Un pas de plus dans la décomposition capitaliste

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  • Attentats à New York et Washington
    Un pas de plus dans la décomposition capitaliste

 
Le terrible bain de sang du 11 septembre à New-York n'est pas un coup de main inattendu du "fanatisme islamique" surgissant tel l'éclair dans un ciel d'azur. C'est au contraire un nouveau maillon, qualitativement plus grave, de la longue chaîne des guerres, des actes de destruction, du développement du militarisme et des armements, qui ravagent le monde.
 

Encore un démenti cinglant au mensonge du "nouvel ordre mondial"

Il y a dix ans, le père de l'actuel président américain promettait un "nouvel ordre mondial". L'effondrement de ce que son prédécesseur, Ronald Reagan, avait appelé "l'Empire du Mal", amènerait avec lui le triomphe de la "démocratie" et du capitalisme "libéral", et cela devait permettre une société dont les facteurs de conflit disparaîtraient progressivement et dans laquelle toutes les nations respecteraient le Droit, la Loi et la Justice, avec des majuscules.

Dès que sont apparues les premières convulsions graves de l'ancien bloc soviétique, nous avons annoncé que la perspective serait tout le contraire. "Loin de signifier la paix, l'implosion des blocs issus de Yalta est porteuse, comme la décomposition du système capitaliste qui en est à l'origine, de toujours plus de tensions et de conflits. Les appétits de sous-impérialismes, jusque là déterminés surtout par la division mondiale entre deux camps principaux, que les têtes de blocs ne dominent plus aujourd'hui comme auparavant, vont se développer" ("Présentation des thèses sur la crise économique et politique en URSS et dans les pays de l'Est", Revue Internationale60). Nous n'allions pas vers un "nouvel ordre mondial", mais vers un "monde de désordre meurtrier, de chaos sanglant dans lequel le gendarme américain tentera de faire régner un minimum d'ordre par l'emploi de plus en plus massif et brutal de sa puissance militaire" ("Militarisme et décomposition", Revue Internationale64).

La guerre du Golfe en 1991 a été le premier épisode, puis il y a eu la Yougoslavie, le Moyen-Orient, le Rwanda, la Somalie, le Soudan, la Sierra Leone, le Congo, l'Algérie, l'Angola, l'Afghanistan, le Timor, la Tchétchénie, la Colombie, la Birmanie, le Cachemire... Cette succession de convulsions violentes fait partie de la dynamique qui a conduit à cet attentat terrible sur les Twin Towers : une explosion, sans précédent dans l'histoire, des appétits impérialistes de chaque Etat, petit ou grand (contenus pendant de nombreuses années par la discipline de fer des blocs mais violemment aiguisés par l'aggravation de la crise économique) a déterminé dix ans d'affrontements chaotiques, sans ordre ni concertation, sans perspective ni stratégie ; une explosion qui, si le prolétariat mondial ne réagit pas, finira par déboucher sur la destruction de l'humanité.

Pourquoi cette dynamique ? N'y aurait-il pas un point d'équilibre possible qui permettrait de canaliser les tensions en leur donnant un cadre de négociation ? Les différentes fractions de la classe dominante prêchent évidemment cette idée. Le discours officiel des gouvernants occidentaux nous dit que les grandes puissances "démocratiques" s'évertuent à établir des règles justes permettant un "nouvel ordre mondial", mais que cet effort louable est torpillé par toutes sortes de forces obscures : les dictateurs du genre Saddam Hussein ou Milosevic, le terrorisme international qui possède de terribles armes secrètes, les Etats "voyous" (Corée du Nord, Afghanistan, Libye, etc.). Et pour atteindre avec succès ce "nouveau monde" tant de fois promis, il faudrait se mobiliser dans les croisades guerrières contre ces "nouvelles menaces", contre ces "nouvelles formes de guerre".
Pas moins inconsistantes, mais plus insidieuses, sont les explications données par les partis de gauche de la bourgeoisie. Bien sûr, elles considèrent comme nécessaire de "combattre le terrorisme" et les "nouvelles formes de guerre" et sont, de loin, les plus enthousiastes pour la mobilisation guerrière mais, en même temps, elles ajoutent leur grain de sel "critique" en revendiquant de mettre un terme aux "excès" du "néolibéralisme" et de la "mondialisation" qui empêcheraient un ordre "plus juste".

Enfin, malgré leurs propositions incendiaires, les fractions qui soutiennent les Etats "voyous" et le "terrorisme international" tiennent un discours pas moins répugnant que celui de leurs opposants "civilisés" : elles justifient des actes comme l'attaque sur le World Trade Center comme un "assaut des peuples opprimés contre l'impérialisme" et se réjouissent de façon revancharde que les souffrances que subissent les masses palestiniennes et arabes soient infligées aux populations des métropoles opulentes.

Tous ces courants politiques sont l'expression, dans leurs différentes fractions, du système capitaliste qui conduit l'humanité à la barbarie. Leurs diverses allégations stupides non seulement n'expliquent rien mais visent en plus à enchaîner le prolétariat et la majorité de la population au joug du capitalisme et de l'impérialisme, en rivalisant dans l'excitation des plus bas instincts, de la haine, de la vengeance et du massacre.

Le déchaînement de la barbarie guerrière dans la période de décomposition du capitalisme

Seule la méthode historique du marxisme, comme expression la plus avancée de la conscience de classe du prolétariat, peut donner une explication cohérente du désordre meurtrier qui règne dans le monde et mettre en avant la seule solution possible : la destruction du capitalisme dans tous les pays.

En 1989, face à l'effondrement du stalinisme et plus globalement du bloc impérialiste organisé autour de la Russie, nous avions mis en évidence que ces événements signaient l'entrée du capitalisme dans une nouvelle phase, ultime et terminale, de sa décadence : la phase de la décomposition.
Dans le texte "La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste", que nous avons publié dans la Revue Internationale n° 62, nous avons situé sa racine dans une caractéristique inédite de la période historique ouverte en 1968 : d'une part, le prolétariat a repris ses luttes de classe mais à aucun moment celles-ci n'ont réussi à dépasser un niveau simplement défensif. Cela a empêché la bourgeoisie d'imposer sa réponse, la guerre impérialiste généralisée, à la crise sans issue de son système. Et cela a plongé la société mondiale dans un bourbier : "Alors que les contradictions du capitalisme en crise ne font que s'aggraver, l'incapacité de la bourgeoisie à offrir la moindre perspective pour l'ensemble de la société et l'incapacité du prolétariat à affirmer ouvertement la sienne dans l'immédiat ne peuvent que déboucher sur un phénomène de décomposition généralisée, de pourrissement sur pied de la société".

Ce bourbier a marqué profondément l'évolution du capitalisme dans tous les aspects de son existence : "Dans la mesure où les contradictions et les manifestations de la décadence du capitalisme qui, successivement, marquent les différents moments de cette décadence, ne disparaissent pas avec le temps mais se maintiennent, et même s'approfondissent, la phase de décomposition apparaît comme celle résultant de l'accumulation de toutes ces caractéristiques d'un système moribond, celle qui parachève et chapeaute trois-quarts de siècle d'agonie d'un mode de production condamné par l'histoire." (Ibid.)

Sur le plan de l'évolution des conflits impérialistes, la scène mondiale est dominée par une série d'éléments particulièrement graves et destructeurs :

  • les Etats-Unis se maintiennent comme la seule superpuissance militaire mais leur autorité est de plus en plus contestée, non seulement par d'autres puissances (Allemagne, France, Grande-Bretagne...) mais aussi par un nombre toujours plus grand d'Etats ;
  • chaque Etat suit sa propre politique et affirme avec virulence son refus de se soumettre à la discipline des puissances plus fortes. C'est l'explosion de ce que nous avons appelé le "chacun pour soi" ;
  • les alliances entre Etats sont circonstancielles et perdent toute solidité et continuité ;
  • les situations de conflit pourrissent irrémédiablement, compromettant toute possibilité de stabilisation ;
  • la stratégie impérialiste -comme orientation politique et militaire cohérente et à long terme- est toujours moins réalisable et se trouve remplacée par une tactique immédiatiste, contradictoire, sans alliances stables, qui aggrave encore plus le chaos et les destructions;
  • en conséquence de ce qui précède, la politique de toutes les grandes puissances - et encore plus des petites - consiste plus en la déstabilisation des alliés de leurs rivales que dans la construction de leur propre réseau d'Etats fidèles ;
  • les grands Etats s'impliquent dans l'utilisation "terrorisme, des prises d'otages, comme moyens de la guerre entre Etats, au détriment des 'lois' que le capitalisme s'était données par le passé pour 'réglementer' les conflits entre fractions de la classe dominante". (Ibid.)

Tout cela a aggravé le chaos dans les conflits impérialistes car, comme nous l'affirmons dans la Résolution sur la situation internationale de notre 14e Congrès, en mai 2001 "La caractéristique des guerres dans la phase actuelle de la décomposition du capitalisme est qu'elles ne sont pas moins impérialistes que les guerres dans les précédentes phases de sa décadence, mais elles sont devenues plus étendues, plus incontrôlables et plus difficiles à arrêter même temporairement". (Revue Internationale n° 106)

Les Etats-Unis sont les grands perdants de cette situation. Leurs intérêts nationaux s'identifient avec le maintien d'un ordre mondial construit à leur propre avantage. Cependant l'évolution du capitalisme en décomposition démolit tous les piliers qui permettent à cet ordre de se maintenir :

  • la menace du mastodonte russe n'existe plus pour pousser les bourgeoisies opulentes d'Europe et du Japon à se soumettre volontairement à la tutelle américaine, ce qui les amène à jouer leur propre jeu qui ne peut que se heurter globalement à l'intérêt américain;
  • l'avancée de la crise économique aiguise les appétits impérialistes de tous les Etats et ne leur laisse pas d'autre issue que de se lancer dans des mouvements de conquête, dans la déstabilisation des vassaux de leurs rivaux, dans des aventures risquées qui sèment encore plus le chaos;
  • la décomposition sociale alimente dans toutes les nations, particulièrement dans les plus faibles, toutes sortes de tendances centrifuges, un fort mouvement vers le séparatisme et la dislocation. Il surgit toutes sortes de "caudillos" locaux, de bandes armées qui terrorisent la population en même temps qu'elles se dressent contre l'Etat central

Face à ce conglomérat sanglant d'influences croisées, de forces qui tirent dans tous les sens, les Etats-Unis, le "shérif" mondial, se voient obligés de continuer et de répéter des coups de force, d'authentiques coups de poing sur la table, comme nous l'avons vu dans le Golfe ou au Kosovo. Ces exhibitions de leur puissance militaire époustouflante obligent leurs rivaux à baisser la tête et à s'aligner sur le grand caïd. Cependant, quand cesse l'effet d'intimidation, tous reviennent à leurs agissements antérieurs.

Les Etats-Unis contraints de réaffirmer leur leadership mondial par la force des armes

Il est difficile de déterminer avec exactitude qui est derrière l'attaque sanglante du 11 septembre. Ce qui est certain cependant, c'est qu'immédiatement, avec des milliers de cadavres encore chauds, l'Etat américain, à l'unanimité de toutes ses fractions, a fait entendre bruyamment ses tambours de guerre. Profitant du terrible impact émotionnel que le massacre a provoqué dans la population américaine, il a entraîné celle-ci dans une violente hystérie patriotique, dans une mobilisation guerrière sans précédent.

Simultanément, les pays de l'OTAN ont tenu à se montrer fermes et, non seulement cela, mais ils ont dû avaler la couleuvre d'appuyer solennellement l'article 5 du traité qui oblige à la "solidarité" avec tout pays membre qui est attaqué. Les Etats-Unis l'ont dit clairement par la bouche d'un diplomate de haut rang : "celui qui ne rejoint pas la coalition sera considéré comme un ennemi".

Mais il y a une différence notable entre le nouveau déploiement militaire que les Etats-Unis préparent actuellement et celui qu'ils ont réalisé dans le Golfe en 1991. Lors de l'opération "Tempête du désert", il s'agissait fondamentalement d'une démonstration de force alors qu'aujourd'hui, comme l'a précisé Bush : "il ne s'agit pas d'une vengeance, ni d'une réaction symbolique mais de gagner une guerre contre les comportements barbares. "C'est pour cela qu'il a affirmé lors de sa harangue télévisée: "On vous demandera de la patience parce que le conflit ne sera pas bref. On vous demandera de la ténacité parce que le conflit ne sera pas facile. On vous demandera toute votre force parce que le chemin de la victoire sera long".

Ce qui se profile pour les prochaines semaines, c'est une campagne militaire d'envergure qui va impliquer plusieurs théâtres d'opérations. Le choix de l'Afghanistan comme première cible n'est pas un hasard et n'a rien à voir avec Ben Laden. Ce pays a une importance stratégique fondamentale. Il est situé au carrefour entre la Russie, la Chine, l'Inde et, pour ce qui le concerne, ses immenses montagnes sont comme un observatoire et une plate-forme de pression sur le Proche-Orient -Palestine et Israël, Emirats Arabes, Arabie, etc.- qui est un noeud crucial pour le contrôle de l'Europe. Les Etats-Unis, en même temps qu'ils obligent tous les Etats et particulièrement leurs anciens alliés à se rallier à leurs objectifs, cherchent des positions plus stables et solides qui leur permettent un contrôle bien plus grand de la scène mondiale.

L'aggravation de la situation impérialiste mondiale a connu une accélération considérable et particulièrement dramatique :

  • D'abord parce qu'un acte de guerre a touché directement et massivement les travailleurs et la population de la principale ville du monde, New York. les travailleurs des grands centres industriels ne vont plus désormais être épargnés par le cruel fléau de la guerre ; à partir de maintenant ils sont exposés à des opérations de représailles comme celle des Twin Towers qui peuvent causer des milliers de victimes.
  • Deuxièmement, parce que la réponse que les Etats-Unis préparent prend la forme d'une opération guerrière beaucoup plus prolongée et s'accompagne d'un déploiement militaire encore plus considérable que lors de la Guerre du Golfe.
  • Troisièmement, parce que cela conduit inévitablement à des opérations coûteuses et difficiles d'occupation de territoires avec, par conséquent, l'emploi de troupes d'infanterie et de leur engagement dans des combats acharnés.

Le pas qualitatif dans les conflits impérialistes est plus qu'évident. Nous ne sommes pas à la veille d'une troisième guerre mondiale comme l'ont crié certaines proclamations alarmistes. Cependant, cela n'est en rien une consolation car ce que confirment dramatiquement les événements est la tendance que prend la guerre dans la période de décomposition du capitalisme.

Une tendance qui peut conduire à la destruction de l'humanité si le prolétariat ne parvient pas à renverser le capitalisme avant qu'il n'anéantisse la planète.

RI

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