Larzac 2003 : l'altermondialisation au service de la défense du capitalisme

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Le rassemblement du Larzac était prévu, au départ, pour fêter le trentième anniversaire de la première manifestation contre l'extension d'un camp militaire et, du même coup, pour lancer la mobilisation des militants altermondialistes contre le nouveau sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui doit se tenir du 10 au 14 septembre à Cancun (Mexique). Grâce à la grande médiatisation dont il a bénéficié, "Larzac 2003" est devenu, un Woodstock anti-OMC, mais aussi le carrefour de la contestation sociale pour un grand nombre de militants de gauche, suite aux grèves et manifestations massives du printemps dernier. Face au questionnement réel d'un certain nombre d'éléments, le CCI était présent sur place pour diffuser sa presse et défendre les positions marxistes de la Gauche Communiste face au poison de l'idéologie altermondialiste. Avec plus de 150 000 personnes, ce rassemblement est sans aucun doute un succès pour la bourgeoisie, notamment pour ses partis de gauche, gauchistes et syndicats, tous regroupés pour l'occasion derrière le charismatique José Bové, que M. Mélenchon, figure de proue du PS, décrit comme l'homme providentiel pour ranimer l'idéologie de gauche bien mal en point : "Il faut rendre grâce à José Bové de ce qu'il fait pour notre pays et pour la gauche…C'est un véritable cadeau du bon Dieu pour nous qu'il existe actuellement un mouvement de contestation aussi puissant" (Le Monde du 14 août). Jusqu'à présent José Bové et ses acolytes de la nébuleuse alter-mondialiste s'étaient distingués comme les pourfendeurs de la "mal bouffe", de la "marchandisation" de la vie, des OGM, de l'OMC et ses sommets, appelant avec des accents radicaux le peuple de gauche à défendre les produits français, à défendre le capital national contre l'ogre américain 1.
Cette fois-ci, grâce au soutien du gouvernement, des partis de gauche, des syndicats et des gauchistes, Bové, fraîchement sorti de prison, après une arrestation "musclée" largement médiatisée, s'est fait le porte-parole de l'ensemble de la contestation sociale. La façon dont la bourgeoisie française utilise le syndicaliste Bové n'est pas sans rappeler d'ailleurs l'attitude du gouvernement polonais en 1980 à l'égard de Lech Walesa, patron du syndicat Solidarnosc. L'Etat l'emprisonne pour crédibiliser son action et le libère quand la situation le nécessite. En récompense de sa contribution décisive à la défaite de la lutte des ouvriers polonais, Lech Walesa sera élu prix Nobel de la paix, puis président de la république en décembre 1990. Pour Bové ce rassemblement du Larzac fait "la jonction entre le gigantesque mouvement social du printemps et ceux qui refusent les projets de l'OMC". (Le Monde du 10/11 août). La CGT surenchérit par la bouche de sa responsable nationale, Gisèle Vidallet "le rassemblement du Larzac ne fait pas la liaison entre les mouvements sociaux du printemps et de l'automne, il en fait partie intégrante". (La Dépêche du Midi du 10 août). Après avoir joué la carte de la division syndicale lors des grèves du printemps, provoquant la défaite de la classe ouvrière, les syndicats continuent leur sale boulot et voudraient nous vendre maintenant l'altermondialisation comme une expression politique du combat de la classe ouvrière.
Ne nous laissons pas abuser ! La lutte de la classe ouvrière n'a rien à voir, de prés ou de loin avec "Larzac 2003".
Depuis plusieurs années, Bové et sa clique sont sponsorisés par la gauche plurielle pour tenter de redorer le blason passablement terni de celle-ci, suite aux attaques anti-ouvrières menées par les différents gouvernements de gauche. Ce n'est pas un hasard si les principaux dirigeants de l'altermondialisation sont issus des partis de gauche 2. Ainsi, il n'y a rien de surprenant à ce que Bové déjeune avec le président PS de la région Midi-pyrénées durant "Larzac 2003", ni à ce qu'il soit courtisé par le PCF et les Verts ou qu'il s'acoquine avec les syndicalistes et les divers groupes gauchistes.
Bien qu'il s'en défende, se disant indépendant des partis politiques, Bové, est le complice actif de cette gauche anti-ouvrière qui lui verse même des subventions pour organiser la kermesse du Larzac. C'est pour cela qu'il s'est empressé de faire remonter le stand du PS, par le service d'ordre de la Confédération Paysanne, démonté pacifiquement par des militants du DAL, car ce même PS, avec la bénédiction des élus de la LCR du conseil régional de Midi-Pyrénées, lui a octroyé une subvention de 50 000 euros.
N'en déplaise à ses fans, Bové et sa clique ont beau nous promettre que "d'autres mondes sont possibles", sa prestation sur le Larzac a pour objectif de récupérer le maximum de mécontents, notamment, les déçus des partis de gauche. C'est aussi une tentative de dévoyer vers une impasse, la combativité et la réflexion qui se sont développées dans la classe ouvrière lors des luttes du printemps.
Après l'échec des manifestations massives de la classe ouvrière contre la réforme des retraites, "Larzac 2003" représente une tentative de dénaturer et de diluer dans une vaste mobilisation citoyenne de gauche ce que des centaines de milliers d'ouvriers ont commencé à ressentir dans ce mouvement : le fait d'appartenir à une classe, qui représente une force lorsqu'elle lutte collectivement.
Ce que nous proposent le citoyen Bové et ses compères, c'est de lutter contre l'OMC et pour cela il faut un Etat fort qui sache défendre les intérêts du pays, notamment des petits producteurs comme les paysans ou autre catégorie de citoyens. Ceci n'a rien à voir avec la lutte de la classe ouvrière. Pour défendre leurs conditions d'existence, les ouvriers ne peuvent que s'affronter à l'Etat qui prend les mesures d'austérité. Du fait qu'elle est exploitée et qu'elle produit les richesses, la classe ouvrière est la seule classe capable de s'unir par et dans la lutte pour défendre ses intérêts de classe et faire reculer les attaques du gouvernement. Le prolétariat est la seule classe capable de donner une autre perspective à l'humanité face à la barbarie capitaliste et pour réaliser cela, il devra détruire l'Etat capitaliste.
Avec "Larzac 2003", la bourgeoisie cherche aussi, à pourrir la réflexion et dissiper l'inquiétude qui commence à se développer dans la classe ouvrière, notamment sur le fait que le capitalisme n'a pas d'issue à sa crise, que les attaques anti-ouvrières vont se poursuivre et qu'il n'y a pas d'autre solution que de lutter. Cette stratégie est dans la continuité de la pratique de la mouvance ATTAC. Lors des grèves du printemps, ATTAC a été largement sollicité par la gauche et les syndicats pour expliquer aux ouvriers que le capitalisme n'est pas en crise, qu'il suffit de faire pression sur l'Etat pour que celui-ci garde le contrôle de l'économie et empêche les grandes entreprises financières de s'accaparer les richesses du pays, de détruire les services publics.
Certes, il ne s'agit pas de nier le poids économique que représentent les grands groupes industriels et financiers. Par contre, prétendre que se sont les multinationales qui gouvernent la planète n'est qu'une version frelatée des slogans populistes du PCF qui, dans les années 1970, appelait le prolétariat à lutter contre les 300 familles les plus riches du territoire national.
Ce sont les Etats, quelle que soit la couleur de leur gouvernement, qui prennent les mesures nécessaires pour faire face à la lente agonie du capitalisme au niveau mondial. Et c'est la classe ouvrière qui en fait les frais.
Les ouvriers doivent rejeter le pacte que sont en train de conclure les syndicats avec le mouvement altermondialiste, selon lequel toute revendication ouvrière ne peut avoir pour débouché politique que la lutte altermondialiste. Sous couvert de radicalité, celui-ci tente de redonner corps à la propagande démocratique selon laquelle "le capitalisme est réformable" ; il suffirait d'un "bon contrôle citoyen" sur les affaires du pays et celui-ci serait viable. C'est une nouvelle escroquerie pour nous faire avaler ce que la gauche nous promet chaque fois qu'elle est dans l'opposition : "un capitalisme à visage plus humain". Lorsqu'elle est au gouvernement, elle montre alors son vrai visage : une fraction bourgeoise qui défend les intérêts du capital national et qui attaque sans vergogne les conditions de vie du prolétariat.
S'il est vrai que le prolétariat n'est pas le seul à subir les conséquences des aberrations d'un capitalisme de plus en plus criminel, il n'en reste pas moins vrai qu'il est le seul à pouvoir développer la force et la conscience politique permettant la transformation révolutionnaire de ce monde. Sur son chemin, la classe ouvrière est confrontée au poison de l'ennemi de classe et c'est l'ensemble des partis de gauche, gauchistes et syndicats qui sont chargés de lui inoculer. Face au nationalisme et au réformisme qui se cachent sous le label altermondialiste, le prolétariat doit réaffirmer par la lutte de classe qu'il est la seule classe révolutionnaire capable de s'unir au niveau international pour renverser le capitalisme moribond n'ayant aucune autre alternative que la barbarie à offrir à l'humanité.

Donald (27 août)


1 Lire "Mensonges autour du sommet de l'OMC à Seattle" dans Révolution Internationale n° 297

2 Lire "José Bové, ATTAC et consorts, défenseurs du capital national" dans Révolution Internationale n° 304.

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