IRAK - MOYEN-ORIENT : La barbarie des grandes démocraties capitalistes

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Tous les jours, des heurts meurtriers se déroulent dans chaque ville irakienne comme à Kerbala le 19 mai dernier. Des massacres de populations civiles se perpétuent comme dans le village de Makredid où une fête de mariage a été bombardée faisant au moins 40 morts, principalement des femmes et des enfants. Les exécutions sommaires d'otages à l'arme blanche par des groupuscules fanatisés et armés toujours plus nombreux deviennent monnaie courante. Mais ce qui est nouveau dans la situation, c'est l'apparition sur les écrans de télévision du monde entier des tortures infligées aux prisonniers irakiens d'Abou-Ghraib. Il est certain que ces tortures ne doivent pas concerner que cette seule prison, pas plus qu'elles n'auraient seulement commencé qu'au mois de mai de cette année.


Devant cet immense "scandale" qui éclabousse toute l'armée américaine mais aussi l'ensemble du gouvernement des Etats-Unis, la défense de ceux-ci apparaît dérisoire. Elle consiste à affirmer que cela ne relève que de cas isolés et serait le produit d'initiatives personnelles de quelques soldats pervers. Cette barrière de défense provisoire a rapidement fait long feu. Aujourd'hui, c'est toute la chaîne américaine de commandement qui est mise en cause, et ceci jusqu'à D. Rumsfeld lui-même (secrétaire d'Etat américain à la Défense).

La réalité criante de la barbarie des grandes démocraties capitalistes

L'Etat américain est entré à nouveau en guerre contre l'Irak de Saddam Hussein au nom de la lutte contre le terrorisme, les Etats voyous, pour la défense de la civilisation et de la démocratie. Les tortures infligées aux prisonniers irakiens mettent clairement en lumière la véritable nature de la démocratie. En matière de barbarie, elle n'a rien à envier à n'importe quelle autre forme de dictature du capital. Les Etats-Unis ne sont pas le premier Etat démocratique à utiliser massivement la torture. Sans avoir besoin de remonter trop loin dans le temps, il suffit de se rappeler le rôle joué par la démocratie française au Rwanda en 1994, organisant cyniquement un génocide et des tortures à grande échelle qui allaient entraîner le massacre sauvage d'un million de personnes. Mais plus clairement encore, pendant la guerre d'Indochine, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale menée au nom de la lutte contre le monstre fasciste, l'armée française ne se prive pas d'utiliser massivement la torture. Parmi d'innombrables témoignages celui du jeune lieutenant-colonel Jules Roy est frappant dans sa dramatique ressemblance avec ceux qui nous parviennent aujourd'hui d'Irak : "Sur toutes les bases aériennes, à l'écart des pistes, étaient construites des cahutes, qu'on évitait et d'où, la nuit montaient des hurlements qu'on feignait de ne pas entendre... Je demandai à l'officier qui m'accompagnait ce que c'était 'Rien, des suspects '. Je demandai qu'on s'arrêtât. J'allai à la pagode. J'entrai : on amenait les files de Nha Que devant les tables où les spécialistes leurs brisaient les couilles à la magnéto" (Mémoires barbares, éd. Albin Michel, 1989). De ce point de vue, les tortures infligées également par l'armée française pendant la guerre d'Algérie à la fin des années 1950 n'ont rien à envier à celles pratiquées en Indochine. En Algérie, la torture a été promue par les chefs de l'armée française : Massu, Bigeard, Graziani au rang d'une véritable torture de masse. Dans chaque place du territoire algérien, il y avait un officier de renseignement tortionnaire officiel, entouré de son équipe de paras "spécialisés". Contrairement à ce qu'affirment tous les idéologues et autres défenseurs de l'ordre bourgeois, la démocratie, tout au long de son histoire, comme toute autre forme d'organisation du capital, n'a jamais cessé d'utiliser les moyens les plus barbares pour arriver à ses fins. Les larmes de crocodiles versées par le gouvernement français sur les horreurs perpétrées en Irak apparaissent ici clairement pour ce qu'elles sont : pure hypocrisie ! Il est indéniable que la révélation des tortures perpétrées en Irak ne se traduise par un nouvel affaiblissement du leadership américain. Il est évident que les principales puissances rivales des Etats-Unis ne pouvaient qu'utiliser à nouveau cet affaiblissement dans le sens de la défense du renforcement de leurs sordides intérêts nationaux.

C'est à cette logique qu'obéit le renforcement sans précédent de la coopération stratégique et militaire entre la France et la Russie. La mise en place de contacts réguliers entre leurs ministres de la défense et leurs chefs d'Etat-major, ainsi que le déroulement de manœuvres navales d'envergure sont l'expression directe de cette nouvelle politique impérialiste. Mais plus directement encore "La France a fait savoir la semaine dernière par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Barnier, qu'elle n'enverrait pas de soldats en Irak 'ni maintenant, ni plus tard'" (Dépêche Internet du Monde datée du 20/05/04). Jusqu'à présent les dirigeants français s'en étaient tenus à une toute autre position. Ils affirmaient jusqu'ici que pour envisager une participation militaire de la France en Irak, il ne pouvait y avoir d'autre voie qu'un retour de l'ONU à la tête des opérations. Cette porte est dorénavant définitivement fermée. L'impérialisme français vient même de refuser d'accéder à la demande de C. Powell, chef de la diplomatie américaine, d'envoyer des soldats en Irak avec une mission limitée consistant seulement à protéger le personnel de l'ONU. Quelle que soit l'ampleur des massacres et des tortures infligées à la population irakienne, les puissances rivales des Etats-Unis ne peuvent que se réjouir secrètement de l'affaiblissement du leadership américain en Irak. Plus encore, elles pousseront celui-ci, au mépris de tout respect pour la vie humaine, dans un enlisement toujours plus profond dans le bourbier irakien.

En Irak, un chaos et une barbarie sans limites

Il est un fait évident, maintenant visible par tous, l'Irak est un pays en plein chaos. La guerre y est permanente et couvre tout le pays. L'armée américaine et ses alliés de la coalition s'enlisent dans un bourbier toujours plus grand, manifestant une perte de contrôle grandissante de la situation. Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, les Etats-Unis s'enfoncent chaque jour un peu plus dans une violence qu'ils parviennent de moins en moins à contrôler. Attentats, prises d'otages et combats de rue se multiplient. La révolte chiite menée par le leader Moqtadta Al Sadr continue à s'étendre malgré les appels au calme lancés par l'ayatollah Al Sistani. L'attentat commis le 17 mai, qui a tué le président du gouvernement provisoire irakien est un nouveau revers important pour l'impérialisme américain. Il matérialise le refus par les diverses fractions ethniques irakiennes d'entériner la carte politique américaine, de la mise en place d'un gouvernement démocratique irakien aux ordres de Washington. En un peu plus d'une année de guerre, l'impérialisme américain se retrouve face à un front du refus, hier encore impensable, composé des différentes fractions ethniques et religieuses : Kurdes, Chiites, Sunnites.

Tous aujourd'hui s'opposent à la présence américaine sur le sol irakien. Pour les Etats-Unis il n'existe plus de porte de sortie. G.W. Bush ne peut pourtant que réaffirmer que le transfert de souveraineté serait malgré tout maintenu au 30 juin. Un président américain intérimaire, un premier ministre et d'autres ministres devraient être désignés dans les semaines à venir d'après l'administration américaine. L'inquiétude devant l'évolution de la situation en Irak, se manifeste par une demande de donner plus de latitude aux Irakiens, en matière de sécurité et d'installations militaires de la part des principaux alliés de Washington. S. Berlusconi en visite tout récemment aux Etats-Unis, a même fait savoir qu'il avait pour projet : "le transfert complet de souveraineté à un gouvernement provisoire irakien au 30 juin, dans le cadre d'une nouvelle résolution du conseil de sécurité de l'ONU." Toutes ces tentatives de nommer un gouvernement provisoire en Irak, alors que le pays est occupé militairement par les Américains, sont vouées à l'échec. Ce gouvernement n'aurait aucune légitimité aux yeux de l'ensemble des Irakiens, quelle que soit leur ethnie ou religion. Ce gouvernement apparaîtrait nécessairement comme une création américaine et serait sans doute combattue en tant que tel. L'affaiblissement accéléré du leadership américain se manifeste également par un processus d'éclatement de la coalition. Depuis le retrait commencé des troupes espagnoles, des pays comme le Honduras, la Thaïlande et, en Europe, la Pologne, le Danemark, la Hollande ont fait savoir leur inquiétude grandissante et leur éventuel projet de retrait pur et simple de leur participation aux forces de la coalition. J.P. Balkemende, chef d'Etat des Pays Bas, le 11 mai dernier, suite à la mort du premier soldat hollandais en Irak a déclaré : "que la présence future et la légitimité des 1300 soldats sur place dépendront du rôle futur des Nations Unies en Irak." La situation de chaos est telle dans ce pays que la bourgeoisie américaine, républicains et démocrates confondus, est aujourd'hui dans l'incapacité de tracer une réelle perspective à la politique américaine sur le terrain. En effet, tant le retrait pur et simple des troupes engagées, comme celui de leur maintien sur place, voire de leur renforcement, n'offre aucune perspective de stabilisation de la situation.

L'approfondissement de la décomposition capitaliste au Moyen-Orient

Depuis quelques jours, l'Etat israélien poursuit une offensive militaire d'envergure, dans le Sud de la bande de Gaza, près de la ville de Rafah. Cette nouvelle opération militaire baptisée "Arc-en-ciel", se traduit par des dizaines de morts et la destruction de zones entières d'habitations. Le mois dernier, Sharon, chef de l'Etat israélien, en visite aux Etats-Unis et sortant d'une entrevue avec Bush présentait au monde son nouveau plan de paix, qui consistait, entre autre, au retrait programmé des colonies israéliennes de la bande de Gaza. En guise de plan de paix, les Palestiniens et notamment les femmes et les enfants, auront eu droit aux bombardements, tirs de missile et autres mortiers dans leurs villages. Ce plan de paix est en fait un plan de guerre qui vise à rejeter les Palestiniens au-delà du Jourdain et d'écraser dans le sang toute résistance dans la bande de Gaza. Cette politique de Sharon, de fuite en avant dans la guerre se révélera à terme totalement suicidaire pour toute la région, y compris pour l'Etat d'Israël.

Le Moyen-Orient est, comme l'Irak, à feu et à sang. La guerre et le chaos ne peuvent que s'y accélérer. Face à la gravité de la situation, et devant le processus accéléré de déstabilisation de tout le Moyen-Orient, le conseil de sécurité permanent de l'ONU a demandé à travers une résolution à l'Etat d'Israël "qu'il soit mis fin à la violence " Les arrières pensées des requins impérialistes siégeant en permanence à l'ONU ne fait aucun doute. Cette organisation de la bourgeoisie, contrairement aux discours mensongers qui sont perpétuellement avancés, n'est que le lieu de confrontations diplomatiques des rivalités inter-impérialistes. Chaque Etat n'y défend que ses propres intérêts. En ce sens, la résolution adoptée en opposition à l'opération militaire "Arc-en-ciel" n'a rien à voir avec un sentiment d'humanité, totalement étranger à ce type d'organisation. Cette prise de position n'est, ni plus ni moins, qu'un des moments d'affrontement entre puissances impérialistes dominantes. Le front antiaméricain qui s'y est exprimé par le vote de cette résolution participe de fait au développement de la guerre et du chaos au Moyen-Orient.

Mais le fait que les Etats-Unis soient amenés dans cette circonstance à s'abstenir au moment du vote en dit long sur l'affaiblissement de la première puissance mondiale. L'ambassadeur américain adjoint, J. Cunningham a justifié cette abstention en expliquant que la résolution ne prenait pas suffisamment en compte "le contexte des opérations militaires" destiné selon Israël a prévenir des attaques anti-israéliennes. L'incapacité de l'administration américaine à retenir son allié privilégié israélien s'étale ainsi au grand jour. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n'ont été entraînés dans un tel processus d'affaiblissement. Cette situation est lourde de conséquences pour l'avenir. La décomposition de la société capitaliste qui s'exprime avec violence au Proche et au Moyen-Orient ne peut que s'accélérer dans la période à venir, d'affrontements militaires en attentats suicides toujours plus irrationnels. Il est à craindre notamment d'ici l'éventuelle nomination fin juin d'un gouvernement provisoire pro-américain en Irak, une montée en puissance de la violence qui n'épargnera plus aucun secteur de la population irakienne. Ce monde capitaliste en faillite qui s'écroule ainsi irrémédiablement met en danger de mort pas seulement la population d'Irak ou du Moyen-Orient, mais à terme celle de l'humanité toute entière.

Tim (20 mai)

 

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