Attaques contre la sécurité sociale - La riposte est dans la rue, pas dans les urnes !

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Aujourd'hui, un an après la "réforme" sur les retraites, le prolétariat en France est confronté à une nouvelle attaque violente et frontale de sa bourgeoisie : la remise en cause de la Sécurité sociale et des dépenses de santé.

Une nouvelle attaque généralisée du capitalisme
contre la classe ouvrière

Celle-ci va toucher tous les ouvriers et se traduire par une aggravation considérable de leurs conditions de vie et une intensification de leur exploitation.
Les mesures déjà annoncées prévoient simultanément :

  • la taxation d'un Euro (qui pourrait être rapidement portée à 2 Euros) par consultation médicale ;
  • la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités imposables dont le taux passera de 6,2 à 6,6 % de leurs revenus ;
  • l'augmentation indirecte de cette même CSG pour tous les salariés, sans modifier son taux de 7,5 % mais en élargissant l'assiette servant de base à son calcul ;
  • l'augmentation du forfait hospitalier ;
  • la prolongation au-delà de 2014 de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) qui continuera ainsi à peser sur les jeunes et les futures générations ouvrières ;
  • une consultation plus chère et un accès plus sélectif et limité à la médecine spécialisée ;
  • la poursuite de la fermeture des structures hospitalières non rentables et de la "réforme" des hôpitaux d'ici 2007 ;
  • l'accélération de la politique de déremboursement des médicaments dont le champ devrait bientôt s'étendre à une majorité de prescriptions ;
  • la transformation de la carte vitale en outil de contrôle et de surveillance informatisé pour prévenir tout "recours abusif" à la médecine ou aux prescriptions médicales de chaque assuré social ;
  • l'annonce d'un flicage renforcé des arrêts de travail préconisant non seulement le remboursement des indemnités journalières par les patients mais exerçant également une pression directe à base de sanctions disciplinaires ou d'amendes pour les médecins afin de les dissuader d'accorder trop ou de trop larges arrêts-maladie.

Concrètement, les maladies non physiquement décelables comme la dépression nerveuse, l'angoisse, le stress, la fatigue qui deviennent de plus en plus le lot commun des ouvriers confrontés quotidiennement à la dégradation de plus en plus insupportable de la vie sociale et à l'intensification de l'exploitation seront systématiquement suspectées de fraude à l'assurance maladie.
Le cumul de ces ponctions allant toutes dans le même sens caractérise l'ampleur de l'accélération de la nouvelle attaque actuelle. Ainsi, plus personne n'est épargné, ce sont d'emblée tous les prolétaires, toutes générations confondues,qui vont subir de plein fouet cette attaque, dans le secteur privé comme dans le secteur public, les retraités comme les actifs, les chômeurs comme les salariés. Après avoir vu leur retraite considérablement amputée et avoir perdu l'espoir de s'assurer une vie décente au cours des dernières années de leur existence, les prolétaires se voient en plus aujourd'hui privés du droit de tomber malade et de se soigner. La classe ouvrière, désormais à peu près taillable et corvéable à merci, est ainsi brutalement ramenée à un niveau de misère, de précarité et d'exploitation comparable à celui qu'elle subissait au 19e siècle, mais cette fois sans pouvoir escompter une amélioration de sa condition tirée des progrès du capitalisme.
Contrairement au battage des médias qui la présentent comme une série de mesures hâtivement ficelées, cette attaque a été cette fois encore dûment planifiée et préparée depuis des mois. La bourgeoisie s'est donnée tous les moyens pour la mener avec le moins de danger possible de s'exposer à une réaction incontrôlable de la classe ouvrière.

Comment la bourgeoisie prépare l'attaque sur la Sécurité sociale ?

Après l'annonce télévisée des principales mesures le 17 mai, entre deux échéances électorales, ce qui est toujours une période où la bourgeoisie a le moins à craindre une mobilisation ouvrière, tout doit aller très vite : dans la foulée, les "partenaires sociaux", essentiellement les syndicats, sont officiellement consultés et reçus ; le 25 mai, le texte du projet de loi est déposé au Conseil d'Etat, à la mi-juin, il passe au conseil des ministres avant d'être débattu et adopté au parlement en juillet, en plein milieu des vacances d'été.
D'emblée, les médias minimisent la portée des mesures annoncées et mettent en avant qu'il ne s'agit que de mesurettes constituées de bric et de broc et non la grande réforme annoncée depuis des mois à grands renforts de publicité.
Les syndicats eux-mêmes sont loin de jeter de l'huile sur le feu et se contentent d'appeler à une journée de mobilisation-test pour le 5 juin, alors qu'une série d'autres mobilisations est annoncée sur d'autres motifs, dans des secteurs particuliers. Ainsi les fonctionnaires sont appelés à faire grève le 25 mai pour protester contre la non revalorisation des salaires dans la fonction publique et les coupes budgétaires alors que les hauts-fonctionnaires d'Etat s'attribuent dans le même temps des primes supplémentaires, donnant une large publicité aux échos sur le train de vie princier du couple Sarkozy. Les électriciens et les gaziers sont également appelés à se mobiliser tous les jours et à manifester "massivement" le 27 mai et le 15 juin contre le changement de statut d'EDF et de GDF et au nom de "la défense du service public".
Mais surtout, la bourgeoisie française pour dissuader les ouvriers d'entrer massivement en lutte lui tend un piège électoral et annonce cette attaque majeure et cette intensification de l'exploitation capitaliste en pleine période électorale pour mieux détourner le mécontentement des ouvriers du terrain de la lutte de classe et le pousser à s'exprimer dans les urnes. Déjà traditionnellement, les périodes électorales ne sont pas les plus favorables pour la classe ouvrière et sont profondément démobilisatrices. Mais aujourd'hui, la campagne électoraliste de la bourgeoisie est particulièrement adaptée pour intoxiquer au maximum la conscience des ouvriers et miner leur riposte aux attaques sur la Sécurité sociale. La bourgeoisie utilise à présent l'impopularité de Raffarin et de ses gouvernements successifs pour lui faire porter le chapeau d'une nouvelle attaque, quitte à le sacrifier par la suite. Ainsi, toute la bourgeoisie orchestre-t-elle une vaste campagne idéologique mettant en avant que, puisque le gouvernement Raffarin est le responsable des attaques, il faut confirmer la baffe qu'il a prise aux élections régionales, il faut continuer à le sanctionner avec son équipe à travers le bulletin de vote aux élections européennes. Depuis les élections régionales, au sein de l'appareil politique de la bourgeoisie, les syndicats et les gauchistes eux-mêmes appellent sans relâche les ouvriers à se mobiliser avant tout sur le terrain électoral et à exprimer leur mécontentement dans les urnes, apportant ainsi la meilleure caution à la parole de Raffarin lui-même au moment de l'attaque sur les retraites "Ce n'est pas la rue qui gouverne". Les ouvriers sont encouragés massivement par les syndicats et les gauchistes à faire du bulletin de vote une arme efficace pour atteindre cet objectif dérisoire devenu un mot d'ordre largement répandu : "virer Raffarin", ce dernier étant désigné comme unique responsable des attaques et de tous les maux du capitalisme.
Il faut rappeler que les attaques sur la Sécurité sociale adoptées par les équipes de droite actuelles sont la poursuite et l'intensification des mesures déjà prises par la gauche quand elle était elle-même au gouvernement. Il faut se souvenir que l'argumentation utilisée pour justifier ces attaques est elle aussi identique. Ainsi, par exemple, la "responsabilisation" des patients face au "trou de la Sécu" et aux soi-disant "abus" des dépenses de santé avait été l'enveloppe idéologique de l'institution du forfait hospitalier par le "communiste" Ralite en 1983. La fameuse CSG avait été instituée par le gouvernement Rocard, au nom de la "solidarité sociale" alors que la prolongation de la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) dont le PS critique aujourd'hui le poids sur les générations futures avait déjà été précédemment pérennisée jusqu'en 2014 par le gouvernement Jospin. Quant à la politique intensifiée aujourd'hui sur le déremboursement des médicaments, il faut rappeler que c'est Madame Aubry qui l'avait initialisée. Il n'est pas une seule des mesures adoptées, intensifiées ou renforcées aujourd'hui qui n'ait été préparée, ébauchée ou entreprise par la gauche au gouvernement.
Derrière cela, il s'agit bien entendu de mystifier les ouvriers et de tenter de les persuader que la lutte ne sert à rien, que seul le bulletin de vote peut changer les choses. C'est une gigantesque escroquerie.
De tous temps, la bourgeoisie a cherché à persuader les prolétaires que "lutter ne sert à rien". Or, face au développement et à la succession des attaques capitalistes, le seul moyen de se défendre est de lutter. La classe ouvrière n'a pas d'autre choix. Car si elle ne le fait pas, la bourgeoisie va continuer à cogner toujours plus fort, sans retenue.
Quel est l'enjeu véritable de la situation ? Il s'agit pour la bourgeoisie de masquer aux yeux de la classe ouvrière que la véritable signification de l'attaque sur la Sécurité sociale est la même que celle sur les retraites l'an dernier, sur les chômeurs il y a quelques mois. Ces attaques n'ont rien à voir avec une "situation transitoire" liée à une "mauvaise conjoncture économique" ou encore avec une "mauvaise répartition des richesses" comme le prétendent les altermondialistes ou les gauchistes de "Lutte Ouvrière". Le démantèlement accéléré de l'Etat providence n'est pas particulier à la France. Partout, dans tous les pays industrialisés, qu'ils soient gouvernés par la gauche ou par la droite, les ouvriers subissent avec l'aggravation de la crise économique mondiale, la même remise en cause des "acquis sociaux" et de toute la protection sociale qui avait été mise en place, notamment en France, pour mieux amener les prolétaires "à retrousser les manches" pour faire redémarrer l'économie nationale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela révèle au grand jour la faillite historique du système capitaliste qui n'a rien d'autre à offrir à l'humanité que toujours plus de misère, de massacres, de barbarie, de famines, d'épidémies.
C'est justement pour cela qu'il n'existe pas d'autre perspective pour les ouvriers que de renverser le capitalisme à l'échelle mondiale et de le remplacer par une autre société, basée non plus sur la recherche du profit et l'exploitation mais sur la satisfaction des besoins humains.
Ce n'est que par la lutte que la classe ouvrière peut freiner les attaques du capitalisme, reprendre confiance en ses propres forces et prendre conscience qu'elle est seule capable d'offrir une alternative à l'impasse du capitalisme.
Plus que jamais, il s'agit pour la bourgeoisie de faire obstacle à la prise de conscience au sein de la classe ouvrière que, face à ces attaques massives, les prolétaires sont poussés à entrer en lutte massivement, ensemble, à s'unir autour des mêmes revendications.

La nécessité de tirer les leçons de la défaite du printemps 2003

Mais pour cela, les prolétaires ne peuvent faire confiance ni aux syndicats, ni aux gauchistes. Si la bourgeoisie peut se permettre aujourd'hui cette nouvelle attaque, moins d'un an après avoir fait passer sa réforme des retraites, c'est parce que la classe ouvrière n'a pas pu faire reculer la bourgeoisie sur les retraites, parce qu'elle est tombée dans les pièges tendus conjointement par le gouvernement, les syndicats et les gauchistes. C'est la défaite subie l'an dernier qui permet à la bourgeoisie de préparer des attaques encore plus lourdes et généralisées contre les prolétaires.
Pour pouvoir faire face à ces attaques, les ouvriers ne doivent ni se laisser démoraliser, ni retomber dans les pièges que leur tend inévitablement la bourgeoisie. Ils ne doivent en particulier plus faire la moindre confiance à ceux qui prétendent défendre leurs intérêts et qui sont précisément les mêmes que ceux qui les ont conduits dans cette défaite l'an dernier, les syndicats et les organisations gauchistes.
C'est une des principales leçons que la classe ouvrière doit pleinement tirer de la défaite du printemps 2003. Il faut rappeler comment les syndicats et les gauchistes ont déjà manoeuvré les ouvriers dans ces moments décisifs, notamment en enfermant la lutte sur le terrain du corporatisme. Déjà, la bourgeoisie avait choisi le moment de porter son attaque sur les retraites et avait mis en place un dispositif pour que l'explosion inévitable de la colère ouvrière soit stoppée par la trêve des congés d'été. L'essentiel de sa manoeuvre a consisté à provoquer un secteur particulier, celui de l'Education nationale, au moyen d'une attaque spécifique particulièrement sévère, en vue d'obtenir que sa lutte se polarisant sur cette attaque la concernant en propre, il s'isole du reste de la classe désamorçant ainsi le risque d'une mobilisation généralisée de la classe ouvrière face à l'attaque sur les retraites. Alors même que les syndicats freinaient la lutte dans les autres secteurs (RATP, SNCF) sur la question des retraites, ils encourageaient les enseignants à se battre sur l'attaque spécifique concernant la décentralisation. Les syndicats ont été le fer de lance de l'enfermement dans la corporation, qui a joué un rôle décisif dans la défaite du printemps 2003. Ainsi, en poussant à la focalisation des enseignants sur cette attaque spécifique, ils ont à la fois permis de faire passer l'attaque sur les retraites au second plan des préoccupations des enseignants et installé sur le devant de la scène une attaque dans laquelle l'ensemble de la classe ouvrière ne pouvait plus se sentir immédiatement concernée. Cette manoeuvre de division a été parachevée avec la période des examens que les syndicats "radicaux" et les gauchistes ont menacé de bloquer, provoquant ainsi des réactions d'hostilité envers les enseignants de la part de prolétaires dont les enfants risquaient de faire les frais de ce blocage. Enfin, après avoir semé l'illusion que la détermination des enseignants à eux seuls pourraient faire reculer le gouvernement et avoir épuisé leur combativité dans une grève longue, les syndicats ont activement poussé les enseignants à faire porter le chapeau de la défaite aux autres secteurs de la classe ouvrière qui n'auraient pas manifesté leur solidarité envers les travailleurs de l'Education nationale. Les syndicats et les gauchistes ont ainsi favorisé et suscité la division des ouvriers, non seulement en permettant de faire passer l'attaque sur les retraites pour tous les ouvriers mais en infligeant un goût de défaite encore plus amer et démoralisant pour le secteur de l'Education nationale.
La classe ouvrière pour pouvoir se défendre et freiner les attaques de la bourgeoisie est amenée à surmonter le poids de la démoralisation des défaites précédentes, à réaffirmer et développer son combat de classe. Pour être en mesure de déjouer les pièges que lui tendra inévitablement la bourgeoisie, elle devra discerner quels sont ses ennemis. En particulier, les différentes fractions de la bourgeoisie, avec en leur sein les syndicats et les gauchistes, vont s'appuyer sur le même type de manoeuvres d'enfermement pour empêcher la mobilisation la plus large et unitaire possible de la classe ouvrière et faire passer l'attaque sur la Sécurité sociale et le système de santé.
C'est ce qu'ils font dès à présent en tentant de détourner la classe ouvrière d'une riposte massive et en cherchant à l'attirer sur le terrain de la bourgeoisie, vers l'impasse des urnes.
La classe ouvrière n'a pas d'autre choix que de se battre le plus massivement et le plus unitairement possible sur son terrain de classe pour être en mesure de résister aux attaques de la bourgeoisie. Elle doit réapprendre à ne compter que sur ses propres forces pour développer son combat de classe.

Wim (21 mai)

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