Chine, Japon... L'Asie du Sud-Est dans la tourmente des tensions inter-impérialistes

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Alors que les médias aux ordres de la bourgeoisie nous rebattent les oreilles du référendum à propos de la Constitution européenne, faisant miroiter que de celle-ci dépend la paix et la stabilité, la barbarie capitaliste continue dramatiquement sa marche en avant. C’est plus particulièrement l’Asie qui est devenue au cours des dernières semaines le nouvel épicentre de l’accélération des tensions inter-impérialistes.

Depuis le 14 mars, l’inquiétude internationale s’est tournée vers le détroit de Formose. C’est à cette date que le parlement chinois a pour la première fois voté une loi anti-sécession qui autorise Pékin à faire usage de moyens militaires contre Taiwan dans le cas où les autorités de l’île opteraient pour l’indépendance. Le 13 mars, le président chinois Hu-Jinto, vêtu d’une vareuse militaire, avait même publiquement appelé les officiers à " se préparer à un conflit armé". Le message était clair : la bourgeoisie chinoise ne permettrait pas la séparation de Taiwan, elle ne reculerait devant aucun moyen, y compris la guerre.

L'Asie du Sud-Est, un nouveau foyer de tensions guerrières

Immédiatement, la tension est montée en flèche, non seulement en Asie du Sud-Est, mais aussi entre la Chine et le Japon. Ce dernier ne pouvait rester sans réaction aux déclarations belliqueuses de la Chine. Tokyo a donc fait savoir fermement que cette loi anti-sécession aurait immanquablement un effet négatif sur la paix et la stabilité de la région en annonçant simultanément que ses forces militaires avaient pris le contrôle d’un phare situé sur l’Archipel de Senkaku. Cet archipel est traditionnellement revendiqué par Pékin, qui l’appelle Diayou. La Chine répliquait en qualifiant cet acte militaire de "grave provocation totalement inacceptable".

L'engrenage des tensions grandissantes entre la Chine et le Japon a trouvé une expression évidente à travers les manifestations anti-japonaises montées de toutes pièces par l'Etat chinois ces dernières semaines, au prétexte de la publication par Tokyo de manuels d'histoire minimisant les atrocités commises par l'armée japonaise durant la colonisation d'une partie de la Chine dans les années 1930. En réponse, le Japon qualifiait alors pour la première fois la Chine de "menace potentielle", mettant clairement en avant l'aggravation de la situation dans cette région du monde. La situation s’est à ce point aggravée en Asie du Sud-Est que jamais, depuis 1945, le Japon n'avait abandonné officiellement sa neutralité à propos de la question sensible de Taiwan.

Cette poussée de fièvre belliqueuse de la part de la Chine n’a évidemment pas entraîné une réponse du seul Japon. Les Etats-Unis ont quant à eux fait savoir que, malgré le fait que Washington n’admet depuis 1972 qu’une seule Chine dont Taiwan fait partie, il ne serait pas question d’accepter passivement et sans réagir un coup de force militaire de la Chine sur Taiwan. "Cette loi anti-sécession est malheureuse", a déclaré Scott Mc Clellan, porte-parole de la Maison Blanche. " Nous nous opposons à toutes modifications unilatérale du statu quo" : ces propos clairs et nets ont été tenus par la secrétaire d’Etat américaine Condoleeza Rice au président Hu-Jintao, lors de sa visite à Pékin le 21 mars dernier. Il est clair maintenant que pour faire face à la montée accélérée des appétits impérialistes de la Chine, le Japon et les Etats-Unis font cause commune dans cette partie du monde.

Tel est le sens de l’accord signé par Washington et Tokyo qui se donne "comme objectif stratégique commun" d’œuvrer à la mise en place de la "résolution pacifique" des questions concernant le détroit de Formose.

La pression impérialiste de la Chine

L’effondrement de l'URSS en 1989, l’affirmation des Etats-Unis en tant que seule grande puissance mondiale, avaient déjà bouleversé la politique impérialiste de la Chine dès cette époque. Depuis la formation de la République populaire de Chine en 1949, en passant par 1972, date à laquelle la Chine et les Etats-Unis se sont retrouvés alliés contre l’Union soviétique, le développement des tensions inter-impérialistes restèrent enfermées dans un carcan qui en limita la dangerosité pour l’ensemble du monde. A partir de 1989, et avec l’enfoncement accéléré du capitalisme dans la décomposition, la situation a commencé à changer.

La base de l’alliance stratégique sino-américaine façonnée par l’existence d’un ennemi commun, l’URSS, avait alors disparu. C’est à partir du milieu des années 1990 que l’on a pu voir la première poussée spectaculaire des tensions dans la région entre la Chine et les Etats-Unis. Le bombardement par les Etats-Unis de l’ambassade de Chine à Belgrade, le 7 mai 1999, un mois après l’échec de la visite de la haute diplomatie chinoise à Washington, a été une expression évidente du fait que la Chine affichait clairement son ambition de faire cavalier seul dans l'arène impérialiste mondiale tandis que les Etats-Unis s'y opposaient.

Depuis, les appétits impérialistes de Pékin n'ont cependant pas cessé de s'aiguiser et avec eux une volonté d'apparaître comme une force militaire avec laquelle les autres grandes puissances devraient compter, en particulier les Etats-Unis. Il est particulièrement significatif que le budget militaire de la Chine ne cesse de croître ! Depuis quinze ans, les dépenses militaires de l'Empire du Milieu se sont accrues à un rythme annuel à deux chiffres : 11,6% en 2004 après les 17% de 2002, ce qui représente pas moins de 35% du budget national. Signe des temps et des besoins de l'impérialisme chinois, c’est la marine et surtout l’aviation qui profitent de ces dépenses dans la perspective d'une modernisation rapide.

L'Etat chinois profite d'ailleurs autant qu'il peut des difficultés de la première puissance mondiale à s'imposer sur la planète. Les interférences de la Chine dans le processus de discussion du dossier nucléaire de l'Iran en témoignent. Le ministre des Affaires étrangères chinois Li-Zhaoxing, lors d’un voyage à Téhéran, a déclaré que la Chine s’opposerait à toute tentative de sanctionner l’Iran sur ce sujet à l’ONU. C’est la même politique impérialiste qui pousse ce pays à soutenir le régime islamique soudanais. Dans le même sens, sa politique vis-à-vis de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, est des plus claires. Elle est un signe fort des prétentions impérialistes de la Chine pour avancer ses pions dans sa zone d'influence naturelle, fût-ce au détriment de la politique américaine. La bourgeoisie chinoise s'est également efforcée de consolider ces derniers temps son influence au Laos, au Cambodge, en Birmanie, voire en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie, et cela directement contre les Etats-Unis.

Si le développement des tensions impérialistes à propos de Taiwan fait peser une nouvelle grave menace sur le monde, celui-ci, et de loin, n’est pas le seul point chaud de l’affrontement larvé en Asie. L’Aksai-chin et l’Arunachal-Pradesh, situés à la frontière entre la Chine et l’Inde, sont également des régions de plus en plus revendiquées par les deux Etats et sont des sources potentielles d’affrontement entre ces deux puissances nucléaires. Si, pour le moment, l’apaisement des tensions est de mise entre l’Inde et le Pakistan d’un coté, l’Inde et la Chine de l’autre côté, cela ne préjuge en rien d'une stabilité de cette région pour les temps à venir. Le Premier ministre indien Mammhan Singh a bien pu ainsi déclarer : " l’Inde et la Chine partagent la même aspiration à bâtir un ordre politique et économique international juste, équitable et démocratique", c'est parce que les requins impérialistes en Asie que sont la Chine, l’Inde et le Pakistan sont pour le moment obligés de mettre en sourdine leur confrontations réciproques, afin de se ménager face à l’offensive actuelle des Etats-Unis dans cette partie du monde.

Dans une telle situation, il est bien évident que les autres puissances impérialistes mondiales, notamment la France, l’Allemagne et la Russie, ne peuvent pas rester sans tenter elles aussi de venir défendre leurs propres intérêts dans cette région du monde, portant ainsi de plus belle ombrage aux Etats-Unis confrontés à l’affaiblissement accéléré de leur leadership mondial. Les récents voyages de Chirac puis de Raffarin en Chine n’avaient ainsi pas pour seule raison le renforcement des liens économiques entre Paris et Pékin. Il s'agissait de réaffirmer le soutien de la France, relayée par l'Allemagne, à la levée de l'embargo sur les ventes d’armes chinoises en même temps que de vendre une technologie avancée à la Chine. Une Chine plus forte et plus agressive face aux Etats-Unis fait le jeu de l’Allemagne et la France. En effet, si la stratégie américaine d'implantation de bases militaires au Kirghizstan, au Tadjikistan, en Afghanistan et en Ouzbékistan vise à la fois l'encerclement de l'Europe et de la Russie, l'Oncle Sam cherche aussi par ce moyen à dresser un barrage contre l'influence expansionniste de la Chine vers l'Occident, contribuant ainsi à isoler entre eux ses principaux concurrents impérialistes.

La fuite en avant du capitalisme ne peut mener qu’à un chaos toujours plus profond.

Avec le développement des tensions impérialistes en Asie, il serait totalement erroné de croire que la barbarie capitaliste ne continue pas de s’accélérer dans les autres régions du monde. C’est tout le contraire qui est vrai.. Il est clair que la bourgeoisie américaine se retrouve enlisée dans le bourbier irakien, malgré ses intentions proclamées d'amorcer une retrait partiel de ses troupes d'ici 2006. Elle est également sur le qui-vive au Moyen-Orient vis-à-vis de la Syrie et de l'Iran mais aussi sur le front extrême-oriental par rapport à la Corée du Nord. Et pour continuer à jouer les gendarmes du monde, elle est poussée en permanence dans une fuite en avant sur le terrain militaire. La multiplication des points chauds en Extrême-Orient, où la poussée de l'impérialisme chinois devient un pôle de préoccupation prépondérant, conduit d'ores et déjà la Maison Blanche à renforcer ses bases militaires dans la région et ses liens avec des Etats comme l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande ou encore le Sri Lanka. L’évolution de la situation en Asie du Sud-Est montre une fois de plus à la classe ouvrière que tous les discours de paix de la bourgeoisie ne font jamais que préparer de nouveaux moments d'affrontements guerriers et que ce système capitaliste n'a rien à offrir que la barbarie. La montée des menaces guerrières en Asie en est une nouvelle expression lourde de conséquences pour l’avenir. Les appétits et les prétentions des principaux rivaux de l’impérialisme américain, dont fait partie maintenant ouvertement la Chine, ne peuvent que s’aiguiser toujours plus. La crise du leadership américain, son offensive actuelle et les réactions qui en découlent, ne peuvent plonger le monde que dans un chaos grandissant.

Tino (22 avril)

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