Une partie assez importante des différents secteurs de la population dans cette partie de l'Inde semble être enthousiasmée par la possibilité du changement. Ils célèbrent la défaite électorale décisive de la coalition dirigeante de gauche et la victoire écrasante de la coalition de droite. Certains sont enthousiasmé par la simple pensée que la coalition dirigeante stalinienne a enfin été évincée du pouvoir gouvernemental. Les gens étaient tellement dégoûtés par l'arrogance et la corruption sans bornes de presque tous ceux qui étaient liés d'une manière ou autre à la clique dirigeante stalinienne. Certains ont dit ouvertement, «Nous ne nous soucions pas de ce qui va se passer dans la période à venir. Nous nous soucions seulement de l'éviction du CPI (M) du pouvoir gouvernemental. Ils sont insupportables. ». Ainsi cette jubilation instantanée de cette partie de la masse des gens, y compris de la classe ouvrière et des secteurs exploités est tout à fait compréhensible. Ces gens semblent savourer un profond sentiment de soulagement.
La presque totalité de la presse imprimée et Internet fait tout son possible pour propager et renforcer l'idée de changement. Elle dépeint le CPI (M) {Parti Communiste d'Inde (Marxiste)}, comme le méchant le plus notoire de tout le film, l'incarnation de tout ce qui est négatif, la source de tous les maux. A l'inverse, la coalition victorieuse de droite, et en particulier son chef suprême, est représentée comme le symbole de l'honnêteté et de l'héroïsme. Elle ne cesse non plus pas de chanter des hymnes à la louange de la puissance illimitée de la démocratie et en particulier de la pureté et de la maturité de la démocratie indienne. Une partie assez importante de la population semble avaler avec délectation tous ces matériaux diffusés par la presse, dans ce contexte. On dirait que celle-ci fait des heures supplémentaires pour bien enfoncer le clou. La nouvelle alliance au pouvoir, non seulement met en scène, presque tous les jours, des scénarios d'un populisme hautement théâtral, pour montrer qu'elle est fondamentalement différente de l'ancien régime à chaque occasion presque tous les jours, mais elle semble aussi y prendre tout son plaisir. La bourgeoisie semble avoir assez bien réussi, au moins temporairement, dans sa tâche de mystification.
Mais elle n'a pas réussi à mystifier tout le monde. Une partie importante de la population n'a pas du tout été émue par cette propagande de changement. Selon certains rapports d'enquêtes fiables, un grand nombre de jeunes qui étaient électeurs pour la première fois ont refusé de voter.
Il est urgent que nous réfléchissions un moment sur le contenu réel du changement pour en finir avec ce rêve.
Nous ne pouvons pas ne pas remarquer que quel que soit le battage médiatique sur la vertu et la puissance de la démocratie, cette élection a montré très clairement qu'elle est à l'agonie. Sans la protection directe de la machine bureaucratique militaire, elle est absolument incapable de se maintenir de façon régulière et de fonctionner. Dans sa phase juvénile, au XIXe siècle, elle avait la haute main sur la machine bureaucratique militaire et elle la contrôlait complètement. Mais maintenant, dans sa phase de sénilité, elle est sous le contrôle et la protection totales de cette dernière. Quelle chute terrible! Le centre de gravité du pouvoir capitaliste n'est plus aujourd'hui au parlement: il se déplace de plus en plus vers la machine permanente, bureaucratique, militaires et judiciaires. Différents secteurs de la bourgeois se lamentent très souvent sur cette transformation inévitable et sur la dégénérescence de la démocratie.
Dans ce contexte, il convient de mentionner que la démocratie, y compris sous ses formes les plus pures, les plus anciennes et les plus mûres, est basé sur trois choses qui sont l'utilisation de l'argent, de la puissance musculaire et de la mystification. Dans les pays arriérés comme l'Inde l'utilisation de l'argent et la puissance musculaire est prédominante. En plus de cela, le pouvoir de mystification sur la classe ouvrière et sur les masses laborieuses joue également un rôle très important. Chaque parti politique et son leader, à l'occasion des batailles électorales recourent au mensonge et à la mystification. C'est quelque chose qui ressemble à une compétition dans le mensonge. Ceux qui sont capables de faire croire au peuple que les mensonges sont des vérités sont victorieux dans le jeu électoral. Dans les pays plus avancés, l'utilisation du pouvoir de mystification est particulièrement prédominant. De nos jours, des accusations d'intimidation de l'électorat sont également proférées, même aux Etats-Unis.
La coalition de gauche, aujourd'hui évincée, était arrivée au pouvoir gouvernemental après une victoire électorale écrasante en 1977, entraînant une défaite écrasante au Congrès du parti de droite, alors au pouvoir. La coalition de gauche avait alors prétendu entamer une croisade des plus déterminées contre les méthodes répressives et toute la corruption du parti au pouvoir sortant. Ils avaient proclamés avec fracas qu'ils étaient pour le changement et le développement économiques. Ils s'étaient engagés à travailler pour la défense de l'intérêt de la classe ouvrière et des couches exploitées de la société. Ils avaient demandé à leurs cadres de ne pas être revanchards contre ceux du parti précédemment au pouvoir qui les avaient terrorisés, chassés de leurs maisons et contraints à fuir très loin. Puis, la population a été pareillement dégoûtée de l'arrogance, de l'extrême corruption et par l'ambiance de terreur créée par des gorilles intouchables, utilisés par le parti du Congrès. Et la population est à nouveau devenue avide de changement par rapport à une atmosphère sociale étouffante et insupportable. Il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour que le nuage d'illusion se dissipe progressivement et que se révèle la vraie réalité du régime de gauche. Les protagonistes et les défenseurs de ce régime ont commencé à recourir de plus en plus aux mêmes méthodes répressives et se sont plongés de plus en plus dans la même mer de corruption. Ils ont joué non seulement un rôle actif, mais aussi un rôle de leader dans le massacre des masses paysannes et dans l'assassinat de la classe ouvrière luttant contre les attaques sur ses conditions de vie et de travail, dans différentes régions du Bengale Occidental. Tous ces mouvements ont été sévèrement réprimées, non seulement par les forces de police officielles, mais aussi par des bandes de nervis non officiels. Les problèmes socio-économiques, en particulier les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière et des divers secteurs des masses laborieuses de la population ont commencé à s'aggraver de jour en jour. Le problème du chômage s'est lui aussi de plus en plus aggravé.
Les partis victorieux d'aujourd'hui font donner de la voix contre la corruption et toutes les méthodes répressives de la coalition de gauche sortante. Ils se prétendent être à l'avant-garde du changement. Leur slogan le plus important est 'le changement n'est pas la vengeance, mais le développement économique'. Ils se sont également engagés à travailler pour défendre les intérêts des pauvres.
Mais ces partis mêmes sont les descendants du parti du Congrès qui avait recouru à des méthodes répressives depuis le transfert du pouvoir politique en sa faveur par les britanniques en 1947 et en particulier dans les années soixante-dix. Les gens avaient même peur de voter selon leur volonté. Les membres du Parti du Congrès étaient alors à l'avant-garde des plus grands massacres de sympathisants du mouvement maoïste en 1971, au cœur de Calcutta. La machine d'Etat avait été utilisée sans vergogne pour ce massacre par le premier ministre du congrès de l'époque. Beaucoup de dirigeants, de jeunes militants et sympathisants du mouvement maoïste avaient ensuite été tués juste après leur arrestation, même en l'absence de la farce de tout procès. Beaucoup avaient été tués dans des prétendues rencontres avec la police. Les maisons de beaucoup de paysans pauvres et sans terre, dans diverses parties de l'ouest du Bengale, qui avaient soutenu le mouvement maoïste furent démolies par les gorilles du parti du Congrès. De nombreuses personnes terrorisées avaient fui loin de leurs lieux d'habitation.
Tout une partie importante des dirigeants qui avaient été directement impliqués dans ces meurtres et massacres sont toujours aujourd'hui les dirigeants de la coalition de droite victorieuse. Mais le massacre du peuple en lutte pour ses diverses revendications contre un gouvernement qui recourait à des méthodes de plus en plus répressives et à toutes sortes de corruptions a donné une bonne occasion pour les dirigeants de droite pour effacer le passé et pour peaufiner leur image politique. Et c'est le même scénario qui peut aujourd'hui se répéter, avec une gauche sévèrement déshonorée et humiliée dans l'opposition, et, après un certain temps, il est assez probable dans la situation actuelle nationale et internationale que la nouvelle coalition sera obligée de recourir à des mesures répressives similaires, sous un prétexte ou sous un autre, contre les inévitables mouvements de la classe ouvrière, de la paysannerie et des chômeurs, répression qui peut même se montrer encore plus barbare que par le passé, ce qui serait susceptible de fournir les conditions nécessaires pour que la gauche, aujourd'hui déshonorée, efface les taches de son passé et polisse son image politique. C'est de cette façon que la gauche et la droite de capital s'entraident et permettent au capital de rester en vie.
Selon Marx et Lénine, la classe ouvrière, ainsi que les masses exploitées ont le droit, tous les quatre, cinq ou six ans, de choisir par qui ils aimeraient être exploitée et réprimée lors des prochaines années. Donc, quelque soit le gagnant, c'est fondamentalement la même chose pour la classe ouvrière et le peuple exploité. L'histoire n'a jamais cessé de prouver la validité de cette affirmation. Il ne peut pas mettre fin à l'exploitation et à la répression de la classe ouvrière par un changement de l'équipe dirigeante ou de parti. C'est seulement la direction politique du système économique et politique capitaliste qui change à travers les élections. La véritable dictature du système capitaliste reste inchangée et intacte. Toujours selon Marx, la démocratie est la meilleure forme de la dictature bourgeoise. Cette dictature se tient cachée dans le rapport de production du capital basé sur l'exploitation et la répression de la classe ouvrière et des masses laborieuses de la population. Ce rapport n'a nulle part et jamais été déterminé par des moyens démocratiques. Les usines ne sont nulle part gérées de façon démocratique. Aucun aspect de la production, y compris les prix n'est déterminé de façon démocratique.
La machine bureaucratique militaire, celle qui est permanente, le pilier le plus important et le plus puissant de l'Etat, la seule arme pour mener à bien l'exploitation et la répression, ne change jamais. 'L'excroissance parasitaire sur le corps social', non seulement restera intacte, mais elle sera beaucoup plus boursouflée dans la période à venir. Cela ne signifie rien d'autre qu'une intensification de l'exploitation de la classe ouvrière et du peuple laborieux, dans la période à venir. Cela ne peut jamais se réduire à un seul pays ou à une partie d'un pays.
Il n'y a pas de différence fondamentale entre les appareils politiques de gauche ou de droite, pour autant que la défense de l'intérêt du capital est concernée. Et pour cela l'appareil politique de gauche du capital est indispensable, en particulier dans cette phase historique de la vie du capital mondial, alors qu'il a été transformé en l'obstacle le plus important à la révolution prolétarienne dont la survie et le progrès de l'humanité ont un besoin urgent. La phase actuelle de sénilité avancée et de décadence du système capitaliste va conduire l'humanité progressivement vers sa destruction totale, si la révolution prolétarienne mondiale n'a pas lieu. Seule la révolution peut détruire le capitalisme et sauver l'humanité. Dans une telle situation, les appareils de gauche, dans toutes leurs variétés stalinienne, trotskiste ou maoïste, sans aucune exception, sont et seront l'unique sauveur du système capitaliste mondial.
La bourgeoisie mondiale a très clairement et profondément réalisé que l'appareil politique de gauche lui est indispensable dans cette période historique de barbarie illimitée, de destruction totale de l'humanité ou de révolution prolétarienne mondiale ouvrant la porte à la création d'une société communiste mondiale, sans frontières, libre de toute exploitation et de toute répression. Elle peut montrer du doigt les régimes staliniens, maoïstes et 'les partis communistes' pour discréditer la perspective du communisme. Elle sait très bien que si cette réalité est comprise par les masses ouvrières, son existence sera fatalement en danger. Les bourgeois ont eu besoin et ont encore besoin urgent de 'pays socialistes' pour discréditer le socialisme scientifique pour lequel la classe ouvrière mondiale et les populations laborieuses ont eu et ont encore une grande attraction. Leur seul objectif est de porter un coup fatal à cette attraction. Dans cette tâche réactionnaire pour la défense et la prolongation de la durée de vie d'un système totalement anachronique et historiquement inutile, l'appareil politique de gauche est absolument indispensable. Par ailleurs, avec ce même objectif en vue, c'est de façon très calculée qu'ils permettent aux staliniens, maoïstes et trotskistes de se présenter comme les véritables défenseurs de l'intérêt des masses de la population contre les attaques de l'Etat bourgeois, pour faire dérailler le vrai combat pour la libération de toutes sortes d'exploitation et de répression.
Le cours de l'histoire n'a pas été déterminé par la bonne ou la mauvaise volonté de tel ou tel individu, mâle ou femelle, groupe ou parti politique à la tête des affaires. Il est déterminé par les conditions matérielles du rapport de production prédominant dans une phase historique particulière et par les conditions de la lutte de classe dans cette phase.
Quel que soit le niveau des promesses qui sont faites au cours de la période de propagande électorale, quelle que soit la bonne volonté qu'il a manifestée, sous forme de mots, en faveur des masses, le nouveau gouvernement aura à servir l'intérêt du système capitaliste dans le Bengale Occidental, comme partout ailleurs. Il peut crier bien fort que son seul but est de servir l'intérêt de l'ensemble de l'humanité. La coalition de droite victorieuse ne se lasse jamais d'affirmer que sa victoire est la victoire de l'humanité, indifférenciée et sans classes. Mais, l'intérêt du capital et celui de l'ensemble de l'humanité et particulièrement celui de la classe ouvrière et des masses exploitées de la population peut-il être le même et être défendu simultanément, notamment dans cette phase historique?
Le système capitaliste mondial est entré dans sa phase de décadence ou de sénilité depuis le début du siècle dernier. La Première Guerre Mondiale en a été la preuve définitive. Depuis lors, il passe par des crises permanentes, comme celle qui s'est exprimée dans le déclenchement de la grande dépression de 1929. Celle-ci a conduit à l'éclatement de la Seconde Guerre Mondiale. Cet état de crise a été supprimé dans une certaine mesure, après la guerre, dans la nouvelle configuration impérialiste internationale, avec la division du monde en deux blocs impérialistes dirigés par deux superpuissances victorieuses, les USA et l'URSS. La crise est réapparue dans les années soixante, pour mettre fin aux soi-disant 'trente glorieuses'. Depuis la crise s'intensifie de plus en plus, au fur et à mesure que la saturation relative du marché mondial s'approfondit. Dans une telle situation internationale la seule condition pour l'existence du capital est plus d'exploitation et de répression de la classe ouvrière et des masses laborieuses. Plus un gouvernement d'Etat capitaliste sera en mesure d'assurer cela, plus brillante sera la possibilité de la poursuite de l'existence d'un système historiquement inutile, au moins dans cet Etat. La tâche de tout gouvernement de gauche ou de droite est d'assurer cela. La tâche du nouveau gouvernement au Bengale Occidental ne peut jamais être autre chose. Quelle que soit sa bonne volonté, authentique ou simulée, il sera contraint par l'évolution des conditions matérielles du capital mondial et par la lutte de classes à intensifier toujours plus l'exploitation et la répression de la classe ouvrière et des masses laborieuses et de recourir à des méthodes encore plus fascistes. Les attaques sur les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière ne peuvent pas encore s'intensifier dans la période à venir. Il y a peu d'espoir pour la moindre solution au problème du chômage. Cette situation est susceptible de se dégrader encore plus dans les jours à venir. Il est fort possible que le rôle des partis politiques et des alliances soient intervertis. La droite au gouvernement va montrer ses véritables couleurs et la gauche dans l'opposition va également montrer ses couleurs premières. Cette dernière ne négligera aucun effort pour se présenter comme les véritables défenseurs de la classe ouvrière et du peuple travailleur et elle fera donc de son mieux pour faire dérailler la lutte de classe hors du terrain de classe et du processus de prise de conscience. Il y a une unité fondamentale entre la gauche et la droite de capital pour autant que la cause de la défense des intérêts fondamentaux du capital est concernée. Il y a bien sûr des différences: de méthodes.
La classe ouvrière ne doit pas se laisser emporter par le battage médiatique, l'hystérie et l'illusion du changement. Elle ne doit pas prendre parti dans le duel entre l'appareil politique de droite du capital et celui de gauche pour s'accaparer le poste convoité de gestion politique des affaires du capital. Tous deux sont les ennemis jurés de la classe ouvrière.
Elle devrait plutôt concentrer toute son attention sur l'intensification de sa lutte de classe contre les attaques contre les conditions de vie et de travail, sur l'auto-organisation et sur le contrôle de la lutte et son extension à tous les secteurs et sur son unification. Une lutte collective et constante contre toutes sortes de mystifications de la part de la gauche et de la droite de capital et pour que se lève la conscience prolétarienne est indispensable. C'est la seule façon de résister aux attaques et de défendre ses intérêts de classe.
Saki, 16 Juillet 2011
La réaction naturelle la plus immédiate aux meurtres perpétrés par Anders Behring Breivik est un sentiment d’horreur. L’attentat et le meurtre de 77 personnes (dont 55 adolescents) ont provoqué des expressions de répulsion de la part des principaux médias et des politiciens à travers le monde. Mais alors que les différentes parties de la classe dominante s’unissaient dans leur condamnation de cet exemple particulier de terrorisme, elles ont fourni différentes explications sur ce qui s’était passé.
La réponse de la droite a été de décrire Breivik comme un malade mental, comme un monstre et un maniaque, un psychopathe et un suppôt de Satan. Enfin, il a été présenté comme un individu dont il fallait expliquer la psychologie et la morale. L’idée que sa folie soit séparée de toute réalité sociale doit être rejetée. L’aliénation de Breivik et sa haine envers le reste de l’humanité est certainement exceptionnelle. Tuer plusieurs douzaines de jeunes gens de sang-froid parce qu’il croyait que seule la déportation forcée des musulmans d’Europe pouvait rectifier les erreurs de la société montre clairement une personnalité avec des problèmes profonds. Mais aucun individu n’agit isolément dans la société dans laquelle il a grandi. Pour prendre l’aspect le plus significatif : nous vivons dans un monde où chaque fraction de la classe capitaliste participe à une campagne perpétuelle tentant d’inciter aux divisions raciales et religieuses. Depuis les groupes fascistes qui prêchent ouvertement la haine des autres races et la violence contre les minorités, jusqu'aux insistances des gauchistes sur les méfaits de l'ultra-libéralisme pour susciter le besoin de nous tous d’être loyaux envers une identité ethnique, la bourgeoisie a créé un réseau idéologique utilisant les mots-clés d’assimilation et de séparatisme, de nationalisme et de multiculturalisme, pour soutenir l’idée que l’humanité est divisée selon des frontières raciales plutôt que de classe.
La différence d'appréciation entre un membre du parti anti-immigrant suédois disant des attaques en Norvège que « la faute en incombait au multiculturalisme de la société » et David Cameron disant que le « multiculturalisme avait failli » n’est pas bien grande. Lorsque la gauche a appelé à la défense du statu quo au nom de la défense de ce même multiculturalisme, l’entourloupe a été complète.
Breivik a semblé avoir passé beaucoup de temps à surfer sur la nébuleuse Internet et s’être immergé dans certaines de ses plages les plus aventureusement délirantes. Il a été clairement exposé à toutes sortes d’expressions de la désintégration de la solidarité humaine la plus élémentaire. Ses actions ont démontré l’aliénation la plus extrême, mais cela doit être compris comme la plus proche de la base des divisions raciales et religieuses mises en avant par l’idéologie bourgeoise, qui est supposée être « normale » et faisant seulement partie du « sens commun ».
En particulier, la propagande qui décrit les musulmans comme une menace omni-présente n’est que la dernière expression en vogue de la stratégie du « bouc-émissaire » si répandu dans le monde capitaliste. Depuis des décennies, celle-ci a nourri la cause de l’anti-sémitisme, ou la description caricaturale des immigrants à peau noire venant d’Afrique et des Caraïbes « menacer » la civilisation, ou encore l’arrivée de groupes parlant une langue différente ou pratiquant une religion différente ayant un pouvoir de briser l’ordre social. A travers l’Europe, il existe un consensus parmi les partis politiques bourgeois et dans les médias capitalistes pour dire que l’immigration est une menace en soi. Les mensonges changent, et la propagande peut être plus ou moins sophistiquée, mais le capitalisme a trouvé ainsi une voie pour pointer de façon constante le danger de « l’autre », de l’étranger. Cette idéologie peut avoir un impact sur certaines personnalités fragiles ; en ce sens, Breivik n’était pas du tout un cas unique.
Pour la gauche, Breivik est considéré comme un ultra-traditionnaliste chrétien, comme une évidence du danger de l’extrémisme fasciste et raciste grandissant, comme un produit de l’islamophobie. Elle met en avant des explications psychologiques. D’après les termes du Socialist Worker du 30 juillet 2011 : « Ces meurtres ne sont pas l’œuvre d’un psychopathe – elles sont celles des actions d’un homme suivant la logique d’une idéologie raciste qui diabolise les musulmans. » Suivant cette « logique », « Breivik voulait déclencher une guerre entre races et pensait que les conditions s’y prêtaient. » Cela s'inscrit en effet dans une certaine logique, mais c’est la logique de l’irrationnel. Contre ces explications psychologiques de la gauche, il est nécessaire de rétablir l’évidence – les attaques en Norvège n’étaient pas celles d’un être rationnel. Comment pouvait-il « déclencher une guerre entre races » en s'attaquant d'abord à ceux dans lequel « coule un sang norvégien » ? Les actions de Breivik n’étaient pas rationnelles, mais cela pose la question de comparer son comportement avec celui du reste des hommes politiques bourgeois. Par exemple, de nombreux groupes palestiniens ont depuis des décennies cru qu’attaquer Israël provoquerait une réponse qui persuaderait finalement les Etats arabes dans la région de déployer leurs forces militaires contre l’Etat juif. Cela n’est pas rationnel, cela sonne comme le Livre des Révélations, mais c’est de la politique. En économie, pendant un siècle des experts auront apporté des solutions à la crise permanente du capitalisme qui ne cesse pas, sans jamais être découragés par l’économie capitaliste, tellement ils baignent dans l’idéologie dominante. Aux Etats-Unis, ce ne sont pas seulement le Tea Party et les marges fondamentalistes du camp républicain, mais toute une série d’idéologies religieuses, créationnistes et autres qui pèse de tout leur poids sur le fonctionnement de la bourgeoisie et sur les consciences du reste de la population.
Où que l’on regarde, le capitalisme, automatiquement dirigé vers la recherche du profit, le Graal de sa quête, connaît de plus en plus le frisson du culte de l’irraisonné. La gauche peut penser que le capitalisme contemporain subsiste sur une base rationnelle, mais l’expérience présente de la société moderne révèle une décomposition aggravée, une partie de celle-ci qui s’exprime dans une irrationalité grandissante où les intérêts matériels ne sont plus le seul guide de son comportement.
Dans le cas de Breivik, il est bien sûr possible qu’il soit un pion inconscient dans une stratégie plus vaste, mais les expériences de Columbine, de Virginia Tech et de tous les autres massacres perpétrés par des individus isolés montre qu’on n’a pas besoin d’un motif politique pour commencer à tuer au hasard n’importe lesquels de nos semblables.
Ce à quoi nous assistons avec des événements comme ces massacres en Norvège est quelque chose qui démontre, à de nombreux niveaux, la décomposition de la société capitaliste. On peut constater la profondeur de l’aliénation du comportement d’un seul individu, qui hélas n’est pas si inhabituel. On y voit l’attaque consciente de la bourgeoisie pour annihiler la solidarité de base et pour fomenter la haine. Le comportement irrationnel marque les groupes comme les individus. La classe dominante encourage les divisions : la culture capitaliste promeut et renforce la peur des autres. De nombreux commentateurs ont montré en exemple la réponse du Premier ministre norvégien, en particulier la façon dont il a spécifiquement dit qu’il ne se servirait pas des ces attaques pour renforcer l’appareil répressif de l’Etat. Il n’a pas besoin de le faire. Au nom de l’opposition à ces récentes atrocités, toute une campagne appelant à l’union nationale norvégienne s’est développée. C’est une des forces de la démocratie bourgeoise. La réalité de la société de classes est capable faire croire qu'elle peut mettre aussi bien une partie de la société comme son ensemble sous la « protection » de l’Etat capitaliste. En tant que classe, la bourgeoisie est toujours à même de se servir de l’évidence de la désintégration sociale contre le développement potentiel de la classe ouvrière vers une réelle unité et une réelle solidarité de classe.
Dans les premiers moments de ces événements en Norvège, la plupart des médias ont essayé de nous convaincre qu'Al-Qaïda¨ pouvait être désigné comme à l'origine de ces attaques, mais ils n'ont eu aucun problème pour changer de direction quand il s’est avéré qu'il s'agissait d’un terroriste « natif du pays ». Ce talent pour la propagande est une des quelques armes dont la bourgeoisie dispose contre nous, au même titre que celle de l'utilisation de la terreur capitaliste.
Barrow (02 août)
Après quatre mois de manifestations et de contestation populaire contre le chômage, la répression et l'absence d'avenir, les événements en Syrie prennent un tour nettement plus sombre et dangereux. Sous couvert de lutte contre les 'bandes armées' et les 'terroristes', le régime syrien a déclenché sa propre terreur sur la population : frappes aériennes, tirs de blindés, batteries antiaériennes, tirs de snipers, torture, privation d'eau, d'électricité, d'aliments pour bébés, entassement des gens dans des stades pour 'interrogatoire', rappellent les régimes les plus sinistres d'Afrique et d'Amérique latine. Au moins 2000 manifestants, la plupart non armés, ont été tués à ce jour, avec des dizaines de milliers de réfugiés et de nombreux sans-abri restés dans leur pays. Il y a eu aussi un grand nombre de soldats déserteurs qui ont refusé de tirer sur leur propre peuple.
Il y a seulement quelques années, des hommes politiques comme David Miliband (alors secrétaire d’Etat au Foreign Office) et Nicolas Sarkozy ciraient les pompes du président syrien Bachar el-Assad et de son régime d'assassins et de tortionnaires, mais aujourd'hui les démocraties occidentales font la queue pour lui demander de démissionner. Les puissances américaine, de Grande-Bretagne, d'Allemagne et de France se sont toutes, jusqu'à présent, montrées d'une complicité très prudente, mais bien réelle, dans la répression et les atrocités de l'armée syrienne, permettant aux pouvoirs régionaux plus petits d'exercer des pressions, tout en soutenant leurs propres forces 'd'opposition' au sein du régime (par exemple, le soutien de la Grande-Bretagne au dissident de premier plan, Walid al-Bunni et à son entourage). A la mi-août, les grandes puissances nommées ci-dessus, avec l'Union Européenne, ont conjointement appelé Assad à se retirer et menacé d'une arrestation possible de plusieurs figures de proue du régime. Des comptes-rendus indiquent que les Etats-Unis ont demandé à la Turquie de ne pas maintenir sa 'zone tampon' entre les deux pays et de prendre du recul par rapport à une telle provocation. Cependant, les Etats-Unis ont considérablement renforcé leur présence navale en Méditerranée face aux côtes syriennes, sur la mer Egée, sur l'Adriatique et sur la mer Noire, avec une concentration particulière en termes de missiles antimissiles et de marines. Les démocraties occidentales se moquent bien des souffrances de la population syrienne : entre autres, cela fait des années que la Grande-Bretagne fournit des armes à l'armée syrienne pour lui permettre de réprimer. Ce qu'elles craignent le plus est que l'élimination possible d'Assad crée davantage d'instabilité et de dangers de la part de 'diables que l'on ne connaît pas encore' : l'Iran, en particulier, occupe une place particulièrement importante dans les cauchemars des ministères des affaires étrangères des pays occidentaux. Cependant, l'Arabie Saoudite, qui a envoyé ses troupes à Bahreïn pour écraser les manifestations, est de plus en plus concernée par la relation stratégique croissante entre la Syrie et l'Iran, y compris leur soutien au Hezbollah et au Hamas. En outre, « Depuis quelque temps, il y a des rumeurs selon lesquelles l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Koweït, financent tranquillement des éléments en opposition à la Syrie. » 1
A l'époque du monde bipolaire de l'OTAN et du Pacte de Varsovie, tout était relativement simple dans les relations impérialistes, mais l'effondrement des blocs a libéré des forces centrifuges. Aujourd'hui, les alliances ou les rivalités entre nations changent au gré des vents impérialistes dominants. Même si les relations entre Turquie, Iran, Israël, Syrie, dans leurs différentes combinaisons, ont montré des évolutions dans un passé récent, la pierre angulaire de la politique américaine et de ses nécessaires plans de guerre est de protéger Israël comme de prendre pour cible l'Iran. Un rapprochement entre l'Iran et les États-Unis n'est pas impossible, mais, avec le cours des événements, une confrontation militaire semble bien plus probable, surtout étant donné la politique agressive que l'impérialisme américain est poussée à conduire, afin de maintenir son rôle de parrain dans le monde.
Les difficultés américaines incessantes en Irak, ainsi que leur tendance à un affaiblissement général, maintiennent en ébullition l'influence iranienne dans ce pays, principalement de la part de la force la plus puissante en Iran, le Corps des Gardes Révolutionnaires d'Al-Qods. Selon un rapport publié dans The Guardian (28 juillet), cette force tire pratiquement les ficelles du gouvernement irakien par rapport à ce qui a été véritablement une guerre entre les États-Unis et les mandataires de l'Iran en Irak au cours des 8 dernières années. L'année dernière, lors de la réunion à Damas qui a formé le gouvernement irakien actuel, le général Suleimani, le chef d' Al-Qods, « était présent (...) avec les dirigeants de la Syrie, de la Turquie, d'Iran et du Hezbollah : il les a tous forcés à changer d'avis et à sacrer Malaki comme leader pour un second mandat. » Le rapport poursuit en disant « qu'à l'exception de deux soldats tués en Irak en juin, le plus grand nombre de soldats US tués depuis deux ans l'a été par des milices sous contrôle (de La Garde Révolutionnaire): les Brigades du Hezbollah et du Keta'ib du Jour Promis. » L'ambassadeur américain en Irak avait déjà rapporté que les mandataires iraniens sont responsables d'environ un quart des pertes américaines en Irak (1100 morts et des milliers de blessés).
L'influence iranienne croissante en Irak, l'est aussi en Syrie. Selon le Wall Street Journal du 14 avril, des responsables américains anonymes ont d'emblée déclaré que l'Iran aidait les forces de sécurité syriennes dans leur répression contre toutes sortes de manifestants. La Syrie est depuis longtemps un couloir pour les armes et l'influence iraniennes en direction du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban. Cette influence s'est accentuée depuis le retrait syrien en 2005 et avec l'affaiblissement des forces pro-américaines dans le pays. Bien qu'ils aient leurs propres intérêts nationaux à défendre, et bien qu'il y ait quelques divergences – par rapport à Israël, par exemple - Damas et l'Iran voient leur alliance plus forte que jamais et bien que le second préfèrerait que la clique Assad reste au pouvoir, si celui-ci tombait, alors leurs 'partenaires' œuvreraient à installer un régime encore plus pro-iranien.
En mai 2007, l'Institut Américain pour la Paix avait rapporté que les relations entre l'Iran et la Syrie s'étaient approfondies. Il n'y a aucun doute que l'Iran met de plus en plus son empreinte sur le pays. En 2006, a été signé un pacte de défense mutuelle inédit, plus un accord de coopération militaire supplémentaire au milieu de 2007. Les investissements et le commerce entre les deux pays se sont également accrus et les difficultés économiques de la Syrie, avec l'aggravation des effets de la crise, ne peuvent que renforcer l'emprise iranienne sur le pays. En fait, le développement de la crise économique semble rendre plus improbable que les États-Unis soient en mesure de chasser l'Iran de la Syrie.
Rien dans tout cela ne constitue une bonne nouvelle pour les intérêts de l'impérialisme turc et pour ses aspirations à jouer un rôle majeur dans la région. Les vagues de réfugiés syriens ont été un casse-tête pour la bourgeoisie turque et le Premier ministre Erdogan avait condamné la 'sauvagerie' du régime syrien. Tout aussi préoccupant est le coup porté à ses efforts pour éliminer le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le Sud-Est du pays. The Guardian rapporte (Simon Tisdall, World Briefing, 09/08/11) que beaucoup de combattants du PKK dans la région englobant la Turquie, la Syrie, l'Iran et l'Irak sont d'origine syrienne et rappelle la poudrière des années 1990, lorsque la Turquie et la Syrie ont failli entrer en guerre par rapport à cette question. Les attaques du PKK contre les troupes turques et les frappes aériennes qui en ont résulté, les 17 et 18 août dans le Nord de l'Irak ne sont sûrement pas sans rapport avec une aggravation des tensions. Téhéran a également repoussé toutes les tentatives turques pour agir comme médiateur avec les puissances occidentales.
Evidemment, la population qui se bat en Syrie contre la misère et la pauvreté fait preuve d'un extraordinaire courage mais l'extrême faiblesse de la classe ouvrière dans cette région du monde rend tous ces combattants vulnérables à la pire idéologie bourgeoise : l'embrigadement impérialiste. Car toutes les fractions en présence, au pouvoir ou dans l'opposition, comme les "grandes démocraties" qui interviennent dans ce conflit, utilisent sans aucune vergogne les populations locales comme de la chair à canon pour défendre leurs sordides intérêts de cliques.
Baboun (20/08/11)
1 Ian Black, analyse récente dans The Guardian.
Nous publions ci-dessous la traduction d'un article réalisé par Internationalism, organe de presse du CCI aux Etats-Unis.
Depuis l'écriture de ce texte, les syndicats et les patrons de Verizon, un des plus importants opérateurs de téléphonie des Etats-Unis, ont décidé de rouvrir les négociations et la grève a pris fin (peu avant la période de deux semaines après laquelle les travailleurs avaient droit à une indemnité de grève !). Cet article a été distribué sur les piquets de grève par nos camarades aux Etats-Unis, qui ont eu de nombreuses discussions avec eux.
Pour la première fois en onze ans, 45 000 travailleurs de Verizon sur la côte Atlantique ont renoué avec la lutte des classes, ayant courageusement refusé de se soumettre à la logique des patrons qui consiste à faire payer à la classe ouvrière la crise économique du capitalisme ! Nos exploiteurs disent que nous devrions nous sacrifier pour permettre à l'économie de repartir, ou pour soutenir la rentabilité d'une entreprise afin de sauvegarder les emplois. Mais le dernier assaut draconien sur les prestations de retraites est une preuve que plus les travailleurs renoncent, plus ils retardent leur réponse aux attaques des patrons, plus hardie et brutale sera la prochaine série d'attaques. Cela est évident chez Verizon Wireline (spécialisé dans les mobiles) qui considère sans humanité les ouvriers fabriquant encore des câbles téléphoniques jugés comme 'obsolètes'. Lorsque les sacrifices déjà réalisés ne sont plus suffisants pour satisfaire la faim insatiable de profit, les patrons disposent simplement de nous, comme si nous étions de simples marchandises. Contrairement à ce que raconte la classe dirigeante, les sacrifices qu'ils nous demandent n'ouvre pas la voie à un avenir meilleur. La vérité est que le seul avenir que le système capitaliste a à offrir est celui de la disparition des pensions, des prestations sociales, des salaires gelés, d'une augmentation du chômage et des attaques sauvages sur nos conditions de vie en tant que travailleurs.
Lorsque les syndicats CWA et l'IBEW ont mis en avant que Verizon ne devrait pas, à l'heure actuelle, demander aux ouvriers des concessions importantes par rapport aux soins de santé, aux pensions, aux congés de maladie ou d'invalidité, etc., parce que la compagnie avait estimée à 6 milliards de $ le profit de l'entreprise pour le reste de l'année ( elle a fait 9.6 milliards de $ de bénéfices dans la première période), ils ont vraiment caché la gravité de la crise économique capitaliste. En agissant ainsi, ils ont consciemment affaibli la capacité des travailleurs à affronter les attaques avec une idée claire des perspectives à venir. La gravité de la crise économique et la réalité de la concurrence imposent effectivement que chaque entreprise demande toujours plus de concessions, aujourd'hui comme demain. Comme les entreprises perdent leur avantage concurrentiel à cause des ravages de la crise économique capitaliste, leurs opérations perdent leur rentabilité. Face à la concurrence, les entreprises doivent moderniser leur technologie ou se retirer des affaires. Verizon, comme toutes les autres sociétés capitalistes, l'avait fait avec les sacrifices imposés à ses travailleurs, par rapport aux retraites, aux soins de santé et aux prestations sociales, la plupart négociés à l'époque de la grève de 2000. Pour illustrer comment, en cette période de décadence capitaliste, aggravée par la crise économique actuelle, les syndicats travaillent main dans la main avec les patrons pour négocier un accord en faveur de ces derniers, démoraliser les travailleurs et pour mieux affaiblir leur combativité dans les luttes à venir, nous devons nous rappeler ce que la CWA et la FIOE ont fait en 2000. A cette époque, lorsque 86 000 travailleurs de Verizon étaient entrés en grève par rapport à leurs prestations sociales et à leurs salaires, les syndicats CWA et FIOE avaient d'abord séparé les grévistes en deux groupes, puis, ils ont négocié deux contrats distincts, chacun des deux cédant aux exigences de la direction, avec pour résultat que même le Financial Times avait salué le nouveau contrat parce qu'il faisait gagner Verizon en compétitivité en favorisant le développement du marché de la téléphonie sans fil. L'une des clauses les plus notoires de ce contrat permettait à Verizon de transférer chaque année 800 travailleurs du réseau de téléphonie fixe au secteur du sans fil, où les travailleurs travaillaient déjà sans forfait de retraite. Le contrat n'a rien fait non plus pour satisfaire les griefs des travailleurs concernant les heures supplémentaires imposées. Les syndicats jouent, dans les négociations, le rôle d'un courtier qui favorise toujours les patrons, et ils piègent nos luttes en nous enfermant dans les directives strictes fixées dans le cahier des charges des règles syndicales : pas de réunions massives, aucune tentative pour organiser ou étendre la grève. En fait, l'actuel appel au vote de la grève par la CWA n'a pas été lancé pour répondre à l'attaque projetée, mais seulement parce que l'entreprise ne négociait pas avec 'bonne foi.'
Les syndicats CWA et IBEW mettent en avant l'idée des patrons selon laquelle une grève n'est légitime que lorsqu'une entreprise n'est pas en faillite et que si celle-ci est en difficulté, les ouvriers doivent en quelque sorte 'couler avec le navire'. Le gouvernement et les syndicats tiennent le même discours aux travailleurs du secteur public : les sacrifices sont inévitables parce que les Etats sont en faillite. Du point de vue de la classe ouvrière, cependant, il est clair que les intérêts des patrons, impulsés par le profit, sont en conflit ouvert avec les intérêts des travailleurs, poussés par la nécessité de la sauvegarde de leurs moyens de subsistance.
Donc, si les syndicats sont le faire-valoir des patrons, quelles sont les perspectives pour la grève actuelle ? Les travailleurs de Verizon ne devraient avoir aucune illusion sur le fait qu'ils gagneront ce combat en se laissant conduire par le syndicat. Mais ce que les travailleurs peuvent faire est de l'utiliser comme un moyen pour se réunir et discuter sur la façon de rendre le mouvement plus efficace et généralisé. Il est clair que les autres travailleurs sont favorables à la grève de Verizon, mais pour vraiment gagner, les travailleurs ont besoin d'étendre la grève et d'en faire vraiment un mouvement qui interpelle l'ensemble de la classe ouvrière. Un exemple de base de cela est le piquet de grève. D'un point de vue historique, quand les ouvriers sont en grève, ils encerclent les lieux de travail pour empêcher les travailleurs de remplacement d'entrer ou de sortir, et pour appeler les travailleurs embauchés pour les remplacer à ne pas prendre leurs emplois. Aujourd'hui, le piquet de grève est isolé derrière une clôture d'où les ouvriers ne peuvent que crier après les « jaunes ». Les travailleurs ont besoin de discuter des moyens de lutte, de comment ils peuvent utiliser les piquets de grève de façon créative pour les rendre efficace et encourager la solidarité. Les travailleurs syndiqués devraient essayer de convaincre les travailleurs non syndiqués de la nécessité de la grève. Ils devraient les arrêter et parler avec eux en expliquant les raisons de la grève, en répandant l'idée que c'est seulement grâce à l'unité la plus large des travailleurs que l'on peut résister aux attaques des patrons. Des piquets volants pourraient être créés pour aller parler avec les travailleurs dans les magasins de téléphonie mobile de Verizon (qui travaillent déjà avec des très pauvres allocations et presque pas de retraite), pendant les pauses déjeuner, pour discuter avec eux de leurs revendications, de ce qu'on peut faire pour les intégrer à la lutte, et pour souligner que la grève actuelle concerne aussi la protection de leurs propres intérêts, ce qui pourrait inciter plus de travailleurs à se défendre eux-mêmes, à travers le pays et à travers le monde. De cette façon, même si les patrons sortent vainqueurs de cette grève particulière (ce qui est vraisemblable si les ouvriers suivent les syndicats et leur laissent les mains libres), les travailleurs auront gagné de l'expérience et de la confiance en soi, ingrédients nécessaires pour mener les luttes à venir que la crise capitaliste va inévitablement les forcer à mener.
Dans le contexte de la crise économique la plus profonde du capitalisme, avec le risque de perdre son emploi ou de subir des conditions de travail encore pires, la lutte des travailleurs de Verizon est une lueur d'espoir pour toute la classe ouvrière. Mais les travailleurs, dans tous les secteurs, et dans tous les pays sont en difficulté à cause des attaques sur leurs conditions de vie et de travail. Coupes accrues par rapport aux soins de santé, licenciements, gels des salaires, chômage endémique et exploitation accrue au travail ont cours depuis déjà longtemps, et ne font que s'aggraver. Face à cela, la classe ouvrière est à la recherche de moyens pour résister. Les travailleurs, les étudiants et les chômeurs de tous les Etats-Unis comme du monde entier cherchent des moyens pour exprimer leurs revendications. En ce sens, la grève actuelle des travailleurs de Verizon est en continuité avec les grèves et les manifs d'étudiants en Californie d'il y a seulement un an, avec la grève des infirmières des hôpitaux de Philadelphie et de Minneapolis, avec la grève des ouvriers de Mott, avec celle des dockers de la côte Est, à l'automne dernier, et les manifestations dans le secteur public, à Madison, dans le Wisconsin, et aussi au niveau international avec la vague de révoltes qui a balayé l'Afrique du Nord et le Moyen Orient, qui résonne maintenant à travers la Grèce et l'Espagne. Mais ce n'est que lorsque les travailleurs seront en mesure de prendre leur lutte dans leurs propres mains, et qu'ils les arracheront des mains des syndicats, que leur résistance deviendra vraiment efficace.
Internationalism (août 2011)