Cela fait huit mois à présent que dure le mouvement de lutte contre la réforme des retraites. C’est par millions que les ouvriers et employés de tous les secteurs sont descendus régulièrement dans la rue. Parallèlement, depuis la rentrée de septembre, des mouvements de grève plus ou moins radicaux sont apparus ici et là, exprimant un mécontentement profond et grandissant. Cette mobilisation constitue le premier combat d’envergure en France depuis la crise qui a secoué le système financier mondial en 2007-2008. Elle n’est pas seulement une réponse à la réforme des retraites elle-même mais, par son ampleur et sa profondeur, elle est une réponse claire à la violence des attaques subies ces dernières années. Derrière cette réforme et les autres attaques simultanées ou en préparation, nous avons un enfoncement aggravé de tous les prolétaires et des autres couches de la population dans la pauvreté, la précarité et la misère la plus sombre. Et ces attaques ne sont pas près de s’arrêter avec l’approfondissement inexorable de la crise économique. Il est clair que cette lutte en annonce d’autres et qu’elle s’inscrit en droite ligne de celles qui se sont développées en Grèce et en Espagne face aux mesures drastiques d’austérité.
Cependant, malgré la massivité impressionnante de la riposte, le gouvernement n’a pas cédé. Au contraire, il est resté inébranlable, affirmant sans relâche et malgré la pression de la rue sa ferme volonté de faire passer cette attaque, se permettant de surcroît de répéter avec cynisme qu’elle était “nécessaire”, au nom de la “solidarité” entre les générations. Ce que tout le monde sait être un mensonge grossier, quasiment de l’ordre de la provocation.
A l’heure où cet article est écrit, la mobilisation reflue et il est certain que la réforme sera acquise pour la bourgeoisie. Pourquoi cela ? Pourquoi cette mesure qui frappe au cœur toutes nos conditions de vie et de travail, et alors que l’ensemble de la population a exprimé amplement et puissamment son indignation et son opposition, passe-t-elle malgré tout ?
Parce que le gouvernement avait la certitude du contrôle de la situation par les syndicats, lesquels ont toujours accepté le principe d’une “réforme nécessaire” des retraites ! (1)
On peut faire la comparaison avec le mouvement de 2006 contre le CPE. Ce mouvement, que les médias ont traité au début avec le plus grand mépris comme une “révolte étudiante” sans lendemain, a fini par faire reculer le gouvernement qui n’a eu d’autre recours que de retirer le CPE.
Pourquoi ce succès ?
D’abord parce que les étudiants s’étaient organisés en assemblées générales ouvertes à tous, sans distinction de catégories ou de secteurs, du public ou du privé, au travail ou au chômage, etc. Cet élan de confiance dans les capacités de la classe ouvrière et dans sa force, de profonde solidarité dans la lutte, avait créé une dynamique d’extension du mouvement imprimant à celui-ci une massivité impliquant toutes les générations. Car, tandis que, d’un côté, les assemblées générales voyaient se dérouler des débats et des discussions les plus larges, ne restant pas cantonnées au seul problème des étudiants, de l’autre côté, on voyait au fil des manifestations les travailleurs eux-mêmes se mobiliser de plus en plus avec les étudiants et de nombreux lycéens.
Mais c’est aussi parce que la détermination et l’esprit d’ouverture des étudiants, tout en entraînant des fractions de la classe ouvrière vers la lutte ouverte, n’arrivaient pas à être battu en brèche par les manœuvres des syndicats. Au contraire, alors que ces derniers, notamment la CGT, s’efforçaient de se placer en tête des manifestations pour en prendre le contrôle, c’est à plusieurs reprises que les étudiants et les lycéens ont débordé les banderoles syndicales pour affirmer clairement qu’ils ne voulaient pas se voir ravaler en arrière-plan d’un mouvement dont ils étaient à l’initiative. Mais surtout ils affirmaient leur volonté de garder le contrôle eux-mêmes de la lutte, avec la classe ouvrière, et de ne pas se laisser avoir par les centrales syndicales.
En fait, un des aspects qui inquiétait le plus la bourgeoisie c’est que les formes d’organisation que s’étaient données les étudiants en lutte, ces assemblées générales souveraines, élisant leurs comités de coordination et ouvertes à tous, dans lesquelles les syndicats étudiants faisaient souvent profil bas, ne fassent tâche d’huile parmi les salariés si ces derniers entraient en grève. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, au cours de ce mouvement, Thibault a affirmé à plusieurs reprises que les salariés n’avaient pas de leçons à recevoir des étudiants sur comment s’organiser. Si ces derniers avaient leurs assemblées générales et leurs coordinations, les salariés avaient leurs syndicats en qui ils avaient confiance.
Dans un tel contexte de détermination chaque fois réaffirmée et de danger d’un débordement des syndicats, il fallait que Villepin lâche du lest car c’est le dernier rempart de protection de la bourgeoisie contre l’explosion de luttes massives qui risquait d’être battu en brèche.
Avec le mouvement contre la réforme des retraites, les syndicats, soutenus activement par la police et les médias, ont fait les efforts nécessaires pour tenir le haut du pavé, en sentant venir le vent et s’organiser en conséquence.
On les a vus jouer dès le début la division, avec FO qui faisait ses manifestations dans son coin, tandis que l’intersyndicale qui organisait la journée d’action du 23 mars préparait le “ficelage” de la réforme, après tractations avec le gouvernement, avec deux autres journées d’action le 26 mai, et surtout le 24 juin, à la veille des vacances d’été. On sait qu’habituellement une journée d’action, à cette époque de l’année, signe le coup de grâce pour la classe ouvrière lorsqu’il s’agit de faire passer une attaque majeure. Hélas pour la bourgeoisie et les syndicats, cette dernière journée d’action a montré une mobilisation inattendue, avec plus du double d’ouvriers, de chômeurs, de précaires, etc., dans les rues. Et, alors qu’une morosité, largement soulignée par la presse, avait marqué les deux premières journées d’action, la colère et le ras-le-bol étaient au rendez-vous du 24 juin.
C’est donc sous la pression de ce mécontentement ouvert et face à la prise de conscience grandissante des implications de cette réforme sur nos conditions de vie que les syndicats se sont vus contraints d’organiser une autre journée d’action dès le 7 septembre, faisant cette fois leur credo de l’unité syndicale. Depuis, pas un n’a manqué à l’appel des journées d’action qui ont regroupé dans les manifestations environ trois millions de travailleurs à plusieurs reprises.
Mais cette unité de “l’Intersyndicale” a constitué un leurre pour la classe ouvrière, destiné à lui faire croire que les syndicats étaient bien déterminés à organiser une offensive d’ampleur contre la réforme et qu’ils s’en donnaient les moyens avec des journées d’action à répétition dans lesquelles on pouvait voir et entendre à satiété leurs leaders, bras dessus, bras dessous, égrener leurs discours sur la “poursuite” du mouvement et autres mensonges. Ce qu’ils redoutaient par-dessus tout, c’est que les travailleurs sortent du carcan syndical et qu’ils s’organisent par eux-mêmes. C’est ce que disait Thibault, le secrétaire général de la CGT, qui faisait “passer un message” au gouvernement dans une interview au journal le Monde du 10 septembre : “On peut aller vers un blocage, vers une crise sociale d’ampleur. C’est possible. Mais ce n’est pas nous qui avons pris ce risque”, donnant l’exemple suivant pour mieux affirmer où se trouvait l’enjeu vécu par les syndicats : “On a même trouvé une PME sans syndicat où 40 salariés sur 44 ont fait grève. C’est un signe. Plus l’intransigeance dominera, plus l’idée de grèves reconductibles gagnera les esprits.”
En clair, si les syndicats ne sont pas là, les ouvriers s’organisent eux-mêmes et non seulement décident réellement de ce qu’ils veulent faire mais risquent de le faire massivement. Et c’est contre quoi les centrales syndicales, et particulièrement la CGT, se sont attelées avec un zèle exemplaire : occuper le terrain sur la scène sociale et dans les médias, tout en empêchant avec la même résolution sur le terrain toute réelle expression de solidarité ouvrière. En bref, un battage à tout crin d’une part, et de l’autre une activité visant à stériliser et entraîner le mouvement dans de fausses alternatives, afin de créer la division, la confusion, et mieux le mener à la défaite.
Le blocage des raffineries de pétrole en est un exemple des plus évidents. Alors que les ouvriers de ce secteur, dont la combativité était déjà très vive et pour lesquels grandissait la volonté de manifester leur solidarité envers l’ensemble de la classe ouvrière contre la réforme des retraites, ouvriers par ailleurs particulièrement confrontés à des mesures drastiques de réductions de personnels, la CGT a fait en sorte de transformer cet élan de solidarité en grève repoussoir. Ainsi, le blocage des raffineries n’a jamais été décidé dans de véritables assemblées générales, où les travailleurs pouvaient exprimer réellement leur point de vue, mais il a été décidé suite à des manœuvres dont les leaders syndicaux sont spécialistes et qui ont fait adopter, en pourrissant la discussion, des actions stérilisantes. Cependant, malgré cet enfermement verrouillé par les syndicats, certains ouvriers de ce secteur ont cherché à créer des contacts et des liens avec des ouvriers d’autres secteurs. Mais, globalement pris dans l’engrenage du “blocage jusqu’au bout”, la plupart des ouvriers des raffineries se sont vus piégés dans une logique syndicale d’enfermement dans l’usine, véritable poison utilisé contre l’élargissement du combat. En effet, bien que les ouvriers des raffineries avaient pour objectif de renforcer le mouvement, d’en être un des bras armés, afin de faire reculer le gouvernement, le blocage des dépôts, tel qu’il s’est déroulé sous la houlette syndicale, s’est surtout révélé être une arme de la bourgeoisie et de ses syndicats contre les ouvriers. Non seulement pour isoler ceux des raffineries, mais pour rendre leur grève impopulaire, en créant un vent de panique et en agitant la menace d’une pénurie d’essence plus généralisée, la presse a abondamment déversé son fiel contre ces “preneurs d’otage empêchant les gens de se rendre à leur travail ou de partir en congé”. Mais c’est aussi physiquement que les travailleurs de ce secteur se sont trouvés isolés ; alors même qu’ils voulaient contribuer par la lutte solidaire à la construction d’un rapport de forces favorable au retrait de la réforme, ce blocage particulier s’est en fait retourné contre eux et contre l’objectif qu’ils s’étaient donné initialement.
Il y a eu de nombreuses actions syndicales similaires, dans certains secteurs comme les transports, et de préférence dans des régions peu ouvrières, car il fallait à tout prix pour les syndicats prendre le moins de risques possibles d’extension et de mise en œuvre active de la solidarité. Il leur fallait faire semblant pour la galerie d’orchestrer les luttes les plus radicales et de jouer la partition de l’unité syndicale dans les manifestations, tout en pourrissant en réalité la situation.
Comme le dit un tract de “l’AG interpro” de la Gare de l’Est daté du 6 novembre : “La force des travailleurs n’est pas seulement de bloquer, ici ou là, un dépôt pétrolier ou même une usine. La force des travailleurs, c’est de se réunir sur leurs lieux de travail, par-delà les professions, les sites, les entreprises, les catégories et de décider ensemble…”
Partout, on a donc vu les syndicats, réunis dans une “Intersyndicale”, pour mieux promouvoir le simulacre de l’unité, mettre en œuvre des semblants d’assemblées générales, sans véritable débat, enfermées dans les préoccupations les plus corporatistes, tout en affichant publiquement la prétendue volonté de se battre “pour tous” et “tous ensemble”… mais organisée chacun dans son coin, derrière son petit chef syndicaliste, en faisant tout pour empêcher la mise en œuvre de délégations massives en recherche de solidarité vers les entreprises les plus proches géographiquement.
En revanche, il n’a pas du tout été question dans les médias des nombreux Comités ou Assemblées générales interprofessionnels (AG inter-pros) (2) qui se sont formés durant cette période, comités et AG dont le but affiché était et reste de s’organiser en-dehors des syndicats et de développer des discussions réellement ouvertes à tous les prolétaires, ainsi que des actions autonomes dans lesquelles c’est toute la classe ouvrière qui pourrait, non seulement se reconnaître, mais aussi et surtout s’impliquer massivement.
Les syndicats n’ont d’ailleurs pas été les seuls à entraver la possibilité d’une telle mobilisation, car la police de Sarkozy, réputée pour sa prétendue débilité et son esprit anti-gauche, a su se faire l’auxiliaire indispensable des syndicats à plusieurs reprises par ses provocations. Exemple ? Les incidents de la place Bellecour à Lyon, où la présence d’une poignée de “casseurs” (possiblement manipulés par les flics) a servi de prétexte à une violente répression policière contre des centaines de jeunes lycéens dont la plupart ne cherchaient qu’à venir discuter à la fin d’une manifestation avec les travailleurs.
On voit ici ce que la bourgeoisie craint particulièrement : que des contacts se nouent et se multiplient le plus largement possible dans les rangs de la classe ouvrière, jeunes, vieux, au travail ou au chômage.
Aujourd’hui, le mouvement est en passe de s’éteindre et il faut tirer les leçons de cet échec.
Le premier constat à en tirer est que ce sont les appareils syndicaux qui ont permis de faire passer l’attaque auprès des prolétaires et qu’il ne s’agit nullement de quelque chose de conjoncturel. C’est qu’ils ont fait leur sale boulot, pour lequel tous les spécialistes et autres sociologues, ainsi que le gouvernement et Sarkozy en personne, les saluent pour leur “sens des responsabilités”. Oui, sans hésitation, la bourgeoisie peut se féliciter d’avoir des “responsables” syndicaux capables de briser un mouvement d’une telle ampleur en faisant en même temps croire qu’ils ont pourtant fait tout leur possible pour lui permettre de se développer. Ce sont encore ces mêmes appareils syndicaux qui sont parvenus à étouffer et marginaliser les véritables expressions de lutte autonome de la classe ouvrière et de tous les travailleurs.
Cependant, cet échec est porteur de nombreux fruits ; car malgré tous les efforts déployés par l’ensemble des forces de la bourgeoisie pour colmater les brèches d’où s’échappe la colère ouvrière, ils n’ont pas réussi à l’entraîner dans la défaite générale d’un secteur, comme ce fut le cas en 2003 (3) avec la lutte contre les retraites du secteur public qui avaient donné lieu à un cinglant recul parmi les travailleurs de l’Éducation nationale après plusieurs semaines de grève.
Ce mouvement est en train de s’achever. Mais “l’attaque ne fait que commencer. Nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas perdu la guerre. C’est la guerre de classe que la bourgeoisie nous déclare et nous avons encore les moyens de la mener” (tract intitulé “Personne ne peut lutter, décider et gagner à notre place” signé par des travailleurs et précaires de l’AG interpro de la Gare-de-l’Est et d’Ile-de-France, déjà cité plus haut). Nous n’avons pas d’autre choix pour nous défendre que d’étendre et de développer massivement nos luttes et pour cela de les prendre dans nos propres mains.
“Prendre confiance en nos propres forces” devra être le mot d’ordre de demain.
WW (6 novembre)
2 Nous considérons ces derniers comme de véritables expressions des besoins de la lutte ouvrière. Ils n’ont rien à voir avec les Coordinations, montées de toutes pièces, orchestrées par les syndicats et les organisations gauchistes en sous-main, et que nous avions dénoncées à de nombreuses reprises lors du mouvement des cheminots en 1986 ou encore lors du mouvement dans le secteur de la santé en 1988.
Nos camarades du Grupo de Lucha Proletaria (Pérou) ont envoyé sur notre site en espagnol cet article, clair, simple et vibrant de dénonciation, du numéro monté par le sieur Piñera à la tête de la bourgeoisie chilienne pour le “sauvetage et la solidarité” des “citoyens” mineurs du Chili.
Cela arrive dans toutes les mines du Chili, toutes les mines du Pérou, de Bolivie, d’Équateur, du Mexique... Enfin, dans toutes les mines du monde. Les prolétaires des mines subissent toujours les conditions de travail les plus terribles, auxquelles s’ajoutent les maladies professionnelles et les accidents du travail. C’est le prix à payer pour que se réalisent les bénéfices des entreprises minières. Les mineurs sont condamnés à avaler la poussière et sur eux pèse toujours la menace d’être avalés par la terre.
C’est ce qui est arrivé dans la mine San José, à Copiapó, à 850 km au nord de Santiago, au Chili. Trente-trois ouvriers ont été prisonniers pendant plus de deux mois dans une cavité profonde.
Les informations sont arrivées à travers les médias (presse, radio, TV, internet...) dans tous les coins de la planète. En un rien de temps, la nouvelle avait fait le tour de la terre et, par la suite, les informations était permanentes 24 heures sur 24. Ces trente-trois prolétaires, ces mineurs, ensevelis vivants dans l’une de ces centaines de mines, ont été utilisés dans une mise en scène occultant toutes les autres morts, la plupart du temps silencieuses. Et quels “héros” est venu les sauver ? Eh bien, leurs propres fossoyeurs : l’Etat chilien avec Piñera (1) à sa tête et l’entreprise minière San Esteban Primera.
La première intention de tout ce ramdam était claire : montrer au monde entier que l’État et l’Entreprise sont aux cotés des travailleurs dans les moments les plus difficiles et qu’ils se préoccupent de leur sort.
Mais montrer la “solidarité” avec les mineurs n’était pas suffisant, l’État et l’Entreprise se sont mis en quête de l’aide internationale (NASA et autres spécialistes...) avec l’intention première de dissimuler les lamentables conditions de travail et de sécurité dans lesquelles travaillaient les mineurs de cette mine San José.
“Les déplorables mesures de sécurité de cette entreprise avaient été déjà signalées par les travailleurs du gisement San José. En juillet, ils ont demandé au ministre des mines Laurence Golborne la fermeture du puits San José. L’entreprise affrontait des dénonciations à répétition pour cause d’accidents du travail. Le ministre des Mines répondit que son travail à lui, c’est de créer des emplois” (2).
L’État a tout fait pour cacher la responsabilité de l’entreprise. Et, finalement, l’État et l’Entreprise se sont présentés comme des héros devant la classe ouvrière, dans la situation tragique que vivent tous les jours de l’année tant d’ouvriers au Chili et dans le monde entier.
Piñera lui aussi sait très bien que ces tragédies sont quotidiennes. Face à cela, il lui faut montrer sa grande préoccupation face à la souffrance des mineurs et de leurs familles. Il fallait faire vite, l’indignation des parents des mineurs et des travailleurs des mines proches commençait à s’exprimer. La possibilité d’une solidarité entre travailleurs s’est faite jour, avec les risques de soulèvements. L’État connaît bien la combativité des prolétaires des mines et il la craint.
Nous avons assisté à une propagande nationaliste frénétique dégageant un fumet paternaliste et triomphaliste écoeurant, une campagne montée autour du sauvetage des mineurs du nord du Chili. L’Etat, avec Piñera à sa tête, a créé un climat de fête nationaliste où on nous a fait voir que l’État et la bourgeoisie auraient les mêmes intérêts que les travailleurs, que tout le Chili est avec eux, que l’État veille sur l’intégrité de ses citoyens chiliens.
Le nationalisme dissimule la tromperie et l’exploitation des travailleurs. Et c’est ainsi qu’on a pu voir chanter l’hymne national chilien dans toutes les places et dans les rues, embrasser le drapeau tous ensemble comme des frères, exploiteurs et exploités. Les travailleurs sont tombés dans le piège de la bourgeoisie, noyés par la bile nationaliste crachée par cette classe d’exploiteurs. “Vive le Chili !”, “Fiers d’être Chiliens !”, “La grande famille chilienne”, “Merci à tout le Chili !”, toutes ces expressions font partie du poison nationaliste, un poison qui attaque directement la conscience de classe du prolétariat, en le sortant du terrain de classe de ses revendications et de ses luttes.
Le prolétariat du Chili et du monde entier doit prendre conscience que le nationalisme les mène à une impasse ; il divise les travailleurs pays par pays et finit par les affronter dans des massacres mondiaux ou locaux. Le capitalisme n’a qu’un intérêt : maintenir les travailleurs divisés et concurrents. Quelle différence y a-t-il entre les mineurs du Chili, du Pérou, d’Équateur, de Bolivie ou du Mexique ? (3) Aucune. Par contre, ils ont beaucoup de choses en commun. Tous sont soumis aux mêmes conditions inhumaines de travail, dans chaque puits, dans chaque mine. Mais ils ont aussi le même dénominateur commun : ils appartiennent à la même classe sociale et ils ont donc les mêmes intérêts à défendre. Quand les ouvriers revendiquent la patrie et l’État, ils ne font que renforcer leurs chaînes d’exploitation et d’esclavage. Le prolétariat ne doit pas perdre sa perspective de classe face à tous ces hymnes, tous ces torchons de couleur, tous ces prétendus cadeaux qu’on leur ferait. Ils ne doivent pas oublier que ces prétendus efforts que fait pour eux la bourgeoisie ne sont que des tours de passe-passe et des attrape-nigauds. La seule chose qui les intéresse, c’est de tirer leurs profits de nos efforts. Après ce sauvetage, les conditions de travail perdureront et seront encore pires à cause de la crise mondiale du capitalisme. Seule l’union de tous les ouvriers contre les intérêts de leurs exploiteurs pourra ouvrir une autre possibilité de vie. La classe ouvrière mondiale, en élargissant ses luttes économiques, en récupérant et en approfondissant sa vision politique, pourra montrer à l’humanité qu’elle est capable de mettre en avant une véritable communauté humaine dans laquelle le rôle de bêtes de sommes qui a été imposé aux ouvriers disparaîtra pour toujours.
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !
Grupo de Lucha Proletaria, Pérou
1 L’État et le nouveau président chilien, Piñera, se sont précipités pour “sauver” les mineurs d’autant plus rapidement que dans toutes les mémoires est encore présente l’ignominieuse “gestion” de l’État chilien lors du tremblement de terre de mars 2010. Lire “Sur les prétendus pillages après le séisme au Chili », Révolution internationale no 411, avril 2010. [NdT].
2 Pour plus d’information, voir www.surysur.net [5]
3 Ce texte a été rédigé par un groupe internationaliste péruvien. L’importance de cette prise de position est mise en relief par le fait que la haine du pays voisin est une constante dans les discours nationalistes des bourgeoisies chilienne et péruvienne, en lien avec une guerre qui opposa les deux pays pendant 5 ans à la fin du xixe siècle [NdT].
Alors que la loi sur la réforme des retraites occupe encore une large place dans l’actualité et dans les esprits, l’Etat prépare déjà une nouvelle attaque sur nos conditions de vie ou, dirait-on, de survie. Comme chaque année en cette période, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) vient d’être présenté. “Budget de la Sécu : du sang et des larmes”, titrait la Dépêche du 26 octobre, pour reprendre une célèbre citation de Churchill employée par Yves Bur, le rapporteur du PLFSS qui annonce tout de suite la couleur. Si pour bon nombre de travailleurs, d’étudiants, de retraités et même de chômeurs, l’accès aux soins en France parait être “un des meilleur au monde”, cette réputation n’a cessé d’être entachée par diverse réformes depuis près de 50 ans. Rappelons seulement quelques grandes lignes :
– dans les années 1960 les remboursements dentaires et optiques ont été fortement réduits ;
– le remboursement des soins courants est passé progressivement de 80 % à 65 % (augmentation du ticket modérateur) ;
– un forfait hospitalier a été mis en place et régulièrement augmenté ;
– des médicaments de confort ont vu leur taux de remboursement réduit ou supprimé ;
– une participation forfaitaire (laissée à la charge de certains assurés) a été mise en place pour chaque visite chez le médecin et pour chaque acte médical de radiologie ou biologie ;
– une franchise a été instituée sur le remboursement de chaque boîte de médicaments, d’un acte paramédical ou d’un transport sanitaire.
Toutes ces attaques ont été menées alternativement, et sans le moindre état d’âme, par le droite ET la gauche !
Aujourd’hui, dans un contexte où le capitalisme connaît une crise économique mondiale d’une rare brutalité, l’heure est partout à la politique de rigueur et d’austérité. Le PLFSS pour l’année 2011, s’y inscrit pleinement. Dès les premières pages du dossier de presse on peut lire : “Les régimes sociaux ont été affectés par la crise économique avec une ampleur jusqu’ici inconnue : (…) pour la première fois depuis la création de la sécurité sociale, le déficit du régime général a doublé en un an, de 10 milliards d’euros en 2008 à plus de 20 milliards d’euros en 2009”. Face à cette situation catastrophique, le projet de loi annonce “le début du redressement” ! Concrètement, il s’agit pour la classe dirigeante de diminuer le déficit de plus de 25 % et donc d’économiser 7,2 milliards d’euros en 2011. Pour atteindre cet objectif, les projets de la classe dirigeante sont clairs : établir un contrôle drastique et une “rationalisation” des dépenses de l’Etat. Ainsi, derrière une volonté affichée de “diminution des niches sociales et fiscales”, c’est toute la classe ouvrière, qui voit ses conditions d’accès aux soins se dégrader lamentablement :
– fin de la prise en charge systématique des dépenses de transports pour les patients en ALD (1) ;
– baisse de 35 à 30 % des médicaments remboursés ;
– baisse également de 5 points du niveau de prise en charge des dispositifs médicaux ;
– augmentation de 4 % à 6 % du forfait social sur l’épargne salariale ;
– passage de 91 euros à 120 euros du plancher au-delà duquel les patients de paient plus 20 % de la facture à l’hôpital.
Fondamentalement, ce projet de loi se donne comme orientation une politique de contrôles plus systématiques des dépenses de la sécurité sociale en faisant le plus souvent des études du besoin au “cas par cas”. En clair, le système de santé s’oriente vers des prises en charge de soins uniquement en cas d’extrême nécessité, laissant les cas “moins graves” à la charge du patient qu’il en ait ou non les moyens. Dans une situation où déjà “26 % des Français renoncent à des soins pour des raisons économiques” (2), c’est un pas en avant vers la misère pour de plus en plus d’ouvriers.
Si aujourd’hui le capitalisme peine à prendre en charge ceux qu’il exploitait férocement hier, les retraités, demain, il ne pourra même plus maintenir en “état de travailler” sa main-d’œuvre !
Rodrigue, le 2 novembre
1 Affection de longue durée.
2 Déclaration de Catherine Lemorton, député socialiste, le 28/10/2010.
Nous publions ci-dessous deux tracts représentant l’effort d’une partie de la classe ouvrière, encore très minoritaire, à prendre ses luttes en main (1). Le premier a été rédigé et adopté par l’AG de Saint-Sernin (Toulouse). Le second a été réalisé par quelques participants de l’AG Interpro de la Gare de l’Est (Paris).
Il y aurait bien d’autres exemples. A Tours ou à Rennes, des travailleurs se sont aussi regroupés en AG Interpro. Un peu partout en France, la CNT-AIT a organisé des Assemblées populaires autonomes.
“L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes” (Karl Marx).
Face à la détermination de Sarkozy, ses médias et l’État policier à casser la lutte actuelle et à la discréditer par les plus infâmes provocations : Chômeurs, Retraités, Précaires, Travailleurs, Lycéens, Étudiants,
Affirmons notre unité et prenons nos luttes en main !
La mobilisation et l’enthousiasme lors de la manifestation de ce dernier mardi furent gigantesques. Nous avons le nombre, il nous faut maintenant développer la conscience que ce n’est qu’en se saisissant nous-mêmes des luttes, par la discussion la plus large, la fusion de tous les secteurs, l’appui des lycéens, des précaires, des chômeurs et des étudiants, que nous pouvons réellement gagner et imposer la volonté des plus larges masses.
Tenons sans délai des ag ouvertes à tous, décidons d’actions communes qui étendent massivement la lutte et la solidarité ! Partageons l’expérience des derniers piquets et blocages : envoyons des délégations de soutien, coordonnons nos efforts. N’est-il pas enfin temps de porter la lutte dans les secteurs les plus massifs : Thales, Airbus ? Notre seule “violence”, c’est de vouloir généraliser la grève. La véritable violence, c’est l’État qui la génère ou la provoque.
Solidarité avec les victimes de la répression ! Cette lutte que nous menons, d’autres la partagent en Espagne ou en Grèce par exemple : dans tous les pays, la classe ouvrière subit les exigences du Capital et sa soif irrépressible d’accumulation.
Les prolétaires de tous les pays comptent sur notre victoire pour leurs luttes futures !
Retrouvons-nous pour partager informations et perspectives de lutte dans l’AG en fin de manifestation, mais aussi tous les soirs de cette semaine : Bourse du Travail, place Saint-Sernin – 18 h 00.
Tract rédigé par des retraités, chômeurs, travailleurs et étudiants réunis devant la Bourse du Travail,
Le 20/10/2010.
saint-sernin.internationalisme.fr
A l’initiative de cheminots de la Gare de l’Est et d’enseignants du 18e, nous avons été une centaine de salariés (du rail, de l’éducation, de la poste, de pme de l’agro-alimentaire, de l’informatique…), de retraités, chômeurs, étudiants, travailleurs avec ou sans papiers, syndiqués ou non, à nous réunir le 28 septembre et le 05 octobre pour discuter des retraites et plus largement des attaques que nous subissons et des perspectives pour faire reculer ce gouvernement.
Nous avons été des millions à manifester et faire grève lors des dernières journées d’action. Le gouvernement ne recule toujours pas. Seul un mouvement de masse sera en mesure de le faire. Cette idée fait son chemin au travers des discussions autour de la grève illimitée, générale, reconductible et du blocage de l’économie…
La forme que le mouvement prendra est notre affaire. C’est à nous tous de le construire sur nos lieux de travail avec des comités de grève, dans nos quartiers au travers d’Assemblées Générales souveraines. Ils doivent réunir le plus largement possible la population travailleuse, coordonnés à l’échelon nationale avec des délégués élus et révocable. C’est à nous de décider des moyens d’actions, des revendications… Et à personne d’autre.
Laisser les Chérèque (CFDT), Thibault (CGT) et Cie décider à notre place, c’est se préparer à de nouvelles défaites. Chérèque est pour les 42 annuités. On ne peut pas non plus avoir confiance en Thibault qui ne revendique pas le retrait de la loi, comme nous n’oublions pas qu’en 2009 il buvait le Champagne avec Sarkozy alors que des milliers d’entre nous étaient licenciés, nous laissant nous faire battre séparément. Nous n’avons pas plus confiance dans les prétendus “radicaux». La radicalité de Mailly (FO) c’est de serrer la main d’Aubry en manif alors que le PS vote les 42 annuités. Quant à Sud-Solidaires, à la CNT ou l’extrême-gauche (LO, NPA), ils ne nous offrent d’autres perspectives que l’unité syndicale. C’est à dire l’unité derrière ceux qui veulent négocier des reculs.
Si aujourd’hui, ils enfourchent le cheval de la grève reconductible, c’est surtout pour éviter de se faire déborder. Le contrôle de nos luttes sert de monnaie d’échange pour être admis à la table des négociations… pourquoi ? Pour, comme il est écrit dans la lettre signée par sept organisations syndicales de la CFTC à Solidaire, “faire entendre le point de vue des organisations syndicales dans la perspective de définir un ensemble de mesures justes et efficaces pour assurer la pérennité du système de retraites par répartition.” Peut-on croire un instant qu’il peut y avoir une entente possible avec les casseurs de nos retraites depuis 1993, avec ceux qui ont entrepris la démolition méthodique de nos conditions de vie et de travail ?
La seule unité capable de faire reculer ce gouvernement et les classes dirigeantes, c’est de s’unir public et privé, salariés et chômeurs, retraités et jeunes, travailleurs avec ou sans papiers, syndiqués ou non, à la base dans des AG communes et en contrôlant nous même nos luttes.
Nous pensons que le retrait de la loi sur les retraites est l’exigence minimale. Cela ne saurait suffire. Des centaines de milliers de vieux travailleurs survivent déjà avec moins de 700 euros par mois, pendant que des centaines de milliers de jeunes vivotent avec le RSA, quand ils l’ont, faute de travail. Pour des millions d’entre nous, le problème cruciale c’est déjà de pouvoir manger, se loger et se soigner. De cela nous ne voulons pas.
Oui, les attaques contre les retraites sont l’arbre qui cache la forêt. Depuis le début de la crise, les classes dirigeantes avec l’aide de l’Etat jettent à la rue des centaines de milliers de travailleurs, suppriment des milliers de postes dans les services publics. Et nous n’en sommes qu’au début. La crise continue et les attaques contre nous vont devenir de plus en plus violentes.
Pour faire face, nous ne devons surtout pas avoir confiance dans les partis de la gauche (PS, PCF, PG …). Ils ont toujours gérés loyalement les affaires de la bourgeoisie en ne remettant jamais en cause la propriété privée industrielle et financière ainsi que la grande propriété foncière. D’ailleurs en Espagne comme en Grèce, c’est la gauche au pouvoir qui organise l’offensive du capital contre les travailleurs. Pour nos retraites, la santé, l’éducation, les transports et pour ne pas crever de faim, les travailleurs devront accaparer les richesses produites pour subvenir à leur besoin.
Dans cette lutte, nous ne devons pas apparaître comme défendant des intérêts catégoriels mais ceux de toute la population travailleuse, y compris les petits paysans, marins-pêcheurs, petits artisans, petits boutiquiers, qui est jetée dans la misère avec la crise du capitalisme. Nous devons les entraîner et nous mettre à la tête de toutes les luttes pour mieux nous en prendre au Capital.
Que nous soyons salariés, chômeurs, précaires, travailleurs sans papiers, et cela quelque soit notre nationalité, c’est toute la population travailleuse qui est dans le même bateau.
Rendez-vous pour en discuter
en AG interpro mardi 12 octobre à 18 h et le mercredi 13 octobre à 17 h
Bourse du travail, métro République
Des travailleurs et précaires de l’AG interpro de la Gare de l’Est
([email protected] [9])
Le 8 octobre 2010
1 Nous avons commencé à collecter sur notre forum de discussion [10] toutes les informations allant en ce sens. Naturellement, nous encourageons tous nos lecteurs non seulement à diffuser ces infos autour d’eux mais aussi à nous communiquer toutes initiatives dont nous n’avons pas eu connaissance, en les postant, par exemple, sur notre forum.
Nous publions ici une prise de position de l’Opposition ouvrière (Oposição Operária, plus connue sous le nom de OPOP, une organisation révolutionnaire au Brésil) sur les luttes en France et dont le grand mérite est d’avoir perçu la signification de ces luttes (le refus du prolétariat de se soumettre à la logique du capital), leur importance donnée par leur massivité mais aussi la recherche, encore minoritaire mais indubitable, de la prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, en particulier contre toutes les formes de sabotage syndical. Enfin, c’est avec raison que la prise de position met en relief l’importance de cette expérience pour le futur et le prolétariat mondial. Signalons enfin que cette position a été réalisée à un moment où il n’était guère évident de percevoir, “de loin”, que la dynamique du mouvement s’était inversée.
Nous appartenons à l’Opposition ouvrière, une organisation de travailleurs au Brésil, et voulons, à travers cette prise de position, nous solidariser avec la lutte de la population travailleuse en France. La lutte actuelle est un combat des salariés français, des étudiants, des chômeurs, du jeune qui arrive sur le marché du travail, des retraités, etc. Bien plus qu’une lutte contre la réforme des retraites, il s’agit d’une démonstration de la résistance des travailleurs du monde entier contre la suppression de nos droits, c’est une démonstration de force et de courage pour montrer aux gouvernements et aux patrons que nous ne pouvons pas accepter que se dégradent nos conditions de vie.
Nous produisons aujourd’hui bien plus que ce n’était le cas dans le passé, nous sommes à l’origine de la création d’une richesse bien plus importante qu’avant et nous ne pouvons pas nous laisser avoir par le discours selon lequel nous devrions travailler plus longtemps parce qu’ils n’y aurait pas de quoi nous payer. Davantage d’années travaillées signifie moins d’emplois disponibles pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail, donc plus de chômeurs aujourd’hui et demain. L’importance de cette lutte vient du fait essentiel que nous nous ne pouvons tolérer cela.
Malgré toute la violence avec laquelle l’Etat français a réprimé le mouvement jusqu’à présent, malgré toutes les manœuvres de l’Intersyndicale et de ses syndicats collaborationistes, c’est avec beaucoup de joie que nous, au Brésil, percevons que le mouvement se poursuit avec force de même que l’agitation continue à se développer. C’est avec beaucoup de joie que nous percevons également que, malgré les manipulations des médias en France et dans le monde, ce nouveau mouvement de la lutte des travailleurs en France continue de recevoir le soutien de la population de ce pays.
Oui, il est important de politiser ce mouvement. De même que sont importantes les réunions et discussions des Assemblées générales qui peuvent se tenir après les manifestations massives. Il est important de s’adresser au mouvement, de favoriser la solidarité entre les différents secteurs, entre les différentes générations, de lutter contre la misère dont sont accablés tous les travailleurs du monde, contre la précarité qui nous poursuit dans tous les coins de la planète, contre l’exploitation à laquelle nous sommes soumis de façon croissante.
Il est surtout important d’être conscients que les attaques massives que subissent les travailleurs du monde entier font partie d’une politique du capital pour sauver son Etat, ses entreprises et son système capitaliste. C’est la crise du capitalisme et l’endettement croissant des Etats qui réclament des mesures draconiennes dont nous sommes la cible. L’aggravation du chômage, la diminution des salaires, la précarisation croissante des emplois des jeunes en sont l’expression. Augmenter le nombre des annuités nécessaires pour partir en retraite ne fait qu’aggraver toutes ces conditions.
L’aiguisement des contradictions entre bourgeoisie et prolétariat (à la fois les parents et les enfants de cette population exploitée) souligne que de telles confrontations ne pourront que s’intensifier dans le futur. Nous, travailleurs du monde entier, devons prendre exemple sur les camarades français qui se préparent à “prendre en lutte en mains”. Réagir aux attaques nous rend notre dignité. Chercher à donner une direction au mouvement, c’est aussi refuser de se laisser transformer en une masse de manœuvre dans les mains des syndicats et des politiciens professionnels.
Ne nous trompons pas, d’autres attaques viendront. La force de notre résistance peut maintenant s’inspirer de celle du prolétariat français. Il faut et nous devons absolument réagir. Nous devons savoir développer et conduire la lutte. Nous devons répondre aux attaques contre nos vies, pas seulement pour faire échec à une offensive, celle du moment, mais pour montrer clairement que nous n’allons pas tolérer que soient supprimées nos conquêtes historiques, nos emplois, nos salaires, nos retraites.
Il est évident que beaucoup de nos problèmes ne seront pas résolus dans le cadre d´une société capitaliste et notre perspective doit toujours être celle de son dépassement. Tant que cela n´est pas réalisé, nous ferons en sorte de défendre nos vies, nos enfants, notre avenir et celui des nouvelles générations. Ainsi, nous saluons une fois de plus la lutte dela classe ouvrière française qui est la lutte du prolétariat mondial.
Opposition ouvrière (Brésil)
26 octobre 2010
La boue rouge toxique provenant de l’usine de bauxite-aluminium à proximité de la ville d’Ajka (1), souillant le Danube, inondant les cours d’eau voisins et les villages de Devecser et Kolontar (les plus touchés), ne pouvait que générer un sentiment d’effroi. Il s’agit là de la plus grave pollution qu’ait connu la Hongrie dans son histoire ! Ce sont des milliers de mètres cubes de boue empoisonnée qui ont été libérés dans la nature. Cependant, au-delà des images spectaculaires du paysage désolé des premiers reportages télévisés, une autre réalité tout aussi choquante, mais beaucoup moins médiatisée, apparaissait au détour des commentaires officiels : celle de la mort immédiate puis à terme ! L’horreur générée par la dizaine de victimes (dont une fillette de 14 mois), les disparus, le fait que plus d’une centaine de blessés, atteints de graves lésions, se retrouve aujourd’hui en proie à de véritables souffrances. Cette boue rouge corrosive, composée de métaux lourds et légèrement radioactive, provoque en effet des brûlures profondes et irrite très fortement les yeux. Les composants chimiques de cette infâme mixture s’avèrent cancérigènes. Des milliers de villageois ont d’ailleurs décidé de fuir leur domicile pour éviter de mettre leur santé en péril.
Tous les drames humains de cette catastrophe ont été bien évidemment noyés de façon intentionnelle dans les quelques commentaires que les journalistes ont bien voulu nous présenter. Comme de coutume, la classe dominante a minimisé la catastrophe : “Le risque de la pollution du Danube par la boue rouge toxique est liquidé.” Voilà ce qu’annonçait lamentablement le Premier ministre hongrois, Victor Orban, lors d’une conférence de presse à Sofia, quelques jours seulement après l’accident, ajoutant sans sourciller que “les autorités hongroises contrôlaient la situation” (2). En même temps, les journalistes détournaient l’attention et la réflexion sur les conséquences tragiques de l’accident, se contentant d’images spectaculaires, destinées à terroriser les populations, évacuant ainsi toute véritable explication (3). De toutes les façons, selon la propagande d’Etat, les accidents industriels liés aux “risques technologiques” (4) ne sont que “le prix à payer”, la “rançon inévitable du progrès”. Autrement dit, le fait qu’il y ait des victimes doit être accepté comme une fatalité, pour ne pas dire comme quelque chose de “normal” !
Nous ne pouvons que dénoncer avec colère et indignation cette idéologie nauséabonde et surtout la volonté de cacher des meurtres programmés par une classe capitaliste sans scrupules. Nous ne pouvons que dénoncer fermement la barbarie consistant à obliger les populations à vivre dans un environnement dangereux, puis à déplacer froidement ensuite des villageois, après coup, comme on déplace des poulets en batterie, alors qu’on les a délibérément surexposés, au mépris total de leur vie.
Cela fait longtemps que les fuites de boue rouge provenant du réservoir défectueux étaient détectées, que les risques de contamination directe des villages avoisinants et des cours d’eau étaient connus. L’exposition des populations n’était un secret pour personne chez les patrons et politiciens locaux ! Mais parce que la prévention n’est pas une activité rentable, la bourgeoisie a préféré faire des économies, quitte à jouer à la roulette russe avec une partie de la population. A ce jeu, ce sont toujours les mêmes qui trinquent !
Les “experts”, les politiciens, les patrons et les journalistes, savent pertinemment que la bordure industrielle du Danube est une gigantesque poubelle à ciel ouvert, que les installations vétustes, non sécurisées faute de moyens, ne peuvent que provoquer de nouvelles catastrophes similaires. Dès les premières coulées de boue, ils ont tout fait pour minimiser l’ampleur des dégâts, pour minorer l’impact de la catastrophe. Ils ont fait mine ensuite, face à l’évidence, de découvrir avec surprise les conditions de cette nouvelle catastrophe, pointant du doigt au passage les “vestiges” hérités de la période du prétendu “communisme”, pour mieux dédouaner leur système et leur propre responsabilité (5).
Si aujourd’hui les médias sont passés à autre chose, si l’événement ne fait plus la une des journaux, la catastrophe et les souffrances sont loin d’être terminées !
Cette catastrophe n’est ni naturelle, ni le produit de la fatalité. Elle est l’expression même de la folie destructrice générée par la recherche effrénée du profit. La concurrence exacerbée, dans un monde où les marchés se réduisent comme peau de chagrin, oblige tous les industriels et les Etats à prendre de plus en plus de risques, à rogner toujours plus sur les marges de sécurité pour faire des économies. En même temps, les ressources naturelles sont livrées partout à un véritable pillage et sont soumises à des destructions accélérées. La catastrophe en Hongrie est déjà là. Non seulement le Danube, deuxième plus grand fleuve d’Europe, est pollué, mais certains cours d’eau appartenant à son réseau hydrographique ont un écosystème complètement détruit. C’est le cas de la rivière Marcal (qui se jette dans le Raab, affluent direct du Danube) où les poissons inertes flottent dans une eau couleur rouille. Il faudra de longues années, sinon des décennies, avant de voir la vie y renaître ; sans compter les dégâts produits dans toutes les terres environnantes et les eaux d’infiltration, de ruissellement et celles filtrées pour finir dans la nappe phréatique. Plus d’un millier d’hectares contaminés affecte désormais l’activité agricole et la chaîne alimentaire de cet espace pollué. Que vont provoquer sur le long terme les poussières une fois les boues séchées ? Car il est avéré que tant que les boues restent liquides leur dangerosité est moindre.
Une fois de plus, la bourgeoisie étale son incurie et son mépris total de la vie humaine. Et non seulement son instinct de classe n’est guidé que par la quête assoiffée d’un profit immédiat, mais son aveuglement est tel qu’elle scie tous les jours un peu plus la branche sur laquelle elle est vautrée. Bien sûr, certains bourgeois interpellent le reste de leur classe à freiner l’enfoncement dans la catastrophe. C’est peine perdue, car la logique générale du capitalisme au profit rapide, alliée à l’involution actuelle dans la crise et donc dans l’effondrement de pans entiers de l’économie, ne peut que pousser encore plus les rapaces de l’industrie et de la finance à sucer jusqu’à la moelle les moindres industries encore rentables, les régions de la planète où un profit rapide est faisable en exploitant pire que des bêtes les prolétaires, et en faisant fi de toute mesure de sécurité, trop “coûteuse”. Quitte à entraîner avec eux, et sans même y réfléchir une seconde, le reste de l’humanité.
WH (14 octobre)
1 A 160 kilomètres à l’ouest de la capitale, Budapest.
2 fr.sputniknews.com [13]
3 Rappelons nous, entre autres, du silence orchestré il n’y a pas si longtemps concernant 11 ouvriers morts suite à l’explosion de la plateforme pétrolière dans le Golfe du Mexique. Les images en boucle de cette explosion spectaculaire ont produit des commentaires omettant systématiquement de parler des victimes (voir RI no 413 [14], juin 2010).
4 Dans les programmes de géographie des lycées, il existe un objet d’étude intitulé : “risques technologiques”. Une façon d’habituer les jeunes à intégrer avec fatalisme le fait que les populations urbaines sont de plus en plus exposées aux catastrophes.
5) En France, à Gardanne (Bouches-du-Rhône), le problème posé par une partie de ces boues, sous forme liquide, est “réglé” d’avance : elles sont rejetées au large, dans la mer Méditerranée !
Neuf mois après le séisme qui a ravagé Haïti, l’incurie de la bourgeoisie ne pouvait manifestement pas se limiter aux appétits impérialistes que la catastrophe n’a pas manqué d’aiguiser, aux belles promesses mensongères d’aide financière, aux centaines de milliers de morts, à l’effroyable entassement de millions de victimes dans des camps surpeuplés (1). Après le véritable déferlement de quasiment 10 000 ONG (2) suite au séisme, et aussi de ces innombrables chercheurs de scoop de la presse et du monde politique, après tout l’hypocrite et infect battage larmoyant des dirigeants du monde entier (3), rien de sérieux n’a été fait. Faute de moyens donnés car faute d’intérêt minimum pour cette population livrée à la misère et au banditisme les plus crasses. Alors que tous les spécialistes mondiaux annonçaient dès le mois d’avril que le pire était à venir avec l’arrivée de la saison des pluies dans une situation sanitaire catastrophique, et donc la survenue brutale d’épidémies, la bourgeoisie internationale a… attendu la pluie !
Cette épidémie annoncée de choléra va avoir des conséquences dramatiques. Depuis plusieurs semaines, la maladie se propage en effet avec une rapidité et un taux de létalité extrêmement élevés. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le gouvernement local dénombre déjà plus de 330 victimes et des milliers de contaminés ; mais dans ce pays exsangue les estimations sont impossibles à établir, et de nombreux indices font suspecter une contagion en réalité bien plus massive encore.
Les éternelles et hypocrites lamentations de la “communauté internationale” sont, jusqu’ici, plutôt discrètes et tranchent avec l’écœurant show médiatique organisé après le séisme. Et pour cause ! Il lui faudrait désormais expliquer ses méthodes inavouables. A tous les niveaux, et sans aucune ambiguïté, la bourgeoisie est directement responsable de cette nouvelle catastrophe.
Le choléra est une maladie liée aux conditions d’existence insalubres dont sont victimes les Haïtiens. Il se transmet par l’intermédiaire d’une bactérie surtout présente dans l’eau souillée par des matières fécales contaminées. Dans un pays où moins de 3 % des décombres causés par un séisme vieux de neuf mois ont été évacués, on imagine facilement l’état du réseau d’assainissement des eaux que la population est contrainte de consommer. C’est que la reconstruction d’un pays implique des moyens matériels et financiers, certes promis par des bourgeoisies en quête d’influence et de marchés mais jamais dispensés : plus de 70 % des subventions annoncées n’ont pas été versées.
Pis, la diffusion de la bactérie est favorisée par des flux migratoires chaotiques dus aux milliers d’expulsions par des propriétaires impatients de récupérer leurs terrains occupés par les camps.
La loi du profit fera toujours de la bourgeoisie une classe d’assassins sans scrupules.
V. (30 octobre)
1 Voir l’article “En Haïti, l’humanitaire comme alibi [17]” dans Révolution internationale no 409.
2 Comme le disait un fonctionnaire de l’ONU, “Haïti est devenue comme un Paris-Dakar de l’humanitaire”.
3 Dirigeants qui, de Sarkozy (dont le ministre Besson avait promis d’interrompre les expulsions, promesse qui n’a tenu que dix jours !) à Obama, n’ont jamais eu d’états d’âme pour renvoyer chez eux, et à coups de matraque, ces Haïtiens cherchant à échapper aux horreurs qui dévastent ce pays.
De récents articles de journaux de Simon Jenkins, dans The Guardian du 10 septembre par exemple, ont montré certains liens au sein de la bourgeoisie sur la question des drogues ; la faillite évidente de la “guerre contre les drogues”, de légaliser telle ou telle drogue, ou de les criminaliser ou non, etc. Tout cela n’est que du vent. Les drogues et leur business font partie intégrante des aspects de la vie du capitalisme et, pire encore, sont des aspects intrinsèques du militarisme, de l’impérialisme et de la décomposition capitaliste. Jenkins souligne que les 28 000 assassinats au Mexique ces dernières quatre années sont un effet direct du commerce de la drogue. Il fournit également une estimation d’un demi-million de gens directement employés dans ce commerce – alors que d’autres estimations les montent à un million (1). Au Mexique, l’industrie de la drogue est un des rares secteurs en pleine expansion dans un pays où la pauvreté frappe de plus en plus lourdement. Le président Felipe Calderon a d’ailleurs reconnu une défaite dans sa guerre de quatre ans contre le trafic de drogue. Un expert de cette “guerre contre la drogue”, Edgardo Buscialga a considéré, dans The Guardian du 13 septembre 2010, que la prédominance des cartels de la drogue au Mexique consistait en une “narco-insurrection”, et la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, au début du mois de septembre, en est venue à suggérer que le Mexique était un Etat en faillite.
Jenkins insiste avec regret sur l’impact de la criminalisation des drogues sur les démocraties d’Amérique latine, sur la Bolivie, le Pérou, la Colombie et encore sur le Mexique. Mais ces Etats démocratiques n’ont été “pollués” par la drogue illégale, et particulièrement dans la période actuelle où le capitalisme pourrit sur pied, que parce que ces Etats relativement faibles ne pouvaient être que des organisations de gangsters ainsi que toute la criminalité qui va avec. Il en est de même des puissances plus fortes et majeures dont les services secrets et militaires sont profondément impliqués dans l’industrie de la drogue. Quelles soient légales ou illégales, les drogues ne sont pas un problème latino-américain, mais une des faces de l’impérialisme mondial.
Pour donner un exemple : à la frontière canadienne, malgré les divers mesures répressives, le business “drogues contre des armes” ou pour du cash est tout à fait aussi actif sinon aussi dramatique qu’au sud des Etats-Unis. La police canadienne estime à une centaine de milliers de Colombiens britanniques engagés dans le seul trafic de la marijuana. Il existe de véritables Nations-Unies des gangs criminels organisés avec des dizaines de milliers de gens inclus dans le passage rapide aux frontières du Canada vers les Etats-Unis, impliquant des bandes grandissantes de voyous en motos. Simon Jenkins propose de distinguer entre drogue “dure” et drogue “douce” impliquant un élément de décriminalisation. Mais lui-même, bien qu’il ne voit d’issue au problème, a raison de poser la question de l’hypocrisie de la “guerre contre les drogues” et note les mots de l’ancien chef de la lutte anti-drogue aux Nations-Unies, Antonio Maria Costa, avec une colère justifiée : Costa a récemment suggéré que les 352 milliards de dollars du cartel de la drogue avaient aidé à soutenir la faillite du système économique mondial de 2008-2009 en fournissant de nombreuses liquidités qui y étaient nécessaires. Mais même cela n’est pas l’indication majeure de la taille de l’industrie de la drogue et de ses relations avec l’irrationalité et la décomposition de la société capitaliste.
Depuis plusieurs années déjà, le pavot, symbole du carnage de la guerre (2), a gagné une valeur ajoutée piquante. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime a détaillé la culture du pavot afghan comme étant passé de 64 % de la production mondiale de l’héroïne à 92 % aujourd’hui. Il estime également le nombre d’Afghans impliqués dans la production générale et dans le processus de distribution entre 1,7 et 2,3 millions de personnes. Depuis la même période, le prix de base de l’opium sec est tombé de 69 %. L’occupation militaire britannique de la province de Helmand a supervisé la culture de la production de pavot qui s’étend aujourd’hui à 70 000 hectares. Dans le contexte de l’impérialisme, la “guerre contre la drogue” est aussi frauduleuse que la “guerre contre le terrorisme”. Dans les deux cas, le capitalisme est amené à utiliser la décadence de son système afin de s’en nourrir lui-même. Ceci a pour conséquences qu’on peut voir ou cacher, débattre ou ne pas prendre en considération toutes les dévastations qu’il cause, mais toute l’humanité est concernée.
Au début de 2007, les Nations Unies estimaient qu’il y avait environ un million de dépendants à l’opium en Afghanistan, dont 600 000 de moins de 15 ans et un nombre grandissant de femmes (Al Jazeera du 15 juillet 2007). L’héroïne bon marché d’Afghanistan est en train d‘avoir des effets dévastateurs en Iran, en Inde, en Russie, aux Etats-Unis, au Canada et en Chine, où elle est la cause d’instabilité sociale particulière, sans compter avec le Sida et d’autres maladies, de la prostitution et des éléments d’esclavagisme qui vont avec.
Dans les pays principaux de l’Europe, les effets de la misère sont ressentis directement depuis les îles écossaises, où les marins sans emploi, de solides et forts membres de la communauté, avec des compensations en poche, tombent dans les bras de “Madame La Joie”.
D’un côté du monde à l’autre, des régions les plus pauvres à celles relativement mieux loties, l’héroïne afghane sème son chaos.
Il y a une semaine ou deux, des journaux (également la BBC du 12 septembre) ont rapporté un informateur tirant la sonnette d’alarme à propos de “grandes quantités” d’opium ayant été exporté d’Afghanistan par des avions américains, canadiens et britanniques. Cela est tout à fait possible et n’est pas forcément en lien avec une politique délibérée des militaires, mais c’est une conséquence directe de l’impérialisme. Lorsque la production de l’opium en Afghanistan a commencé à s’envoler au début des années 1990, face à la Colombie et à la Birmanie, ses rivales dans le commerce de l’héroïne, la CIA a fondé et soutenu le seigneur de la drogue, Ahmed Shah Massoud. Le MI6 l’a aussi armé et assuré dans cette position, et les services secrets britanniques ont appris à son entourage immédiat (3) l’anglais : auparavant, il a entretenu des liens avec le KGB russe ainsi qu’avec les services secrets français. Comme l’intervention directe de l’Ouest en Afghanistan dès la fin de 2001, la production d‘opium afghane a augmenté de 33 %. D’après ce que dit l’ex-ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Craig Murray, dans un article de 2007 du Daily Mail, les services secrets occidentaux ont aidé l’Afghanistan à dépasser la simple production fermière d‘opium vers une conversion de l’héroïne à un niveau industriel avec, cela va sans dire, l’implication directe de l’Etat afghan. Le grand changement opéré ici est l’exportation d’héroïne plutôt que d’opium, et cela nécessite de grandes usines, des volumes de produits chimiques importés, des ouvriers et de nombreux moyens de transport pour exporter les produits raffinés (c’est une des nombreuses ironies de l’Afghanistan que l’Ouest paye les talibans pour qu’ils veillent au moins partiellement à l’exportation de l’héroïne raffinée).
Avant 1979, très peu d’opium venait d’Afghanistan vers l’Ouest, mais alors la CIA, dans sa campagne anti-russe a commencé à envoyer des camions d’armes à Karachi, d’où ils revenaient chargés d’héroïne (The Road to 9.11, UCP, 2007).
Le rôle des services secrets de l’impérialisme dans le commerce de la drogue est remarquable depuis la Seconde Guerre mondiale : la CIA et l’implication de la mafia corse dans le commerce de cocaïne à la fin des années 1940 – la fameuse “French connection” ; en Birmanie, au Laos et en Thaïlande dans le Triangle d’Or, où la CIA envoyait de la drogue à travers toute l’Asie du Sud-Est ; au Panama dans les années 1970 avec l’implication américaine dans le trafic de drogue avec leur marionnette Noriega ; au Vietnam, où la compagnie “Air America” contrôlée par la CIA envoyait de la drogue entre le Laos et Hong-Kong ; le commerce de cocaïne en Haïti dans les années 1980 ; la politique de la CIA dans l’Irangate (“Iran-Contra”) où des armes étaient vendues à l’Iran pour financer des militants anti-communistes au Nicaragua, militants qui étaient aussi par ailleurs “soutenus” par un gigantesque trafic de cocaïne aux Etats-Unis mêmes ; et, plus récemment, les “taxis de la torture” de la CIA, qui servaient à livrer à des bourreaux “amis” des prisonniers de Guantanamo ou ailleurs, et qui servaient aussi à transporter la drogue via les aéroports européens comme Gatwick avec, on peut supposer, l’aval des Etats concernés qui ont soit fermé l’œil soit été directement complices.
La CIA et les services secrets pakistanais, à travers la Banque de Crédit et de Commerce Internationale, utilisant aussi les services britanniques et le Mossad, ont trouvé un facteur majeur de financement, à travers les profits de vente d’opium, le Jihad des Etats-Unis, du Pakistan, de l’Arabie Saoudite, de la Grande-Bretagne, contre les Russes en Afghanistan dans les années 1980.
Ce n’est qu’une partie de l’étendue du rôle de l’impérialisme dans le commerce de la drogue et de l’abjecte hypocrisie de la “guerre contre la drogue”. En remontant bien plus loin en arrière, nous avons l’exemple de la “Guerre franco-anglaise de l’opium” contre la Chine. Pour citer Karl Marx dans le New York Daily Tribune du 25 septembre 1858 : “(le) gouvernement britannique, la bouche pleine de bonnes paroles chrétiennes et civilisées (…) prétend dans sa capacité impériale n’avoir rien à voir avec la contrebande d’opium, et signe même des traités l’interdisant”.
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil capitaliste ; on comprend ainsi la “guerre contre la drogue” du Premier ministre Lord Palmerston en même temps que sa guerre pour la culture, la propagation et la vente forcées de l’opium. Une certaine quantité de ce dernier était aussi vendue à la classe ouvrière de Grande-Bretagne sous l’appellation généreuse de “Cordial de Godfrey”, un opiacé utilisé pour droguer les enfants alors que les deux parents travaillaient4, produisant des générations de drogués à l’opium.
En un certain sens, il s‘agissait de la “revanche” de la Chine et de l’Inde, mais en fait l’ensemble du commerce de l’opium était totalement irrationnel et aux dépends du commerce d‘autres produits. La Compagnie des Indes Orientales cessa de devenir l’exportatrice directe de l’opium vers la fin des années 1700 mais devint sa productrice, alors que les propres bateaux de la compagnie étaient sentencieusement interdit de trafiquer la drogue. Malgré les tentatives de l’Empire Céleste de combattre l’importation de la production britannique de l’opium indien en Chine, la Grande-Bretagne et Palmerston facilitaient ce “commerce” par la force des armes. Marx a montré cette irrationalité et cette expansion du capitalisme sans moralisation. Mais, dans un article paru dans le New York Daily Tribune du 20 septembre 1858, titré “Commerce ou opium ?”, il cite l’Anglais Montgomery Martin : “Pourquoi le ‘commerce des esclaves’ était comparé sans pitié au ‘commerce de l’opium’. Nous n’avons pas détruit les corps des Africains, car c’était dans notre intérêt immédiat de les garder en vie ; nous n’avons pas dégradé leur nature, corrompu leurs esprits, ni détruit leur âme (juste un peu, NDLR). Mais le marchand d‘opium tue le corps après qu’il ait corrompu, dégradé et annihilé l’être moral de malheureux sinners, pendant que chaque heure apporte de nouvelles victimes au Moloch qui ne connaît pas de satiété, et où le meurtrier anglais et le Chinois suicidaire se font concurrence pour apporter leurs offrandes à son autel”.
Il a été dit que Marx soutenait les guerres de l’opium de la Grande-Bretagne contre la Chine, mais ce n’est pas vrai et provient d’une mauvaise lecture du Manifeste communiste sur comment les marchandises bon marché du capitalisme “battent en brèche tous les murs de Chine, avec lesquelles il force les barbares qui haïssent intensément les étrangers à capituler”.
En fait, dans ce cas, il ne s’agissait pas de marchandises bon marché mais de cuirassés, d’artillerie et d’opium – ce dernier assez bon marché pour fournir à la Compagnie des Indes Orientales et donc à l’Etat anglais un retour de 800 % des volumes de ce commerce “particulier”.
Encore d’après Marx, du journal cité plus haut, sur l’ironie délirante de cette situation tout à fait bizarre : “Alors que le demi-barbare se fiait aux principes de la moralité, l’homme civilisé lui a opposé le principe de l’égoïsme. Qu’un empire immense, qui végète en dépit du temps, isolé par la force des échanges entre les nations, et qui réussit ainsi à s’imaginer d’une perfection céleste – qu’un tel empire soit enfin happé par le destin dans un duel à mort ou les représentants du monde antique semblent animés par des motifs nobles alors que les représentants de la société moderne se battent pour le privilège d’acheter à prix bas pour revendre à prix cher, voilà un couplet tragique plus étrange qu’un poète n’aurait pu l’imaginer”.
Aujourd’hui, alors que les contradictions du capitalisme en sont arrivées à un point extrême, dont le rapport entre drogues et impérialisme n’est qu’un exemple de plus, on nous sert le couplet absurde de la “guerre contre la terreur” et la “guerre contre la drogue”.
Baboon (24 septembre)
1 John Ross, El Monstruo - Dread and Redemption in Mexico City.
2 Depuis la guerre de 1914-18, une des fleurs de pavot, le coquelicot, est le symbole des soldats anglais morts dans les champs de Flandres.
3 Steve Coll, Ghost Wars.
4 Le Capital, voir le chapitre sur la grande industrie.
Nous publions ci-dessous la traduction d’un échange qui a eu lieu sur notre site en espagnol (rubrique “Commentaire”) à propos de notre article “Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun” (1).
Le premier camarade affirme des points de désaccords avec notre analyse de la nature de l’anarchisme internationaliste. En particulier, il doute très fortement du bien-fondé de la collaboration avec les anarchistes, même “internationalistes”.
Le second tente de répondre en partie à ces critiques et pose surtout de nouvelles questions.
Nous ne répondrons pas ici à ces interrogations, nous les laissons pour l’heure en suspens (et nous renvoyons nos lecteurs à notre série de trois articles sur “Gauche communiste et anarchisme internationaliste”). Elles sont à nos yeux une contribution au débat, ouvert et fraternel, au-delà des désaccords, qui doit se développer à l’échelle internationale.
Chers camarades,
Avant tout, je vous envoie de loin mes plus sincères et fortes salutations. Je vous écris pour un certain nombre de raisons ; entre autres, un bref commentaire à votre article récemment publié dans Acción Proletaria (2) avec le titre “Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun”. Ce qui m’a frappé dans cet article, c’est cette salutaire culture du débat que vous pratiquez vis-à-vis d’autres mouvements prolétariens lorsqu’on a la volonté “de comprendre les positions de l’autre, de cerner honnêtement les points de convergence et de divergence” ; d’un autre côté, “encore faut-il savoir distinguer les révolutionnaires (ceux qui défendent la perspective du renversement du capitalisme par le prolétariat) des réactionnaires (ceux qui, d’une façon ou d’une autre, contribuent à la perpétuation de ce système)”. Et ceci, pour toujours mettre en avant les principes révolutionnaires communistes. Ceci dit, et je voudrais que vous preniez cette critique comme salutaire, il y a un point dans cet article que je ne partage pas du tout. Votre texte dit : “[Ces maladresses de notre part] révèlent la difficulté de voir, au-delà des divergences, les éléments essentiels qui rapprochent les révolutionnaires.”. Je considère que le communisme et l’anarchisme ne partagent pas des éléments essentiels, mais plutôt des perspectives générales pour l’humanité et peut-être certains objectifs immédiats qui peuvent faire que certaines interventions conjointes puissent être acceptables. Je pense que lutter pour la révolution communiste dans ces eaux troubles, froides et traîtresses du capitalisme avec des mouvements qui se prétendent et qui montrent une apparence de révolutionnaires est toujours dangereux à long terme. En fait, je ne sais pas si cet anarchisme “révolutionnaire” pourrait être catalogué comme tel. En tout cas, il faudrait regarder la pratique à long terme de l’anarchisme “révolutionnaire” pour tirer les conclusions appropriées et mettre en avant, depuis le début et d’une façon claire, les délimitations qui existent entre le communisme et l’anarchisme avant de mener une intervention commune. Cela ne signifie pas que je m’oppose à ce que l’on établisse certaines “alliances” avec les anarchistes pour lutter pour les intérêts généraux du prolétariat ; ce que je veux exprimer, c’est qu’on doit différencier avec plus de précision les éléments essentiels qui configurent le mouvement anarchiste. Je considère, en effet, que les éléments qui rapproche l’anarchisme du communisme ne sont pas essentiels, mais plutôt des éléments apparents et passagers quel que soit le degré d’honnêteté de l’anarchisme. Ce ne serait pas de trop de rappeler aux anarchistes eux-mêmes que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Une organisation révolutionnaire ne l’est vraiment que si, en premier lieu, elle ne perd jamais de vue la perspective révolutionnaire de transformer qualitativement le régime de production actuel qui génère tant d’oppression, mais aussi si elle ne se développe pas de façon permanente sur la base de principes programmatiques qui doivent être nécessairement homogènes ; des principes programmatiques dont l’objectif indispensable est l’abolition de tout ce qui existe avec une stratégie pour le mener à terme, une stratégie que l’anarchisme ne partage pas sur la forme et encore moins sur le fond : le communisme. Autrement dit, si on perdait de vue les principes communistes qui animent et donnent vie à une structure politique véritablement révolutionnaire, cela aurait pour conséquence l’oubli des différences politiquement transcendantales avec d’autres mouvements au moment même de sauvegarder la révolution elle-même, celle d’un prolétariat organisé en soviets. Je souhaiterais que ce que je dis ici soit pris comme une critique fraternelle, étant donné que c’est bien avec vous que je partage non seulement une bon nombre de principes, mais aussi des positions concrètes sur des faits concrets.
Leon’s
Il faut saluer le camarade Leon’s pour sa critique à l’article d’Acción Proletaria sur l’anarchisme. Dans l’article, et aussi dans cette critique de Leon’s, on met en avant le fait que l’internationalisme est une frontière de classe autant chez les marxistes que chez les anarchistes. Ce qui arrive souvent c’est qu’on parle d’internationalisme d’une façon confuse, abstraite, et cela donne lieu à de nombreuses ambiguïtés. Je ne fais pas du tout référence aux petits toutous apprivoisés de la bourgeoisie, qu’ils soient marxistes ou anarchistes, ça c’est une autre affaire ; je parle des camarades qui pensent et agissent avec loyauté, qu’ils soient anarchistes ou marxistes, qui se trouvent aujourd’hui sur le terrain de l’internationalisme. Ici et maintenant je me pose, personnellement, deux questions :
1) Je connais quelques camarades anarchistes honnêtes, mais qui ne pensent pas que la lutte de classe soit un fait déterminant dans la marche de l’histoire, qui parlent d’oppresseurs et d’opprimés, de peuple exploité par les riches et les multinationales, mais ne parlent pas de la lutte de classe comme quelque chose de central. Ceci est somme toute logique, puisque, historiquement, cette question de la lutte de classe n’a jamais été tout à fait claire chez les anarchistes. Donc, pour moi, la question concrète, une question qui n’est pas posée ni dans l’article du CCI ni dans le commentaire du camarade Leon’s, est de savoir si ces éléments qui ne pensent pas que la lutte de classe soit un facteur essentiel dans les changements historiques peuvent faire partie du terrain internationaliste. Voilà une question que je me pose et dont j’aimerais bien discuter.
2) D’un autre coté, je pense que l’internationalisme, comme le disait Lénine par rapport à la vérité, c’est toujours quelque chose de concret, parfaitement palpable et mesurable… ou est-ce qu’il existe des formes différentes d’internationalisme prolétarien ? C’est pour cela que je me permets d’attirer l’attention des camarades comme Leon’s, mais aussi ceux du CCI, sur une partie de l’introduction (3) à la brochure Nation ou classe, où il est dit que l’internationalisme prolétarien se concrétise sur une série de points que je me permets de citer en partie… Voici la citation : “Mais, quel est donc le véritable internationalisme ? Comment pouvons-nous le mettre en pratique ? L’internationalisme prolétarien se concrétise dans :
“1. La dénonciation totale des blocs impérialistes, des idéologies qui leur servent de sergents recruteurs, des partis qui les soutiennent.
“2. La dénonciation de la “neutralité”, du “tiers-mondisme”, des “troisièmes voies”, etc. qui ne sont que des leurres inventés par les nations de second ordre pour défendre leur propre appétit impérialiste.
“3. L’opposition radicale à toute idée de lutte nationale, d’autonomie, de fédéralisme, de racisme (ou son parallèle, la lutte “raciale”), dont la fonction est toujours celle de diviser le prolétariat et le diluer en toutes sortes de fronts interclassistes.
“4. La lutte intransigeante contre toute guerre impérialiste en menant en pratique face à elle le “défaitisme révolutionnaire”, autrement dit, la fraternisation entre ouvriers et opprimés des deux camps, en retournant des deux cotés les fusils contre leur propre commandement, contre leur capital national respectif.
“5. L’opposition de nos intérêts de classe contre l’intérêt national du capital. En luttant avec intransigeance contre tout licenciement, sacrifice, agression que le capital voudrait nous imposer au nom de la “sauvegarde de l’économie nationale” et d’autres mystifications semblables.
“6. Le soutien total aux luttes ouvrières des autres pays. En développant la seule forme de solidarité avec elles : rejoindre leur combat, en ouvrant un nouveau front de lutte contre notre propre capital national.
“7. La recherche de la coordination et de la centralisation internationales des luttes.
“8. L’unité dans une organisation internationale et centralisée de toutes les forces d’avant-garde du prolétariat.
“9. Donner à toutes les luttes qui sont menées aujourd’hui la perspective de la révolution prolétarienne mondiale qui détruise l’État bourgeois dans tous les pays, mette en avant le pouvoir mondial des conseils ouvriers, ouvre un processus d’abolition de la marchandise, du salariat et des frontières nationales en ouvrant le chemin vers la communauté humaine mondiale, le communisme. Il est clair que la révolution commencera probablement dans un pays, mais devra se donner pour tâche l’extension mondiale de la révolution, sinon elle sera condamnée à l’échec.”
Germán
1 http ://fr.internationalism.org/ri414/gauche_communiste_et_anarchisme_internationaliste_ce_que_nous_avons_en_commun.html [18]
2 Organe de presse du CCI en Espagne.
3 à la première édition en espagnol, 1981 [19]. [NdT]
Il existe en Italie un groupe, Lotta Comunista, qui a non seulement la prétention de passer pour une avant-garde de la classe ouvrière mais aussi pour une des formations politiques de la Gauche Communiste, c’est-à-dire d’être issu au moins politiquement sinon organisationnellement, de ce courant politique qui, à partir des années 20 s’est opposé à la dégénérescence de la IIIème Internationale. Nous allons voir en quoi cela est totalement dépourvu de fondement et quels buts LC poursuit en fait.
Lotta Comunista est le nom du journal des Groupes léninistes de la Gauche Communiste. LC n’a jamais expliqué en quoi elle se réclame politiquement et théoriquement de la Gauche Communiste, des expériences de ces minorités qui, dans différents pays comme l’Italie, l’Allemagne, la Hollande, la Belgique, la Russie, le Mexique, la France, en s’affrontant aux forces de la répression capitaliste, ont cherché à maintenir le fil rouge de la continuité marxiste.
Si LC évite soigneusement toute référence aux positions de la Gauche Communiste, tout en continuant à se parer de son nom, c’est parce que les origines de cette organisation sont aux antipodes politiques de la Gauche Communiste. Elles s’enracinent dans la « Résistance » à l’occupation de l’Italie par les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Certains des partisans, parmi lesquels Cervetto, Masini et Parodi, adhérèrent ensuite au mouvement anarchiste en constituant les Groupes Anarchistes d’Action Prolétarienne en 1951. Le congrès de formation des GAAP, à Gènes le 28 février 1951, est considéré par LC comme le point de départ de toute l’organisation telle qu’on la connaît aujourd’hui, si bien qu’une manifestation commémorative du 25° anniversaire (« Lotta Comunista – 25 ans ») a eu lieu en février 1976 à Gènes.
Il est donc plus qu’évident que le fait que LC se réclame de la Gauche Communiste est un faux historique.
Pour LC, le marxisme est une métaphysique, planant au dessus de la société, des classes et de la lutte entre celles-ci ; il n’est pas l’expression d’un mouvement réel d’émancipation du prolétariat, mais une révélation, une religion – donnée pour une science à appliquer – détachée de la réalité et de la matérialité du prolétariat dans son rapport contradictoire avec le capital. Le « marxisme » de LC n’est que le produit de la pensée d’idéologues fondée sur des spéculations philosophiques. Pour se donner une certaine crédibilité, Lotta Comunista accole l’adjectif « scientifique » à ses élucubrations en vertu desquelles nous avons le parti comme lieu où naît et vit la « science de la révolution », nous avons le programme révolutionnaire « scientifique », la « science prolétarienne ». Le développement de la prétendue science marxiste se produirait donc dans le cerveau de penseurs armés par la « science révolutionnaire » et non pas en tant que théorie élaborée par le prolétariat dans son mouvement antagonique à la société capitaliste. Aujourd’hui, ce corpus immuable de la « science marxiste » serait en dépôt chez LC qui s’en sert pour se développer indépendamment des vicissitudes du mouvement réel des montées et des reflux de la lutte des classes.
Pour LC, la crise économique n’existe pas. Ce serait d’ailleurs une petite histoire inventée par les patrons pour attaquer la classe ouvrière. En 1974, LC avait d’ailleurs publié une brochure au titre significatif : « Mais quelle crise ? ».
Le capitalisme serait en expansion continue grâce à des zones entières et des marchés que le capitalisme doit encore conquérir.
LC en veut pour preuve les statistiques de l’OCDE, de la revue Fortune ou du Financial Time. Le journal, au lieu d’être un journal d’études mais aussi de propagande et de combat, après la première page qu’on pourrait définir comme philologique, tient la chronique des concentrations d’entreprises sans que n’apparaisse à quelque endroit la préoccupation de la perspective révolutionnaire. La rubrique des luttes ouvrières dans le monde ne donne qu’un instantané des grèves sans aucune analyse du niveau de conscience, de combativité ou de l’organisation autonome Au fond, ce n’est pas par hasard : LC ne voit dans le prolétariat que du capital variable, qu’un producteur de plus-value, exactement comme le capital. Il n’y a aucune analyse, aucune vision dynamique du devenir de la lutte de classe et de ses perspectives, mais uniquement une vision statique, où le prolétariat est conçu comme une addition d’individus, atomisés, à conduire demain à la révolution – ou à ce qui est donné pour tel.
Pour examiner la position de LC sur la classe ouvrière et la lutte de classe, il faut se référer à trois éléments à la base de la conception que LC : la conception « léniniste » du parti, le rôle des syndicats et, enfin, la phase économique actuelle qui imposerait une « retraite en bon ordre » de la classe ouvrière.
LC développe une conception de la conscience et du parti selon laquelle le prolétariat n’est pas capable de faire mûrir une prise de conscience communiste, que celle-ci, au contraire, doit lui être transmise exclusivement par le parti, formé d’intellectuels bourgeois dédiés à la cause révolutionnaire.
Avec cette vision, LC ne tient aucun compte des luttes réelles du prolétariat, mais s’attache au niveau de syndicalisation de la classe ouvrière et à sa propre influence dans son syndicat d’adoption, la CGIL « rouge ». Le discours de LC est simple : étant le parti révolutionnaire, il faut organiser et diriger la classe ouvrière et, pour y parvenir, prendre la direction du syndicat, par tous les moyens.
En conséquence, les interventions de LC dans la classe ouvrière ne sont jamais destinées à élever le niveau de conscience du prolétariat, mais visent à conquérir quelques cadres de plus et de nouveaux espaces politiques à contrôler. .
Finalement, comme pour LC, le capitalisme est dans une phase économique de croissance continue et la tâche de la classe ouvrière est essentiellement d’attendre que les conditions mûrissent, que le capitalisme soit implanté sur toute la planète dans toute sa plénitude. Ce groupe a lancé en 1980 le mot d’ordre de « retraite en bon ordre » :
« … nous avons depuis longtemps repris le mot d’ordre léniniste courageux de regrouper autour du parti révolutionnaire les forces conscientes et saines de la classe ouvrière disposées à faire des efforts dans une retraite en bon ordre, sans débandade, déceptions, confusions, démagogie. »1,
Conclusion : il faut vraiment travailler à émousser l’agressivité des luttes pour éviter, à ce qu’il semble, une « déroute dans le désordre ». LC en arrive même à « reprocher » au vieux parti stalinien italien, le PCI, d’avoir été trop loin : « Comme ce n’est pas par hasard que le PCI en soit arrivé au contraire à concevoir les ‘coups de force’ syndicaux qui accentuent le chemin désordonné des luttes ouvrières pour défendre son propre poids parlementaire dans l’intérêt exclusif des fractions bourgeoises ».2
La même critique est faite au « grand syndicat », la CGIL, dont LC rêve de prendre la tête :
« Le grand syndicat, ayant au contraire rejeté la tâche que nous lui avions indiquée au début de la crise de restructuration, d’organiser une retraite en bon ordre pour être ensuite en mesure de réorganiser la reprise, a fini par faire pleurer les entrepreneurs et les gouvernants, non parce qu’il était fort, mais à cause de la crise d’autorité et de confiance qu’il subissait ». 3
Voila les mouches du coche qui conseillent – sans être écoutées – le syndicat sur ce qu’il lui faut faire. Mais celui-ci ne les écoute pas et entre en crise, faisant pleurer – et là, c’est le plus beau – les patrons et les gouvernants. Pourquoi donc les patrons et les gouvernants pleureraient-ils la crise du syndicat ? Il n’y a qu’une réponse : parce que va leur manquer l’outil qui, grâce à son autorité morale et matérielle, enchaîne les travailleurs au char du capital. Ainsi, ce sont, au contraire, les Comités de base qui naissent4 ; si, à l’opposé, le syndicat avait écouté les conseils de LC, il ne se retrouverait pas dans la situation d’avoir à régler des comptes avec les Comités de base, c’est-à-dire avec la tendance des ouvriers à se libérer du carcan syndical et à commencer à s’organiser de façon autonome, obligeant le syndicalisme à se radicaliser pour mieux encadrer les ouvriers.
Tout cela conduit à une pratique politique dont l’objectif n’est pas de favoriser la maturation dans la classe ouvrière, mais le renforcement des positions du « parti » au détriment de la classe ouvrière.
Voici un exemple de cette politique aux conséquences profondément négatives :
En 1987, quand les travailleurs de l’école s’organisent en Comités de base, LC vient dans quelques assemblées pour proclamer qu’il ne s’agit pas de constituer un nouveau syndicat mais de prendre la direction politique de ceux qui existent. Ce qui signifie : ne pas abandonner la CGIL, laisser la direction du mouvement à LC et tout ira pour le mieux. Mais le mouvement des travailleurs de l’école en 1987 était un mouvement qui commençait à s’organiser sur des bases de classe, malgré toutes ses faiblesses. Econduite, LC a préféré alors calomnier publiquement le mouvement en le définissant comme un mouvement « sudiste » (puisqu’il était surtout développé au sud de l’Italie, LC en faisait quasiment un mouvement régionaliste), « bouillon de culture des futurs dirigeants des partis parlementaires », et appelait au contraire à un congrès extraordinaire de la CGIL. Cela signifiait tout platement que la CGIL devait se réveiller et ne pas laisser s’échapper les travailleurs de l’école en lutte. Voila les « révolutionnaires » à l’œuvre !
LC s’affirme « contre tous les partis parlementaires » et « contre l’Etat et la démocratie », mais cosigne avec le PCI, la DC, le PR, la DP et le PSI (tous partis de l’appareil d'Etat italien) un communiqué de presse, de « ferme condamnation du terrorisme et de toutes les forces qui lui sont associées » appelant « tous les travailleurs à repousser la grave attaque menée par ces forces économiques et politiques qui tendent à déstabiliser la démocratie de notre pays ». (souligné par nous, NDR)
En ce qui concerne les élections, LC se déclare abstentionniste, mais quand l’abstentionnisme devient trop impopulaire comme en 1974, lors du référendum sur l’abrogation du divorce, LC donne alors l’indication de voter pour le « non », assaisonnant sa position de phrases du genre : « Le vote ne suffit pas, il faut continuer la lutte. » En réalité, LC ne fait que prendre position, à l’instar des extra-parlementaires de ces années là, en faveur d’une fraction bourgeoise contre une autre.
La question de la participation à la guerre impérialiste est une question particulièrement lourde de conséquences parce qu’elle délimite le camp prolétarien du camp de la bourgeoisie. Bien que LC se déclare internationaliste, elle apparaît particulièrement compromise sur ce plan.
Une brochure de 1975 explique qu’en 1943, « face au délabrement de la bourgeoisie, les premiers noyaux ouvriers se sont organisés spontanément : de la grève on passe à la lutte armée. C’EST LE DEBUT DE LA RESISTANCE ! Les ouvriers gagnent les montagnes, s’organisent clandestinement dans les villes et les usines. A la construction de la nouvelle société s’oppose comme premier obstacle, comme premier ennemi, la présence des fascistes et des nazis. C’est contre ces valets du capital que les partisans doivent commencer à combattre. Mais les ouvriers savent bien que cela ne peut être l’objectif, mais seulement un passage obligé pour arriver au socialisme ».5
Ce discours se situe complètement sur le terrain de la bourgeoisie. En effet, les bandes de partisans sont des regroupements interclassistes au service de l’impérialisme « démocratique » et même les organisations qui agissaient en ville et dans les usines, les GAP et le SAP6, bien que constituées d’ouvriers, étaient complètement dirigées par le PCI (le parti stalinien italien) et d’autres partis bourgeois. Les révolutionnaires se devaient au contraire de dénoncer que des ouvriers se soient laissés entraîner dans une « guerre du peuple » au service de l’impérialisme où ils ne défendaient pas leurs propres intérêts mais ceux de leur ennemi de classe. C’est vrai qu’en mars 1943, les ouvriers se sont mis en grève avec des revendications de classe, pas antifascistes, mais il est aussi vrai que ces grèves et celles qui ont suivi ont été dénaturées et dévoyées sur le terrain de l’antifascisme. Les prolétaires en uniforme de l’armée allemande – soit par instinct de classe, soit à cause des souvenirs de luttes ouvrières transmis par leurs parents – ont cherché en quelques occasions à prendre contact avec les ouvriers en grève et leur manifestaient leur sympathie en leur lançant des cigarettes7, mais ils ne trouvaient en face que les charognes staliniennes du PCI qui leur tiraient dessus pour empêcher une fraternisation entre prolétaires au-delà des nationalités et des langues. Les ouvriers italiens et les prolétaires sous l’uniforme allemand – nous parlons de l’armée allemande composée en grande partie de prolétaires comme toutes les armées et non pas de la Gestapo et des SS – commençaient à mettre spontanément en pratique l’internationalisme prolétarien. LC, au contraire, voit dans ces prolétaires - définis comme des Nazis – le premier ennemi à abattre.
Dans la même brochure, on lit encore que les ouvriers comprendront qu’il faut prendre le pouvoir à la bourgeoisie « et c’est ce que nous chercherons à faire, là où nous réussirons à prendre le pouvoir même si c’est pour peu de temps : formation de nouvelles structures politiques dans lesquelles sera rassemblé le pouvoir de faire des lois et de les faire exécuter en nommant directement les maires et les fonctionnaires ; gestion des usines ; exercice direct du pouvoir judiciaire et liquidation des fascistes ».8 L’effronterie de LC n’a pas de limite. On voudrait nous faire croire que les Comités de Libération Nationale (CNL), auxquels il est fait implicitement référence dans le passage précédent, seraient des organismes prolétariens, alors que les CLN n’étaient formés que des partis de la bourgeoisie qui soumettaient les ouvriers aux exigences de la guerre impérialiste.C’est une autre catastrophe, que des groupes comme LC qui se font passer pour les héritiers de la Gauche Communiste et de Lénine, en arrivent à exalter la Résistance en la présentant comme une révolution manquée, alors que la Résistance fut au contraire une des expressions de la contre-révolution.
Pour finir, on peut se demander sur quoi repose l'internationalisme revendiqué par un groupe comme LC qui, provenant de la Résistance, n’a même pas tenté de renier cette expérience avec un minimum de critique ? Toujours fidèle à l’idée d’achever la révolution bourgeoise avant d’oeuvrer à la révolution prolétarienne, LC s’est fixé comme tâche d’appuyer toutes les luttes d’émancipation nationale par rapport aux soi-disants impérialismes ; LC n’a pas réussi à prendre en compte la leçon de Luxembourg que dans l’époque actuelle de décadence du capitalisme, tous les Etats, petits ou grands, forts ou faibles, sont obligés de mener une politique impérialiste.
C’est ainsi que LC met en avant [qu’] « intervenir activement contre toute manifestation de la force impérialiste prédominante dans son pays signifie se mettre au premier rang sur le front de la lutte de classe internationale. Participer à chaque lutte qui frappe, directement ou indirectement, un ou tous les secteurs de l’impérialisme, participer en se distinguant idéologiquement et politiquement avec ses propres thèses, mots d’ordre, résolutions et en dénonçant la dialectique unitaire de l’impérialisme. » Et elle se fixe pour tâche « dans les colonies et semi-colonies, [de] lutter par tous les moyens contre l’impérialisme, en appuyant toutes ces actions et initiatives des bourgeoisies nationales qui vont effectivement et concrètement contre les forces impérialistes, étrangères ou locales. »9
LC a même republié tous les articles de son fondateur historique Cervetto10 argumentant en faveur du soutien à la Corée : « … nous tenons pour la tâche des masses travailleuses de lutter pour que les troupes américaines et chinoises abandonnent la Corée et que le peuple coréen soit libre d’œuvrer à sa propre émancipation nationale et sociale en prenant la seule voie révolutionnaire, sans interférence soviétique, chinoise ou de l’ONU »11 ; tout comme « en faveur de l’indépendance africaine » : « La révolte anti-impérialiste des peuples africains n’est pas en fait le prélude à la formation de la société socialiste sur ce continent. C’est une étape nécessaire pour faire une brèche dans la domination impérialiste, pour la désagrégation de la stratification féodale, pour la libération des forces et énergies économiques nécessaires à la constitution d’un marché national et d’une structure capitaliste industrielle. (…) Ce n’est que pour cela que nous soutenons la lutte d’indépendance africaine. »12
C’est ainsi que LC est amenée à encenser les personnalités bourgeoises en lutte contre d’autres bourgeoisies : « Lumumba est un combattant de la révolution coloniale sur la tombe duquel le prolétariat, un jour, déposera la fleur rouge. Nous qui, de façon marxiste, avons critiqué et critiquons la confusion de son œuvre politique, nous le défendons contre les insultes. (…) Lumumba a su mourir en combattant pour rendre son pays indépendant. Nous les internationalistes, nous défendons son nationalisme contre ceux qui font de leur nationalisme (blanc !) une profession. »13
LC a aussi des paroles flatteuses pour le castrisme qui « devient révolutionnaire malgré ses origines, c’est-à-dire qu’il est obligé de rompre de façon décisive avec le passé ».14
Et, bien sur, pour le Vietnam : « Pour ceux qui, comme nous, ont soutenu depuis toujours la lutte d’unification étatique en tant que processus de la révolution démocratique bourgeoise vietnamienne, la portée historique de la victoire politique et militaire de Hanoï transcende le fait contingent. »15
Il y a encore beaucoup de points critiques dans le passé lointain et moins lointain de LC qui pourraient être passés au crible.
Concrètement, ce qui ressort, c’est que face à la lutte de classe et aux problèmes de l’internationalisme, LC ne prend jamais, fondamentalement, la position révolutionnaire dans le conflit entre classes, et de ce fait, au-delà de toute la bonne volonté et de la bonne foi que peuvent déployer les militants de LC dans leur travail, celui-ci est destiné à produire des effets exactement contraires à ce qui est nécessaire pour le triomphe de la lutte de classe.
Ezechiele (6/04/2010)
1 Lotta Comunista n° 123, nov. 1980
2 idem
3 Parodi, Critica del sindicato subalterno,, Ed. Lotta Comunista.
4 Parodi, op.cit. p.30
5 Viva la Resistenza operaia, brochure de Lotta Comunista, avril 175, page 5.
6 Groupes d'Action Patriotique et Équipes d'Action Patriotique
7 Cf. Roberto Battaglia, Storia della resistenza italiana, Einaudi
8. Viva la Resistenza operaia, brochure de Lotta Comunista, avril 175, page 5.
9 Tiré de L’Impulso, 15 décembre 1954, publié aujourd’hui dans L’imperialismo unitario ,page 113, Lotta Comunista Ed. (souligné par nous).
10 Arrigo Cervetto (1927-1995) est né à Buenos Aires de parents émigrés italiens. Jeune ouvrier à Savona, il participe à la libération par les partisans contre le fascisme et milite dans des organisations syndicales libertaires. Collaborateur à Prometeo et Azione Comunista jusqu’en 1964 où il il crée autour de lui le groupe LC et prône la construction d'un nouveau « parti ouvrier révolutionnaire », fondé sur un « travail quotidien d’organisation et d’éducation du prolétariat. »
11 Tiré de « Il Libertario », 13 décembre 1950, publié aujourd’hui dans ‘L’imperialismo unitario, page258, Lotta Comunista Ed.
12 Tiré de Azione Comunista n° 44, 10 avril 1959, aujourd’hui republié dans L’imperialismo unitario ,page 258, Lotta Comunista Ed.
13 Tiré de Azione Comunista n° 59, mars 1961, aujourd’hui republié dans L’imperialismo unitario ,page 326, Lotta Comunista Ed.
14 Tiré de Azione Comunista n° 54, octobre 1960, aujourd’hui republié dans L’imperialismo unitario ,page 329, Lotta Comunista Ed.
15 Lotta Comunista n°57, mai 1975, aujourd’hui republié dans L’imperialismo unitario ,page 1175, Lotta Comunista Ed.
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/pdf/RI_417.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/ri335/retraite.html
[3] https://fr.internationalism.org/ri336/edito.html
[4] https://fr.internationalism.org/ri337
[5] https://www.surysur.net/
[6] https://fr.internationalism.org/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[7] https://fr.internationalism.org/tag/5/36/france
[8] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/attaques
[9] mailto:[email protected]
[10] https://en.internationalism.org/forum
[11] https://fr.internationalism.org/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
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[13] https://fr.sputniknews.africa/
[14] https://fr.internationalism.org/content/4244/maree-noire-golfe-du-mexique-capitalisme-catastrophe
[15] https://fr.internationalism.org/tag/5/226/hongrie
[16] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/catastrophes
[17] https://fr.internationalism.org/ri409/en_haiti_l_humanitaire_comme_alibi.html
[18] https://fr.internationalism.org/ri414/gauche_communiste_et_anarchisme_internationaliste_ce_que_nous_avons_en_commun.html
[19] https://es.internationalism.org/cci/200606/969/introduccion-a-la-1-edicion-en-espanol
[20] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[21] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauchisme