Kosovo : Les rivalités impérialistes sont les véritables causes du chaos

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Le 16 mars, un fait divers dramatique a rallumé le conflit au Kosovo. Trois adolescents albanais se sont noyés dans une rivière près de la ville de Mitrovica. L'accusation a été immédiate : "Ce sont les Serbes". A Mitrovica vit une grande partie de ce qui reste des Serbes du Kosovo. La ville est séparée par un pont gardé par les troupes françaises sous mandat de l'ONU. Des manifestations se sont organisées dans les heures qui ont suivi ce drame. Pendant trois jours, partout au Kosovo, des groupes bien armés d'Albano-kosovars ont tué des Serbes du Kosovo, brûlé leurs maisons, détruit leurs lieux de culte.


 
Difficile cette fois-ci de nous servir encore une fois comme seule et définitive explication de cette barbarie, les "haines ancestrales", "la soif de vengeance", "la guerre de religions", etc. La rapidité de la concentration des bandes armées, la logistique des actions, la précision des objectifs a obligé à reconnaître, même par les fonctionnaires de l'ONU, que tout cela était bien préparé à l'avance. Ces bandes avaient même prévu les bulldozers pour remblayer les terrains une fois détruites les maisons et les églises. Des milliers de Serbes ont dû être évacués.

Depuis 1999, la situation n'a fait qu'empirer

Le discours officiel est de dire "ça ne peut que s'améliorer", "il faut du temps" pour que des gens, qui se sont toujours haïs, apprennent à vivre ensemble[1]. En 1981, l'ultra-nationaliste serbe Milosevic avait mis en place un véritable système d'apartheid au Kosovo contre les Albano-kosovars. Par la suite il y a eu le démembrement de la Yougoslavie et des guerres en série. Depuis 15 ans, dans une sarabande de sauvagerie et de "nettoyage ethnique", l'ex-Yougoslavie a vécu dans une barbarie qui n'est pas l'exception mais la règle, qui n'etait plus seulement l'expression de ces "haines ancestrales", mais bien l'exemple même du mode de vie du capitalisme dans sa phase de décomposition. A la suite de la disparition des deux blocs impérialistes, les grandes puissances : l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et la Russie vont essayer d'attiser ces guerres "locales" pour avancer leurs pions, et les Etats-Unis, de leur coté, vont essayer de préserver leur leadership menacé. Le conflit yougoslave est un modèle du genre. Ce conflit "interne" a été utilisé en 1991 par la bourgeoisie allemande pour tenter une percée de son influence : contre toutes les autres puissances, elle s'est précipitée pour reconnaître l'indépendance de ses affidées, la Slovénie et la Croatie. En réponse, la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont soutenu les cliques serbes et, enfin, les Etats-Unis ont soutenu les Bosniaques.
Pendant les années 1990 et jusqu'à maintenant, sous couvert d'action humanitaire, les grandes puissances n'ont pas cessé d'intervenir dans ces différents conflits.
En 1999, elles ont porté la guerre, sous la bannière de l'OTAN, la Serbie de Milosevic pour prétendument "libérer" le Kosovo. Une campagne bien orchestrée, agrémentée de mensonges et de demi-vérités a servi à justifier les massacres perpétrés à l'époque sur la population serbe. Les Etats-Unis ont armé et protégé une armée de libération du Kosovo, l'UCK[2]. Le partage de cette petite province en différentes zones d'occupation par la KFOR (l'OTAN plus la Russie) n'est pas l'expression de l'unité de vues de "la communauté internationale", mais de la logique implacable des grands gangsters impérialistes, chacun surveillant l'autre, chacun essayant de marquer son territoire.
De son coté, l'ONU a pris en charge la "pacification multi-ethnique" de la région où une UCK soi-disant désarmée a trouvé une place de choix. En fait, elle n'a pas cessé d'attiser les sentiments nationalistes au sein de la population albanaise. Et, surtout, certains éléments "radicaux" de cette UCK en lien avec un ramassis de truands, véritable concentré de ce que la décomposition du capitalisme peut générer, ont créé depuis deux ans une "Armée Nationale Albanaise" (AKSh). Cette AKSh agit aussi bien au Kosovo, qu'en Macédoine et au Sud de la Serbie. Elle a été à l'origine de toutes les attaques anti-serbes depuis 2003, et surtout du dernier pogrom. Sous le parrainage de l'Albanie, ce sont vraisemblablement les Etats-Unis qui sont à l'origine de cette nouvelle bande armée qui en deux ans est passée de quelques mafieux à quelques milliers d'individus qui, en terrorisant la population, agit à son aise dans les territoires albanais. Au moment de la préparation de la guerre en Irak, les Etats-Unis ont obtenu le soutien symbolique mais ferme de l'Albanie. Depuis lors, et grâce au "lobby pro-albanais de Washington"[3], les Etats-Unis soutiennent, même si ce n'est pas ouvertement, les indépendantistes kosovars.
En s'attaquant aux Serbes, c'est la France qui allait être touchée, étant donné que c'est cette puissance qui est censée "protéger" une bonne partie de cette population. Dans la situation mondiale actuelle, les Etats-Unis ont tout intérêt à "punir" la France, avec tous les moyens dont ils disposent et où que ce soit.

Du cauchemar de la Grande Serbie
au mauvais rêve de la Grande Albanie

Les intérêts contraires des grandes puissances se sont concrétisés, entre autres, dans une totale indétermination du statut futur du Kosovo. Cette province fait partie en théorie de la Serbie, mais elle est peuplée à 85% d'Albanais et bientôt à 100%. Le statut du Kosovo est bien plus qu'une affaire juridique. Entériner officiellement la séparation du Kosovo de la Serbie, en le rendant indépendant (autrement dit sous la dépendance de l'Albanie), ce serait franchir un palier supplémentaire dans le chaos. Il n'est pas envisageable que la France et la Grande-Bretagne acceptent une telle solution. Mais même les Etats-Unis qui soutiennent l'Albanie, savent très bien que la "solution" serait pire que le problème. Par ailleurs, la bourgeoisie serbe ne peut pas renoncer à sa souveraineté sur le Kosovo. Elle a organisé à Belgrade des manifestations ultra-nationalistes agrémentées, ici aussi, d'une chasse à "l'étranger" (Albanais ou Musulman, cette fois-ci) et de quelques feux de mosquée. Elle, qui tient sous sa pleine influence la minorité serbe du Kosovo, demande un "découpage en cantons" de la province. L'indétermination actuelle est source permanente de désordre mais, de plus, toutes les solutions pouvant être ponctuellement mises en œuvre ne peuvent déboucher que sur un chaos encore plus grand, car elles auraient des répercussions immédiates sur la Bosnie et la Macédoine et même la Grèce. En toile de fond de cette situation, il existe de surcroît une vie sociale de plus en plus précaire, où sur fond de misère règnent les trafics en tout genre, les mafias politico-économiques les plus cruelles, les haines nationalistes et raciales les plus agressives.
Les "responsables" des classes dominantes de ces puissances ont tous fait des déclarations du même tonneau : "Nous savions, en nous engageant, qu'un conflit ethnique demande un certain temps", comme dit le ministre britannique John Straw. Non seulement ils ne résoudront rien du tout, mais au contraire, plus le temps passe et plus leurs agissements deviennent des facteurs actifs qui ne servent qu'à envenimer cette situation de chaos sans issue.

Pto (25 avril)

[1] L'ancien gouverneur mandaté par l'ONU au Kosovo, l'inénarrable Kouchner est un spécialiste de ce genre de discours aussi lénifiants que mensongers.

[2] À l'origine, l'UCK s'est sans doute formée en Allemagne et avec l'aide de la bourgeoisie de ce pays qui n'a jamais renoncé à avancer ses pions dans les Balkans. Mais à partir de 1998, et surtout lors du sommet de Rambouillet (1999) sur le Kosovo, ce sont les Etats-Unis qui sont devenus les parrains de l'UCK.

[3] Ramsès-2004, revue de l'IFRI.

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