations enflammées du sommet de la Terre à Rio (1992) ou les résolutions du Protocole de Kyoto (1998), c'est à vue d'œil qu'augmente la pollution et que les menaces liées à un dérèglement climatique s'amplifient.

Dans l'enchevêtrement de ces déclarations et campagnes mystificatrices, les causes réelles de ce phénomène dramatique sont habilement cachées et les questions sur les solutions possibles demeurent inlassablement sans réponse .

Pour stimuler le processus de réflexion sur les dangers et les racines du réchauffement climatique, le CCI a organisé différentes réunions publiques. Ce fut entre autres le cas à Bruxelles, le 17 mars dernier. Nous publions ci-dessous l'exposé introductif de cette réunion, ainsi que les grandes lignes du débat qui l'ont suivi.

L'exposé

C'est maintenant officiel: le rapport de l'ONU sur le climat nous dit qu'en ce moment des changements climatiques menaçants sont à l'œuvre et seront encore plus sensibles à l'avenir. La chose est certaine et nous pouvons nous attendre aux plus graves scénarios-catastrophes : disparition d'écosystèmes entiers, sécheresse et vagues de chaleur mortelles, tempêtes toujours plus fréquentes et intenses, apparition d'une migration d'un nouveau genre, les « réfugiés climatiques », etc.

Ces changements climatiques sont-ils dus à "l'Homme", à "l'humanité", comme nous le suggère le rapport de l'ONU ? Le journal De Morgen titre : "C'est presque certain : c'est notre faute", en se référant au rapport des Nations Unies où il est dit que "l'Homme" est presque certainement responsable du réchauffement de la terre à cause de l'utilisation des combustibles fossiles. "L'humanité" ? Un monstre d'égoïsme, incapable de penser aux générations suivantes ? Non, la cause du phénomène n'est pas "l'Homme" ou "l'humanité".

Alors, la cause des changements climatiques est-elle l'individu ? Nous utiliserions trop d'énergie, trop d'eau, nous roulerions trop en voiture. C'est ce que nous racontent toujours les médias. Serait-ce à chaque individu d'adapter son comportement de consommateur ou sa consommation d'énergie ? Mais dans la société actuelle, on ne peut choisir qu'entre une voiture polluante et une moins polluante, entre un moyen de chauffage polluant mais meilleur marché et des panneaux solaires, plus chers. Pourquoi travaillons-nous la nuit, à la lumière artificielle, au lieu de travailler de jour, à la lumière du soleil ? Non, la faute n'incombe pas plus aux individus.

La source du phénomène est-elle l'industrie ? En elle-même, l'industrie n'est pas quelque chose de mauvais. En effet, pour la première fois dans l'histoire, le développement des forces productives offre la possibilité de produire suffisamment pour tous. Grâce à l'industrie, les besoins de base de tous les hommes peuvent potentiellement être satisfaits.

La responsabilité des changements climatiques incombe à la société capitaliste, au système de production capitaliste. La véritable origine des changements climatiques n'est effectivement pas dans la "nature destructrice de l'homme", ou dans les "comportements consciemment ou inconsciemment polluants de l'individu", ou enfin dans l'appareil de production en tant que tel, mais dans la manière dont l'industrie, la science et la technique sont aujourd'hui utilisées et développées, donc dans le système de production actuel. Car si les techniques actuelles et les connaissances scientifiques nous permettent de limiter, voire d'éviter la catastrophe écologique, alors pourquoi la société capitaliste ne nous offre-t-elle pas cette possibilité ?

Pouvons-nous résoudre le problème du changement climatique au sein de la présente société capitaliste, des structures économiques, politiques et sociales actuelles ? L'Etat, ou une association d'Etats peuvent-ils résoudre le problème ? C'est la question suivante qu'il faut se poser. Est-ce que le capitalisme peut sauver l'humanité, par exemple au travers de ses structures politiques, de son Etat ? On peut légitimement en douter. Vera Dua, présidente de Groen!, écrivait en mars 2007 sur le site de ce groupe: "On émet à peine moins de CO2 qu'au début des années 1990. Alors qu'il est maintenant clair que dans la période d'après Kyoto, des efforts encore beaucoup plus importants devront être faits". C'est donc très clair : même la bourgeoisie concède que son protocole "révolutionnaire" de Kyoto n'apporte rien. Et que signifient concrètement ces "efforts beaucoup plus importants" ? Payer plus cher les sacs-poubelles, l'électricité et l'eau ? Céder une part du salaire de chacun "pour l'environnement" ? Les Etats du monde entier peuvent-ils s'unir par-dessus les frontières et former un bloc pour prévenir cette catastrophe ? Si les pourparlers entre Etats produisent des résultats au même rythme qu'au récent sommet européen sur le climat, c'est mal parti.

Au sens large, ce problème écologique en revient à poser la question de savoir si le capitalisme peut satisfaire les besoins humains, et donc aussi s'il est capable d'assurer à chacun un environnement sain. Si ce système d'exploitation existait pour satisfaire les besoins humains, on n'aurait pas en même temps une surproduction de nourriture et des famines, on utiliserait depuis longtemps des moyens de transport non polluants, et on développerait la science dans d'autres directions que la production d'armes.

La dernière question, peut-être la plus importante à laquelle il faudrait répondre, est : quelle alternative à la société capitaliste, qui semble être à l'origine de cette misère écologique ? Le débat est ouvert.

La discussion

Rapidement, la discussion a tourné autour de la question "Quelles sont alors les causes? La nature humaine ? L'individu ? Le capitalisme ?". Le deuxième rapport du GIEC désigne l'homme et l'individu consommateur comme un pollueur: "chacun participe à la problématique (voiture, sacs plastique, chauffage...)", c'est comme ça qu'il pose le problème. Mais tout est individualisé, bâti selon les règles de la concurrence mortelle, et n'a donc pas de solution individuelle, ont répondu les participants. Ce rapport n'apporte qu'un sentiment de culpabilité.

Différents intervenants ont essayé de montrer qu'effectivement, l'homme modifie son environnement, la nature, et que les modifications climatiques ne sont pas seulement un phénomène naturel, mais sont de plus en plus provoquées par l'activité humaine. Lorsque le système capitaliste est entré en décadence au début du vingtième siècle, les ravages sur le milieu naturel ont pris une autre dimension. Ils deviennent impitoyables, comme est impitoyable la lutte que se livrent entre eux les rats capitalistes pour se maintenir sur le marché mondial. Réduire les coûts de production au minimum pour être aussi concurrentiel que possible devient une règle incontournable pour survivre. Dans ce contexte, les mesures visant à endiguer la pollution industrielle deviennent naturellement un surcoût inacceptable. Le capitalisme ne s'est jamais beaucoup préoccupé du bien-être de la planète ou de l'humanité, mais avec sa faillite historique, c'est devenu beaucoup plus grave et le processus s'accélère. L'accumulation de capital est le but premier de la production capitaliste, et le sort imposé à l'humanité ou à l'environnement n'a aucune importance... : tant que ça rapporte, c'est bon. Le reste est finalement quantité négligeable, un détail sans importance.

Les campagnes idéologiques qui sont menées actuellement à grand bruit cherchent à empêcher la prise de conscience du fait que la logique capitaliste est l'unique responsable de ce réchauffement climatique. Plus fort, le problème est exploité pour exiger des sacrifices, non de la part de la bourgeoisie, mais de celle de la classe ouvrière. Sous différentes formes, des mesures d'austérité et des impôts "pour l'environnement" sont mis en œuvre par des moyens détournés (journée pull-overs, dimanches sans voiture, journée du vélo, taxe sur les vieilles voitures, sur les sacs plastique, sur le chauffage...). Mais ce n'est pas tout. La problématique est également utilisée dans la bataille concurrentielle avec d'autres pays. Ainsi, on essaye d'imposer des normes écologiques à la Chine pour protéger ses propres marchés.

La participation active au débat de la majorité des participants a fait qu'il ne restait plus de temps pour une discussion approfondie sur les alternatives et les solutions durables. Différents participants ont tout de même montré par de nombreux exemples que, déjà avec le niveau actuel de la science et de la technologie, beaucoup de choses sont possibles avec des conséquences beaucoup moins nuisibles. C'est ainsi entre autres qu'on a parlé de projets spectaculaires mis en oeuvre dans différentes parties du monde par un bureau d'architectes de New York. Mais la discussion a rapidement montré qu'aujourd'hui, de telles expériences ne voient le jour qu'à la condition de mener à un profit suffisant. Dans un certain nombre de cas, ces projets ne servent qu'à donner une image de "bonne volonté" pour pallier la mauvaise réputation d'entreprises polluantes (par exemple, Shell, Nike, Monsanto...). Mais cette discussion a révélé qu'implicitement, sur le plan scientifique et technologique, les jalons d'une autre manière de produire et de vivre sont présents. Les intervenants étaient d'accord que la seule entrave à la réalisation de cette alternative était celle du capitalisme et des lois du marché, pas les limites de la technologie ou de la science.

La plupart étaient d'accord sur la nature et la gravité des problèmes, et aussi avec l'analyse globale développée par le CCI. Et surtout, tous étaient d'accord que la création d'une société centrée sur l'homme et son avenir est devenue un besoin urgent.

D'après Internationalisme n°331, publication du CCI en Belgique

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