Internationalisme no. 330
Depuis des décennies, les différentes organisations gauchistes, et en particulier les trotskistes, soutiennent "la juste lutte du peuple palestinien" contre "l'impérialisme américain et israélien" au nom du caractère "progressiste" des "luttes de libération nationale". Aujourd'hui, les territoires palestiniens sont plongés en plein chaos par des luttes intestines. Depuis que le président de l'Autorité palestinienne a annoncé le 16 décembre dernier la tenue d'élections présidentielles et législatives anticipées, des affrontements armés ont lieu à Gaza entre factions rivales mettant aux prises d'un coté les islamistes du Hamas à la tête du gouvernement et de l'autre le Fatah du président Mahmoud Abbas. Les affrontements entre ces milices armées sont sanglants : combats de rue, attentats à la voiture piégée, enlèvements à répétition. Leurs règlements de compte meurtriers sèment la terreur et la mort parmi les populations de la bande de Gaza, déjà réduites à la misère.
Face à un tel déchaînement de violence et de barbarie, comment se positionnent les organisations trotskistes, telles Lutte Ouvrière (LO) ou bien encore la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ?
Sans jamais avoir varié d'un iota, LO et LCR montrent du doigt les seuls coupables selon elles, à savoir les Etats-Unis et "l'Etat sioniste israélien". LO dans l'article de son hebdomadaire du 6 octobre 2006 déclare : «Chaos et affrontement sont les conséquences directes des sanctions financières décrétées par l'Union Européenne, le gouvernement des Etats-Unis et celui d'Israël. » ou encore : "Or, c'est bien Israël et ses principaux tuteurs occidentaux qui sont les responsables de la situation désastreuse dans laquelle vivent les Palestiniens" (Lutte Ouvrière n°2003 du 22 décembre 2006). L'impérialisme est inhérent à la vie de chaque fraction nationaliste bourgeoise et s'exprime à travers une lutte pour la défense de l'intérêt du capital national entre tous les Etats concurrents, du plus grand au plus petit, du plus puissant au plus faible. A noter (n'en déplaise aux groupes trotskistes) que si le Fatah peut compter sur le soutien d'Israël, des Etats-Unis et de l'Union Européenne et que le Hamas est appuyé financièrement et armé par l'Iran et la Syrie, c'est justement en tant que cliques bourgeoises palestiniennes.
Ainsi, en soutenant soi-disant "tous les Palestiniens", LO encourage en fait la classe ouvrière à se ranger derrière des cliques bourgeoises et à s'enrôler comme chair à canon au nom de la défense de la patrie palestinienne. C'est toujours ce que défend cette organisation qui, comme l'ensemble des groupes trotskistes, ne désigne comme impérialistes que la politique de certaines nations, de certains Etats.
Quant à la LCR, elle ne s'encombre pas de formulations hypocrites en clamant tout haut son soutien direct non au "peuple palestinien" en général mais directement à telle ou telle fraction, à telle ou telle milice. Au lendemain des élections dont le Hamas est sorti victorieux, un communiqué de la LCR du 26 janvier 2006 déclarait : "Fondamentalement, les gouvernements israélien, celui de Sharon en tête, et les USA portent une lourde responsabilité dans ce que certains appellent 'un séisme politique'. Cette politique musclée de Mrs Bush et Sharon ont déconsidéré les dirigeants du Fatah et fait le jeu du Hamas." Les organisations trotskistes ont un besoin viscéral de choisir constamment un camp bourgeois en présence, dans toutes les guerres, dans tous les conflits. Et cette politique tourne ici purement au ridicule. C'est ainsi qu'on a assisté en un an à un glissement progressif de ce soutien du Fatah vers le Hamas de la part de la LCR : "Les États-Unis et Israël tentent de renforcer le président de l'Autorité palestinienne, (...) afin d'affaiblir le gouvernement Hamas, massivement élu et toujours soutenu par la majorité des Palestiniens" ou encore plus explicitement, "C'est l'arrière-fond des confrontations sanglantes à Gaza de ces dernières semaines entre des militants du Fatah et des militants du Hamas, et dont le Fatah porte l'entière responsabilité" (souligné par nous).
Cette politique de girouette crée un désarroi dans le courant trotskiste, ce dont témoignent les furieuses empoignades sur le forum des marxistes révolutionnaires (https://forumtrots.agorasystem.com/lcr [1] animé et contrôlé en sous-main par la LCR). Alors que la guerre fait rage entre fractions palestiniennes, la préoccupation des intervenants consiste à choisir l'une de ces fractions afin que le peuple palestinien, dans la boue et le sang, puisse enfin trouver le chemin de sa "libération nationale". Pour certains, il faudrait soutenir le Fatah qui serait progressiste. Pour d'autres, au contraire, et pour les mêmes raisons, il faudrait soutenir le Hamas.
Petit florilège, l'un avance : "L'une des fractions est nationalistes bourgeoises et l'autre représente le fascisme vert. Je préfère le Fatah !" Un autre lui répond : "Ce qu'on voit de façon assez claire dans cette crise, c'est quand même le Fatah passant un seuil dans le rôle de supplétif de l'impérialisme, en condamnant le gouvernement Hamas [...] et en cherchant par tous les moyens à le déstabiliser".
Un troisième point de vue s'exprime : "Le Hamas ne défend pas la bourgeoisie ni le fascisme mais bien un système féodal basé sur l'obscurantisme religieux tandis que la Fatah, nationaliste laïque [...] défend un Etat souverain dirigé par une bourgeoisie nationale [...]. Moi, je choisis le FPLP."
Un autre sympathisant trotskiste renchérit : "Même si le FPLP soutient le Hamas ?" Réponse du précédent : "En l'absence d'une organisation marxiste et révolutionnaire capable de peser sur le cours des événements j'apporte mon soutien critique à qui je peux ! Et donc au FPLP en l'occurrence..."
Au nom de la démocratie, la LCR laisse cyniquement ces arguments sans réponse. Et pour cause, la cacophonie du débat n'est que le reflet de leurs propres contradictions.
Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire évitent soigneusement de poser la question : où se trouve la défense des intérêts de la classe ouvrière, en Palestine, en Israël, ou ailleurs dans le monde ? L'exploitation féroce de la classe ouvrière par la bourgeoisie palestinienne et israélienne a, comme par enchantement, disparu. La "défense de la patrie palestinienne, au nom des justes droits des Palestiniens" est martelé comme un mot d'ordre mobilisateur à destination de la classe ouvrière dans le bourbier inter-impérialiste. De ce fait, les officines trotskistes déversent le pire poison nationaliste dans les consciences ouvrières. Chaque bourgeoisie, palestinienne comme israélienne, appelle les ouvriers vivant sur son sol à participer à la guerre. D'un côté, il faudrait lutter pour "la juste cause du peuple palestinien", de l'autre, il faudrait, "défendre Israël contre la menace du fanatisme du monde arabo-musulman." Quelles sont les conséquences pour les ouvriers qui vivent en Palestine, comme en Israël, d'une telle position ? Quelle doit être l'attitude des ouvriers partout dans le monde face à ce conflit ? L'idéologie nationaliste est-elle une arme de combat de la bourgeoisie ou de la classe ouvrière ? Ces questions et les réponses qui en découlent ne sont pas secondaires pour la lutte de classe, bien au contraire, elles sont vitales pour le développement du combat de classe et de la conscience prolétarienne.
Partout les ouvriers ont les mêmes intérêts à défendre, contre la même classe d'exploiteurs. Cela ne signifie qu'une seule chose pour la classe ouvrière : aux guerres impérialistes et nationales de la bourgeoisie, le prolétariat ne peut opposer que sa guerre de classe et son unité internationale. Rosa Luxembourg, une des plus grandes figures du prolétariat révolutionnaire, l'affirmait déjà haut et fort il y a près d'un siècle : "A l'époque de l'impérialisme déchaîné, il ne peut y avoir de guerre nationale. Les intérêts nationaux ne sont qu'une mystification qui a pour but de mettre les masses populaires laborieuses au service de leur ennemi mortel : l'impérialisme." [1] Sous couvert de bons sentiments et au nom de la défense d'une patrie palestinienne où les droits du peuple seraient respectés, voilà à quel sale travail s'attellent des organisations comme LO ou la LCR. Pire ! Quand elles ont en face d'elles des organisations défendant de façon réelle et vivante l'internationalisme prolétarien, elles les traitent "d'indifférentistes". La seule position marxiste et révolutionnaire possible est celle que réaffirme un sympathisant des positions de la Gauche communiste intervenant dans le Forum trotskiste : "Ce qui se passe à Gaza montre encore une fois le danger que représente l'idéologie nationaliste pour la classe ouvrière. Quand la classe ouvrière est empoisonnée par cette idéologie, cela amène toujours celle-ci à s'entretuer entre elle pour des intérêts qui ne sont pas les siens. On l'a vu en 1914, lors de la deuxième guerre mondiale, lors des conflits entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest. Aujourd'hui avec la dislocation de l'Autorité palestinienne, on amène les ouvriers palestiniens à s'entretuer entre eux au nom du fait que tel ou tel camp serait progressiste. Alors que tous les camps en présence défendent une cause nationale qui n'est pas le terrain de la classe ouvrière. Face à cette situation encore une fois le cri de guerre du mouvement ouvrier doit être mis en avant : LES PROLETAIRES N'ONT PAS DE PATRIE."
Tino / 22.1.07
[1] Thèses sur la démocratie internationale.
Depuis quelques semaines, les médias ont donné le coup d'envoi de la campagne électorale car le 10 juin, nous martèlent-ils, "le citoyen pourra, comme tous les quatre ans, participer à la définition de la politique du pays et élire ses représentants démocratiques". Et ils nous présentent les enjeux de ces élections: Verhofstadt et sa coalition ‘éthico-progressiste' garderont-ils la majorité ou les sociaux-chrétiens et leur ‘réveil moral' imposeront-ils une nouvelle majorité ? Est-ce que le futur premier ministre sera le libéral Verhofstadt, le chrétien Leterme ou même le socialiste Di Rupo? Y aura-t-il un nouveau round de négociations communautaires afin de régionaliser des compétences ou plutôt une certaine ‘refédéralisation' de certains moyens financiers? Et de nous présenter les ‘programmes' en concurrence: si les libéraux veulent développer plus les libertés individuelles pour mieux intégrer le pays dans la société mondialisée, les démocrates-chrétiens pour leur part prétendent gérer l'Etat ‘en bon père de famille' tout en conservant une ‘société chaleureuse' qui s'occupe des ‘plus démunis'. Quant aux socialistes, ils appellent au rassemblement des progressistes et des écologistes pour construire ‘une société socialement équitable et respectueuse de l'environnement'.
Sur le plan socio-économique toutefois, tous les partis sont d'accord sur l'essentiel, même s'ils montent en épingle quelques divergences sur des mesures subsidiaires : la croissance de l'économie nationale va dans le bon sens et il faut tout faire pour ‘maintenir à tout prix la compétitivité' face aux concurrents sur un marché international où la compétition est féroce. D'ailleurs, ne sont-ils pas tous impliqués dans la mise en œuvre de cette politique à différents niveaux de pouvoir ? Les libéraux dirigent le gouvernement fédéral, les sociaux-chrétiens le gouvernement régional flamand, les socialistes le gouvernement régional wallon et l'exécutif bruxellois.
Au niveau social justement, une question est totalement absente du débat électoral, c'est celle des conditions de vie et de travail de la population, en particulier de la classe ouvrière. Gommés la crise, les licenciements, les baisses de salaire, la flexibilité, le stress, le taux de suicide parmi les plus élevés du monde, les jeunes qui pètent les plombs, ... Ce silence n'est pas étonnant car, sur le plan des attaques contre la classe ouvrière, les partis sont tous profondément d'accord et leurs ministres se sont largement impliqués dans les mesures prises.
Souvenons-nous sur ce plan des axes de l'offensive de la bourgeoisie, tels que les avaient formulés la conférence pour l'emploi de septembre 2003 (cf. Internationalisme n° 300, 15.11.03), qui regroupait l'ensemble des forces patronales, syndicales et politiques. Elle avait mis en avant 5 chantiers sur lesquels porteraient les attaques contre les salariés : la baisse des charges pour les entreprises, la modération salariale, la réduction des frais liés au chômage, l'augmentation du temps de travail par semaine et le rallongement de la durée du travail au cours de la vie et enfin le financement alternatif de la sécurité sociale. Face aux discours mystificateurs des partis, il n'est pas inutile de rappeler les effets dévastateurs de cette politique préméditée :
- la baisse des charges pour les entreprises :
Les dérogations d'impôts pour les entreprises, l'assouplissement des procédures de licenciements et surtout les mesures accentuant la flexibilité du travail se sont accumulés. Ces dernières années, le patronat a calculé que les augmentations salariales modestes accordées ont été largement compensées par une hausse vertigineuse de la productivité grâce à une forte croissance de la flexibilité, rendue possible par une dérégulation du temps de travail maximal autorisé (en 2006, on est passé de 65 à 130 heures de travail en plus du temps de travail officiel par an, soit en moyenne plus de deux par semaine), et à une forte baisse des charges patronales, octroyée par le gouvernement. En 2003, la Belgique se situait au deuxième rang mondial de la productivité par heure travaillée et en 2006, elle est toujours dans le top-3 (après le Luxembourg et la Norvège) (The Conference board, dans De Morgen, 27.01.07). Le travailleur belge produit par heure 12% de valeur en plus qu'aux USA, ce qui en dit long sur le rythme et la flexibilité du travail qui pourtant, dixit la bourgeoisie, doivent encore être améliorés.
- la modération salariale :
Depuis dix ans au moins, les salaires tentent péniblement de suivre l'index des prix et souvent, comme depuis 2005, il y a recul ‘officiel' du pouvoir d'achat, ainsi d'ailleurs que dans d'autres pays d'Europe et aux USA (De Morgen, 05.06.06). De toute façon, ‘l'indexation automatique des salaires' elle-même est un mythe dans la mesure où l'index a été trafiqué (sortie des produits pétroliers et de produits ‘nocifs pour la santé'). De plus, la bourgeoisie a introduit depuis les années 1990 une ‘norme salariale' pour ‘modérer' l'index, déterminant que les hausses salariales prévues ne peuvent dépasser la moyenne de celles accordées en Allemagne, Hollande et en France. Pour 2007-2008, elles ont été fixées 0,5% en dessous de celles prévues dans ces pays. On ne s'étonnera donc pas que le pouvoir d'achat d'un travailleur belge est le plus bas de tous les pays industrialisés d'Europe, 25% de moins par exemple qu'aux Pays-Bas (chiffres de FedEE, la Fédération des Employeurs Européens, De Morgen, 05.06.06)
- la réduction des frais liés au chômage :
Sous le couvert d'un taux de chômage trop élevé par rapport aux offres d'emploi vacantes (cf. La Banque Nationale souligne que le taux de chômage de 8% reste trop haut par rapport à croissance de l'économie et alors que les entreprises ne trouvent pas de candidats (De Morgen, 15.02.07)), gouvernement et patronat plaident avec de plus en plus d'insistance pour une réduction des allocations de chômage et pour leur limitation dans le temps. Ainsi, le ministre socialiste flamand de l'emploi F. Vandenbroucke a activé une politique systématique de suivi individualisé des jeunes chômeurs pour les mettre sous pression et les sanctionner s'ils ne sont pas ‘proactifs sur le marché du travail'. En outre, il plaide pour des allocations plus élevées ... mais limitées dans le temps pour augmenter la pression car "les offres de travail n'arrivent plus à être remplies".
- l'augmentation du temps de travail par semaine et le rallongement de la durée du travail :
Face à un taux d'emploi de 60,9%, un des plus bas d'Europe, le ‘pacte des générations', adopté en 2005, a fixé la durée du travail à 65 ans (en attendant les 67 ans comme en Allemagne?) et réduit drastiquement toute pos-sibilité de retraite anticipée avant 60 ans.
- le financement alternatif de la sécurité sociale :
Depuis plus de dix ans, les minima sociaux ont été bloqués ou chichement relevés par les différents gouver-nements : "Notre sécurité sociale est sérieusement menacée" reconnaissent même les distingués sociologues du Centre d'études Sociales de l'université d'Anvers (De Morgen, 26.02.07). Les retraites et les allocations sociales, surtout les allocations minimales des CPAS, sont plus basses en Belgique qu'ailleurs (en comparaison par ex. avec celles octroyées aux Pays-Bas ou en France) et se situent souvent en dessous du seuil de pauvreté européen (De Standaard 07.02.06). 15% des Belges vivent sous le seuil de pauvreté (27% à Bruxelles) et dans des quartiers ouvriers de grandes villes comme Charleroi, Liège, Bruxelles, Anvers ou Gand , le chômage approche ou dépasse les 30% : 14 ,3 % des adultes belges et 13,5% des adoles-cents vivent dans une famille où personne n'a du travail (De Standaard, 20.02.07).
Bref, les travailleurs ont vu leur pouvoir d'achat reculer et paient plus d'impôts (directs ou indirects ‘pour l'environnement') sur leur salaire. Ils se voient imposer des cadences plus élevées dans le cadre d'une flexibilité exacerbée qui implique en plus dans les faits une augmentation du temps de travail moyen par le remplacement des limitations journalières par des quotas d'heures de travail par mois. Par ailleurs, les modalités de licenciement sont facilitées et les allocations de chômage, ainsi que les autres allocations sociales ou les retraites sont réduites. Et ceci dans un pays où la qualité de l'air et de l'eau et plus généralement la situation de l'environnement est catastrophique: "la pression sur les cours d'eau et les matières premières est parmi la plus élevée de tous les pays de l'OCDE" (Rapport de l'OCDE, De Morgen 26.09.06) et où donc la pression sur leur santé physique et mentale est énorme. En Flandre, le niveau de stress est passé d'une valeur de 15 à l'index de stress en 2000 au niveau 19 aujourd'hui, soit une croissance de plus de 25%.
Et pour qui croirait que cela suffit, c'est mal comprendre l'engrenage infernal de concurrence exacerbée sur le marché mondial saturé dans lequel est prise la bourgeoisie et qui l'amène à s'attaquer toujours plus aux conditions de vie et de travail de la classe ouvrière: malgré un niveau de productivité exceptionnel, les pertes d'emplois et les licenciements se sont multipliés en Belgique: des dizaines de milliers d'emplois ont disparu ces dernières années jusque dans les entreprises les plus prestigieuses: Philips, Siemens, Ford, Opel ARCELOR, Bayer, Belgacom, La Poste ou la SNCB. VW-Forest en est le dernier exemple caricatural. Alors que l'usine était performante, la course suicidaire à la productivité a mené au licenciement de plus de la moitié des ouvriers. Pour ceux qui restent un gain de productivité de 20% est imposé en imposant 38h de travail tout en continuant à être payés pour 35h et en rendant une partie du salaire et des primes variables, c'est-à-dire dépendantes des résultats obtenus.
Cette offensive systématique contre les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière - qu'on retrouve d'ailleurs dans l'ensemble des pays industrialisés (cf le plan d'austérité de la ‘grande coalition CDU-SPD en Allemagne) - est, rappelons-le, le produit d'une politique consciente et systématique à laquelle a collaboré à un niveau de pouvoir ou à un autre la plupart des forces politiques. Si elle fait l'unanimité parmi l'ensemble des partis politiques, ceux-ci cependant, pour garder une certaine crédibilité et surtout pour donner aux attaques un semblant d'équité, se doivent de les noyer dans un brouillard de mystifications idéologiques. Les élections et le battage démocratique servent précisément à réaliser cela.
Le battage autour des élections consiste à persuader les travailleurs que voter serait la principale arme de la classe ouvrière pour défendre ses intérêts, et surtout qu'il faut voter pour ‘améliorer', ‘changer', ‘rendre plus juste' la société. Il vise ainsi fondamentalement à les enfermer dans les faux choix de la mystification démocratique : un peu moins d'impôts directs ou un peu plus d'indirects au nom de l'environnement et de la mobilité, stimuler la responsabilité individuelle ou renforcer plutôt les garde-fous collectifs au niveau de la ‘sécurité sociale', favoriser la libre concurrence ou imposer des contraintes sociales sur le marché du travail. Le ‘débat' porte toujours sur la modulation des mesures de ‘rationalisation', sur la forme des sacrifices ‘inévitables', jamais sur leur principe ou sur la logique qui les sous-tend. La ‘campagne' électorale fait partie d'une manoeuvre plus large visant à convaincre surtout la classe ouvrière qu'elle doit s'engager dans la participation citoyenne et dans la défense des institutions démocratiques et qui la pousse en conséquence à cautionner la politique d'austérité ‘par solidarité citoyenne'. Par ce biais, il s'agit en fin de compte de faire accepter les sacrifices ‘démocratiquement décidés' et de détourner l'attention des travailleurs des vraies raisons des mesures de restructuration et d'austérité : la spirale sans issue de rationalisations pour augmenter la rentabilité dans laquelle est engagé le système capitaliste décadent.
Si les campagnes électorales sont pour la bourgeoisie un instrument idéologique précieux de la mystification démocratique, pour la classe ouvrière, elles sont aujourd'hui un leurre instillant l'idée que l'ouvrier ‘citoyen' peut influencer, voire déterminer la politique de la bourgeoisie. Les élections sont un piège pour la classe ouvrière, entre-tenant l'illusion qu'à travers un vote en tant que ‘citoyen' individuel dans l'isoloir, il serait possible d'influer sur la politique de la bourgeoisie, voire l'infléchir radicalement. Dans le capitalisme décadent, c'est l'Etat bourgeois qui élabore les orientations politiques pour défendre de la meilleure manière les intérêts nationaux face à la bataille pour les marchés sur la scène internationale. Les différentes fractions parlementaires ne font qu'exprimer cette politique. La variété (toute relative) de leurs programmes, slogans et couleurs et l'organisation d'élections et de campagnes électorales n'est là que pour entretenir ‘l'illusion démocra-tique', pour donner l'impression au ‘citoyen', en particulier aux travailleurs salariés, qu'une fois tous les quatre ans, ils peuvent véritablement déterminer la politique de leur ‘patrie' et choisir les politiciens qui la mettront en pratique. En réalité, à l'instar de l'électeur enfermé dans son isoloir, elles enferment le travailleur en tant que citoyen dans la spirale absurde, infernale et suicidaire de concurrence entre individus et nations. Or, comme l'histoire l'a démontré, seule l'action massive et collective de la classe ouvrière peut présenter une alternative à l'orientation catastrophique qu'impose au monde le système capitaliste aux abois.
La classe ouvrière ne peut se permettre d'entretenir la moindre illusion sur une possibilité de voir son sort s'améliorer ni par les urnes, ni en faisant confiance à ceux qui prétendent répartir autrement les richesses. C'est exactement le contraire. Elle ne peut que s'enfoncer dans une misère de plus en plus insupportable. De fait, la classe ouvrière n'a absolument rien à faire sur le terrain électoral. Les dés sont pipés d'avance: les élections ne servent toujours qu'une classe, celle de nos exploiteurs. Il n'y a aucune illusion à se faire. Ce système d'exploitation ne peut pas être réformé ; Il faut le détruire. Seul le développement de ses luttes pour renverser ce système à l'échelle mondiale peut lui permettre de s'ouvrir une autre perspective.
Jos / 27.02.07
90 ans après, le déclenchement de la Révolution russe en 1917 reste le mouvement des masses exploitées le plus gigantesque, le plus conscient, le plus riche d'expériences, d'initiatives et de créativité que l'histoire ait jamais connue. En effet, des millions de prolétaires parvenaient à briser leur atomisation, à s'unifier consciemment, à se donner les moyens d'agir collectivement comme une seule force en imposant les instruments du renversement de l'Etat bourgeois pour la prise du pouvoir: les conseils ouvriers (soviets). Au delà du renversement du régime tsariste séculaire, ce mouvement de masse conscient, annonçait rien de moins que le début de la révolution prolétarienne mondiale dans le cadre international d'une vague de révoltes de la classe ouvrière contre la guerre et le système capitaliste comme un tout.
La bourgeoisie ne s'y est pas trompée, elle qui depuis des décennies éructe les mensonges les plus éculés sur cet événement historique. De fait, selon toute une palette d'arguties, les historiens bourgeois aux ordres, n'ont de cesse de colporter une des légendes les plus rebattues consistant à présenter la Révolution de février 1917 comme un mouvement pour la "démocratie", violé par le coup d'Etat bolchévik. Février 1917 serait une authentique "fête démocratique", Octobre 1917 un vulgaire "coup d'Etat", une manipulation par le parti bolchévik des masses arriérées de la Russie tsariste. Cette falsification éhonté est le produit de la peur et la rage ressenties par la bourgeoisie mondiale devant une oeuvre collective et solidaire, une action consciente de la classe exploitée, osant relever la tête et mettre en question l'ordre des choses existant.
En Février 1917, le soulèvement des ouvriers de St Petersbourg (Pétrograd) en Russie, ne survient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel d'azur. Il est dans la continuité des grèves économiques durement réprimées, lancées par les ouvriers russes depuis 1915 en réaction contre la sauvagerie de la boucherie mondiale, contre la faim, la misère noire, l'exploitation à outrance et la terreur permanente de l'état de guerre. Ces grèves et ces révoltes ne sont à la même époque en aucune façon une spécificité du prolétariat russe mais sont une partie intégrante des luttes et manifestations du prolétariat international. Une même vague d'agitation ouvrière se développe en Allemagne, en Autriche, en Grande Bretagne... Au front, surtout dans les armées russe et allemande, surgissent des mutineries, des désertions collectives, des fraternisations entre soldats des deux côtés. En effet, après s'être laissé entraîner par les venins patriotiques et les tromperies "démocratiques" des gouvernements, avalisés par la trahison de la majorité des partis social-démocrates et des syndicats, le prolétariat international relevait la tête et commençait à sortir des brumes de l'ivresse chauvine. A la tête du mouvement se trouvaient les internationalistes - les bolchéviks, les spartakistes, toute la gauche de la 2e Internationale qui, depuis l'éclatement de la guerre en août 1914, la dénonçaient sans faiblesse comme une rapine impérialiste, comme une manifestation de la débâcle du capitalisme mondial, comme le signal pour que le prolétariat remplisse sa mission historique : la révolution socialiste internationale. Ce défi historique allait être relevé internationalement par la classe ouvrière à partir de 1917 jusqu'en 1923. A l'avant-garde de ce mouvement prolétarien qui arrêtera la guerre et qui ouvrira la possibilité de la révolution mondiale, se trouva le prolétariat russe en ce mois de février 1917. Le déclen-chement de la Révolution Russe ne fut donc pas une affaire nationale ou un phénomène isolé - c'est-à-dire une révolution bourgeoise attardée, limitée au renversement de l'absolutisme féodal - mais constitua le plus haut moment de la réponse du prolétariat mondial à la guerre et plus profondément à l'entrée du système capitaliste dans sa décadence.
Du 22 au 27 février, les ouvriers de St Pétersbourg déclenchent une insurrection en réponse au problème historique que représente la guerre mondiale, expression de la décadence du capitalisme. Commencée par les ouvrières du textile - surmontant les hésitations des organisations révolutionnaires - la grève gagne en 3 jours la quasi-totalité des usines de la capitale. Le 25, ce sont plus de 240 000 ouvriers qui ont cessé le travail et qui, loin de rester passifs dans leurs ateliers, multiplient les meetings et les manifestations de rue, où leurs mots d'ordre des premières heures pour réclamer du "pain" se trouvent bientôt renforcé par ceux de "à bas la guerre", "à bas l'autocratie".
Le 27 février au soir, l'insurrection, conduite par le prolétariat en armes, règne en maître sur la capitale, tandis que grèves et manifestations ouvrières démarrent à Moscou, gagnant les jours suivants les autres villes de province, Samara, Saratov, Kharkov... Isolé, incapable d'utiliser contre le mouvement révolutionnaire une armée profondément minée par la guerre, le régime tsariste est contraint d'abdiquer.
Une fois rompues les premières chaînes, les ouvriers ne veulent plus reculer et, pour ne pas avancer à l'aveuglette, ils reprennent l'expérience de 1905 en créant les soviets qui étaient apparus spontanément pendant cette grande grève de masse. Ces conseils ouvriers étaient l'émanation directe des milliers d'assemblées de travailleurs dans les usines et les quartiers, appliquant la souveraineté des assemblées et la centralisation par délégués éligibles et révocables à tout instant. Ce processus social apparaît aujourd'hui utopique à beaucoup d'ouvriers, mais c'est celui de la transformation par les travailleurs d'une masse soumise et divisée, en une classe unie qui agit comme un seul homme et devient apte à se lancer dans le combat révolutionnaire. Trotsky avait dès après 1905 déjà montré ce qu'était un conseil : "Qu'est-ce que le soviet ? Le conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique suscité par la conjoncture d'alors : il fallait avoir une organisation jouissant d'une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison; cette organisation (...) devait être capable d'initiative et se contrôler elle-même d'une manière automatique..." (Trotsky, 1905) Cette "forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat", comme le disait Lénine, rendait caduque l'organisation permanente en syndicats. Dans la période où la révolution est historiquement à l'ordre du jour, les luttes explosent spontanément et tendent à se généraliser à tous les secteurs de la production. Ainsi le caractère spontané du surgissement des conseils ouvriers résulte directement du caractère explosif et non programmé de la lutte révolutionnaire.
Les conseils ouvriers pendant la révolution russe ne furent pas le simple produit passif de conditions objectives exceptionnelles mais aussi le produit d'une prise de conscience collective. Le mouvement des conseils a apporté lui-même les matériaux pour l'auto-éducation des masses. Les conseils ouvriers entremêlèrent de façon permanente les aspects économiques et politiques contre l'ordre établi. Comme l'écrit Trotsky: "Là est sa force. Chaque semaine apportait aux masses quelque chose de nouveau. Deux mois faisaient une époque. A la fin février, insurrection. A la fin avril, manifestation des ouvriers et des soldats armés dans Pétrograd. Au début juillet, nouvelle manifestation avec beaucoup plus d'ampleur et des mots d'ordre plus résolus. A la fin d'août, la tentative de coup d'Etat de Kornilov , repoussé par les masses. A la fin d'octobre, conquête du pouvoir par les bolcheviks. Sous ce rythme des événements d'une régularité frappante s'accomplissaient de profonds processus moléculaires qui soudaient en un tout politique les éléments hétérogènes de la classe ouvrière." (...) On tenait des meetings dans les tranchées, sur les places des villages, dans les fabriques... Pendant des mois, à Pétrograd et dans toute la Russie, chaque coin de rue fut une tribune publique..." (Trotsky, Histoire de la Révolution Russe).
Si le prolétariat russe se donna les moyens de son combat en imposant les conseils ouvriers, il n'en reste pas moins que dès février, il rencontra une situation extrêmement dangereuse. En effet, les forces de la bourgeoisie internationale tentèrent ausitôt de retourner la situation à leur avantage. Faute de pouvoir écraser dans le sang le mouvement, elles tentèrent de l'orienter vers des objectifs bourgeois "démocratiques". D'une part elles formèrent un gouvernement provisoire, officiel, dont le but était de poursuivre la guerre. D'autre part, d'emblée, les soviets furent envahis par les mencheviks et les socialistes révolutionnaires. Ces derniers, dont la majorité est passée dans le camp bourgeois du fait de la guerre, jouissaient au début de la révolution de février, d'une immense confiance parmi les ouvriers. Ils furent naturellement portés à l'Exécutif du Soviet. De cette position stratégique, ils essayèrent par tous les moyens de saboter les soviets, de les détruire. D'une situation de "double pouvoir" en février, on en arriva à une situation de "double impuissance" en mai et juin 1917 dans la mesure où l'Exécutif des soviets servait de masque à la bourgeoisie pour réaliser ses objectifs, en premier lieu le retablissement de l'ordre à l'arrière et au front pour pourvoir poursuivre la boucherie impérialiste. Ces démagogues menchéviks ou social-démocrates firent encore et toujours des promesses sur la paix, "la solution du problème agraire", l'application de la journée de 8 heures etc, sans jamais les mettre en oeuvre. Même si les ouvriers, du moins ceux de Pétrograd, étaient convaincus que seuls le pouvoir des soviets étaient en mesure de répondre à leurs aspirations et s'ils voyaient bien que leurs revendications et exigences n'étaient pas prises en compte, ailleurs dans les provinces et parmi les soldats, on croyait encore aux "conciliateurs", aux partisans de la prétendue révolution bourgeoise. Il reviendra à Lénine, avec ses Thèses d'Avril, deux mois après le déclenchement du mouvement, tout d'abord de dévoiler son audacieuse plate-forme pour réarmer le parti bolchévik, tendant lui aussi à concilier avec le gouvernement provisoire. Ses Thèses explicitaient clairement en avance vers où allait le prolétariat et formulaient les perspectives du parti : "Aucune concession, si minime soit-elle... ne saurait être tolérée dans notre attitude envers la guerre."
"Aucun soutien au gouvernement provisoire, démontrer le caractère entièrement mensonger de toutes ses promessses... Le démasquer au lieu 'd'exiger' - ce qui est inadmissible car c'est semer des illusions - que ce gouvernement, gouvernement de capitalistes, cesse d'être impérialiste."
"Non pas une république parlementaire - y retourner après les Soviets des députés ouvriers serait un pas en arrière - mais une république des Soviets de députés ouvriers, salariés agricoles et paysans dans tout le pays, de la base au sommet." Armé de cette solide boussole, le parti bolchévik put faire des propositions de marche correspondant aux besoins et aux possibilités de chacun des moments du processus révolutionnaire en gardant en ligne de mire la perspective de la prise du pouvoir, et ce, par un "travail d'explication patient et opiniâtre" (Lénine). Et dans cette lutte des masses pour prendre le contrôle de leurs organisations contre le sabotage bourgeois, après plusieurs crises politiques, en avril, en juin et surtout juillet, il devint possible de renouveler les Soviets au sein desquels les bolchéviks devinrent majoritaires. L'activité décisive des bolchéviks a donc eu pour axe central le développement de la conscience de classe, ayant confiance dans la capacité de critique et d'analyse des masses et confiance en la capacité d'union et d'auto-organisation de celles-ci. Les bolchéviks n'ont jamais prétendu soumettre les masses à "un plan d'action" préconçu, levant les masses comme on lève une armée. "La principale force de Lénine consistait en ceci qu'il comprenait la logique interne du mouvement et réglait d'après elle sa politique. Il n'imposait pas son plan aux masses. Il aidait les masses à concevoir et à réaliser leurs propres plans." (Trotsky, Histoire de la Révolution Russe, chapitre. "Le réarmement du parti"). C'est ainsi que dès septembre, les bolchéviks posèrent clairement la question de l'insurrection dans les assemblées d'ouvriers et de soldats. "L'insurrection fut décidée, pour ainsi dire, pour une date fixée: le 25 octobre. Elle ne fut pas fixée par une réunion secrète, mais ouvertement et publiquement, et la révolution triomphante eu lieu précisément le 25 octobre...". (ibid) Elle souleva un enthousiasme sans pareil parmi les ouvriers du monde entier, devenant le "phare" qui éclairait l'avenir de tous les exploités. Aujourd'hui encore, la destruction du pouvoir politique et économique des classes dominantes est une nécessité de survie impérieuse. La dictature du prolétariat, organisé en Conseils souverains, demeure la seule voie réaliste pour jeter les bases d'une nouvelle société véritablement communiste. Cela, les prolétaires doivent se le réapproprier à la lumière de l'expérience de 1917.
SB
"Le droit d'inscription aux cours pour adultes en Flandre sera sérieusement augmenté à partir de septembre 2007, et cela vaut aussi pour le cours de néerlandais destiné aux allochtones qui y vivent. Contre ces mesures, s'est déroulée le 11 janvier 2007 une manifestation devant le Ministère Flamand de l'Enseignement, à Bruxelles, au cours de laquelle professeurs et étudiants ont mené une action commune (...) Vos commentaires et votre éventuel soutien sont bienvenus. Il ne s'agit pas seulement de l'enseignement du néerlandais, mais aussi des autres cours pour adultes. T&G".
Nous voulons réagir à cet appel et à d'autres réactions de lecteurs et de contacts que nous avons reçues à ce propos car ils sont caractéristiques du mécontentement provoqué par cette nouvelle mesure d'austérité du ministre flamand de l'Enseignement, le 'socialiste' Vandenbroucke. Qui est concerné? Comment réagir? Descendre dans la rue ensemble? Interrompre les cours? Comment appeler à la solidarité? Les nombreuses questions que se posent les participants à ces actions sur la voie à suivre pour imposer un véritable rapport de forces, sont en effet une composante essentielle d'une résistance victorieuse.
"Afin d'éviter que les étudiants accumulent «cours de jardinage et cours de cuisine» comme s'ils faisaient du shopping, le ministre de l'Enseignement, Frank Vandenbroucke (SP.A) propose d'augmenter le droit d'inscription" (De Standaard, 14.2.07). Concrètement, cela revient à augmenter le droit d'inscription par heure de cours à un euro, soit en pratique à tripler, voire quadrupler le montant à payer par les élèves (souvent une hausse de 100 à 300 EUR par cours) ! Mais, dit Vandenbroucke: "Actuellement, trop d'adultes papillonnent grosso modo d'un cours de décoration florale à un cours d'Italien, et vice versa. Ces élèves dilettantes peuplent l'enseignement pour adultes, mais dans les cours se trouvent également des adultes qui ont vraiment besoin de formation. En fixant un seuil financier, ce sont les adultes les plus motivés qui resteront" (De Standaard, 14.2.07). Voilà qui va certainement réjouir ces "adultes qui ont vraiment besoin de formation" (sic)! C'est la énième attaque directe sur les conditions de vie de la population travailleuse. Cette fois au travers de l'Enseignement pour adultes. Cela ôtera à une partie de la classe travailleuse toute chance de mieux se former, ou de se former tout court, et donc aussi d'essayer d'améliorer ses chances d'obtenir un emploi ou sa qualité de vie. Pour les allochtones, c'est un montant encore plus important qui sera prélevé de leurs moyens de (sur)vie, et il leur sera encore plus difficile d'avoir accès au marché de l'emploi. Et nous ne disons encore rien de la pression exercée concernant les présences des élèves (qui sont parfois absents parce qu'ils doivent travailler dans des jobs aux horaires très flexibles et difficiles). Certaines autorités vont jusqu'à exiger des écoles qu'elles dénoncent les absents.
Ceci est en flagrante contradiction avec les promesses d'une "formation continue" ou le slogan maintes fois répété d'une "politique d'enseignement sociale" que ce même ministre "socialiste" répand depuis toute une législature et dont il se vante constamment dans les médias. En France aussi, on a d'abord essayé de "vendre" le CPE) comme une "mesure sociale pour aider les jeunes à trouver un emploi", et chez VW, les licenciements massifs et les baisses de salaires sont présentés comme une "garantie pour l'avenir". Une fois de plus, les mesures d'austérité ou de rationalisation sont présentées sous la forme de décisions 'sociales' qui doivent 'garantir le futur' ! La énième leçon, que nous ne pouvons attendre d'un gouvernement, avec ou sans ministre socialiste, rien d'autre que des mesures destinées à augmenter les chances de survie du système d'exploitation capitaliste. Diminution des frais de production, du salaire indirect, des allocations sociales, enseignement plus cher, offres culturelle et sociale plus chères, augmentation des soins de santé.
Mais on pourrait peut-être penser que le ministre a l'intention de doubler le salaire des professeurs grâce aux mesures d'économie? Bien au contraire: dans toute la Flandre, Vandenbroucke veut fusionner les centres de formation par région, rationaliser donc, "harmoniser l'offre" comme on dit dans son jargon. En clair: faire tourner l'affaire avec moins de personnel et moins de soutien logistique, donc avec un meilleur "taux d'utilisation" des moyens investis. Cette situation provoque, c'est le moins qu'on puisse dire, questions et mécontentement dans le personnel: combien d'emplois seront supprimés, et selon quels critères? En plus, les directions pourront récompenser les "bons" professeurs: l'un donnera 15 heures de cours, et l'autre 25, pour le même salaire. Place à l'arbitraire et au favoritisme donc! Un coup de maître dans le registre "diviser pour régner".
Les enseignants, aussi bien que le personnel logistique et les élèves ne se sont pas laissés endormir, ils sont conscients qu'il s'agit d'une mesure d'économie orchestrée, qui va avoir un impact sur beaucoup de familles de travailleurs: plus de 200.000 élèves et plusieurs milliers de membres du personnel. L'action du 11 janvier à laquelle renvoie l'appel, menée par des enseignants et des élèves, était donc une première réaction spontanée. Une action qui n'a pas attendu les mots d'ordre des syndicats et des directions. Ces derniers mois, différentes actions se sont succédées partout en Flandre, alors que les syndicats étaient occupés à négocier "en silence" (voir entre autres https://www.neeaan1euro.be [5] et https://www.platformvolwassenenonderwijs.be [6]). Syndicats et pouvoirs organisateurs ont rapidement réagi en lançant leurs propres "actions" via la "plateforme enseignement pour adultes" et en appelant à interrompre les cours dix minutes pendant deux jours. Quelle perspective! Leurs revendications regorgent de visions qui opposent les différentes catégories visées et qui proposent des "apports constructifs" à toutes sortes de mesures spécifiques du plan ministériel. Assez d'illusions ! Pour faire face à une telle mesure, nous devons compter sur la solidarité à l'intérieur de la classe ouvrière, et il faudra activement aller la chercher. Nous ne pouvons pas rester isolés. C'est là-dessus que comptent les politiciens et leurs laquais syndicaux. Alors ils pourraient, chacun dans leur rôle, imposer la mesure. On a vu comment les ouvriers de VW ont été manipulés (voir article dans ce journal), pour finalement (et grâce aux syndicats) se voir imposer licenciements et baisses de salaires, au nom de la "raison". C'est ce que veulent éviter les participants aux actions. Mais comment, car c'est la question qui revient dans toutes les discussions que nous avons eues. Si nous tirons les leçons des événements chez VW, nous devons diriger nos efforts vers le recherche active de solidarité, et par conséquent, vers l'extension de notre lutte et l'ouverture en direction de revendications communes. Pour cela, nous devons garder l'organisation de la lutte entre nos mains, en appelant tous les concernés à tenir des assemblées générales et à mettre en avant des revendications communes.
Ce n'est qu'en forgeant un rapport de forces contre la bourgeoisie que nous pourrons la forcer à temporairement reculer sur le plan de sa rage d'économies et d'imposition de la misère. Car elle n'a pas d'autre principe que la productivité, les économies de coût, la recherche du profit, et tout doit s'y soumettre. La lutte de la classe ouvrière ne peut vivre que par la solidarité, et porte en elle les germes d'une société qui tend vers une production pour les besoins réels de l'humanité.
K.Stof & LAC / 3.3.07
Dans la foulée du film documentaire d'Al Gore (Une vérité qui dérange) puis du pacte écologique de l'animateur de télévision Nicolas Hulot en France, le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), réuni fin janvier à Paris pour livrer les conclusions de la 1ère partie de son rapport 2007, déclenche à son tour l'alerte climatique. Cette fois, les 500 meilleurs spécialistes mondiaux (accrédités par l'ONU) sont formels et unanimes : la Terre est entrée dans une phase de bouleversement climatique sans précédent. "Les informations paléoclimatiques [étude du climat allant de la décennie au million d'année] confirment l'interprétation que le réchauffement du dernier demi-siècle est atypique sur au moins les 1300 dernières années." (Résumé à l'intention des décideurs). Sur une échelle plus proche, le GIEC constate que parmi les 12 dernières années, 11 sont au " palmarès des 12 années les plus chaudes depuis qu'on dispose d'enregistrement de la température de surface (depuis 1850)."
Le réchauffement du climat est en marche, et si l'homme ne réduit pas drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre (CO2), la température du globe augmentera dans une fourchette comprise ente 2°C et 4°C d'ici 2100. En l'espace d'un siècle, l'activité de l'homme imposera donc au climat une mutation radicale que seuls des milliers d'années d'évolution naturelle sont capables de façonner. Dès lors, l'avenir envisagé par notre groupe d'experts à travers une multitude de scénarios n'est guère reluisant : les prochaines conditions de vie climatique de l'espèce humaine seront apocalyptiques...y compris dans le "meilleur des cas" !
Les prémices d'un environnement naturel hostile et meurtrier ne se sont d'ailleurs pas fait attendre : "Des sécheresses plus sévères et plus longues ont été observées sur de larges étendues depuis 1970, particulièrement dans les régions tropicales et subtropicales" ... de même, "les observations mettent en évidence une augmentation de l'activité des cyclones tropicaux intenses dans l'Atlantique Nord depuis 1970 environ, corrélée avec des augmentations de températures de surface de la mer sous les tropiques."
Canicules, ouragans, tempêtes, inondations emportent chaque année de nombreuses vies humaines, mais le pire est prévu pour demain (1).
"Depuis 1970..." : la nouvelle n'est pas très fraîche... Alors, "que disent de neuf nos scientifiques dans [leur] édition 2007 ?" (s'interroge le Nouvel Observateur)... "Jusqu'au bout le secret a été bien gardé, les travaux préparatoires n'étant accessibles qu'aux seuls spécialistes, lesquels ont su tenir leur langue."
Il faut alors prêter une oreille attentive pour recueillir la révélation de ce "secret bien gardé" et surtout n'en perdre aucune miette : "l'essentiel du réchauffement observé pendant les 50 dernières années est très probablement dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre engendrées par l'homme." Du rapport 2001 à celui de 2007, on est ainsi passé de " probablement" à "très probablement" et l'expression " engendrées par l'homme" a été ajoutée. Quel incroyable bond en avant de la science! Qui l'eût crû?
De toute évidence, la seule information inédite dans tout cela est que 500 scientifiques ("des as dans leur spécialité", d'après le Nouvel Observateur) viennent de tomber de leur arbre pour découvrir la Lune... Nul doute que cela fasse un choc!
La Terre se réchauffe et l'activité humaine n'y est pas étrangère... Il ne fallait pourtant pas sortir de la cuisse de Jupiter pour s'en rendre compte. "Depuis 1970..." les conférences internationales se succèdent (Stockholm, Rio, Kyoto...) avec le même constat d'impuissance mais aussi de moins en moins de latitude pour nier- ce qui est de l'ordre de l'évidence...- cette vérité qui dérange.
Toutefois, l'idée (presque une lapalissade) selon laquelle "l'homme est la principale cause du dérèglement climatique" n'est pas perdue pour tout le monde. En effet, elle s'inscrit directement au bénéfice de la classe dominante et de sa collection de trompe-l'œil en tous genres.
"Ça va réchauffer : la faute à l'homme » (titre un article de Libération du 2 février). Le revoilà donc ce vilain garnement, déraisonnable et égoïste, qui détruit la planète comme on casse un vulgaire jouet. La désignation du bouc émissaire est facile, intemporelle à souhait, elle a le grand mérite d'écarter d'un revers de main la question, il est vrai épineuse, du mode de production. Et pourtant, l'homme ne détruit pas l'environnement et ne chamboule pas le climat de manière fulgurante depuis qu'il est sur Terre car celle-ci serait déjà devenue un immense four coincé sur thermostat "+ 400°C" . Cette crise écologique sans équivalent s'est déclarée dans la seconde moitié du 20e siècle et donc se trouve intimement liée à l'existence d'un mode de production (lui aussi inédit à bien des égards dans l'histoire de l'espèce humaine) : le système de production capitaliste. L'activité industrielle dans le cadre du capitalisme (un système qui ne connaît d'autre loi que la rentabilité économique pour un maximum de compétitivité et de profits), quoi qu'il en coûte à l'humanité et à son milieu de vie... : voilà le véritable nœud du problème qu'il s'agit de trancher.
Les hommes, la satisfaction de leurs besoins, l'air qu'ils respirent, leur avenir... tout ce qui finalement semble l'essentiel se trouve relégué au dernier rang des ordres de priorité de ce monde. On a beau être savant et se draper de l'objectivité scientifique, on n'en reste pas moins l'homme d'un système et là comme ailleurs, il est des réalités que l'on préfère occulter.
Le chaos climatique est à nos portes alors "face à l'urgence, le temps n'est plus aux demi-mesures : le temps est à la révolution au sens authentique du terme. La révolution des consciences. La révolution de l'économie »' Et c'est un « révolutionnaire émérite » qui vous le dit... Jacques Chirac. Cet appel clownesque du Pancho Villa de l'Elysée est surtout le signe manifeste de l'échec patent de la bourgeoisie à dépasser la crise écologique engendrée par son système. De la même façon, les 40 pays réunis le 3 février lors de la Conférence de Paris (pour statuer sur le rapport du GIEC) ont solennellement réclamé l'adoption d'une "Déclaration universelle des droits et des devoirs environnementaux" ; "Cette charte commune garantira aux générations présentes et futures un nouveau droit de l'homme : le droit a un environnement sain et préservé." Or, puisque leur mémoire semble si courte, il faut rappeler que les mêmes pays nous juraient déjà par tous leurs grands saints, au sommet de la Terre à Rio en 1992, être "résolus à préserver le système climatique pour les générations présentes et futures." ... et les émissions de gaz à effet de serre de se répandre de plus belle ! Bref, que ce soit au son chiraquien de " Viva la Revolucion !" ou avec des accents lyriques et solennels sur les Droits de l'Homme, du Citoyen ou de la Terre, la classe dominante est irrémédiablement incapable de garantir un avenir aux générations présentes et futures.
Il est d'ailleurs symptomatique que la seule issue de secours que nous propose la bourgeoisie soit l'édification d'une société " sobre et économe" en énergie à l'image de cette opération médiatique du 1er février : "Cinq minutes de répit pour la planète" où les ménages européens étaient invités (à l'appel de 70 associations écologistes) à suspendre leur consommation d'électricité. "Attention, on coupe le jus !" ... et voilà l'humanité, après tant d'efforts, replongée d'un seul coup d'interrupteur dans l'obscurité, comme un avant-goût d'un retour à l'âge de pierre.
Lorsqu'un monde est en faillite, il n'est guère étonnant de le surprendre à songer à un futur... caverneux.
La classe ouvrière n'a pas de temps à perdre avec toutes ces élucubrations. Parce que ce monde n'est pas le sien, parce qu'il exhale par tous ses pores l'odeur pestilentielle de la mort, elle n'aura aucun état d'âme à s'en débarrasser afin de poser les bases d'une société nouvelle capable de faire de la Terre le plus bel écrin de la vie et de l'activité humaine.
Jude / 19.02.2007
(1) Selon certaines estimations, le réchauffement de la planète pourrait provoquer la migration de plus de 200 millions de personnes dans le monde : les "réfugiés climatiques" .
Le triomphe retentissant de Chavez qui, aux élections du 3 décembre 2006, a obtenu 63% des suffrages validés, contre 37% pour le candidat de l'opposition ne consolide et ne légitime pas seulement le pouvoir du secteur chaviste de la bourgeoisie pour une période de 6 ans, mais il représente aussi un triomphe pour l'ensemble de la bourgeoisie vénézuélienne. En effet, une fois de plus, la confrontation politique entre les fractions de la bourgeoisie, qui a dominé la scène politique après l'arrivée de Chavez au pouvoir en 1999, est parvenue à polariser la population et à l'amener à participer massivement à la bataille électorale : selon les chiffres du Conseil National Électoral (CNE), le taux d'abstention de 25% a été le plus bas des niveaux historiques qui étaient de l'ordre de 40%.
La bourgeoisie, à travers le retour sur la scène électorale des secteurs de l'opposition (qui se sont abstenus de participer aux élections parlementaires de 2005) est parvenue à donner de l'oxygène à la mystification électorale et démocratique. Mais le meilleur soutien à cet objectif a été apporté par le chavisme qui a polarisé la lutte en mettant en avant que le candidat de l'opposition était le candidat du "diable Bush" et que, si celui-ci gagnait, cela mettrait en danger les missions (à travers lesquelles le gouvernement applique sa politique de "justice sociale") et les acquis de la "révolution". De cette façon, le prolétariat de même que les masses socialement exclues continuent d'être pris dans le piège de la polarisation inter-bourgeoise en mettant leurs espoirs dans un secteur de la bourgeoisie qui a su exploiter en sa faveur une politique populiste de gauche orientée vers les couches les plus pauvres de la société, en soutenant les haut revenus pétroliers ; ce dernier ne fait rien d'autre que de gérer la précarité, en préconisant un égalitarisme qui tente de niveler par le bas l'ensemble de la société, en appauvrissant les secteurs des couches moyennes et en rendant les travailleurs et les couches exclues encore plus pauvres. Telle est la recette du "socialisme du 21e siècle" que le chavisme exporte en Bolivie, en Équateur et au Nicaragua et qui lui sert de cheval de bataille pour se renforcer dans la géopolitique de la région.
L'anti-américanisme "radical" de Chavez (que les mouvements anti-globalisation applaudissent avec tant de frénésie), le soutien aux autres gouvernements de tendance gauchiste comme ceux de Bolivie, de l'Équateur et du Nicaragua, de même que "l'aide" à plusieurs pays de la région à travers la baisse des paiements de la facture pétrolière, sont l'expression de l'utilisation du pétrole comme arme de domination dans la région, au détriment des intérêts de la bourgeoisie américaine, qui considérait historiquement l'Amérique latine comme son pré carré.
Le secteur chaviste de la bourgeoisie, dirigé par des secteurs militaires et civils de gauche et d'extrême gauche, a comme base sociale le soutien des masses exploitées, et principalement des masses socialement exclues; des masses auxquelles on a donné l'illusion qu'elles pourraient dépasser leur situation de pauvreté ... en 2021 !!
La grande intelligence de ce secteur de la bourgeoisie a consisté à se présenter comme étant d'origine populaire, du côté des pauvres. Cette condition de "pauvre" lui sert à se victimiser face aux "mauvais coups bourgeois", mais surtout face à l'impérialisme américain, utilisé comme menace extérieure qui empêcherait la "révolution" d'accomplir ses plans pour "sortir de la pauvreté".
Le gouvernement de Chavez, depuis le milieu de l'année 2003, a réorienté la "dépense sociale" en créant les soi-disant missions, plans sociaux à travers lesquels l'État distribue des miettes à la population, avec deux objectifs principaux : maintenir la paix sociale et renforcer le contrôle sur les masses paupérisées avec comme objectif de contrecarrer l'action des secteurs bourgeois qui jusqu'à présent avaient fait plusieurs tentatives pour destituer Chavez du pouvoir. Cette "dépense sociale" a été accompagnée par une manipulation idéologique sans précédent, consistant à présenter la politique capitaliste d'État du chavisme comme celle d'un État bienfaiteur, qui distribue la richesse de manière "équitable", en créant l'illusion parmi les masses paupérisées que les ressources de l'État sont inépuisables, qu'il s'agit seulement d'ouvrir le robinet des pétrodollars, et que les secteurs de la bourgeoisie ont un réel intérêt à s'occuper et à résoudre leurs problèmes.
En vue de gagner les élections présidentielles (dans lesquelles il a obtenu 7 millions de voix, alors qu'il visait les 10 millions, d'un corps électoral qui en compte 16), le chavisme, comme l'avaient fait les gouvernements précédents en période électorale, a concentré le plus gros de la dépense publique sur l'année 2006 : en augmentant l'importation de denrées alimentaires au cours des premiers mois de l'année pour les vendre à des prix subventionnés ; en inaugurant de nombreux travaux dont certains n'ont pas été terminés ; en décrétant deux augmentations du salaire minimum pour les travailleurs réguliers (l'une en mai et l'autre en septembre) ; en accélérant le processus d'attribution des pensions de vieillesse ; en payant des dettes anciennes aux travailleurs et en discutant certains contrats collectifs arrivés à échéance, etc. Pour finir, peu de jours avant les élections, des primes extraordinaires ont été payées aux employés publics, aux pensionnés et aux membres des missions. Le gouvernement a accordé ce "grand festin", grâce à la manne pétrolière, afin de créer un mirage de prospérité dans la population. Ces dépenses, en plus de celles occasionnées par l'augmentation historique des importations, l'achat d'armements, les "aides" à d'autres nations, etc., ont provoqué un accroissement de la dépense publique en 2006 de 58% par rapport à 2005, ce qui équivaut à 35% du PIB ; une bombe à retardement qui tôt ou tard se répercutera au niveau de la crise économique.
Selon la propagande diffusée par le chavisme au niveau intérieur et à l'échelle internationale (avec le soutien et les conseils de dirigeants et d'intellectuels de gauche, de même que d'éminents dirigeants du mouvement altermondialiste parmi lesquels le Français Ramonet occupe un rôle éminent), le Venezuela se dirigerait vers le dépassement de la pauvreté d'ici 2021
Mais toute autre est la réalité que l'on peut observer derrière la publicité asphyxiante du gouvernement chaviste ; il suffit de passer aux alentours des quartiers pauvres de l'extrême Est (Tetare) et Ouest (Catia) de Caracas, de même que dans le centre de la ville, pour percevoir la misère réelle qui se cache derrière ce rideau de fumée : d'innombrables indigents, en majorité des jeunes, vivant et dormant dans les rues, sous les ponts et au bord de la rivière Guaire (grand cloaque où vont se déverser les eaux usées de la ville) ; rues et avenues pleines d'ordures qui ont amené la prolifération de rats et de maladies ; des dizaines de milliers de marchands ambulants (appelés "buhoneros") qui vendent quelques denrées de subsistance, grossissent les rangs de la soi-disant économie informelle ; une grande criminalité qui a fait de Caracas une des villes les plus dangereuses de la région et a conduit le Venezuela à devenir le pays ayant le plus haut taux de criminalité, dépassant celui de la Colombie qui pendant des années avait été le premier dans cet horrible classement. Au niveau national, on enregistre une augmentation de cas de maladies comme la malaria, la dengue, de la mortalité des enfants et des mères, etc. Ce tableau ne se limite pas à Caracas, la capitale, mais il touche aussi les grandes villes et gagne progressivement les villes moyennes et petites. Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour tenter de cacher cette misère, ou l'ait mise sur le dos des mauvais coups de l'opposition ou de l'impérialisme américain, les manifestations de la paupérisation ne peuvent êtres occultées.
Les secteurs de l'opposition, en utilisant l'hypocrisie la plus écoeurante, font des critiques au gouvernement pour ces manifestations de la pauvreté, dans le but de se présenter comme la meilleure option de "défense des pauvres", alors que leur véritable intérêt est de reprendre le contrôle de l'appareil d'État. De leur côté, les moyens de communication du gouvernement ne divulguent pas ou minimisent cette situation, qui n'est pas propre aux villes vénézuéliennes, mais qui est le dénominateur commun dans d'autres villes des pays de la périphérie.
A côté de ces expressions visibles de pauvreté, on en trouve d'autres, moins visibles, qui accentuent la paupérisation des masses prolétariennes : à travers le coopérativisme impulsé par l'État, l'emploi précaire a été formalisé, puisque les travailleurs des coopératives ont moins de revenus que les travailleurs réguliers et que, d'après les déclarations des syndicats et des coopérateurs eux-mêmes, ils n'arrivent pas à percevoir le salaire minimum officiel. La discussion sur les contrats collectifs, surtout dans le secteur public, a subi des retards importants ; les augmentations de salaires sont accordées à travers des décrets et dans leur grande majorité à travers des primes qui n'ont pas d'incidence sur les bénéfices sociaux et quand elles arrivent à être payées, c'est avec des retards importants. A travers les missions et autres plans du gouvernement ont été créés des organes de services parallèles à ceux qui existent formellement dans les secteurs de la santé et de l'éducation, entre autres, et qui ont été utilisés pour pressurer les travailleurs réguliers et détériorer leurs conditions de travail. Comme nous le voyons, la précarité, la flexibilité du travail et les attaques aux salaires des travailleurs, propres au capitalisme sauvage, sont inévitables pour chaque bourgeoisie, même la plus "anti-néolibérale", comme prétend l'être la bourgeoisie chaviste.
Les salariés de même que les masses exclues payent le prix de l'incessante dépense publique que la "nouvelle" bourgeoisie chaviste exige de consolider à travers un taux d'inflation élevé qui, ces trois derniers mois, a été le plus important d'Amérique latine (2004 : 19,2% ; 2005 : 14,4% ; 2006 : 17%, selon les chiffres officiels). Cette augmentation, provoquée fondamentalement par la politique économique de l'État, a détérioré les conditions de vie de l'ensemble de la population, principalement des masses pauvres, qui consacrent 70% ou plus de leurs revenus à l'achat de nourriture, domaine dans lequel l'inflation cumulée dans la période signalée a été de 152% (26% en 2006) selon les chiffres de la banque Centrale du Venezuela. Les estimations pour 2007 ne sont guère plus réjouissantes, puisqu'on attend une inflation supérieure à 20% ; celle de janvier 2007 a été de 2%, taux le plus important de la région.
Quelques jours après les élections, le gouvernement a accéléré un ensemble de mesures pour renforcer son projet de "socialisme du 21e siècle", en argumentant qu'avec les élections le "peuple" avait donné son soutien à ce projet.
La première chose qu'a fait le gouvernement a été de montrer ses muscles face aux secteurs bourgeois adverses tant du capital national qu'à l'échelle internationale, en annonçant une série de mesures de nationalisation dans différents secteurs de l'économie (télécommunications, moyens audiovisuels, énergie, etc.), un contrôle majoritaire de l'exploitation pétrolière, jusqu'à présent dans les mains des multinationales, et un accroissement de la charge fiscale. Ces mesures montrent l'objectif principal de la bourgeoisie chaviste : avoir un meilleur contrôle de l'appareil économique national à travers des mesures radicales de capitalisme d'État.
La bourgeoisie sait que, tôt ou tard, la crise se fera sentir, du fait de l'excessive dépense publique engendrée par un modèle politique tel que le chavisme. Pour cela, les prétendus "moteurs de la révolution bolivarienne" préconisent des mesures de plus grand contrôle politique et social contre les travailleurs et la population en général à travers le prétendu "Pouvoir Populaire" et les Conseils Communaux.
En même temps qu'il a annoncé le renforcement de ces organes de contrôle social, le gouvernement a commencé l'année en prenant ou en annonçant des mesures contre les conditions de vie des travailleurs et de la population :
Le gouvernement, du haut de sa grande popularité, est en train de montrer son véritable visage de gouvernement bourgeois : après avoir utilisé les travailleurs et les couches exclues dans les élections, il annonce maintenant des mesures d'austérité et de répression.
Face à cette situation, les travailleurs au Venezuela, comme dans le reste du monde, n'ont pas d'autre voie que de développer leur lutte contre les attaques incessantes du capital. Nous savons que cette lutte ne sera pas facile, du fait en partie des confusions introduites par l'idéologie chaviste, qui a affaibli et manipulé l'idée même du socialisme, c'est-à-dire le dépassement du règne de la précarité à travers la lutte révolutionnaire du prolétariat.
CCI / 18.02.2007
Le 27 février, les ouvriers de VW-Forest ont voté à 76% "Oui" à l'unique question posée par le référendum organisé par les syndicats: « Etes-vous d'accord où pas pour poursuivre l'activité avec Audi? ». Alors qu'en novembre 2006 le gouvernement avait feint de ‘s'indigner' face à la brutalité des attaques afin de calmer la colère des ouvriers, aujourd'hui, il exprime sa pleine satisfaction à l'issue d'un vote qui entérine ces mêmes attaques: "Le Premier ministre, Guy Verhofstadt a exprimé sa satisfaction á propos du vote intervenu chez VW Forest. Le bon sens l'a emporté, a dit le premier ministre qui s'est réjoui des perspectives de concrétisation d'un beau projet industriel, tel que présenté au cours de l'entretien qu'il a eu avec MM. Piëch et Winterkorn le 1er décembre 2006. Le Premier ministre a encore souligné que le vote positif des travailleurs de chez VW Forest ne donne pas seulement une sécurité d'emploi aux 2.200 travailleurs de Audi/VW mais également pour les milliers de travailleurs occupés par les fournisseurs de l'usine." (Agence Belga, 27/02/2007). La façon provocante de poser la question mettait les ouvriers devant un faux choix, soit accepter une réduction de 20% de la masse salariale et des conditions de travail plus dures, soit refuser ces attaques et s'engager dans une voie suicidaire se concluant par la perte des 2.200 emplois restants et de quelques milliers de travailleurs sous-traitants. Dans ce dernier scénario, la bourgeoisie aurait pu alors rendre les ouvriers seuls responsables de la fermeture de l'usine et les culpabiliser pour les licenciements dans la sous-traitance.
Pendant trois mois, les ouvriers de VW-Forest ont été maintenus dans l'angoisse la plus totale sur leur avenir. Il est inutile ici de continuer à spéculer sur les intentions de VW de fermer où pas l'usine qui était à la base du chantage car le résultat de l'ultimatum est bien là aujourd'hui : les ouvriers ont dû accepter, sans aucune garantie pour l'avenir, la perte de 3.000 postes de travail et de nouveaux sacrifices pour les 2.200 emplois restants dont l'augmentation du temps de travail à 38 heures semaines payées au tarif des 35 heures actuelles. Le fait que la bourgeoisie a mis trois mois pour arriver à ce résultat ne s'explique pas seulement par la combativité parmi les ouvriers de VW, mais surtout par l'inquiétude générale qui l'accompagne. En effet, aujourd'hui, le capitalisme belge ne maintient sa très haute productivité et compétitivité que par une dégradation constante des conditions de vie et de travail de toute la classe ouvrière. C'est donc un sentiment d'inquiétude générale qui existe parmi l'ensemble des travailleurs. C'est aussi pourquoi tous les salariés étaient très sensibilisés à la lutte à VW. La bourgeoisie a donc voulu infliger une sévère défaite à la classe ouvrière à VW avant que cette inquiétude ne se transforme en combativité générale. C'est pourquoi la dégradation économique et sociale très importante que la bourgeoisie a réussi aujourd'hui à imposer aux travailleurs de VW touche tous les travailleurs car ils sentent bien que cette dégradation les atteindra aussi dans un futur proche.
En novembre 2006, lorsque le conflit a éclaté à VW, la décision de licencier 4.000 ouvriers a provoqué un choc dans toute la classe ouvrière en Belgique. La bourgeoisie a donc gardé alors une certaine prudence à cause de l'ambiance générale de tensions sociales et elle a laissé le champ libre aux syndicats pour mener les ouvriers sur une voie de garage. Ainsi, alors que la colère était grande parmi de nombreux secteurs de la classe ouvrière, comme l'a montrée la mobilisation lors de la manifestation nationale du 2 décembre, les syndicats ont tout fait pour empêcher une réelle solidarité. Pour casser toute perspective de luttes, d'extensions et d'assemblées générales, les syndicats ont vite accepté la perte de 3.000 emplois en les conditionnant à l'octroi d'une prépension et d'une prime de départ ... que la direction de VW s'est empressée d'accepter : "950 salariés s'en vont par la prépension, mais selon les normes du nouveau "pacte des générations". 1950 quittent l'entreprise sur une base "volontaire", avec pour les 1.500 premiers une prime de départ en récompense. Avec pour la plupart d'entre eux, le chômage comme seule perspective. Pour ceux qui restent, il y a un système de chômage partiel à long terme, mais surtout, en plus des 33% d'augmentation de productivité que les ouvriers avaient réalisé entre 2001 et 2005 et du nouveau règlement en place depuis l'été 2006 concernant la flexibilité (temps de travail jusqu'à 10 heures par jour, 48 heures par semaine), une nouvelle convention collective doit être signée, prévoyant une diminution des salaires et des coûts de production. Les conditions de production en 2009 devraient s'aligner sur celles du siège VW à Mosel (est de l'Allemagne), où le coût salarial se monte à 16,9€/h, contre 23,8€/h aujourd'hui à VW Forest." (Internationalisme, n° 329). Les manoeuvres de divisions syndicales ont graduellement pris le dessus et les con-ditions de lutte sont devenues de plus en plus défavorables: "C'est là qu'interviennent les manœuvres syndicales: depuis le début, les ouvriers ont été renvoyés à la maison, isolés les uns des autres, sans information ni perspective. C'est la perspective d'une interminable grève rampante qui a été mise en avant, sans assemblée générale de grévistes où de véritables discussions et décisions sont possibles, sans comité de grève élu, contrôlé et révocable, sans meeting mobilisateur, sans délégation massive pour aller chercher activement la solidarité et l'extension vers d'autres parties de la classe ouvrière. Chaque développement de tout moyen de lutte et d'une dynamique de renforcement de la lutte a été tué dans l'œuf. L'idée même de mener une lutte a été de plus en plus ressentie comme insensée. Il ne restait finale-ment rien d'autre aux ouvriers que de subir leur sort et de placer toute leur confiance dans les négociateurs gouver-nementaux et syndicaux" (Internationalisme, n° 329). Ainsi une réelle perspective de lutte était graduellement réduite á néant.
Progressivement, le gouvernement et les syndicats sont parvenus à faire peser un sentiment de solitude et d'impuissance sur les 2.200 travailleurs restants. C'est directement le sabotage de la lutte par les syndicats qui a permis à la bourgeoisie, aujourd'hui, d'avancer avec plus de détermination et de brutalité et d'exercer un véritable chantage sur les ouvriers. Les "négociations" ont donc été menées en secret entre la direction et les syndicats pour mettre les ouvriers devant le fait accompli. Néanmoins, si les syndicats pensaient imposer les mesures pour le "sauvetage" sans aucune consultation des ouvriers, "négociant" dans leur dos, ils n'ont pu empêcher la réaction des ouvriers qui n'ont pas hésité à reprendre la grève, après trois mois d'incertitude épuisante, et ce, deux jours avant que les trois syndicats ne signent l'accord avec la direction. Devant l'ignorance totale dans laquelle ils ont été maintenus sur leur sort, les ouvriers restants sont partis spontanément en grève: "Les trois syndicats devaient décider seuls de l'approbation ou non du plan de la direction. Mais les ouvriers ne l'ont pas entendu de la même oreille. Lundi matin, ils ont refusé de reprendre le chemin des lignes d'assemblage. Plus tard, ils sont allés protester devant les fenêtres de la salle où se tenait le conseil d'entreprise. Ils ont dénoncé le manque d'informations sur le contenu du plan et ont reproché à leurs représentants de ne pas les consulter." (Le Soir, 27/02/2007). Cependant, trois mois plus tard, la situation n'est plus la même. Compte tenu du départ de plus de la moitié des ouvriers et de l'absence totale de perspectives plus larges dans laquelle les syndicats ont pu enfermer les travailleurs, ceux-ci ne pouvaient qu'exprimer leur colère dans un dernier baroud d'honneur. La bourgeoisie et ses médias n'ont d'ailleurs pas manqué de faire ouvertement pression en taxant les ouvriers d'irresponsables s'ils n'acceptaient pas l'accord négocié par les syndicats. De même, alors qu'en décembre 2006 la carte régionale et linguistique ne pouvait être utilisée pour diviser les ouvriers unis dans le combat, aujourd'hui les manœuvres de divisions fleurissent entre les soi-disant Wallons "enragés" de la FGTB et les Flamands "dociles" de l'ACV. C'est dans ce contexte profondément modifié du rapport de force que les syndicats ont pu imposer un référendum par vote secret et individuel autour d'une question qui ne laissait plus de choix si ce n'est d'accepter de légitimer la signature de l'accord que les syndicats avaient conclu avec la direction. Ce vote représente non seulement une victoire pour la direction de VW, mais aussi pour le gouvernement et surtout pour les syndicats et une défaite pour les ouvriers, non seulement de VW en Belgique, en Allemagne et en Espagne, mais pour l'ensemble de la classe exploitée en Belgique. Cette victoire de la bourgeoisie va servir d'exemple pour renforcer la productivité sur le dos des ouvriers et de jouer la concurrence entre eux. Néanmoins, malgré cette défaite ponctuelle, la classe ouvrière est encore capable de tirer les leçons de ses échecs, l'expérience ne pourra, à terme, que conduire à la prise de conscience que seul on ne peut pas gagner et que la solidarité ne peut pas rester passive. Un nouveau dynamisme dans ce sens viendra inévitablement de prochains combats.
Internationalisme / 2.3.07
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