Explosion de l'usine AZF à Toulouse - L'Etat bourgeois est responsable de la catastrophe

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21 septembre 2001, 10h15 : une explosion d'une violence inouïe se fait entendre dans toute la ville et jusqu'à des dizaines de kilomètres à la ronde. Dans le climat d'après New-York, on pense à "des bombes un peu partout ". En fait, une seule origine : l'explosion d'un stock de nitrate d'ammonium de l'usine AZF (ex-Onia). Suivie de près par la montée dans les cieux de la Ville Rose d'un inquiétant nuage plutôt orange dont on a craint qu'il ne soit toxique.

Il est bien loin le temps où ces catastrophes se produisaient, presque par définition, dans un Tiers-Monde où les capitalistes n'avaient que du mépris pour les populations locales, comme ce fut le cas à Bhopal, en Inde, quand l'usine de la Union Carbide, où aucune mesure de sécurité n'existait[1], lâcha sa "brume étrange" en tuant des milliers de personnes. Ce n'est plus l'URSS et son appareil industriel rouillé, avec son Tchernobyl. En fait, l'accident de la dioxine de Seveso de 1976, au nord de l'Italie, qu'on pensait être un "reste" des temps révolus dans une Europe devenue si policée et protectrice, ne fut que le signe avant-coureur de ce qui nous attendait.

Depuis quelques années, les accidents sanitaires (le sang contaminé), les intoxications alimentaires massives (vache folle, dioxines), les accidents des transports des personnes (accidents à répétition dans les chemins de fer anglais ; Paddington, 1999, 100 morts) ou des marchandises ("marée noire" de l'Erika, où, déjà, Total-Fina était impliquée) se sont multipliés dans le cœur du capitalisme.

C'est maintenant au cœur d'une grande ville française que la catastrophe du capitalisme décadent s'est abattue. Tous ces accidents, ces catastrophes ont un trait commun, qui en est la raison principale : la dégradation constante des conditions de travail, de la sécurité, la montée imparable des accidents, et tout cela à cause de l'implacable loi de la concurrence capitaliste qui rogne sans relâche tout ce qui paraît inutile à la réalisation d'une plus-value de plus en plus difficile. Maintenant les "rassureurs" publics vont encore nous jouer le violon des "nouvelles mesures". En réalité, la catastrophe de Toulouse est un pas de plus dans l'horreur d'un capitalisme de plus en plus décadent et destructeur.

Le bilan de la catastrophe capitaliste

Déjà 29 morts et plus de deux mille blessés. Des prolétaires, de l'usine même ou des entreprises proches. Un élève du lycée professionnel Gallieni mort, des enfants très gravement blessés dans les écoles. Des centaines de blessés hospitalisés, dont plusieurs dizaines très gravement. Des vies brisées, des enfants traumatisés, tous marqués à vie. Des milliers de personnes sans logement ou avec un logement ravagé qui connaîtront des conditions précaires pour des mois. Cinq établissements scolaires seront purement et simplement rasés. Des constructions faites à l'économie. Une université, récente et déjà vieille et ruinée, reçoit le coup fatal. De la faculté à la maternelle, des dizaines de milliers de jeunes dont la scolarité sera lourdement perturbée. Et encore, faudrait-il s'estimer heureux, puisque ce serait un vrai miracle qu'il n'y ait pas eu propagation de l'explosion aux autres stocks de nitrates et d'acides du même site, où à la SNPE (Société Nationale de Poudrerie et Explosifs) toute proche, ou même une pollution chimique bien plus importante que celle qui a eu lieu. Mais si le bilan n'est pas de plusieurs milliers de morts, on ne le doit certes pas à la "bonne volonté " affichée de la Mairie, de l'Etat et de Total-Fina, propriétaire de l'usine AZF, tous, comme Chirac, Jospin, Douste et Desmarets, obséquieux représentants du capital, qui tels des vautours flairant l'odeur du sang chaud, sont accourus sur les lieux du drame pour étaler leur "solidarité" toute médiatique.

Pas un " accident ", mais un acte criminel de la bourgeoisie

On peut faire de longs débats sur comment explosent les nitrates. Mais ce qui est clair, c'est que le stockage était fait sans le moindre conditionnement. Des granulés en vrac à même le sol, hautement instables, voilà comment était stocké le produit qui a explosé. Un produit "inerte" certes, mais hautement explosif en présence d'autres produits, parfois quelques gouttes d'huile. On sait qu'il y a déjà eu des explosions de ce type. Ainsi, l'histoire du "scénario pas prévu " est un mensonge criminel. Et il reste 1.000 tonnes entreposées dans les mêmes conditions. Sans compter que derrière l'AZF, dans la SNPE (entreprise de poudrerie), était entreposé un gaz de combat (phosgène), variante du gaz moutarde de sinistre mémoire.

Quelle que soit la cause immédiate de l'explosion, loin d'être un "accident" comme le proclame le procureur de Toulouse, c'est bel et bien d'un acte criminel qu'il s'agit. Un acte criminel dicté par la seule logique que connaisse le capitalisme : celui de la productivité à tout crin, du profit et de l'accumulation. Et il ne s'agit pas seulement de la responsabilité de Total-Fina, avec qui la bourgeoisie voudrait bien limiter les dégâts en le présentant comme seul responsable. On a vu ces crapules, en commençant par le maire de Toulouse qui se donne des airs de Giulani (le maire de New York), insinuant sans cesse que "c'est la faute à d'autres" et qu'il "l'avait déjà dit", etc. En fait, qui a signé les autorisations successives des agrandissements de l'usine, en sachant pertinemment que le danger devenait de plus en plus grand ? Il s'agit d'une logique que les Chirac, Douste, Desmarets, Jospin et ses écolos de service essayent de masquer sous des dehors très vertueux, poussant l'obscénité charitable jusqu'à faire l'obole chacun de 10 millions de francs. Leur argent pue la mort. Si les intérêts de leur classe le commandent, tous signeront demain, le sourire aux lèvres, l'autorisation d'exploitation d'usines tout aussi dangereuses, tout en parlant "sécurité", "environnement", "ISO 14001", "directives Seveso" et autres foutaises !

Une urbanisation tout aussi criminelle

Qui plus est, depuis de longues années, les pouvoirs publics ont fomenté une urbanisation autour de l'usine, pour loger les ouvriers de la reconstruction des années 50-70. En effet, ce sont les quartiers parmi les plus populaires et les plus denses de Toulouse qui ont été touchés. Une urbanisation menée par le Conseil général de gauche ou par la Mairie de droite. Ainsi, comme à Enschede (Pays-Bas) en mai 2000[2], aux prolétaires morts dans l'accident, s'ajoutent les destructions qui ont dévasté les quartiers ouvriers du sud de Toulouse. Depuis les effondrements d'Empalot jusqu'aux trous béants du Mirail, c'est tout l'arc d'habitations ouvrières qui a été en grande partie ravagé. Ils peuvent se pointer ces politicards dans leurs hélicoptères, la gueule enfarinée, la larme à l'œil, venir pleurnicher et offrir des millions pour la "reconstruction". C'est, comme toujours, la classe ouvrière qui paye le prix fort de l'irresponsabilité meurtrière du capitalisme. Ce n'est pas vraiment un choix que de vivre à proximité de ces usines dans des quartiers parfois construits avec du toc, passablement pourris, parfumées aux arômes de l'Onia, comme par exemple, le quartier Empalot construit sur l'ancienne décharge de Toulouse.

Chantage à l'emploi

L'Onia (AZF) avait 3.000 emplois dans les années 70. Il y en a aujourd'hui 450. Et pourtant, la direction de l'usine et la bourgeoisie régionale ont joué en permanence sur le chantage à l'emploi devant les inquiétudes de plus en plus fortes face à un tel danger. Plus il y a avait des extensions et plus on licenciait. Et les économies se sont aussi faites sur la sécurité, avec tout ce que cela veut dire de perte de vigilance et de surveillance de la production ou du stockage. Avec la crise de surproduction, il faut produire au moindre coût. Le choix imposé aux ouvriers est alors : accepter le danger permanent (jusqu'à une mort atroce) ou le chômage… Un choix éminemment "démocratique". D'ailleurs, les ouvriers de l'AZF toujours vivants sont dramatiquement partagés aujourd'hui entre la défense de "l' honneur" des camarades morts et le fait qu'ils savent parfaitement que la direction de l'usine a fait des économies, malgré de prétendues surveillances ultra sophistiquées, sur tout ce qui concerne la sécurité, surtout humaine. Ils savent très bien dans quelles conditions se faisaient les transports, ils savent comment était stocké le nitrate sans la moindre surveillance, comment, dernièrement, face à une accélération des cadences, les conditions de sécurité se sont encore détériorées. Les ouvriers de l'AZF ont été ulcérés du fait qu'on ait pu penser à une "mauvaise manipulation" de l'un de leurs camarades, comme on a voulu le faire croire au début. Aujourd'hui il faut qu'ils comprennent qu'il ne s'agit pas de leur "honneur", de leur "savoir-faire", il s'agit de comprendre pour eux et pour le prolétariat en général, qu'ils sont victimes d'un capitalisme décadent et criminel.

Les exemples de catastrophes industrielles à répétition ne manquent pas. Ils sont le signe, non pas de la nécessité de prendre des risques pour satisfaire des besoins vitaux de l'humanité, mais des risques pris délibérément au nom de la productivité et de la concurrence. Finalement, tous ces morts, blessés et mutilés ne pèsent pas plus lourds qu'une ou deux lignes de la rubrique "pertes et profits" du macabre livre de compte de la bourgeoisie. Elle y intègre tout aussi facilement les "faux frais" que représentent les monceaux de directives du style "Seveso", bel exemple de la façon dont la bourgeoisie tire des "leçons" des précédentes catastrophes : quelques vagues "informations" pour prévenir la panique des populations. Quels mensonges ! Dans le cas présent, les entrepôts n'avaient pas été inspectés, aucune mesure face à la dangerosité avérée des nitrates, même pas un plan de l'usine disponible, de prétendus exercices… qui n'ont jamais existé que sur le papier, pour ne pas parler de ces mesures de confinement, grotesques, quand on n'a plus un carreau debout, quand vos portes et vos fenêtres sont soufflées. Au milieu de la tragédie, ces "conseils" de la mairie apparaissaient comme une sinistre moquerie.

Jamais nous ne pourrons nous réfugier derrière des directives, des normes, des inspections de sécurité, instituées par ceux là même qui gèrent la production, de la même façon que les discours de paix de tous les Etats ne sont que des préparatifs pour de nouvelles boucheries militaires. La seule garantie de sécurité pour l'humanité réside dans la constitution d'une communauté internationale véritablement humaine, c'est-à-dire une société où l'homme et son environnement sont le point de départ et d'arrivée de toutes les préoccupations. Pour cela, il faudra d'abord balayer les décombres de cette société pourrie et meurtrière. C'est le programme révolutionnaire de la classe ouvrière. C'est notre programme, notre combat.

RS (25 septembre)

[1] En tout et pour tout en termes de "sécurité" : des affiches rédigées en anglais, langue qu'aucun ouvrier indien ne connaissait.

[2] Un entrepôt de feux d'artifice se trouvait en plein milieu d'un quartier ouvrier de cette ville industrielle de l'est de la Hollande : 20 morts, 700 blessés, des centaines de maisons détruites. Malgré les vieilles inquiétudes, l'usine avait un permis en règle.

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