"Jamais depuis les années 30, l'impasse totale dans laquelle se "trouve l'économie capitaliste ne s'était révélée avec une tel-"le évidence ; jamais depuis la dernière guerre mondiale, la "bourgeoisie n'avait déployé de tels arsenaux militaires, n'avait mobilisé de tels efforts en vue de la production de moyens "de destruction ; jamais depuis les années 20, le prolétariat "n'avait mené des combats de l'ampleur de ceux qui ont secoué "la Pologne et l'ensemble de la classe régnante en 1980-81. "Cependant, ce n'est là qu'un début. En particulier, si aujourd'hui les dirigeants bourgeois semblent se consoler en bavardant sur "la reprise économique"; ils ont du mal à masquer que "le plus fort de la crise est devant nous. De même, le recul "mondial des luttes ouvrières qui a suivi les formidables combats de Pologne ne constitue qu'une pause avant les énormes "affrontements de classe qui mettront en mouvement les détachements décisifs du prolétariat mondial, celui des grandes métropoles industrielles et notamment d'Europe occidentale" (Résolution sur la situation internationale, 5e Congrès du CCI Revue Internationale n°35)
Les années80, à la suite des années 70, dominées par l'illusion d'une reprise économique, sont bien des ANNEES DE VERITE. Si, après 1'invasion de 1'Afghanistan par les troupes russes, le développement de la grève de masse des ouvriers en Pologne a montré, dès 1'aube des années 80, comment se concrétisait 1'alternative historique : guerre impérialiste ou révolution communiste, les années qui ont suivi la défaite partielle du prolétariat mondial en Pologne, ont été marquées par une avancée des tensions impérialistes sans que la classe ouvrière se manifeste de façon significative.
Déboussolée par 1'activité de la gauche dans 1'opposition et par d'intensives campagnes idéologiques centrées sur la guerre, en partie démoralisée par la défaite en Pologne, la classe ouvrière a marqué une pause dans ses luttes qui a d'autant plus facilité la forte accélération des préparatifs guerriers de la bourgeoisie.
Cependant, 1'enfoncement toujours plus rapide du capitalisme dans la crise, alors que le prolétariat mondial n'est pas vaincu, pas écrasé, fait que cette pause des luttes ne pouvait être que provisoire. Aujourd'hui, le renouveau de la combativité de la classe ouvrière dans les pays centraux, vient montrer que le repli se termine.
L'histoire s'accélère sous la poussée de 1'aggravation de la crise. Comprendre cette accélération, tant sur le plan des tensions inter impérialistes que sur celui de la lutte de classe, constitue une tâche essentielle des organisations révolutionnaires aujourd'hui si elles veulent être à même de remplir leur fonction dans la classe demain.
L’AGGRAVATION DES TENSIONS IMPERIALISTES
Depuis l'invasion russe de l'Afghanistan, le prolétariat est soumis à une propagande intensive sur la guerre. Rien que ces derniers mois : un bœing 747 avec des centaines de passagers à bord abattu par les russes au dessus de l'île Sakhaline ; des centaines de soldats américains et français tues dans des attentats meurtriers à Beyrouth ; un débarquement de marines américains dans une minuscule île des Caraïbes, la Grenade ; des avions français et israéliens qui bombardent au Liban, avec, en toile de fond, des conflits anciens qui non seulement n'en finissent pas mais, au contraire, s'exacerbent : la guerre Iran-Irak qui a fait déjà des centaines de milliers de morts et de blessés, les guerres au Tchad, Angola, Mozambique, Sahara occidental, Nicaragua, Salvador, Cambodge, etc. La liste des conflits qui viennent illustrer l'exacerbation des tensions guerrières est longue. Et pas un qui ne soit prétexte à une intensification du matraquage obsédant du bloc occidental destiné à paralyser le prolétariat en lui faisant peur et en lui communiquant un sentiment d'impuissance, et à dénoncer l'agressivité du bloc russe, même si parfois, l'influence de celui-ci y est insignifiante.
Comme toute propagande, celle-ci s'appuie sur une réalité : avec l'entrée dans les"années de vérité", s'aggravent toutes les grandes tendances propres à la décadence capitaliste, notamment la tendance à l'aiguisement des tensions militaires.
"Face la crise qui se développait, la bourgeoisie s'est cramponnée pendant des années à l'espoir qu'il y avait des solutions... Aujourd'hui, la bourgeoisie déchante. De façon sourde mais lancinante, elle découvre qu'il n'y a pas de solution à la crise... Réalisant qu'elle est dans une impasse, il ne lui reste que la fuite en avant. Et pour elle, la fuite en avant, c'est la marche vers la guerre". (Les années 80, années de vérité, Revue Internationale n°20).
C'est dans ce contexte qu'on assiste à une modification qualitative de l'évolution des conflits impérialistes. Contrairement à la propagande assénée quotidiennement par tous les médias du bloc occidental, la caractéristique majeure de cette évolution consiste en une offensive du bloc américain contre le bloc russe. Celle-ci vise à parachever l'encerclement de l'URSS par le bloc occidental, à dépouiller ce pays de toutes les positions qu'il a pu conserver hors de son glacis direct. Elle a pour but d'expulser définitivement l'URSS du Moyen-Orient en réintégrant la Syrie au sein du bloc occidental. Elle passe par une mise au pas de l'Iran et la réinsertion de ce pays dans le bloc US comme pièce majeure de son dispositif militaire. Elle a pour ambition de se poursuivre par une récupération de l'Indochine. Elle vise, en fin de compte, à étrangler complètement l'URSS; à lui retirer son statut de puissance mondiale.
Une des caractéristiques principales de cette offensive, c'est l'emploi de plus en plus massif de sa puissance militaire par le bloc US, notamment par l'envoi de corps expéditionnaires américains ou d'autres pays centraux du bloc (France, GB, Italie) sur le terrain des affrontements. Cette caractéristique correspond au fait que la carte économique, employée abondamment par le passé pour mettre la main sur les positions de l'adversaire, ne suffit plus :
- du fait des ambitions présentes du bloc US ;
- du fait surtout de l'aggravation de la crise mondiale elle même qui crée une situation d'instabilité interne dans les pays secondaires sur lesquels s'appuyait auparavant le bloc US.
A cet égard, les événements d'Iran ont été un révélateur. L'effondrement du régime du Shah et la paralysie que cela a occasionnée pour le dispositif américain dans cette région, ont permis à l'URSS de marquer des points en Afghanistan. Ils ont convaincu la bourgeoisie américaine de mettre sur pied sa force d'intervention rapide (et lui ont permis de faire "avaler" facilement cette décision à la population traumatisée par l'exploitation de l'affaire des otages de l'ambassade américaine à Téhéran en 1979) et de réorienter sa stratégie impérialiste.
De même aujourd'hui, le meilleur bastion militaire du bloc occidental au Proche-Orient : Israël, se retrouve dans une situation économique et sociale difficile, ce qui impose une présence militaire directe accrue du bloc au Liban.
La difficulté de plus en plus grande du bloc US à entretenir son avancée contre le bloc russe par sa puissance économique alors que la crise frappe toujours plus fort, le pousse à subordonner de plus en plus totalement son économie à ses besoins militaires. Depuis longtemps, étant donnée sa faiblesse économique, l'URSS a du, pour maintenir sa domination sur son bloc, sacrifier la compétitivité de son économie aux besoins de sa puissance militaire par un développement hypertrophié de son économie de guerre. La primauté du militaire sur l'économique est une tendance générale de la décadence du capitalisme qui s'accélère aujourd'hui et que les années de vérité mettent à nu.
Cette tendance ne manifeste pas la force du capital, mais constitue au contraire la preuve de son affaiblissement. La fuite en avant dans l'économie de guerre et vers la guerre elle-même est le produit de l'affaissement du marché mondial sursaturé. La production d'armements a ceci de particulier qu'elle n'est destinée ni à la reproduction de la force de travail, ni à la production de moyens de production, mais à la destruction ; elle est elle-même une stérilisation et une destruction de capital.
Dans tous les pays, les programmes d'armements se développent depuis la fin des années 70. Les commandes d'armes de l'Etat américain sont un des facteurs déterminants de la "reprise" économique actuelle. Mais cette destruction massive de capital ne fait qu'accentuer à terme les effets de la crise et accélérer la faillite du capitalisme mondial (voir article dans ce n°).
LE PROLETARIAT : FREIN A LA GENERALISATION DES CONFLITS
La banqueroute du capital mondial pousse la bourgeoisie vers la guerre comme l'ont dramatiquement montré les deux holocaustes impérialistes de ce siècle. La crise économique aujourd'hui est plus profonde et plus forte que toutes celles qui ont précédé. Dans ces conditions, comment se fait-il qu'aucun des multiples conflits impérialistes ne se soit encore généralisé dans une 3e guerre mondiale ?
La classe ouvrière reste un obstacle décisif à la guerre mondiale. Ce n'est pas l'accumulation des armements les plus destructeurs qui freine les tendances bellicistes de la bourgeoisie. Mais depuis 1968, celle-ci n'est pas parvenue à assurer la soumission de cette principale force sociale du monde capitaliste qu'est le prolétariat.
La guerre impérialiste généralisée serait une guerre totale. Il faut à la bourgeoisie un prolétariat docile qui fasse tourner à plein les usines, qui accepte une militarisation totale du travail, de la vie sociale, qui subisse sans broncher le rationnement alimentaire le plus draconien, qui joue le rôle d’exécutant soumis de l'Etat bourgeois, au nom de la patrie, au nom du drapeau national, au coude à coude avec ses exploiteurs.
Le développement des luttes ouvrières contre les effets de la crise depuis 1968, au coeur du capitalisme mondial : en Europe, c’est-à-dire au centre des rivalités impérialistes entre les deux blocs qui se partagent le monde, démontre que cette condition n'est pas remplie. C'est cette reprise des combats du prolétariat à l'échelle mondiale à la fin des années 60 qui a imposé à la bourgeoisie américaine de retirer ses 400 000 hommes du ViêtNam devant les risques de conflagration sociale qui s'accumulaient.
La classe capitaliste doit entamer et briser cette résistance du prolétariat pour avoir les coudées franches et en découdre sur le terrain des affrontements impérialistes. Les campagnes idéologiques sur la guerre menées de façon intensive depuis l'invasion de l'Afghanistan par les troupes du bloc russe, n'ont pas d'autre but que de paralyser le prolétariat et lui faire accepter un effort de guerre et des interventions militaires croissantes. Ces campagnes s'adressent d'abord aux fractions de la classe ouvrière dans les pays industrialisés, et notamment d'Europe dont le rôle a toujours été déterminant par le passé pour permettre une marche à la guerre généralisée. En effet, l'embrigadement du prolétariat européen derrière l'étendard national et les mystifications bourgeoises a permis les deux guerres mondiales. Nous ne sommes pas dans la même situation aujourd'hui. Nulle part, des fractions importantes du prolétariat ne se trouvent vaincues, soumises, embrigadées par la bourgeoisie. Partout les luttes de résistance contre l'austérité montrent que le potentiel de combativité de la classe ouvrière est intact, loin d'être brisé.
Il y a deux ans, Reagan, devant le tollé suscité par l'envoi de quelques dizaines de milliers de "conseillers anti-guérillas" au Salvador, avait affiché son but : surmonter le "syndrome du ViêtNam", c'est-à-dire les réticences de la population des Etats Unis à l'envoi de soldats américains dans des conflits ouverts. On peut voir aujourd'hui, avec les milliers de soldats dépêchés au Liban ou à la Grenade, que la bourgeoisie occidentale, à coup de campagnes intensives, a avancé sur ce plan. Cependant, nous sommes encore loin de la période de contre-révolution durant laquelle les Etats Unis pouvaient, sans coup férir, envoyer 16 000 hommes au Liban pour rétablir l'ordre. La bourgeoisie a encore du chemin à parcourir si elle veut briser la résistance de la classe ouvrière et s'ouvrir la route de la 3e guerre mondiale.
Ainsi, depuis 1968, le prolétariat reste une préoccupation déterminante de la bourgeoisie car elle sait qu'il est le principal danger auquel elle se trouve confrontée. Un exemple marquant de cette situation réside dans l'organisation actuelle de l'appareil politique de la bourgeoisie : de plus en plus, elle tend, pour faire face à la lutte de classe, à mettre ses fractions de gauche dans l'opposition, alors que les besoins de la guerre mondiale nécessitent l'union nationale, ce qu'elle ne peut faire pour le moment. Ce qui est à l'ordre du jour, c'est la lutte de classe.
Mais même si la classe ouvrière joue un rôle de frein aux tendances bellicistes, cela ne signifie pas pour autant que les tensions inter impérialistes cessent d'exister. Au contraire, celles-ci ne peuvent que s'exacerber sous la poussée de la crise. La lutte du prolétariat ne peut empêcher l'éclatement des multiples conflits impérialistes localisés ; ce qu'elle empêche, c'est leur généralisation dans un troisième holocauste.
Les tensions inter impérialistes ne disparaissent pas dans le capitalisme : le capital suppose la guerre; et les illusions pacifistes, c'est-à-dire d'un capitalisme pacifique, sont un des pires poisons pour la classe ouvrière. Même durant la grève de masse en Pologne 80, quand les deux blocs se sont entendus comme "larrons en foire" pour isoler le prolétariat de Pologne et lui imposer la défaite, les tensions inter impérialistes -même si elles ont été mises au second plan- n'ont pas disparu pour autant : les conflits ont continué à la périphérie et les programmes d'armements ont fait un bond en avant dans les budgets des principales puissances impérialistes.
Le niveau de lutte de classe actuel, s'il empêche l'ouverture d'une 3e guerre mondiale, n'est pas suffisant pour faire reculer la bourgeoisie sur le plan militaire. Les ouvriers de Pologne ont posé la question de la généralisation internationale de la grève de masse au coeur de l'Europe, question à laquelle ils ne pouvaient répondre par eux-mêmes dans la situation d'isolement où ils se trouvaient. C'est seulement cette perspective qui peut faire reculer la bourgeoisie à l'échelle mondiale et préparer le terrain de la révolution communiste qui, mettant fin au capital, mettra fin à toutes les guerres. Cette perspective est entre les mains du prolétariat d'Europe occidentale, le plus à même, par son histoire, par son expérience, sa concentration, de la mettre en avant. De sa capacité de lutter, de s'opposer aux attaques de la bourgeoisie dépend l'avenir de l'humanité.
LA REPRISE DE LA LUTTE DE CLASSE
Alors que le thème de la guerre est omniprésent, obsédant, à travers le battage permanent de tous les médias ; alors que le prolétariat est soumis à un martelage incessant où, dans l'infernale logique du capitalisme, les cadavres viennent justifier les cadavres, tous les moyens d'information sont par contre soumis à un black-out sur les luttes de classe.
Pourtant, après un creux réel au lendemain de la défaite en Pologne, les grèves qui se déroulent depuis quelques mois en Europe sont significatives d'une reprise des combats de classe ; elles viennent confirmer que le prolétariat, loin d'être vaincu, garde intact son potentiel de combativité et qu'il est prêt à s'exprimer avec ampleur.
A cet égard, la grève du secteur public en Belgique durant le mois de septembre est exemplaire ; elle constitue le mouvement de luttes ouvrières le plus important depuis les combats de Pologne 80. Il en est ainsi par la conjonction des éléments suivants :
- le nombre de travailleurs impliqués (plusieurs centaines de milliers dans un pays qui ne compte que 9 millions d'habitants) ;
- le fait que ce mouvement a touché un des pays les plus industrialisés du monde, de plus vieux capitalisme, situé en plein coeur des énormes concentrations prolétariennes d'Europe occidentale ;
- la dynamique qui s'est exprimée au démarrage du mouvement : surgissement spontané des luttes qui a pris de court et a débordé les syndicats ; tendance à l'extension ; dépassement des clivages communautaires et linguistiques ;
- l'énorme mécontentement qui s'est révélé dans ces luttes et qui va croissant ;
- le fait que ce mouvement prend place dans un contexte international de surgissements sporadiques mais significatifs de la combativité ouvrière (en Grande Bretagne dans l'automobile ; en France, dans les centres de tris postaux ; en Hollande dans les services publics, etc.).
Le black-out imposé par les Etats aux moyens d'information sur cette grève durant une dizaine de jours dans les pays riverains de la Belgique (France, RFA, GB) met en évidence la crainte que la classe dominante éprouve d'une extension des explosions de mécontentement en Europe occidentale.
Ces luttes paraissent bien insignifiantes si on les compare à la flambée magnifique qu'avait constituée la grève de masse en Pologne 80. Pourtant, elles se développent dans un contexte différent qui leur donne toute leur valeur et leur sens.
La faiblesse de l'encadrement syndical "officiel" et la rigidité de l'Etat polonais ont permis la dynamique (extension et auto organisation) de la grève de masse à l'échelle nationale. Cependant, dans leur isolement, les travailleurs de Pologne se sont cassés le nez sur les illusions du syndicalisme à l'occidentale, "démocratique", véhiculées par Solidarnosc.
"Par contre, le prolétariat d'Europe occidentale, parce qu'il n'est pas dans la même situation d'isolement, parce qu'il a accumulé depuis des décennies toute une expérience de luttes où il s' est confronté aux syndicats, à la gauche, parce qu'aujourd'hui, plus que jamais, la crise le pousse à lutter, parce que son potentiel de combativité est intact, se trouve aujourd'hui dans des conditions meilleures qu'il n'en a jamais connues pour clarifier aux yeux du prolétariat mondial la véritable nature des syndicats, de la gauche et de la démocratie". (Rapport sur la situation internationale, 5e Congrès du CCI, Revue Internationale n° 35).
La grève en Belgique a manifesté des faiblesses qui continuent de peser sur la classe ouvrière et qui se sont notamment révélées par l'absence de remise en cause claire des syndicats et par l'absence d'auto organisation des luttes. Cependant, ces faiblesses ne sauraient atténuer ou masquer 1'importance du mouvement. En fait, alors que la "gauche dans l'opposition" mise en place activement à partir de 79 dans la plupart des pays avait réussi à épuiser et à venir à bout de la poussée ouvrière des années 78-80, les grèves de Belgique de septembre 83 constituent la première remise en cause d'envergure de l'efficacité de cette carte bourgeoise. Elles sont un indice indiscutable du fait que la classe ouvrière se remet de la défaite subie en Pologne 81, que le recul de ses combats qui marque les années 81-82, a pris fin.
A l'heure où la crise économique atteint maintenant de plein fouet les métropoles du capitalisme, la bourgeoisie ne peut plus différer ses programmes d'austérité,ni les étaler dans le temps. La classe exploiteuse est obligée de plus en plus d'attaquer toutes les fractions du prolétariat en même temps, au coeur du monde industriel de la vieille Europe. Ainsi la classe ouvrière est de plus en plus poussée à exprimer à une échelle toujours plus massive ses réserves de combativité. Les conditions de l'extension et de la généralisation se réunissent car le prolétariat doit faire face à une attaque générale de la bourgeoisie. Les conditions de l'auto organisation se rassemblent parce que le prolétariat est amené à se confronter à la gauche et à ses syndicats en luttant contre l'austérité de l'Etat et que l'approfondissement de la crise se traduit par une usure des mystifications démocratiques et syndicales imposées depuis 50 ans par la bourgeoisie derrière le mythe de 1'Etat-providence.
Les luttes en Belgique, en France, en Hollande, etc., annoncent les luttes d'envergure qui prendront place dans le futur. La reprise de la lutte de classe de l'automne 83 n'en est qu'à ses débuts, "Dans les pays avancés d'Occident et notamment en Europe de 1'Ouest, le prolétariat ne pourra déployer pleinement la grève de masse qu'à 1'issue de toute une série de combats, d'explosions violentes, d'avancées et de reculs, au cours desquels il démasquera progressivement tous les mensonges de la gauche dans 1'opposition, du syndicat et du syndicalisme de base". (Résolution sur la situation internationale du 5e Congrès du CCI, Revue Internationale n° 35)
Dans la mesure où le cours historique est la résultante du rapport de forces entre les classes, il peut sembler paradoxal dans la période actuelle d'assister en même temps à une accélération des tensions inter impérialistes et à la reprise de la lutte de classe. Le rapport entre les classes, entre le prolétariat et la bourgeoisie, n'est pas un rapport mécanique, immédiat ; c'est un rapport de forces historique. Devant 1 'exacerbation des contradictions provoquées par la crise, il faut une réponse à un degré qualitatif supérieur de la lutte de classe pour faire reculer la bourgeoisie et préparer l'assaut final contre le règne barbare du capital.
Ce que la reprise de la lutte de classe annonce aujourd'hui, ce sont les futures grèves de masse de dimension nationale d’abord, et leur généralisation internationale ensuite qui permettront au prolétariat de mettre en avant la perspective révolutionnaire. Sur ce chemin le prolétariat d'Europe, parce qu'aujourd'hui, dans le contexte impérialiste, il est confronté au problème de la guerre de manière de plus en plus directe, devra assumer consciemment son opposition à celle-ci.
Plus que jamais, le prolétariat mondial aujourd'hui sera contraint de faire sien le mot d'ordre du prolétariat révolutionnaire du début du siècle : GUERRE ou REVOLUTION !
C'est avec une vigueur retrouvée que les grands pays industrialisés ont renforcé leur présence armée sur des théâtres d'opérations militaires, présence qui s'était ralentie depuis le retrait des troupes américaines du Vietnam en 1975. En 1982, le "wargame" grandeur nature des îles Malouines a clairement confirmé un tournant de la politique militaire du bloc de l'Ouest, prélude à l'"interposition" au Liban de corps expéditionnaires américain, français, britannique et italien la même année, "interposition" devenue intervention directe en 1983.
A cette politique correspond une intensification des dépenses militaires qui manifeste la fuite en avant du capitalisme vers la seule issue qu'il peut donner à la crise définitive de son système d'exploitation, la guerre généralisée. Cependant, le poids massif de l'économie de guerre remonte aux années 1930 ; aujourd'hui, la politique d'armements ne peut en aucune façon fournir un palliatif à la crise comme ce fut le cas à l'époque. Au contraire, cette politique ne fait qu'accélérer la plongée du capitalisme dans l'abîme de la crise ; elle se révèle incapable de résorber le chômage massif au coeur des centres industriels ; elle ne permet pas une reprise économique réelle. Ainsi s'accentuent les conditions d'une riposte de la classe ouvrière qui commence à s'engager dans les pays du coeur du capitalisme.
L'ACCELERATION DES DEPENSES MILITAIRES
Les grands pays capitalistes vont assurer de plus en plus directement les basses besognes de l'affrontement militaire entre rivaux impérialistes qui s’étaient poursuivi par petits pays interposés. Dans les années 1970, les grandes puissances ont tendu à ralentir 1’accélération des dépenses militaires, déléguant leur rôle de gendarme à leurs alliés du tiers-monde face au bloc russe. Cependant, ce ralentissement relatif n'a jamais été une diminution. Les dépenses militaires mondiales n'ont jamais cessé de croître, particulièrement dans le tiers-monde et dans le bloc de l'Est.
Après avoir tenté d'utiliser principalement leur prépondérance économique sur le marché mondial contre le bloc adverse, avec 1'accélération actuelle de la crise, les grands pays de l'Ouest sont à nouveau contraints d'accélérer leur politique d'armements.
La production industrielle de ces pays tourne aujourd'hui au mieux à 75 % de ses capacités et 1'investissement se tasse : même les analystes de la bourgeoisie les plus convaincus de la "reprise" économique américaine -d'ailleurs de moins en moins nombreux- restent perplexes face au fait que cette soi-disant "reprise" s'accompagne d'une chute des investissements. La pression à la baisse du taux de profit s'accélère, et ceci d'autant plus pour les puissances industrielles que la productivité ne cesse de s'accroître.
Aux Etats-Unis, y compris dans des secteurs de pointe comme l'électronique, les faillites se multiplient. Dans l'automobile et l'aéronautique, les compagnies géantes comme Chrysler, Boeing, Mac Donnell Douglas, etc. ne doivent leur survie que grâce aux commandes militaires : chars pour Chrysler, avions Awacks pour Boeing, avions de combat pour Douglas.
La France, second producteur d'armements du bloc de l'Ouest, subit un nouveau freinage sans précédent dans l'industrie -agro-alimentaire, mines, sidérurgie, électronique. La construction aéronautique est de plus en plus fusionnée entre secteur civil et militaire et dominée par les responsables nationaux de l'armement : l'aviation civile stagne (Airbus) ; le secteur militaire est le seul qui résiste encore quelque peu à la récession.
Avec les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, le Japon prend une part grandissante dans la production d'armements, notamment dans l'électronique indispensable à la stratégie militaire actuelle. De même, l'Allemagne de l'Ouest, qui, tout comme le Japon, est un pays soi-disant à "bas profil" en matière militaire, dépense autant que la France dans ce domaine.
De plus, les chiffres officiels ne dévoilent qu'une partie de ce qui est réellement consacré à l'armement. En 1981 par exemple, 25 % de la recherche mondiale étaient officiellement consacrés au domaine militaire ; en fait, 90 % des programmes de recherche sont sous le contrôle de l'armée. Tous les "progrès techniques" dans la société civile ne sont que des retombées de l'industrie des armes. En informatique par exemple, les standards internationaux de programmation scientifique ou de gestion sont décidés par le Pentagone.
La crise ouverte révèle que c'est toute l'économie capitaliste qui est orientée vers la guerre, une économie de guerre qui n'est plus capable d'assurer l'accumulation du capital, et moins encore de développer une quelconque satisfaction des besoins humains. Au contraire, la proportion d'investissements dans les moyens de destruction ne cesse d'augmenter : selon la Banque Mondiale, 10 % des dépenses mondiales d'armements représentent ce que coûterait la résolution du problème de la faim dans le monde ; ces dépenses atteignent aujourd'hui la somme astronomique de plus d'un million de dollars... par minute.
LES DEPENSES MILITAIRES ACCELERENT LA CRISE DU CAPITALISME
"Les armes ont cette particularité majeure de posséder une valeur d'usage qui ne leur permet en aucun cas d'entrer sous quelque forme que ce soit dans le processus de production. Une machine à laver peut servir à reconstituer la force de travail, tout comme du pain ou des chemises. Par le contenu de leur valeur d'usage, ces biens peuvent servir comme capital sous la forme de capital variable. Un ordinateur, une tonne de fer ou une machine à vapeur, en tant qu'ils sont des moyens ou des objets de travail peuvent fonctionner comme capital sous forme de capital constant. Mais des armes ne peuvent que détruire ou rouiller". ("La décadence du capitalisme", p. 75, brochure du CCÏ).
Même pour les pays exportateurs l'armement constitue aujourd'hui moins que jamais un palliatif à la crise. Le coût de l'armement grève la compétitivité de chaque capital national comme en témoigne l'insistance des Etats-Unis à réarmer le Japon et l'Allemagne pour pousser à répartir ce coût.
De plus, la concurrence s'exacerbe sur le marché des armes. Les pays acheteurs deviennent à leur tour des concurrents dans beaucoup de domaines :
"Il est devenu pratiquement impossible d'obtenir des contrats à l'exportation sans accepter de rétrocéder aux clients une partie du savoir-faire". (L'Expansion, p.83, 1er déc.83).
Enfin, les achats ne peuvent se faire que grâce à des prêts des grandes puissances que de plus en plus de pays sont totalement incapables de rembourser. L'armement ne permet pas de retarder les effets de la crise : il ne sert qu'au maintien et à l'accentuation des positions stratégiques dans la rivalité entre Est et Ouest derrière les chefs de file des deux blocs : URSS et USA.
De même que l'URSS fait payer son armement par ses alliés, les USA font payer leur armement grâce à la place particulière du dollar comme monnaie refuge internationale. En drainant par des taux d'intérêts élevés les capitaux spéculatifs sur le dollar les USA font financer leur déficit budgétaire par les autres pays ; de plus,du fait du renchérissement du dollar,ils payent moitié prix leurs achats à ces pays. En 1982, le déficit budgétaire ([1] [3]) américain correspond d'ailleurs exactement au budget de la défense nationale (Survey of Current Business, 7/83). La "reprise" américaine ne repose que sur l'utilisation de la planche à billets, sur du papier, et la pression inflationniste que cela va inévitablement engendrer mène vers une nouvelle poussée d'hyper-inflation menaçant le système monétaire international, danger contre lequel précisément la bourgeoisie avait du réorienter sa politique à la fin des années 1970.
Mais c'est dans l'extension du chômage massif que le capitalisme signe sa faillite complète. Alors qu'avant la 2ème guerre mondiale la production d'armements avait permis une résorption spectaculaire du chômage -de 5 331 000 à 172 000 chômeurs aux USA entre 1933 et 1938, de 3 700 000 à 200 000 en Allemagne-, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Avec le gigantesque accroissement de la productivité des techniques de pointe, le niveau du réarmement actuel des grands pays industrialisés n'a d'effet que négligeable sur le chômage. Celui-ci n' a cessé d ' augmenter et ne peut que s ' accélérer.
Moins que jamais la production d'armements ne fournit un véritable débouché pour le capitalisme. Elle devient une charge de plus en plus lourde pour chaque économie nationale.
MG.
COURS HISTORIQUE: LES ANNEES 80 NE SONT PAS LES ANNEES 30
Savoir dans quel sens se dessine 1'histoire, vers où va la société : allons-nous vers une nouvelle guerre mondiale ? Allons-nous, au contraire, vers des affrontements de classe qui poseront la question de la révolution prolétarienne ?
C'est là une question de base, fondamentale, pour quiconque prétend jouer un rôle actif et conscient dans la lutte de classe.
C'est pourquoi, lors de ses congrès, une organisation politique prolétarienne consacre toujours une bonne partie de ses travaux à l'analyse de la situation mondiale, cherchant à cerner le mieux possible quelle est la dynamique générale du rapport de force entre les classes.
Battaglia Comunista (Parti Communiste Internationaliste), a tenu au début de novembre 82 son 5ème Congrès et vient de rendre publics ses travaux dans le n°7 de sa revue Prometeo de juin 1983. La question y est abordée même si c'est en partie pour affirmer qu'on ne peut pas répondre à ce genre de questions
B.C a affirmé dans un texte récent (distribué à la réunion publique du CCI à Naples, en juillet 83) qu'il considère les thèses du dit congrès comme une contribution au débat dans le milieu révolutionnaire et qu'elles"attendent encore d'être discutées dans leur substance politique". Nous ne pouvons discuter ici de toutes les questions abordées par le congrès de B.C ("crise et impérialisme", "tactique d'intervention du parti révolutionnaire la "phase de transition du capitalisme au communisme") sous peine de rester sommaires. Nous nous tiendrons, dans cet article, à la question du cours historique actuel et à ce qui s'en dégage au travers des thèses du congrès de B.C.
PEUT-ON ALLER EN MEME TEMPS VERS LA GUERRE MONDIALE ET VERS LA REVOLUTION ?
A la question de savoir quelle est la perspective actuelle pour la lutte de classe, Battaglia répond que tout ce qu'on peut dire pour le moment c'est que ce sera peut-être la guerre, peut-être la révolution, peut-être les deux. Il n'y a, d'après B.C, aucun élément sérieux qui permette d'affirmer que l'une de ces issues soit plus probable que les autres. Voici un exemple de comment elle formule cette idée.
"L'effondrement général de 1'économie se traduit de façon immédiate par 1'alternative : guerre ou révolution. Mais la guerre elle-même en marquant un virage en soi catastrophique dans la crise du capitalisme et un brusque bouleversement dans les échafaudages superstructures du système, ouvre les possibilités de1'effondrement de ceux-ci et donc 1'ouverture, au sein-même de la guerre, d'une situation révolutionnaire et de la possibilité d'affirmation du parti communiste. Les facteurs qui déterminent 1'éclatement social, au sein duquel le parti trouvera les conditions de sa croissance rapide et de son affirmation, que ce soit dans la période qui précède le conflit, pendant le conflit ou immédiatement après celui-ci, ne sont pas quantifiables. On ne peut donc pas déterminer a priori à quel moment un tel éclatement aura lieu (exemple polonais). " Tactique d'intervention du parti révolutionnaire/ Prometeo, juin 83.
B.C part d'une idée de base juste et importante: il n'y a pas de "troisième issue". L'alternative est guerre ou révolution et il n'y a aucune possibilité pour le capitalisme de reprendre désormais un nouveau développement économique dans la paix. C'est important, entre autres, face au flot d'illusions "pacifistes" que la bourgeoisie déverse sur le prolétariat des pays industrialisés. Mais, le moins qu'on puisse dire c'est que c'est insuffisant comme détermination d'une perspective.
Battaglia dit : "Les facteurs qui déterminent 1'éclatement social (...) ne sont pas quantifiables. On ne peut donc pas déterminer a priori à quel moment un tel éclatement aura lieu".
Mais, ce dont il s'agit ce n'est pas de déterminer le jour et l'heure d'une éventuelle révolution prolétarienne, mais plus simplement et plus sérieusement de savoir si la bourgeoisie mondiale dispose des moyens de conduire le prolétariat des pays industrialisés à une troisième guerre mondiale ou bien si, au contraire, non embrigadée et poussée par la crise, la classe ouvrière se prépare à des affrontements qui poseront la question de la révolution communiste mondiale.
En disant que la situation révolutionnaire peut se produire avant, pendant ou après une prochaine guerre, Battaglia s'avoue incapable de se prononcer sur la perspective historique actuelle.
B.C justifie cette incapacité en disant que la situation de crise économique peut conduire simultanément à l'une ou à l'autre issue historique.
Il y aurait en quelque sorte deux tendances parallèles et ayant des chances égales de se concrétiser l'une corme l'autre. Il est vrai que du point de vue objectif, la crise économique exacerbe simultanément les antagonismes d'intérêt entre les classes sociales et les antagonismes entre puissances capitalistes rivales. Mais l'aboutissement de l'un ou l'autre de ces antagonismes dépend en dernière instance d'un seul et même facteur: la conscience et la pratique du prolétariat.
C'est la même classe, la classe exploitée, qui, soit s'affirme comme protagoniste de la révolution, soit, disloquée, sert de chair à canon et de producteur des moyens matériels de la guerre impérialiste.
L'état d'esprit, la conscience d'une classe, prête à bouleverser 1'ordre social capitaliste et à bâtir une nouvelle société est radicalement différent de celui qui caractérise des ouvriers atomisés, brisés, "solidaires" de leur classe dominante au point d'accepter de s'entretuer sur les champs ide bataille au nom de"leurs" patries respectives. Marcher avec des drapeaux rouges vers la construction d'une humanité unifiée, ce n'est pas la même chose que marcher en rangs par quatre derrière un drapeau national pour égorger les prolétaires du ploc impérialiste adverse. La classe ouvrière ne peut pas partager en même temps ces deux états d'esprit qui s'excluent totalement.
C'est là une évidence que certainement Battaglia accepterait sans réticences. Mais ce qu'elle semble ignorer c'est que les processus qui conduisent à l'une ou l'autre de ces situations s'excluent tout autant.
Le processus qui conduit vers 1'issue révolutionnaire est caractérisé par un dégagement croissant du prolétariat de l'emprise de l'idéologie dominante et un développement de sa conscience et de sa combativité ; celui qui conduit vers la guerre, à l'inverse, se traduit par une adhésion croissante des ouvriers aux valeurs capitalistes ( et à leurs représentants politiques et syndicaux ) et par une combativité qui, soit tend quasiment à disparaître, soit ne s'exprime que dans une perspective politique totalement contrôlée par la bourgeoisie.
Ce sont là deux processus bien différents, antagoniques, s'excluant aussi l'un l'autre.
Quiconque analyse l'histoire en sachant voir le rôle de protagoniste central du prolétariat, sait que la marche vers la guerre ne peut pas être la même que la marche vers des situations révolutionnaires.
Affirmer que les deux processus peuvent se dérouler simultanément sans que l'on puisse déterminer quelle tendance tend à l'emporter, c'est tout simplement raisonner en mettant entre parenthèses, en faisant abstraction de la classe révolutionnaire, de sa conscience et de sa combativité.
COMMENT RECONNAITRE LE COURS VERS LA GUERRE ?
Battaglia clame aujourd'hui être le seul héritier authentique des acquis de la Fraction de la Gauche Italienne pendant l'entre deux guerres. Mais un des mérites principaux de ce dernier courant,qui a traversé sur un terrain de classe la période noire de la contre-révolution triomphante,n'est autre que sa capacité à avoir reconnu lucidement le recul de la révolution dès les années 20 et l'ouverture d'un cours vers la guerre dans les années 30. S'il a été capable de voir dans la guerre d'Espagne et dans les grèves de 36 en France non pas "le début de la révolution en Europe", comme un Trotski pouvait le croire, mais des moments qui s'inscrivaient déjà dans une marche vers la guerre mondiale, c'est parce qu'il avait su raisonner en termes de cours historique et replacer les événements particuliers immédiats dans la dynamique globale du rapport de forces entre classes au niveau historique et mondial. Il suffit de se pencher sur l'histoire des périodes qui ont précédé les deux guerres mondiales pour voir à quel point ces événements majeurs n'ont pas éclaté comme des éclairs dans un ciel bleu, mais furent le résultat d'un processus de préparation au cours duquel la conscience du prolétariat fut systématiquement détruite par la bourgeoisie jusqu'à permettre l'embrigadement des prolétaires.
La Gauche Communiste de France, en 1945, en reprenant la méthode qui fut celle de la Gauche Italienne donna un remarquable résumé de ce que fut ce processus de préparation à la guerre :
"C'est l'arrêt de la lutte de classe, ou plus exactement la destruction de la puissance de classe du prolétariat, la destruction de sa conscience, la. déviation de ses luttes que la bourgeoisie parvient à opérer par l'entremise de ses agents dans le prolétariat, envidant ses luttes de leur contenu révolutionnaire, en les engageant sur les, rails du réformisme et du nationalisme, qui est la condition ultime et décisive de 1'éclatement de la guerre impérialiste.
Ceci doit être compris non d'un point de vue étroit et limité d'un secteur national isolé, mais internationalement.
Ainsi, la reprise partielle, la recrudescence de luttes et de mouvements de grèves constaté en 1913 en Russie ne diminue en rien notre affirmation. A regarder les choses de plus près, nous verrons que la puissance du prolétariat international à la veille de 1914, les victoires électorales, les grands partis sociaux-démocrates et les organisations syndicales de masse, gloire et fierté de la Deuxième Internationale, n'est aient qu'une apparence, une façade cachant sous son vernis le profond délabrement idéologique. Le mouvement ouvrier, miné et pourri par 1'opportunisme régnant en maître devait s'écrouler comme un château de cartes devant le premier souffle de guerre.
La réalité ne se traduit pas dans la photo chronologique des événements. Pour la comprendre, il faut saisir le mouvement sous-jacent, interne, les modifications profondes qui se sont produites avant qu'elles n'apparaissent à la surface et soient enregistrées par des dates.
On commettrait une grave erreur en voulant rester fidèle à 1'ordre chronologique de 1'histoire et présenter la guerre de 1914 comme la cause de 1'effondrement de la 2ème Internationale quand. en réalité, l'éclatement de la guerre fut directement conditionné par la dégénérescence opportuniste préalable du mouvement ouvrier international. Les fanfaronnades de la phrase internationaliste se faisaient sentir d'autant plus extérieurement qu'intérieurement triomphait et dominait la tendance nationaliste. La guerre de 1914 n'a fait que mettre en évidence, au grand jour, 1'embourgeoisement des partis de la 2ème Internationale, la substitution de leur programme révolutionnaire initial, par l'idéologie de l'ennemi de classe, leur rattachement aux intérêts de la bourgeoisie nationale.
Ce processus interne de destruction de la conscience de classe a manifesté son achèvement ouvertement dans 1'éclatement de la guerre de 1914 qu'il a conditionné.
L'éclatement de la seconde guerre mondiale était soumis aux mêmes conditions.
On peut distinguer trois étapes nécessaires et se succédant entre les deux guerre impérialistes.
La première s'achève avec 1'épuisement de la grande vague révolutionnaire de 1'après 17 et consiste dans une suite de défaites de la révolution dans plusieurs pays, dans la défaite de la gauche exclue de l'IC où triomphe le centrisme et l'engagement de l'URSS dans une évolution vers le capitalisme a travers de la théorie de la pratique du "socialisme en un seul pays".
La deuxième étape est celle de 1'offensive générale du capitalisme international parvenant à liquider les convulsions sociales dans le centre décisif où se joue 1'alternative historique du capitalisme/socialisme:1'Allemagne par 1'écrasement physique du prolétariat et 1'instauration du régime hitlérien jouant le rôle de gendarme en Europe. A cette étape correspond la mort définitive de l'IC et la faillite de l'opposition de gauche de Trotski qui, incapable de regroupe le énergies révolutionnaires, s'engage dans la coalition de la fusion avec des groupements et des courants opportunistes de la gauche socialiste, s'oriente vers des pratiques de bluff et d'aventurisme en proclamant la formation de la 4ème Internationale.
La troisième étape fut celle du dévoiement total du mouvement ouvrier des pays "démocratiques". Sous le masque de défense des "libertés" et des "conquêtes" ouvrières menacées par le fascisme, on a, en réalité, cherché à faire adhérer le prolétariat à la défense de la démocratie, c'est-à-dire de la bourgeoisie nationale, de sa patrie capitaliste. L'anti-fascisme était la plateforme, 1'idéologie moderne du capitalisme que les partis traîtres au prolétariat employaient pour envelopper la marchandise putréfiée de la défense nationale.
Dans cette troisième étape s'opère le passage définitif des partis dits communistes au service de leur capitalisme respectif, la destruction de la conscience de classe par l'empoisonnement des masses, par 1'idéologie anti-fasciste, 1'adhésion des masses la future guerre impérialiste au travers de leur mobilisation dans les "fronts populaires", les grèves dénaturées et déviées de 1936. La guerre anti-fasciste espagnole, la victoire définitive du capitalisme d'Etat en Russie se manifestant entre autres, par la répression féroce et le massacre physique de toute velléité de réaction révolutionnaire, son adhésion à la SDN, son intégration dans un bloc impérialiste et 1'instauration de 1'économie de guerre en vue de la guerre impérialiste se précipitant. Cette période enregistre également la liquidation de nombreux groupes révolutionnaires et des Communistes de Gauche surgis de la crise de l'IC et qui, au travers de 1'adhésion à l'idéologie anti-fasciste à la défense de "l'Etat ouvrier en Russie", sont happés dans 1'engrenage du capitalisme et définitivement perdus en tant qu'expression de la vie de la classe. Jamais l'histoire n'a encore enregistré pareil divorce entre la classe et les groupes qui expriment ses intérêts et sa mission. A l’avant-garde se trouve dans un état d'absolu isolement et réduite quantitativement à de petits îlots négligeables.
L'immense vague de la révolution jaillie à la fin de la première guerre impérialiste a jeté le capitalisme international dans une telle crainte qu 'il a fallu cette longue période de désarticulation des bases du prolétariat pour que la condition soit requise pour le déchaînement de la nouvelle guerre impérialiste mondiale". Rapport à la Conférence de juillet de la Gauche Communiste de France.( 1945)
Comme on le voit, le cours historique qui conduit à la guerre a des manifestations spécifiques, prolongées dans le temps et reconnaissables - même si elles ne sont pas "quantifiables" comme le voudrait Battaglia- pour pouvoir se risquer à se prononcer.
On peut, peut-être, affirmer qu'il n'est pas toujours aisé de reconnaître un tel processus, mais c'est tourner le dos aux responsabilités des révolutionnaires, c'est se résigner à l'impuissance et à l'inutilité que de prétendre qu'il est, de façon générale, impossible de déterminer le cours historique.
COMMENT RECONNAITRE LE COURS VERS DES AFFRONTEMENTS DE CLASSE DECISIFS ?
Le processus qui conduit à la création de situations révolutionnaires est très différent de celui qui conduit à la guerre . La marche vers la guerre est un mouvement qui ne rompt pas avec la logique même du système dominant.
Pour les prolétaires, aller à la guerre, c'est aller au bout de leur soumission au capital sur tous les plans... jusqu'au sacrifice de la vie elle-même. Il n'y a pas de changement fondamental dans le rapport entre classe dominante et classe exploitée. Le rapport "normal", dans"les règles de l'ordre" est simplement poussé à une de ses formes les plus extrêmes.
En réalité, le cours qu'on pourrait appeler 'normal ' de la société capitaliste est vers la guerre. La résistance de la classe ouvrière qui peut remettre en cause ce cours apparaît comme une sorte "d'anomalie", comme allant à "contre-courant" d'un processus organique du monde capitaliste. C'est pour cela que, si on examine les huit décennies de notre siècle, on en trouvera à peine un peu plus de deux, au cours desquelles le rapport de forces aura été suffisamment en faveur du prolétariat, pour qu 'il puisse barrer le chemin à la guerre impérialiste (1905-12, 1917-23, 1968-80) ". (Revue Internationale n°21, 2ème trimestre 1980, "Révolution ou guerre").
En ce sens, le cours de montée de la lutte de classe est beaucoup plus fragile, instable et heurté que celui vers la guerre. De ce fait, il peut être interrompu et renversé par une défaite décisive face à la bourgeoisie, alors que le cours vers la guerre ne peut être interrompu, éventuellement, que par la guerre elle-même.
" Alors que le chemin de la victoire est unique pour le prolétariat : 1'affrontement armé et généralisé contre la bourgeoisie; celle-ci dispose de divers moyens pour défaire son ennemi : soit en épuisant la combativité dans des impasses (c'est la tactique présente de la gauche), soit en l'écrasant paquet par paquet (comme en Allemagne 1919 et 1923), soit en l'écrasant physiquement lors d'un choc frontal (qui est toutefois le type d'affrontement le plus favorable au prolétariat)." (ibid.)
Cours vers la révolution et cours vers des affrontements de classe décisifs.
C'est pour tenir compte de cette "réversibilité" du cours vers la révolution que, lorsque nous cherchons à rendre compte de la situation présente, nous préférons parler de "cours vers des affrontements de classe".
" L'existence d'un cours à 'l'affrontement de classe' signifie que la bourgeoisie n'a pas les mains libres pour déchaîner une nouvelle boucherie mondiale ; auparavant, elle devra affronter et battre la classe ouvrière. Mais cela ne préjuge pas de 1'issue de cet affrontement, ni dans un sens, ni dans l'autre. C'est pour cela qu'il est préférable d'utiliser ce terme plutôt que celui de 'cours à la révolution'. (Revue Internationale n° 35, Résolution sur la situation internationale, 5ème Congrès du CCI).
C'est pour cela que nous employons moins le terme de "cours vers la révolution"... et non parce que nous aurions bouleversé notre analyse sur la question du cour actuel, comme le prétend Battaglia dans un souci de fausse polémique qui évite les vraies questions (cf. la réponse publique à notre "Adresse aux groupes politiques prolétariens" du 5ème Congrès du CCI).
Le terme de cours vers la révolution se justifie essentiellement en fonction de la nécessité d'affirmer qu'il n'y a pas de troisième issue en dehors du dilemme : guerre ou révolution. Mais, sans autre précision, cette formulation peut laisser entendre une conclusion qui, elle, ne peut être affirmée avec certitude, du moins au stade actuel du développement du cours historique : nous savons que nous allons vers des affrontements de très grande ampleur entre prolétariat et bourgeoisie qui, une fois encore poseront la question de la révolution, et non vers la guerre. Mais on ne peut préjuger de l'issue de cet affrontement.
La révolution PENDANT la guerre ?
L'histoire fournit beaucoup plus d'exemples de situations où le rapport de forces est totalement en faveur de la classe dominante que de périodes où le prolétariat a ébranlé ou limité réellement son pouvoir. De ce fait, il y a moins de références historiques pour définir les caractéristiques de ce que peut être le cheminement vers des affrontements révolutionnaires que dans le cas d'un cours vers la guerre. Et cela est d'autant plus vrai que l'expérience des mouvements révolutionnaires prolétariens importants dans le passé s'est généralement inscrite dans des guerres ou immédiatement après (la Commune de Paris 1871, 1905 et 1917 en Russie, 1918-19 en Allemagne). Or, la guerre crée des conditions telles que, même si, comme en 1914-18, elle provoque le développement d'une vague de luttes révolutionnaires, celle-ci ne parvient pas - du fait même de la guerre - à devenir véritablement internationale.
La guerre peut provoquer des mouvements révolutionnaires et cela de façon extrêmement rapide :
les premières grèves significatives en Russie et en Allemagne ont lieu en 1915 et 1916 ; la révolution éclate "à peine" deux ou trois ans après. Deux ou trois ans qui sont cependant des périodes de guerre mondiale, d'histoire accélérée qui équivalent, au niveau du rapport entre les classes, à des décennies d'exploitation et de crise "pacifique" .
Cependant, ".cette même guerre impérialiste (1914-18) portait e elle toute une série d'obstacles à la généralisation des luttes révolutionnaires à 1'échelle mondiale :
- la division entre pays belligérants et pays "neutres" : dans ces derniers pays, le prolétariat ne subit pas de dégradation massive de ses conditions de vie;
- la division entre"pays vainqueurs" et "pays vaincus": dans les premiers, le prolétariat a été le plus souvent une proie facile pour la fierté chauvine déversée massivement par la bourgeoisie; dans les seconds si la démoralisation nationale créait de meilleures conditions pour le développe ment de 1 'internationalisme, elle ne fermait pas la porte, au contraire, au développement de sentiments de revanche (cf. le "national bolchevisme" en Allemagne) ;
- face à un mouvement révolutionnaire né de la guerre impérialiste, il restait comme recours à la bourgeoisie d'interrompre celle-ci (cf. Allemagne en novembre 1918) ;
- une fois la guerre impérialiste terminée, la possibilité de reconstruction qui s'offre au capitalisme et donc d'une certaine amélioration du fonctionnement de son économie a brisé 1'élan prolétarien en le privant de son aliment de base : la lutte économique et le constat de faillite du système.
Par contre,le développement progressif d'une crise générale de l'économie capitaliste, s'il ne permet pas une prise de conscience aussi rapide des véritable enjeux de la lutte ni de la nécessité de 1'internationalisme, élimine cependant les obstacles énumérés ci-dessus en se sens :
- qu'il tend à mettre le prolétariat de tous les pays sur un même plan : la crise mondiale n'épargne aucune économie nationale,
- qu'il n'offre à la bourgeoisie aucune porte de sortie sinon celle d'une nouvelle guerre impérialiste qu'elle ne pourra déchaîner tant que le prolétariat n'aura pas été battu". (Revue Internationale numéro 26, 3ème trimestre 81, "Résolution sur la lutte de classe" du 4ème Congrès du CCI).
L'histoire ne peut donc fournir toutes les caractéristiques de ce que peut être un cours ascendant de lutte en une période comme l'actuelle, caractérisée non par la guerre mais par un lent enfoncement de la société dans la crise économique.
On peut cependant identifier un tel cours, premièrement de façon "négative", c'est-à-dire par le fait qu'il ne possède pas les caractéristiques essentielles du cours vers la guerre ; deuxièmement, par le fait qu'il est marqué aussi bien par un dégagement de la part du prolétariat de l'emprise de l'idéologie dominante que par un développement de sa propre conscience et combativité de classe.
LE COUPS HISTORIQUE ACTUEL
Le 5ème congrès de Battaglia ne se prononce pas véritablement sur les perspectives de la lutte de classe. Il maintient un flou tout comme le 2ème congrès du PCInt. en. 1948 sur la rnême question. (Voir article dans ce numéro). Mais à propos de la situation actuelle les thèses du congrès affirment : "Si aujourd'hui le prolétariat, face à la gravité et aux coups subis par les attaques répétées de la bourgeoisie, ne s 'est vas encore montré en mesure de répondre, cela signifie seulement que le long travail de contre-révolution mondiale est encore à 1'oeuvre au sein des consciences ouvrières". (Synthèse du rapport de politique générale)
Battaglia n'a jamais compris l'importance de la rupture historique avec la contre-révolution que constitua la vague de grèves ouverte par 1968 en France. B.C considère qu'en réalité aujourd'hui, tout comme dans les années 30, "le long travail de la contre-révolution mondiale est encore à 1'oeuvre au sein des consciences ouvrières".
Dans une grande mesure B.C ne voit pas encore la différence qualitative qu'il y a entre les années 80 et les années 30. Elle ne perçoit pas comment le fait que la crise économique détruise systématiquement les mystifications idéologiques qui écrasent le prolétariat et qui ont permis dans le passé de l'embrigader dans la guerre, crée des conditions historiques qualitativement différentes pour la lutte prolétarienne.
"Le fait - disent les thèses du 5ème congrès de B.C. - d'avoir cédé pendant des décennies à l'opportunisme, en un premier temps, à la contre-révolution des partis centristes ensuite, le fait d'avoir subi le poids de 1'écroulement des mythes politiques comme celui de la Russie et de la Chine, la frustration d'espérances émotivo-politiques comme celles créées artificiellement avec la guerre du Viêt-Nam, a engendré dans le choc avec cette vaste et destructrice crise économique, un prolétariat fatigué et déçu, mais pas pour autant vaincu définitivement ". (idem)
Il est normal que B.C. constate, au moins, que depuis la 2ème guerre mondiale le prolétariat n'a pas été massivement écrasé et n'est pas "vaincu définitivement". Mais au delà de cette constatation B.C. ne continue à voir dans le prolétariat et ses luttes que le "long travail de la contre-révolution", la fatigue et la déception.
Qu'en est-il en réalité ?
Comme on l'a vu précédemment, l'existence d'une combativité ouvrière ne suffit pas à caractériser un cours vers des affrontements révolutionnaires : les luttes à la veille de la 1ère guerre mondiale, imbues d'esprit réformiste, d'illusions sur la démocratie et sur une intarissable prospérité capitaliste, celles de la 2ème moitié des années 30 détournées et annihilées dans l'impasse de"l'anti-fascisme" et donc de la défense d'un capitalisme "démocratique", démontrent que sans développement de la conscience prolétarienne la combativité de classe ne suffit pas à entraver le cours vers la guerre.
Depuis la fin des années 60, la combativité ouvrière a connu aux quatre coins de la planète, à travers des périodes de recul et de reprise, un renouveau qui tranche sans équivoque avec les périodes précédentes. De Mai 68 en France à la Pologne de 1980-81 la classe ouvrière a démontré que loin d'être déçue et fatiguée, elle possédait des potentialités de combat intactes et qu'elle savait les rendre effectives.
Mais qu'en est-il au niveau de sa conscience ?
On peut ici distinguer deux processus qui, tout en étant étroitement liés n'en sont pas pour autant identiques. Il y a d'une part le développement de la conscience prolétarienne par son dégagement de l'emprise de l'idéologie dominante et, d'autre part, le développement "en positif" de cette conscience par l'affirmation de 1'autonomiefde l'unité et de la solidarité de classe.
Sur le premier plan, la crise économique et ses effets dévastateurs qu'aucun régime, d'Est ou d'Ouest, aucun parti au gouvernement de droite ou de gauche ne parvient à enrayer, ont porté les plus rudes coups aux mystifications bourgeoises sur la possibilité d'un capitalisme éternellement prospère et pacifique, sur le "Welfare state", sur la nature ouvrière des pays de l'Est et autres régimes soi-disant "socialistes", sur la démocratie bourgeoise et le vote comme moyen de "changer les choses", sur le chauvinisme et le nationalisme dans les pays les plus industrialisés, sur la nature ouvrière des partis de gauche et leurs centrales syndicales... (nous renvoyons nos lecteurs à nos textes qui ont plus largement développé cette question, en particulier "le cours historique", rapport adopté par le 3ème congrès du CCI -Revue Internationale N° 18, 3ème trimestre 1979).
Sur le 2ème plan, le développement "en positif" de la conscience de classe, celui-ci ne peut être évalué qu'en regard des manifestations de lutte ouverte du prolétariat considérées non pas de façon locale ou statique mais dans leur dynamique au niveau mondial. Or, les luttes des 15 dernières années de mai 68 aux grèves du secteur public en Belgique en septembre 83, si elles n'ont pas encore atteint des degrés de conscience révolutionnaire généralisée -ce qu'il serait enfantin de leur exiger au stade actuel de leur développement- n'en sont pas moins marquées par une nette évolution vers l'autonomie à l'égard des appareils d'encadrement de la bourgeoisie (syndicats, partis de gauche) et vers des formes d'auto organisation et d'extension de la lutte. Le seul fait que la bourgeoisie soit de plus en plus systématiquement contrainte d'avoir recours au "syndicalisme de base", surtout dans les "pays démocratiques" pour contenir et dévoyer la combativité ouvrière, parce que le mouvement de désyndicalisation s'accélère et que les directions syndicales sont de moins en moins capables de se faire obéir, suffit à lui seul à démontrer le sens de la dynamique de la conscience ouvrière. Contrairement à ce qui s'est produit dans les années 30, où les luttes se sont accompagnées d'un développement du syndicalisme et de l'emprise des forces bourgeoises sur le mouvement, les luttes de notre époque tendent à affirmer leur autonomie et leur capacité d'extension par dessus les barrières que ces forces leur opposent.
Il reste, bien sûr, encore un long chemin à parcourir au prolétariat pour parvenir à l'affirmation de sa conscience révolutionnaire pleinement épanouie. Mais s'il faut attendre que ce point soit atteint pour se prononcer sur le sens du mouvement actuel, -comme semble le faire Battaglia -il faut renoncer à toute analyse sérieuse du cours historique présent.
Le 5ème congrès de B.C semble avoir consacré beaucoup d'efforts à l'analyse de la crise économique actuelle. Et c'est là un aspect important pour la compréhension de l'évolution historique présente -à la condition toutefois que cette analyse soit correcte, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais la meilleure analyse économique devient inutile pour une organisation révolutionnaire si elle ne s'accompagne pas d'une juste appréciation de la dynamique historique de la lutte de classe. Et dans ce domaine le congrès de B.C se présente avec plus de 40 ans de retard.
A en juger par les travaux de son 5ème congrès, tout indique, que Battaglia, au niveau de son analyse de la lutte de classe, n'est pas encore entrée dans les années de vérité, les années 80.
R.V.
REPONSE AUX REPONSES
A son 5ème Congrès International,le CCI a adressé à tout le milieu politique prolétarien un Appel (cf. Revue Internationale n°35) pour qu'il prenne conscience de ses responsabilités dans la gravité de la situation historique actuelle. Les contradictions destructrices du système capitaliste, aiguisées par la crise mondiale, précisent chaque jour davantage 1'alternative devant la classe ouvrière : guerre ou révolution. "Mais 1'avant-garde politique du prolétariat, au lieu de servir de phare dans la tourmente sociale qui se développe, est au contraire souvent ballottée par les événements incapable de dépasser son éparpillement et son sectarisme qui sont le legs de la contre-révolution." (Adresse du 5ème Congrès).
L'"Appel" du CCI ne contient pas de solution miracle à cette situation. Nous avons voulu insister sur le fait que 1'intervention dans les luttes et surtout la préparation aux combats futurs "ne sauraient être assurées par une simple somme d'efforts de chaque groupe pris individuellement. Il s'agit d'établir une coopération consciente entre toutes les organisations non pas pour réaliser des regroupements hâtifs, artificiels, mais pour engendrer une volonté et une démarche qui donnent toute son importance à un travail systématique de débats, de confrontations fraternelles entre forces politiques prolétariennes". (Ibid.).
Nous avons dit clairement dans l "Adresse" : "l'heure n'est pas venue pour l'appel à des nouvelles conférences des groupes communistes." Après l'échec des Conférences Internationales de 1977 à 1980, il s'agit aujourd'hui d'en tirer les leçons et poursuivre par d'autres moyens le débat sur les questions politiques qui restent à clarifier, notamment la question sur laquelle les Conférences se sont disloquées sans clarté réelle : le rôle, la fonction du futur parti du prolétariat.
Nous allons répondre ici brièvement aux propositions qui nous ont été faites et aux arguments mis en avant par ceux qui ont répondu.
Il faut dire tout de suite que le fait même que des organisations politiques aient ressenti le besoin de répondre et de s'expliquer est déjà une chose positive. Nous sommes contents de constater que les organisations politiques du prolétariat ne sont pas sourdes.
Mais les révolutionnaires ont beau être optimistes par nature, nous avons parfois la fâcheuse impression que les réponses à 1'"Adresse" expriment moins une conviction profonde qu'une réaction "réflexe" : on sauve la face en répondant mais on se lave les mains par ailleurs en n'allant pas au POND de la question. On continue à penser dans son for intérieur : si d'autres organisations ont des problèmes, tant mieux ! Qu'elles débarrassent le plancher au plus vite. Chacun construit "son" parti et défend "son" territoire. On est pour la confrontation des positions politiques, bien sûr, mais c'est plutôt un "pourquoi pas". On ne la considère pas comme une nécessité vitale, une activité à part entière.
On se réveille à la nécessité de penser ou agir collectivement seulement quand il y a des événements ponctuels, mais comme activité systématique, comme préoccupation constante, on ne comprend toujours pas.
On continue à opposer l'intervention dans la classe" à l'intervention "dans le milieu", cette dernière étant vue comme une activité annexe, voire stérile, même si on ne le dit pas à haute voix. Pourtant, si les groupes politiques étaient réellement convaincus que :
- la conscience de classe ne vient pas de l'extérieur de la classe elle-même et n'est pas injectée de dehors comme le prétend la position léniniste de "Que faire ?" ;
- la classe ouvrière donne naissance à son milieu politique pour que les idées de la classe puissent s'exprimer et se clarifier ; alors, tous les groupes comprendraient dans les faits, et pas seulement dans des phrases, que les débats dans le milieu sont le reflet des besoins de la classe. Ils comprendraient que les discussions ne sont pas superflues et que les thèmes de débat ne sont pas le fait du hasard. Ils comprendraient enfin que la clarification nécessaire à la classe ouvrière internationale doit aussi s'exprimer dans un mouvement vers la clarification de son milieu politique. Il ne suffit pas de faire la comptabilité des groupes en voie de disparition dans le milieu comme si on assistait à un "match" macabre : sans la clarification réelle des erreurs, le milieu dans son ensemble continuera à traîner des incompréhensions qui nuiront inévitablement à la possibilité d'une révolution victorieuse.
Aujourd'hui, on reconnaît qu'une décantation de grande envergure se produit dans le milieu politique. Les groupes politiques sont bien obligés de se rendre à l'évidence. Mais ils sont passifs face à ce processus. Ils ne reconnaissent pas la nécessité d'une clarification consciente active pour faire en sorte que cette décantation ne soit pas une pure perte. Ils ne reconnaissent pas non plus que c'est le sectarisme et la peur qui ont saboté les Conférences Internationales, empêchant le milieu politique prolétarien de s'assumer consciemment. Aujourd'hui, seule la confrontation des positions peut aider tous les groupes à évoluer vers une cohérence politique et à assurer une intervention à la hauteur des exigences historiques.
Nous avons reçu des lettres du Communist Bulletin Group (Grande-Bretagne) , du Groupe Communiste Internationaliste (Belgique), de la Communist Workers’Organisation (Grande-Bretagne) et du PCI-Battaglia Comunista (Italie) . Le Fomento Cforero Revolutionario nous promet une réponse en décembre 83. Les éléments du Groupe Volonté Communiste prévoient un bilan de leur trajectoire politique pour bientôt. En commençant par le petit bout...
COMMUNIST BULLETIN GROUP (Grande-Bretagne)
Comment distinguer le bavardage d'un discours sincère ? En s'assurant que les paroles se concrétisent par des actes en conséquence. Talk is cheap (parler n'engage à rien). Le CBG écrit : "Nous voulons exprimer notre solidarité avec la démarche et les préoccupations exprimées dans 1'Adresse. " ; "Le débat ouvert, fraternel et constant, est une nécessité matérielle pour le milieu révolutionnaire" ."Nous devons combattre pour la reconnaissance de 1'existence d'un milieu politique prolétarien.". (Lettre du CBG). Parfait ! Le seul hic -et il est de taille- c'est que, à l'origine de ce groupe,se trouve 1'ex-section du CCI d'Aberdeen (également ex-section de la CWO ; ce sont les mêmes) qui a couvert et justifié le vol du matériel et de 1 ' argent du CCI en péchant dans les eaux troubles de Chénier (Voir Revue Internationale n°28) . Ces "camarades" ont eu connaissance des manoeuvres de Chénier pendant des mois et ils ont justifié le vol une fois celui-ci accompli, comme "normal en cas de scission". Notre condamnation de ces pratiques était qualifiée de "réaction de petits bourgeois propriétaires". Jusqu'à aujourd'hui, le CBG dans son ensemble a justifié politiquement ces actes et ces prises de position. Jusqu'à aujourd'hui, il a refusé de nous rendre ce qu'il a pris lui. Dans les premiers numéros de The Bulletin, il se revendiquait de ce comportement en se vautrant dans le colportage de racontars aussi vils que stupides contre le CCI. Maintenant, (sans doute en voyant que l'attitude précédente n'a pas mené au résultat escompté) il essaye de se blanchir les mains en défendant hypocritement "la nécessité de polémiques saines". Que le ton soit hystérique ou douceâtre ne change rien au fait qu'on ne peut lire nulle part dans la presse du CBG un désaveu politique du vol qui a été à l'origine du groupe.
Comment oser parler de"solidarité", de "reconnaissance du milieu politique du prolétariat" quand le fondement n'existe pas? Le CBG a le toupet d'oser nous écrire : "L'existence de ce milieu engendre une communauté d'obligations et de responsabilités".
Mais cela se traduira en vol le jour où vous serez en désaccord avec le CBG et il justifiera le vol comme "anti-petit-bourgeois". Peut-être pourrions-nous le formuler ainsi : quand on scissionne, on peut voler ce qu'on veut, mais quand on a enfin un groupe à soi, enfin maître chez soi... 1!accession à la propriété assagit les petits voyous. Ou peut-être en ayant attiré vers eux de nouveaux camarades, les anciens espèrent-ils se cacher derrière. Changez de nom, changez de vie. Ce n'est pas sérieux. S'il y a des camarades un tant soit peu sincères dans le CBG, la moindre des choses serait qu'ils fassent un effort pour comprendre et agir en conséquence. On ne peut pas parler de reconnaître- l'existence du milieu politique dans un texte et faire le contraire dans les faits.
Quand El Oumami a scissionne du PCI en volant du matériel en France, nous avons montré une solidarité sur cette question primaire. Nous aurons à l'avenir la même attitude de défense du milieu politique prolétarien contre les attaques destructrices quel que soit le groupe concerné. Au moins dans le cas d'El Oumami, ce dernier avait-il des positions politiques gauchistes cohérentes avec ses actes. Mais qu'en est-il pour le CBG ?
Quelles sont les positions du CBG ? Celles (plus ou moins) du CCI ! Voila un autre groupe dont l'existence est parasitaire. Que représente-t-il face au prolétariat ? Une version provinciale de la plateforme du CCI avec la cohérence en moins et le vol en plus. Mais il y a sans doute une évolution dans l'air. La plupart des petits cercles qui scissionnent sans avoir préalablement clarifié les positions commencent par suivre le chemin de la facilité en adoptant la même plateforme que le groupe d'origine. Mais bientôt, pour justifier une existence séparée, on découvre maintes questions secondaires divergentes et à la fin on change les principes. Ce fut le cas du PIC (Pour une Intervention Communiste, aujourd'hui disparu), du GCI dans une certaine mesure, et le CBG prend déjà le même chemin en rejetant la cohérence sur la question de l'organisation. Cependant, cela ne nous a jamais empêchés de polémiquer avec ces autres groupes, ni de les considérer comme partie du milieu prolétarien en général, ni d'en inviter certains aux Conférences Internationales. Mais il n'en va pas de même pour le CBG. Un groupe politique qui ne respecte pas "la communauté des obligations et responsabilités" au point de participer aux actes visant à nuire à d'autres organisations du prolétariat, se met de lui-même en dehors du milieu politique et mérite l'ostracisme qu'il recueille. Jusqu'à ce que la question fondamentale de la défense des organisations politiques du prolétariat ne soit comprise, nous répondons par une fin de non-recevoir à la lettre du CBG. Ils se sont trompés d'adresse.
GROUPE COMMUNISTE INTERNATIONALISTE (Belgique)
Le GCI nous écrit : "Nous sommes donc principiellement en accord avec la nécessité du regroupement, de la centralisation mondiale des forces communistes sur base du programme. Mais ceci signifie pour nous non pas le primat de la conscience sur 1'être (préalable des discussions et échanges d'idées), mais la nécessité d'une convergence réelle pratico-théorique comme base, comme ciment sur lequel les débats et polémiques peuvent et doivent se développer. C'est pourquoi, nous formulons de réelles propositions de travail et non les éternelles palabres en circuit fermé que ont, pour 1 'instant, vos réunions publiques :
1) Nous estimons qu'il est vital que le peu de groupes ouvriers développent ensemble des mesures et des pratiques élémentaires de sécurité et de solidarité afin d'opposer un front compact aux attaques de plus en plus virulentes de la répression étatique et para-étatique. Qu'en pensez-vous ?
2) Face à 1'importante vague de luttes que nous venons de connaître et au rôle de briseurs de grève qu'ont une fois de plus joué les syndicats, nous estimons qu'il est fondamental et opportun de développer une campagne de propagande, d'agitation, d'actions, centrées sur cette question : syndicats=briseurs de grève ; organisation autonome en dehors et contre eux ; solidarité avec les victimes de la répression, etc. Nous pensons que c'est sur ce terrain, et uniquement sur celui-là que se démontre la réelle volonté de lutte". (Lettre du GCI, 29/9/83).
Nous n'avons rien contre les actions communes s'il se présente des situations qui les requièrent. Sur la défense des organisations politiques du prolétariat, au moins, nous partageons le soucis du GCI et telle a toujours été notre pratique (la prise de position de la section du CCI en Belgique face aux calomnies d'Amada maoiste contre le GCI ; la position sur Chénier ; contre les attaques d'El Oumami à la Fête de LO en France). D'autres cas peuvent se présenter. Cependant, pour nous, l'efficacité de ce "type d'actions" ne relève pas d'une préparation contre la répression "en soi" (groupes de défense ? préparation militaire ?) ni de fronts sans principes pour la défense des victimes, mais d'accords de principe solides sur l'existence et la nécessité de la défense du milieu prolétarien. Ceci ne peut pas se faire "uniquement sur le terrain d'actions" mais en passant nécessairement par ce que le GCI voit comme les "éternelles palabres" -discussions et débats, prises de position publiques dans nos réunions, dans la presse, etc. Il en est de même pour la dénonciation des syndicats : pour nous, celle-ci ne se réduit pas à des bombages ou "campagnes de propagande". Nous ne connaissons que trop ce que sont les "campagnes" dont le PIC fut si friand pendant des années et qui ne font que cacher la confusion et l'incapacité d'un véritable travail révolutionnaire. La dénonciation des syndicats est un travail de longue haleine requérant un cadre permettant que l'intervention ne soit pas une agitation ponctuelle, mais s'intègre dans une activité constante de presse, tracts, grèves, manifestations, etc., et ceci au niveau international. Mettre en avant les "projets d'actions communes" comme base, c'est mettre l’activité révolutionaire sur la tête et la conduire au casse-gueule.
Il semblerait que le GCI tombe dans l'idée que l'agitation est le"seul terrain"de la confrontation. Une telle démarche introduit en permanence une séparation entre "théorie" et "action" qui mène en fait la théorie dans les ornières d'un académisme stérile, et d'autre part 1'"action" dans celles non moins stériles de l'activisme. Cette logique mènerait au bout du compte à priver la lutte de classe de son arme essentielle, la prise de conscience.
Le GCI nous accuse d'idéalisme, d'hégélianisme, de donner "le primat de la conscience sur 1'être". Dans la réponse de la section du CCI en Belgique à la lettre du GCI (Internationalisme, déc.83), nous avons écrit : "Tout comme un homme ne respire pas pour respirer, mais pour vivre, le CCI, s'il existe et discute, ce n'est pas pour discuter comme dans un salon de thé, mais pour dégager une intervention claire au sein des luttes. L'alternative n'est donc pas entre la théorie ou la pratique, mais la question est de savoir quelles interventions, sur quelles bases, sur quelles positions ?
Tout comme ce fut au nom du primat de 1’être sur la conscience que 1'IC fit passer sa politique de front unique, c'est au nom de ce même argument que le PCI interdisait toute discussion et intervention politique dans la lutte des immigrés, que le GCI a fait un foin autour de comités fantômes disparaissant aussi vite qu'ils étaient apparus (France) et a fait expulser de fait le CCI du comité de chômeurs de Bruxelles, car il fallait choisir entre 'coller une affiche ou discuter de la décadence',
Nous avons vu le résultat de toutes ces démarches : la faillite de 1'IC, 1'éclatement du PCI, la disparition de tous les comités du GCI, une scission dans ce même GCI... Cette logique qui veut à tout prix que 1'agitation soit le seul terrain de la confrontation mène à 1'apolitisme et à l'activisme". (Réponse d'Internationalisme).
Nous ne refusons pas des actions communes ; ajoutons même que le mouvement de grèves en Belgique en septembre 83 aurait requis de telles actions. Mais elles ne s'improvisent pas ; elles nécessitent une analyse et un accord politique commun qui passent nécessairement par ce que le GCI appelle des"éternelles palabres".
Si nous nous sommes attardés autant sur les implications de la démarche de la lettre du GCI, c'est parce que cette démarche n'est pas propre à ce groupe. Loin de là. Combien de fois n'entendons-nous pas des groupes dire: "de toute façon, chacun a ses positions ; personne ne va changer ; alors pourquoi parler?" Et dans la mesure où des groupes politiques ne cherchent pas à défendre leurs positions par des arguments rationnels et dans un cadre de principes, mais plutôt à se fuir et à s'ignorer les uns les autres, le milieu politique du prolétariat stagne effectivement. Alors, certains concluent, comme le GCI, qu'il faut se rapprocher par des "actions ponctuelles" (en ce sens, le bilan que nous promettent les éléments du GVC, ex-PIC, sera très intéressant sur ce point) ; d'autres,au contraire,veulent bien polémiquer, mais à condition qu'aucune prise de position commune ne ressorte ; c'était le cas dans les Conférences Internationales "muettes" (Voir Bévue Internationale n°17) . Et voila l'impasse.
BATTAGLIA CQMUNISTA (PARTI COMMUNISTE INTERNATIONALISTE, Italie)
Ce groupe, avec ses racines dans la Gauche Italienne, sa plateforme, est un groupe révolutionnaire qui représente un courant d'idées sérieux dans le milieu politique. Sa volonté de polémiquer, de confronter les positions politiques dans la presse et les réunions publiques est un fait indiscutable. Battaglia a participé à une réunion publique du CCI à Naples sur le thème "Crise du milieu révolutionnaire : comment répondre ?", en élaborant un document pour l'occasion. Ensuite, il a répondu à notre adresse par une lettre envoyée à tous les groupes qui ont participé aux Conférences Internationales.
Battaglia commence cette réponse en critiquant le CCI : "Nous refusons la conception du CCI relativement au camp révolutionnaire lui-même. C'est-à-dire, qu'il n 'est pas clair en ne distinguant pas camp révolutionnaire et camp des forces politiques prolétariennes". Si on entend par "organisations révolutionnaires" les groupes munis d'une plateforme politique cohérente, avec une structure organisationnelle et une intervention régulière et systématique dans la lutte de classe et si on entend par "milieu politique prolétarien" les groupes révolutionnaires, mais aussi des groupes sans plateforme, sans cohérence, sans racines historiques, qui, dans une mouvance générale, se réclament du prolétariat, nous pouvons être d'accord. Malgré des erreurs occasionnelles de vocabulaire, nous avons toujours défendu la nécessité de cette distinction. C'est pour cela que nous avons tant insisté auprès de Battaglia en 1977 pour que les Conférences Internationales se délimitent par des critères politiques clairs.
Malheureusement, Battaglia utilise cette distinction à sa manière : "Qui est en crise ? Certainement le CCI. Certainement le PCI. Certainement pas les forces (peu nombreuses) qui ont évalué la situation et les problèmes de 1'expérience polonaise, qui n'ont pas été victimes de positions mécanistes ou idéalistes, et qui ont en substance, de solides positions doctrinaires" (sic) ([1] [8]). "Ce n'est pas une crise du milieu révolutionnaire, mais un nettoyage? Du camp prolétarien". Merci pour lui. Alors quelles sont les organisations du vrai camp révolutionnaire ? Ta. CWC ? si on en juge par sa surestimation de la lutte de classe en Pologne (lorsqu'elle appelait les ouvriers à "la révolution maintenant !"), ce n'est pas elle non plus l'heureuse élue. Mais Battaglia se tait à ce sujet. Il reste... Battaglia ! Il faut croire que le triste aboutissement de la mélomanie du PCI-Proqramma n’a rien appris à Battaglia.
Mais attendez. Il veut bien réhabiliter la CWO. L'objectif de toute cette argumentation est de justifier l'élimination du CCI des Conférences Internationales. Les polémiques dans la presse, c'est pour le milieu "vaste et agité", mais les Conférences sont "pour le travail vers la formation du parti". Selon Battaglia, et la CWO, au fur et à mesure des trois Conférences, ils se sont aperçus que le CCI ne défend pas la même position qu'eux sur le Parti. Face à cette révélation, BC a "assumé la responsabilité qu'on est en droit d'attendre d'une force sérieuse dirigeante"(sic) en introduisant, sur cette question, un critère sélectif supplémentaire inacceptable par le CCI. Que BC et ses amis cessent de jouer la candeur surprise. Depuis toujours, depuis bien avant les Conférences en 1977, le CCI n'a jamais eu une position léniniste sur le Parti. Si c'est cela qui a empêché les Conférences de continuer, il ne fallait pas les commencer. Quant à "assumer sa responsabilité", nous citons un extrait de notre lettre de juin 1980 :
"Faut-il considérer que votre décision d'éliminer le CCI n'a été prise qu'au cours de la Conférence elle-même ? Si tel était le cas, on ne pourrait que rester pantois devant votre sous-estimation irresponsable de l'importance tant d'une telle décision que des Conférences elles-mêmes et devant votre démarche improvisée et précipitée qui tournerait complètement le dos aux exigences d'un travail patient et systématique qui est tellement indispensable aux révolutionnaires.
Mais, à la Conférence, vous avez affirmé qu'il ne s'agissait nullement d'une décision improvisée mais que vous aviez déjà évoqué ,dans le passé, la nécessité d'une 'sélection'. Faut-il vous rappeler, camarades, que lors de la réunion du comité technique de novembre 79, nous vous avons clairement interrogés sur vos intentions quant à l'avenir des conférences ainsi que sur votre apparente volonté d'écarter le CCI et que c'est tout aussi clairement que vous avez répondu être favorables à leur poursuite avec tous les participants y compris le CCI,
Si, effectivement, vous pensiez qu'il était temps, d'introduire un critère supplémentaire beaucoup plus sélectif pour la convocation de futures conférences, la seule attitude sérieuse, responsable et compatible avec le souci de clarté et discussion fraternelle qui doit animer les groupes révolutionnaires, aurait été de demander explicitement que cette question soit mise à l'ordre du jour de la Conférence et que des textes soient préparés sur cette question. Mais, à aucun moment au cours de la préparation de la 5ème Conférence, vous n'avez explicitement soulevé une telle question. Ce n'est qu'à la suite de tractations de coulisse avec la CWO que vous avez en fin de conférence lancé votre petite bombe." (Procès Verbal de la 3ème Conférence des Groupes de la Gauche Communiste, p. 2 de la lettre du CCI).
Et après avoir écarté le CCI, B.C et la CWO font une 4ème Conférence, point culminant de la décantation du "camp prolétarien" vers le "camp révolutionnaire", de la formation du Parti, avec le SUCM, ("Supporters étudiants du Mouvement de l'Unité Communiste"), un groupe qui est en voie de "former le Parti" en Iran avec le Komala qui pratique la lutte armée pour la libération du Kurdistan en alliance militaire avec le PDK (Parti Démocratique Kurde). Quel est ce groupe avec lequel B.C a "pris ses responsabilités" ? Selon les lettres que B.C a envoyées au SUCM en juillet et septembre 83, l'UCM "sous-estime le défaitisme révolutionnaire", et sa position de "défense des acquis de la révolution (islamique) n'exclut pas la participation à la guerre Iran/Irak". L'UCM défend les guerres "justes" et B.C fait la leçon à ses étudiants "supporters" sur comment comprendre la baisse du taux de profit sur trois pages de sa lettre. Bien sûr, B.C proteste contre le "social-chauvinisme" de l'UCM - mais si gentiment- et il chuchote au SUCM de ne pas, tout de même, aller jusqu'à la défense de l'Etat.
Au CCI, B.C écrit en parlant de notre "incapacité congénitale", notre "inconsistance théorique", que "seuls des militants incompétents et incurables" peuvent avoir nos idées. Au SUCM, il écrit par contre quelque chose dans le style : "Permettez-nous de vous dire, chers camarades, que l'organisation dont vous êtes les supporters pourrait être caractérisée par un net penchant stalinien (osons-nous le dire ! ) ". Que de douceurs pour nos frères "en évolution" du Tiers-Monde. Pour le CCI n'importe quelle grossièreté suffirait. La seule fois où B.C perd son calme, c'est quand il apprend que l'UCM a fait une réunion du "Comité International de Solidarité avec l'Iran"... "pour fêter la constitution d'un comité pour la construction du Parti Communiste de 1' Iran" une réunion en Italie avec le 'Nuclei', 'Lega Leninista’ et d'autres, mais sans B.C !
En réalité, le vrai problème de B.C et de la CWO (qui le suit fidèlement), ce n'est pas d'établir une distinction entre camp prolétarien et camp révolutionnaire, mais de ne pas voir la différence entre camp prolétarien et camp bourgeois. Au moins le SUCM semble-t-il plus clair ; il écrit à BC : "soit vous êtes avec le CCI, soit vous êtes avec nous".
Aujourd'hui, B.C semble vouloir faire un peu machine arrière sur le SUCM et il envoie à différentes organisations la correspondance qu'il a échangée récemment avec ce groupe. Mais dans sa lettre de réponse à l'Appel du CCI, il s'obstine à défendre sa démarche. Un pas en avant, deux pas en arrière.
Comment se fait-il qu'une organisation politique comme B.C avec toute son expérience ait pu se laisser entraîner dans un flirt avec le SUCM, un groupe de supporters des organisations bourgeoises, style stalinien ?
Il est vrai que les organisations politiques ne sont pas infaillibles. Mais il ne s'agit pas ici d'une erreur d'enthousiasme à propos d'un groupe inconnu. Depuis plus d'un an et en connaissance de cause, nous mettons BC et la CWD en garde contre le contenu bourgeois des positions politiques du SUCM. Aujourd'hui, la fusion en cours entre UCM/ Iran et Komala, les communiqués militaires que nous recevons du SUCM sur la lutte armée en Iran (combien de tanks détruits, combien de personnes tuées pour la libération du Kurdistan) ainsi que des documents et des tracts en langage stalinien ne laissent aucun doute (pour des militants qui ne seraient pas "incompétents ou incurables") à leur sujet. Le seul doute qui existe à propos du SUCM c'est de savoir exactement qui est derrière. B.C ne s'est jamais posé la question de savoir d'où venaient les fonds énormes dont dispose ce groupe de dissidents iraniens, capable de couvrir en un an et demi tous les pays principaux d'Europe avec sa propagande ? D'où vient son intérêt à pénétrer les petits groupes du milieu prolétarien actuel sans influence par rapport aux objectifs de Komala ? Le SUCM est un groupe très "fin" qui sait parler le langage de tout un chacun dans le milieu, qui sait flatter les flatteurs.
Il n'est pas, comme prétend toujours B.C, un "groupe en évolution". Comment un groupe venant du stalinisme, en alliance avec la bourgeoisie, peut-il "évoluer" vers le prolétariat ? Cette frontière de classe est infranchissable pour une organisation politique. A force de patauger dans cette boue, c'est B.C et la CWO qui vont évoluer vers la bourgeoisie. "Savoir faire une ligne de démarcation nette vis-à-vis des groupes infestés de social- patriotisme c'est le minimum que nous puissions exiger d'organisations du sérieux et de 1'importance de B.C et du CWO." (Rivoluzione Internazionale, n°33, nov.83)
BC s'est laissée prendre par le bout du nez parce que le SUCM, UCM et Komala parlent du parti, et BC et la CWO sont obnubilés par le mot "parti". Ils venaient d'écarter le CCI sous prétexte que nous serions "contre le parti" ; alors combien attirant était cet SUCM exotique "pour le parti". Que ce soit le parti bourgeois du nationalisme kurde n'est que secondaire.
B.C s’est trompe parce qu'il a un penchant (peut-on dire "congénital") pour les opérations opportunistes. D'après leur réponse à l'Adresse, B.C et la CWO "sont les seuls à faire ce travail vers le Tiers-monde". Si B.C avait réellement fait un travail vers le prolétariat du Tiers-monde, il aurait su être intransigeant dans la dénonciation du nationalisme, comme le CCI peut l'être dans son intervention par rapport aux "guérilleros" en Amérique latine et ailleurs. Toute cette argumentation de condescendance envers les militants du Tiers-monde (qui seraient pour ainsi dire tellement arriérés qu'il faut juger leurs positions avec 1'"indulgence" d'un Battaglia) n'est qu'une insulte aux communistes anti-nationalistes dans le Tiers-monde et un alibi pur et simple pour BC. Battaglia n'est pas plus clair sur le programme à suivre en Europe qu'ailleurs. Ce n'est pas une question de géographie et ne date pas de 1983. Dans la Revue Internationale n° 32, nous avons publié les documents du PCI d'Italie de 1945 quand Battaglia et Programma étaient ensemble dans le PCI. Leurs ambiguïtés par rapport aux partisans, des "forces en évolution" pendant la "libération" de l'Italie parlent d'elles-mêmes. Battaglia nous a répondu qu'il faut savoir se salir les mains. Eh bien, l'aventure avec le SUCM n'est pas étonnante.
Mais la principale raison qui détermine la politique oscillante de BC quant au milieu politique du prolétariat, la délimitation de ce milieu et les responsabilités de BC dans ce cadre, c'est l'insuffisance de sa plateforme criblée de questions "tactiques" sur le syndicalisme, l'électoralisme, la libération nationale.
Battaglia se vante de ses "solides positions doctrinaires". Mais où sont-elles ? Certainement pas dans la nouvelle édition de sa plateforme.
Par contre, il faut croire que le CCI hante son sommeil. Il n'a de cesse d'attribuer au CCI ses propres faiblesses. Selon BC, le CCI souffre de "questions ouvertes". Que veut-il dire par là exactement ? Tout ce que nous savons, c'est que la plateforme de BC n'a évidemment pas de "questions ouvertes" ; ce sont des trous béants qui ne permettent pas de distinguer les frontières de classe. Sur toutes les questions principales, y compris la question du parti, BC ne fait que reprendre et répéter les positions de la 3ème Internationale, y compris les erreurs en les aggravant par des formulations vagues et contradictoires.
Dans les positions du PCI-Battaglia, on ne trouve jamais un rejet franc, clair, des positions erronées de l'Internationale Communiste sur les questions nationale, syndicale et électorale, ni même un rejet des erreurs du PCI depuis 1943, mais seulement, à l'occasion, des atténuations dans les affirmations, et rien de plus. Lorsque BC affirme parfois le contraire de ces positions de l'IC, ce n'est que du bout des lèvres, et c'est enveloppé de tant d'ambiguïtés "diplomatiques", "tactiques", que tout reste fondamentalement la même chose. BC continue à se tortiller et à se plaire dans l'équivoque.
Marx constatait que l'histoire se répète, d'abord en tragédie, ensuite en farce.
Au début des années 20, la majorité centriste de l'Internationale Communiste, les Bolcheviks en tête, préfère éliminer la Gauche pour s'allier à la Droite (Indépendants en Allemagne, etc.). C'était une politique fatale, une tragédie pour le mouvement communiste.
En 1945, le P.C.I. d'Italie, nouvellement créé, préfère éliminer la G.C.F. (cf., l'article sur le 2ème Congrès du P.C.I. dans ce n° de la Revue), pour s'allier avec les rescapés de la participation volontaire dans la guerre impérialiste en Espagne-36, avec les rescapés de la participation au Comité Anti-fasciste de Bruxelles, avec les rescapés du flirt avec la Résistance et la Libération Nationale. C'était encore une tragédie pour le milieu communiste, mais tenant déjà de la farce jouée par des mégalomanes.
Aujourd'hui, on préfère saboter les Conférences Internationales, afin d'éliminer le courant communiste le plus intransigeant, pour chercher alliance avec l'U.C.M. et autres défenseurs des Libérations Nationales d'Iran et du Kurdistan, transfuges de 60 ans de stalinisme, et qu'on prend pour les pauvres "embryons du futur Parti Communiste" dans le Tiers Monde.
Cette fois, c'est la farce complète !
C'est d'autant plus une farce, que ce n'est pas l'unité massive du prolétariat qui, comme Lénine, préoccupe Battaglia, mais plus prosaïquement la défense de sa petite chapelle.
En cela, les "juniors" d'aujourd'hui ne se distinguent pas de leurs "seniors" de 1 945 : même démarche, mêmes positions. Peut-être un peu édulcorées, mais avec une bonne dose d'hypocrisie et de mauvaise foi en plus.
Si l'histoire se répète en farce, l'opportunisme reste, lui, toujours le même.
Le problème avec BC, c'est que sa réponse à l'Adresse, comme ses positions politiques, est insaisissable. Tantôt c'est oui, tantôt c'est non. Contrairement au PCI-Programma qui est fermé à tout rapport avec d'autres organisations révolutionnaires, le PCI-Battaglia est plus ouvert vers l'extérieur avec des positions plus évoluées sur certains points. Mais si Programma a une cohérence dans ses erreurs, Battaglia a ses erreurs dans l'incohérence.
CQMMUNIST WORKERS ORGANISATION (Grande-Bretagne)
La CWO nous écrit dans sa lettre de septembre 83: "Nous sommes d'accord que la classe ouvrière et ses minorités se trouvent dans une situation difficile et dangereuse aujourd’hui mais quand vous parlez de crise dans le milieu révolutionnaire, ce n'est pas de la même crise dont nous parlons... C'est notre isolement en tant que communistes de la classe." (Lettre au CCI, septembre 83). Mais l'isolement comme tel ne provoque pas de crise. Pour la CWO, la perte des énergies militantes aujourd'hui est à mettre sur le même plan que dans le passé. Sommes-nous alors en pleine contre-révolution ?
La CWO considère que l'Adresse "est 1 'expression de la crise du CCI". Rejette-t-il donc la discussion ? Finalement non. "Bien qu'il ne soit pas possible de poursuivre des rapports entre nos deux tendances au niveau des Conférences Internationales, cela n'exclut pas le débat. " Ainsi, la CWO propose une réunion publique de confrontation des positions de la CWO et du CCI sur "la situation actuelle de la lutte de classe et la responsabilité des révolutionnaires". Nous avons accepté cette proposition tout à fait valable.
Mais dans sa lettre, la CWO fait part d'un certain nombre de reproches au CCI et nous profitons de cette réponse pour parler de certaines d'entre elles (parler de toutes serait au-dessus des forces d'un Hercule).
- Selon la lettre de la CWO, le CCI n'est pas "sérieux" parce que "la CWO a offert au CCI l'occasion de se solidariser avec l'intervention internationaliste (de la CWO) sur la guerre Iran-Irak, mais le CCI a refusé pour des raisons ridicules". (Pour notre réponse voir World Révolution n°59, avr.83).
La CWO refuse dans le cadre principiel des Conférences internationales, de prendre une position commune contre la guerre impérialiste et les tensions inter impérialistes parce que, selon la même lettre, ce n'était que des"positions communes vagues et sans signification à propos de banalités évidentes1.' Mais elle veut que le CCI cautionne ses ambiguïtés dangereuses par rapport au SUCM ? La CWO ne sort pas de tract pour chaque guerre locale dans le monde, mais juste pour Iran-Irak, et bien que le tract ait pu prendre position sur des "banalités", il s'est concrétisé par le rapprochement SUCM-CWO.
- De même, dans la réponse à l'Adresse, la GOnous reproche de ne pas l'inviter aux Congrès duCCI tandis qu'elle nous invite aux siens.
Pendant des années, nous avons invité BC et la CWO à nos différents Congrès et ils sont venus ainsi que des délégations d'autres groupes politiques. Mais après la rupture des Conférences Internationales, après avoir été écartés par les manoeuvres de BC et de la CWO, nous considérons qu'inviter ces groupes à nos réunions internes serait un non-sens. La CWO ne veut pas que le CCI assiste à des Conférences entre groupes, mais il veut venir à nos Congrès ? Elle nous rejette des Conférences, mais nous invite à ses Congrès ? A-t-elle une pensée logique ? Mesure-t-elle la portée de ses actes ? Dans l’article "Le soi-disant bordiguisme de la CWO" (RP n°20, 2ème Série) , la CWO ne veut pas parler d'elle. Elle préfère défendre son frère aîné Battaglia Comunista contre un sinistre complot : le CCI a appelé BC "bordiguiste". Si le mot vous gêne, camarades, retirez-le. Cela ne change rien au fond. La vérité, c'est que dans l'article comme dans sa lettre, la CWO est furieuse contre le CCI parce que nous avons publié les documents concernant l'opportunisme du PCI par rapport aux "partisans". En fait ces articles visaient surtout Programma, mais le chapeau brûle sur la tête de Battaglia et la CWO. Remarquez, ils ont raison. BC était entre 1945 et 1952 à la tête du PCI "uni". Mais, que répond la CWO : elle crie "maman" et tape du pied. "Mensonges !" Mais elle n'explique rien et justifie tout.
- Selon la CWO, "avant 1975, le CCI n'a jamais mentionné le peint", comme si on avait "caché" l'existence de BC à la CWO par peur que ces deux titans ne se rencontrent. Nous avons parlé de Battaglia, mais la CWO avait les oreilles bouchées à l'époque. Au début des années 70, ce groupe sortait du milieu libertaire et considérait la révolution russe comme une révolution bourgeoise, le parti bolchevik comme un parti bourgeois. Même quand, en fin, il a reconnu la révolution d'octobre et l'IC, ce n'était que du bout des lèvres. Pour la CWD, la contre-révolution aurait été définitive en 1921 (elle ne précisait pas si c'était en janvier ou en décembre), mais cela suffisait pour dénoncer le CCI comme "groupe contre-révolutionnaire" à cause de cette date fatidique de 1921. A l'époque, nous étions léninistes parce que nous parlions de Bilan, mais aujourd'hui, on nous taxe de conseillistes parce que la CWO a découvert Battaglia. Le CWO a connu tellement de zigzags dans sa vie qu'il n'est pas à un "zig" près. C'est parce que la CWO est née en ignorant tout de l'histoire du mouvement ouvrier, c'est parce qu'elle n'a jamais voulu suivre une vraie cohérence dans son attitude par rapport aux organisations politiques prolétariennes qu'elle en est réduite à des polémiques du style de RP n°20.
- Nous ne pouvons pas répondre à tout ici, mais nous voulons encore traiter un dernier point important : la CWO nous accuse dans RP n°20 de condamner son rapprochement avec BC. C'est faux. Nous sommes toujours pour le regroupement des organisations dès qu'elles se trouvent sur les mêmes positions politiques principielles. Nous n'aurions jamais condamné le regroupement de BC et de la CWO au sein des Conférences Internationales... Nous avons suivi le même chemin nous-mêmes avec la formation de notre section en Suède à la même époque. Nous sommes contre la perpétuation de petites chapelles. Si des groupes sont d'accord, qu'ils s'unissent. Cela ai de à la clarification des positions pour le prolétariat.
Nous allons encore plus loin : nous connaissons la CWO depuis longtemps et en comparant son rapprochement actuel avec BC aux mésalliances que ses réactions "anti-CCI" ont failli produire par le passé (avec le PIC, le Revolutionary Workers Group de Chicago, etc.), nous disons : très bien !
La question que nous posons à la CWD est la suivante : pourquoi maintenez-vous une existence séparée ? De deux choses l'une : soit vous êtes d'accord avec la plateforme de BC et alors ses ambiguïtés sur les questions électorale, syndicale et nationale sont les vôtres ; soit, vous n'êtes pas d'accord et alors où pont les textes de discussion entre vous.
La CWO veut attendre de voir si le CCI est "réellement sérieux", si son Adresse est "sincère". Notre Adresse exprime notre position de toujours sur la nécessité d'un dialogue dans le milieu politique du prolétariat. Depuis plus de quinze ans, nous n'avons pas varié d'un iota sur ce point. Nous ne sommes pas des caméléons comme la CWD qui change de couleur tous les deux trois ans. Si la CWO a la mémoire courte, nous nous chargerons de la lui rafraîchir.
PERSPECTIVES
Les groupes nous écrivent : vos suggestions sont vagues. Que voulez-vous au juste avec cette Adresse ?
Nous voulons appeler à un changement d'esprit dans le milieu politique de notre classe : la fin des prétentions et de l'arrogance dans l'isolement; la fin des faux-fuyants, de l'activisme dangereux, du flou artistique sur les principes.
D'abord sur le fond. Il faut cesser de faire de la question du parti un alibi. Il faut la discuter sérieusement sans anathèmes, et sans tourner en rond sur des formules creuses. Il faut répondre clairement sur des questions élémentaires pour que le débat puisse s'approfondir ensuite :
- la conscience de classe vient-elle de l'extérieur de la classe comme Lénine l'a écrit dans "Que faire ?" ?
- le parti de classe a-t-il été dans l'histoire ou sera-t-il demain l'unique creuset ou dépositaire de la conscience de classe ?
- est-ce le parti qui devra prendre le pouvoir ?
- le parti peut-il s'imposer à la classe par des rapports de force comme dans les événements de Kronstadt en 1921 ?
- que nous apportent comme critique, modification, élaboration sur la question du parti la révolution russe et l'expérience de la première vague révolutionnaire ainsi que la dégénérescence en Russie et de l'Internationale Communiste ?
Voila les questions de base auxquelles il faut _ apporter une réponse en poussant à fond la critique des erreurs ou insuffisances du passé et en profitant de l'ensemble de l'apport de la Gauche Communiste Internationale, sans exclusive "italienne", "allemande" ou autre.
Même Programma, après quarante ans de fermeture et de suffisance, est obligé aujourd'hui par les événements d'ouvrir un débat en son sein sur le parti, sa fonction et son organisation. Mais pourquoi seulement à l'intérieur ? Est-ce une maladie honteuse que la discussion politique avec le milieu que notre classe produit aujourd’hui canne elle l'a produit dans tous les moments importants de son histoire ? Est-ce que la confrontation des positions politiques est un luxe, une annexe à l'activité "normale", quelque chose qu'on fait si on a le temps, ou est-ce une nécessité, la seule façon de vérifier le bien-fondé de nos contributions politiques vitales pour les combats décisifs de notre classe ?
Il est indiscutable que l'absence des Conférences Internationales pèse aujourd'hui : pour répondre à l'accélération de l'histoire, pour aider à ce que les énergies militantes ne se perdent pas dans les convulsions du milieu politique, pour présenter un cadre principiel aux nouveaux éléments de la classe qui surgissent, pour orienter la clarification dans tous les pays, surtout dans les pays qui n'ont pas eu le temps de développer des traditions marxistes. Et il est aussi indiscutable que les Conférences Internationales se sont disloquées à cause du sectarisme dans le milieu : le PIC qui refusait le "dialogue de sourds", le FOR qui ne voulait pas "discuter la crise économique" et qui s'est retiré avec éclat de la 2ème Conférence, Programma qui n'y voyait qu'une empoignade entre "fouteurs" et "foutus", les actions de Battaglia et de la CWO que nous avons critiquées.
Créer ce nouvel esprit est la seule façon de rendre possibles à l'avenir de nouvelles Conférences, la seule façon d'assurer une décantation consciente dans le milieu, de travailler vers de nouveaux efforts de regroupement qui seront absolument nécessaires.
Car qui oserait prétendre que le milieu politique du prolétariat ne sera jamais rien d'autre que ce qu'il est aujourd'hui ?
JA
[1] [9] Dans Battaglia, la crise ne se traduit jamais clairement, franchement par des oppositions et confrontations de divergences politiques pour la simple raison qu'il n'y a pas de discussions ni de vie politique véritables dans l'organisation. On ne confronte pas, on vote simplement avec les pieds en quittant individuellement, silence et discrètement 1'organisation. C'est moins visible mais pas pour autant moins critique. Quant à se targuer d'avoir "en substance des solides positions doctrinaires", nous nous contenterons de renvoyer à la lecture/dans ce numéro de la Revue, de l'article sur le 2ème Congrès du PCI d'Italie de 1948. Cette lecture donnera l'exacte mesure de ces "solides positions doctrinaires" de Battaglia.
Le texte d'Internationalisme n°36 (juillet 1948) publié ci-dessous est une critique des faiblesses politiques et organisationnelles du Parti Communiste Internationaliste à ses débuts. Nous avons déjà réédité à plusieurs reprises des articles polémiques d'Internationalisme contre le PCI (Voir les Revues Internationales n°32, 33, 34 notamment). Le texte ci-dessous, en passant en revue l'ensemble des positions du PCI à son 2ème Congrès, permet de donner une idée précise de ce qu'étaient les orientations de ce groupe. Les faiblesses critiquées à l'époque existent encore aujourd'hui -flou sur les questions nationale et syndicale, sur le rôle, la fonction et le fonctionnement de 1'organisation révolutionnaire, absence de perspectives claires sur la période, etc.- et n'ont fait que s'accentuer jusqu'à provoquer la dislocation quasi-totale du principal continuateur du PCI, Programme Communiste, 1'an dernier (Voir la Revue Internationale n°32). Elles ne sont pour autant pas les faiblesses du seul PCI-Programme Communiste et ces questions doivent être abordées par 1 'ensemble des groupes révolutionnaires. C'est pourquoi nous republions ce texte à 1'occasion de la discussion suscitée par 1' "Adresse aux groupes politiques prolétariens" (Revue Internationale n°35) que le CCI a lancée face à la crise et à la dispersion actuelles du milieu révolutionnaire (Voir l'article de réponse aux réponses à 'adresse dans ce numéro). L'avant-propos, extrait de la réédition précédente de ce texte, fait allusion à plusieurs textes : nous n'en republions ici qu'un seul ; les autres textes se trouvent dans le Bulletin d'Etudes et de Discussion de Révolution Internationale n°7, juin 1974.
AVANT-PROPOS
Les textes que nous publions plus loin sont des controverses souvent passionnés qui ont agité les extraits ([1] [11]) et des articles parus dans "Internationalisme", organe du groupe Gauche Communiste de France. Ces textes, qui datent de près de 30 ans, totalement inconnus pour la grande majorité des militants, présentent cependant un grand intérêt aujourd'hui encore.
La lutte révolutionnaire du prolétariat pour son un mouvement historique. Une fois surgies, on ne saurait concevoir les luttes comme un commencement nouveau telle que le prétendent tant de groupes qui viennent de surgir ([2] [12]) , mais seulement comme leur continuation et leur dépassement. L'histoire de la lutte révolutionnaire n'est pas une addition de moments morts mais tout un mouvement vivant qui se poursuit et se continue contenant en lui son"passé". Il ne saurait y avoir de dépassement sans contenir les acquis des expériences passées. En publiant ces écrits vieux de 30 ans, nous entendons contribuer à une meilleure connaissance d'une période particulièrement obscure et ignorée, celle qui suit la 2ème guerre mondiale, et les débats et controverse souvent passionné qui ont agité les faibles groupes révolutionnaires d'alors. Si la proche perspective est aujourd'hui tout autre qu'alors, les problèmes soulevés dans la discussion, leur compréhension et solution demeurent toujours au centre de la préoccupation des groupes et militants révolutionnaires d'aujourd'hui. Tels sont : les problèmes de l'analyse de la période historique que nous vivons, les guerres impérialistes, la nature et la fonction des syndicats, les mouvements dits de libération nationale, le parlementarisme, les problèmes de la révolution prolétarienne, les tâches des révolutionnaires, les rapports Parti Classe, et tout particulièrement celui du moment historique de la constitution du Parti
LA GAUCHE ITALIENNE : MYTHE ET REALITE
Le PCI (Programme Communiste) prétend être la continuation organique ininterrompue de la Gauche Italienne, continuation à la fois organisationnel et politique. C’est là un mythe. Seule l’ignorance de la plupart des propres membres du PCI et le silence prudent des autres lui donnent force et un semblant de vérité. Une fois exclue du PC, la Gauche Italienne se constitue en Fraction à l’étranger (Pantin 1929). Jusqu'en 43-45, la Fraction à l'étranger sera la seule organisation de la Gauche Italienne. En Italie même ne subsistera aucun groupe organisé et les anciens militants seront dispersés et réduits par la répression à une inactivité totale. Quand en 43-45 se constitue en Italie le PCI, cela se fait indépendamment de la Fraction et séparément d'elle - aussi bien sur le plan organisationnel que politique. Le PCI ne s'est d'ailleurs jamais réclamé comme continuité organique de la Fraction et est toujours ambigu quant à considérer la Fraction comme une expression et continuité de la Gauche Italienne. Il s'ensuit que la continuité organique tant réclamée a existé avec un trou d'interruption de près de 20 ans (et quels 20 ans !) , ou bien qu'elle n'a jamais existé et n'est qu'un mythe qu'elle entretient pour des raisons de convenance particulière et de mystification.
L'activité de la Fraction Italienne jusqu'à sa dissolution en 1945 constitue une très importante contribution au développement de la théorie communiste, de même que ses prises de position politiques face aux événements sont profondément enracinées sur le terrain de la classe révolutionnaire et c'est autour de la Fraction Italienne que vont se former des groupes en Belgique et en France pour constituer la Gauche Communiste Internationale.
Il est nécessaire de prendre connaissance des positions de la GCI, de lire leurs textes, et tout particulièrement la revue BILAN, même dans leur forme de "balbutiement" (comme ils le disaient eux-mêmes) pour se rendre compte et mesurer tout le recul et régression que représentent les positions politiques actuelles du PCI par rapport à la GCI.
LA CRISE ET LA FIN DE LA "GAUCHE COMMUNISTE INTERNATIONALE".
La GCI ne représente pas, en vérité, tout le courant de la Gauche Communiste issu de la 3ème Internationale, mais seulement une de ses branches ; les autres branches sont la Gauche Allemande, la Gauche Hollandaise et aussi la Gauche Anglaise. Mais elle se présente d'une façon plus homogène, plus organisée et dans une certaine mesure plus cohérente. Cela lui permettra de résister plus longtemps à la pression terrible qu'exercent sur les révolutionnaires les défaites successives du prolétariat, la dégénérescence de l'I.C, le triomphe de la contre-révolution stalinienne en Russie et l'ouverture d'un cours de réaction généralisée et enfin la guerre impérialiste. Subissant cette écrasante pression des événements, la GCI s'efforce de dégager les enseignements, afin qu'ils puissent servir de matériaux programmatiques pour et dans la reprise de la lutte de classe du prolétariat. Un tel travail pour si grand qu'ait été l'effort et le mérite de la GCI, n'allait pas sans défaillances et vacillations.
Dans une période générale de recul, chaque nouvel événement devait produire une nouvelle réduction numérique de l'organisation, et provoquer de graves perturbations politiques. Aucun groupe révolutionnaire ne peut prétendre être à l'abri et présenter une garantie à l'influence pernicieuse des événements. Pas plus que d'autres, la GCI n'y a échappé. La guerre d'Espagne a été une première secousse, provoquant discussion et scission, l'approche et l'éclatement de la seconde guerre mondiale a profondément ébranlé la GCI, provoquant des divergences gui allèrent se creusant, ouvrant une crise profonde en son sein. Les textes que nous publions ci-dessous donnent une idée assez exacte des divergences qui opposaient les tendances, et qui devaient aboutir à la dissolution des Fractions et leur absorption par le nouveau Parti créé en Italie d'une part, et au surgissement de la Gauche Communiste de France et sa séparation d'avec la GCI d'autre part.
LA DISSOLUTION DES FRACTIONS.
Les deux premiers textes portent essentiellement sur la question de la dissolution de la Fraction Italienne. C'est alors une question centrale, non seulement parce que la dissolution signifiait un arrêt brusque de clarification nécessaire des problèmes débattus mais aussi parce que cela constituait un abandon de positions défendues de façon acharnée par la Fraction durant toute son existence, et touchant à la conception même du Parti et impliquant une analyse fausse de la période et de la perspective.
L'existence du Parti est étroitement liée et conditionnée par la période et l'état de la lutte de classe du prolétariat. Autant dans une période de développement des luttes la classe sécrète en son sein l'organisation politique : le Parti ([3] [13]) organe de mobilisation politique de la classe, autant les défaites décisives ouvrant une longue période de recul entraînent inévitablement la disparition ou la dégénérescence du Parti. Dans de telles périodes, quand la contre-révolution a eu raison de la classe et de ses organisations, vouloir reconstituer le Parti à nouveau relève d'une conception volontariste et mène à l'aventurisme et au pire opportunisme. C'est contre une telle conception volontariste de construction artificielle, préconisée par Trotski que la Gauche Communiste a livré, dans les années 30, les plus violentes batailles.
La proclamation du PCI en Italie s'est faite sans s'embarrasser d'aucune analyse du moment ni de la perspective. Tout comme les trotskystes, cela fut un acte de pur volontarisme. Mais plus fondamental encore est le fait que la constitution du nouveau Parti, le PCI d'Italie, s'est faite sans aucun lien ni organisationnel, ni politique, avec la Fraction Italienne de la Gauche Communiste. La Fraction est cet organisme révolutionnaire vivant qui surgit et subsiste une fois que l'ancien Parti a été happé dans l'engrenage de la contre-révolution et détruit comme organisation de classe.
La Fraction ne saurait "se dissoudre" pour renter ensuite et individuellement dans un Parti, constitué à part et indépendamment d'elle. Ceci est par définition impossible et politiquement inconcevable. La dissolution de la Fraction Italienne et l'entrée de ses membres dans le PC d'Italie, formé hors et indépendamment d'elle, constituaient le pire liquidationnisme et un suicide politique. On comprend que la GCF se soit catégoriquement refusée à s'associer à une telle politique et qu'elle l'ait critiquée violemment.
La continuité organique de la Fraction n'existe pas aujourd'hui. Elle a été coupée, interrompue par cinquante ans de réaction. Cependant, la question de la dissolution garde tout son intérêt pour les révolutionnaires qui surgissent aujourd'hui. Ces groupes sont le produit et l'expression de la nouvelle période que nous vivons de reprise de luttes de classe. Ils sont donc les noyaux du futur Parti. Ce futur Parti ne sera pas un surgissement spontané du néant mais bien le résultat du développement et de l'accentuation de la lutte de classe et de l'oeuvre de groupes révolutionnaires existants. On ne saurait parler de la dissolution de ces groupes précédant un hypothétique Parti, sorti on ne sait trop d'où. Une telle vision enlève toute signification et toute valeur à l'activité de ces groupes. Au contraire, on doit voir dans l'existence et l'activité de ces groupes les matériaux avec lesquels se construira le futur Parti. Leur dissolution et la constitution du Parti ne sont pas des actes séparés dans le temps mais un acte simultané. On peut, avec plus de raisons, parler de leur transformation en Parti que de leur "dissolution" parce qu'ils sont des éléments constitutifs du futur Parti. Loin d'être prétention et auto flatterie, cette vision donne le sens et la gravité de la responsabilité que portent les groupes et leur activité, et qu'ils doivent savoir assumer pleinement. Toute autre vision est bavardage et dilettantisme.
Le PCI prétend à une continuité invariante de son programme et de ses positions. Sa pratique politique serait irréprochable et est donnée en exemple de pureté révolutionnaire. La lecture des textes que nous publions fait table rase de cette légende. C'est avec surprise et étonnement que beaucoup de lecteurs apprendront la véritable histoire et la somme de confusions et d'erreurs sur lesquelles se constitue le PCI. De la proclamation du Parti à l'analyse de la période de l'après-guerre, des élucubrations sur l'économie de guerre à la participation au Comité anti-fasciste à Bruxelles, de la participation aux élections à la prise de position sur la question des syndicats, tout annonce un éclectisme et un opportunisme politique. Cela donne toute la mesure qui sépare le PCI de la Fraction et l'énorme régression du premier par rapport à la seconde. C'est avec intérêt qu'on lira les critiques acerbes qu'en fait INTERNATIONALISME. On doit constater que ces critiques se sont avérées pleinement justifiées et restent valables aussi aujourd'hui en face des erreurs invariables du PCI.
Juan.
LE DEUXIEME CONGRES DU P.C.I. EN ITALIE (1948)
Sur la base de divers compte-rendus, écrits et oraux, on peut se faire une idée assez précise de ce qu'a été le Congrès du PCI d'Italie,
Nous avons d'abord celui publié dans notre dernier Internationalisme, qui donne une idée assez complète des débats du Congrès.
Dans la Battaglia Communista) organe du PCI d'Italie et dans Internationalisme, organe de la fraction belge, nous trouvons des articles traitant des travaux du Congrès.
Enfin la réunion publique organisée par la fraction française.
L'impression générale qui se dégage est comme l'a écrit le camarade Bernard en tête de son article, que cela " aurait pu ne pas être un Congrès car les problèmes traités l'ont été d'une manière plutôt étriquée ".
Pour s'en convaincre, il suffit de lire la presse du PCI d'Italie, et de ses sections en Belgique et en France. Le délégué de France a dit dans son compte-rendu oral :"Le Congrès n'a traité d'aucun des problèmes fondamentaux n'a fait aucune analyse poussée de l'évolution actuelle du capitalisme et de ses perspectives. De tout son ordre du jour, il n'a discuté que les possibilités d'action du parti dans la situation présente"
De son côté, la fraction belge, dans son dernier bulletin, consacre au Congrès un article d'une petite page ronéotypée dans lequel elle se contente de donner "résumées grosso modo les deux tendances qui se révélèrent au Congrès" et de conclure que celui-ci a décidé "d'entreprendre une discussion approfondie sur l'analyse du capitalisme dans son stade actuel".
Que nous sommes loin des fanfaronnades qui accompagnèrent la formation du Parti en 1945, des salutations enthousiastes et grandiloquentes sur la " reconstruction du premier Parti de classe dans le monde par le prolétariat italien", et de tout le bluff qui a continué pendant deux années autour de l1 activité et des succès de masses de ce Parti.
Aujourd'hui, le résultat de trois années d'activisme a ramené les camarades à plus de modestie et à des réflexions plutôt amères malgré certains jeunes néophytes comme la déléguée française qui ne peut terminer son compte-rendu sans finir, comme c'est la tradition en Russie, par cette phrase : " Et nous disons merci au PCI d'Italie".
LE RECRUTEMENT: OBJECTIF NUMERO UN DU PARTI
Pendant la première période, le Parti s'est laissé griser par son recrutement. A ce recrutement il a sacrifié la clarté des positions politiques, évitant de pousser trop à fond les problèmes pour ne pas "gêner"la campagne de recrutement et ne pas "troubler" les adhérents déjà acquis. Farouchement et catégoriquement il a tenu a ne pas porter, ni devant les ouvriers ni devant les membres du Parti ni devant la Conférence constitutive de fin 1945, la discussion sur la lamentable expérience de la participation d'une de ses sections et des camarades, futurs dirigeants du Parti, au Comité de Coalition Antifasciste italien de Bruxelles. Expérience qui a duré depuis la libération jusqu'à la fin de la guerre et que ces camarades continuèrent à revendiquer comme politique juste et révolutionnaire. Toujours pour ne pas "gêner" le recrutement et peut-être aussi parce qu'on a soi-même partagé cette conception (ce qui serait plus grave), on flatte les ouvriers qui faisaient partie de ces organismes militaires qu'étaient les diverses formations armées de la Résistance. A leur sujet, la plateforme du Parti adoptée à 3a Conférence de 1945 dit :
" En ce qui concerne la lutte partisane et patriotique contre les allemands et les fascistes, le Parti dénonce la manoeuvre de la bourgeoisie internationale et nationale qui avec sa propagande pour la renaissance d'un militarisme d'Etat officiel (propagande qu'elle sait vide de sens) vise à dissoudre et à liquider les organisations volontaires de cette lutte qui dans beaucoup de pays ont déjà été attaquées par la répression armée".
Et tout en mettant en garde contre les illusions suscitées par ces organisations parmi les ouvriers, la plateforme les caractérise ainsi : " ces mouvements qui n'ont pas une organisation politique suffisante (à part d'être "partisane et patriotique", que fallait-il donc de plus au PCI ?) expriment tout au plus la tendance des groupes prolétariens locaux à s 'organiser et à s 'armer pour conquérir et conserver le contrôle des situations locales et donc du pouvoir".
Ainsi, pour ne pas risquer sa popularité et les possibilités de son recrutement, le parti s'est gardé de les dénoncer pour ce qu'elles étaient réellement, et pour le rôle qu'elles jouaient, et a préféré flatter les ouvriers de "ces tendances qui constituent un fait historique de premier ordre".
Tout aussi bien que sur cette question, le PCI n'a pas eu le souci de pousser plus à fond l'analyse de l'évolution du capitalisme moderne.
Nous trouvons, bien sûr, et même très couramment, l'affirmation que le capitalisme évolue vers une forme nouvelle, le capitalisme d'Etat, mais le Parti n'avait pas pour autant une idée précise de ce qu'est exactement le capitalisme d'Etat, ce que cela signifie historiquement et de ce que cela comporte comme transformations profondes des structures du système capitaliste.
Dans le § 14 où est traité le problème du capitalisme d'Etat, la plateforme parle de "ré accumulation des richesses entre les mains des entrepreneurs et des bureaucrates d'Etat qui ont leurs intérêts liés à ces derniers ". N'ayant vu dans le capitalisme d'Etat que l'unité de classe des Etats avec les entrepreneurs privés face au prolétariat, mais n'ayant pas vu ce qui les oppose et distingue les premiers des seconds, la plateforme dénonce "des mots d'ordre ineptes de socialisation des monopoles qui ne servent qu'à travestir ce renforcement". Dans les nationalisations qui sont la structure économique du capitalisme d'Etat, la plateforme ne voit rien d'autre qu'une manoeuvre "des puissants monopoles industriels et bancaires "qui" feront payer à la collectivité le passif de la reconstruction de leurs entreprises".
Avec une telle analyse du capitalisme moderne et de ses tendances, qui n'allait pas plus loin que celle déjà énoncée en 1920, il était normal qu'on reprenne sur le plan de la politique, sans rien changer, les positions essentielles de la IIIème Internationale d'il y a 25 ans : le parlementarisme révolutionnaire et la politique syndicale.
Quels en étaient les résultats ? Après près de trois ans, le Parti enregistre la perte de la moitié de ses adhérents. Des groupes entiers de militants se sont détachés, les uns. pour former le groupe trotskyste POI, les autres la Fédération autonome de Turin, la majorité dans l'indifférence et le dégoût de toute activité militante.
Nous avons, en somme, la reproduction de ce qui s'est passé pour les partis trotskystes dans les autres pays. Le Parti n'a pas renforcé ses positions parmi les ouvriers. La fuite de la recherche théorique, l'imprécision et l'équivoque de ses positions ne lui ont pas davantage gardé ses militants. Dans son objectif numéro un qui était de recruter à tout prix, le renforcement numérique, le Parti enregistre aujourd'hui un fiasco, un échec cuisant qu'il n'était pas difficile de prévoir et de lui prédire.
UN PARTI SANS CADRES
Mais il y a encore une chose plus grave que la défection de la moitié des membres, c'est le niveau idéologique extrêmement bas des militants restant dans le Parti. Bernard nous parle de la " fonction scénique" de la majorité des délégués au Congrès, de leur non-participation aux débats. Frédéric disait que les délégués ouvriers estimaient que les analyses théoriques générales les dépassaient et ne pouvaient être leur fait, que ce travail incombe aux intellectuels.
Vercesi exprime cette vérité : " Pour courir derrière des chimères, le travail d'éducation des militants qui est dans un état déplorable a été négligé ". Encore que Vercesi porte une bonne part de responsabilité pour cet état déplorable auquel il a contribué pendant trois années par son refus de porter publiquement la discussion, de crainte de "troubler" les militants.
C'est le trait typique de toutes ces formations artificielles qui se proclament pompeusement partis, de ne pas comprendre que le fondement subjectif du nouveau parti ne se trouve pas dans le volontarisme mais dans l'assimilation véritable par les militants de l'expérience passée et dans la solution des problèmes contre lesquels l'ancien parti s'est heurté et s'est brisé. Avoir voulu agir sur la base de la répétition d'anciennes formules et positions, fussent-elles celles des Thèses de Rome, sans tenir compte des changements fondamentaux apportés par les 25 dernières années, c'était accrocher l'action dans le vide, user en vain les énergies et gaspiller des forces et un temps précieux qui devait et pouvait utilement servir à la formation des cadres pour le parti et la lutte à venir.
L'absence des cadres et la négligence de leur formation, voilà le plus clair du bilan révélé par le Congrès du PCI.
EXISTE-T-IL UN PARTI EN ITALIE?
Numériquement très réduit par la perte de la moitié de ses membres, absence de cadres, "manque complet d'une analyse de l'évolution du capitalisme moderne"(Vercesi), voilà pour ce qui est des conditions subjectives. Quant aux conditions objectives, période de concentration du capitalisme qui " a été conditionnée par la défaite internationale que le prolétariat a subie et par la destruction de celui-ci comme classe ". (Document de la CE à la suite du Congrès. Voir "Nos directives de marche" dans la Battaglia Communista du 3/10 juillet). Que reste-t-il donc des conditions nécessaires justifiant la construction du Parti ? Rien, strictement rien, sinon le volontarisme et le bluff, familiers aux trotskystes.
Au Congrès, le rapporteur Damen a essayé de justifier la proclamation du Parti. Nous laissons de coté l'argument qui veut que les ouvriers italiens soient "politiquement plus sains"'que ceux des autres pays. De tels arguments ne montrent rien d'autre que la persistance des sentiments nationalistes même chez des militants très avancés. L'ouverture d'un cours révolutionnaire ne peut que se faire à l'échelle internationale, de même la brisure avec l'idéologie capitaliste ne peut être une manifestation isolée du prolétariat révolutionnaire d'Italie en or d'un seul pays. Le patriotisme du prolétariat révolutionnaire d'Italie n'a pas plus de valeur que le patriotisme du socialisme en un seul pays. Cet argument donc mis à part, Damen justifie la proclamation du Parti par le fait qu'une fraction n'aurait pu servir de pôle d'attraction pour les ouvriers^ ce qui est vrai pour une période où les conditions pour la polarisation du prolétariat autour d'un programme révolutionnaire sont présentes, mais qui n'est absolument pas le cas en Italie, ni nulle part ailleurs.
Finalement, Damen énonce que la fraction n'a de raison d'être que tant qu'il s'agit "d'opposition et de résistance idéologique à 1'opportunisme dans le Parti jusqu'au moment de la lutte ouverte qui ne peut être menée que par un organisme politique qui ait les caractéristiques et les tâches du Parti?
Le même thème, nous l'avons entendu développé dans la réunion de la FFGC. Que de chemin à rebours parcouru depuis le Congrès de la Fraction Italienne de 1935 ! C'est là un argument type du trostkysme qui, pendant les années d'avant-guerre soutenait contre nous la thèse qu'avec la mort de l'ancien Parti, la condition est donnée pour la proclamation du nouveau Parti. Alors que c'est le contraire qui est vrai, la mort de ' l'ancien Parti ou son passage à l'ennemi de classe signifiant précisément l'absence de conditions pour l'existence du parti révolutionnaire. Ce Parti étant conditionné par une orientation révolutionnaire se manifestant dans le prolétariat.
Quand les camarades Vercesi et Daniels, au Congrès, nient que le PCI puisse réellement jouer un rôle de Parti, ils ne font que reprendre la thèse que nous avons développée depuis 1945 sur l'absence de conditions de constitution du Parti, et du même coup, ils reconnaissent implicitement que le PCI ne remplit pas davantage les tâches d'une fraction, c'est-à-dire l'élaboration programmatique et la formation de cadres. Nous n'avons ici rien d'autre que la traduction en italien des artifices et du comportement des trotskystes dans les autres pays.
Pour Damen, le Parti est un fait, "un coin enfoncé dans la crise du capitalisme". Si cela peut le consoler, nous lui apprendrons toutefois que les trotskystes ne voient pas différemment leur parti dans les autres pays.
Pour Vercesi n'existent ni le "coin enfoncé", ni "la brisure, même minime du capitalisme", ni le parti qui n'est qu'une fraction élargie.
Malheureusement dirons-nous, il n'existe en Italie ni parti, ni fraction élargie, ni influence sur les masses, ni formation de cadres. L'activité menée par le PCI tendant à compromettre l'immédiat de l'un et l'avenir de l'autre.
LA VERIFICATION DES PERSPECTIVES
Une orientation vers la fondation du parti pouvait avoir sa raison d'être dans la période de 1943 à 1945 qui s'ouvrait avec les événements de juillet 43 en Italie, la chute de Mussolini, le mécontentement grandissant en Allemagne, et qui permettait aux militants révolutionnaires d1 espérer un développement d'un cours de brisure avec la guerre impérialiste et la transformation de celle-ci en un vaste mouvement de crise sociale. L'erreur fondamentale des militants du PCI et surtout de ses sections en France et en Belgique fut de persister dans cette perspective après la fin des hostilités alors que les impérialismes russe et américain sont parvenus à occuper l'Allemagne, à disperser à travers le monde et à encadrer dans les camps de prisonniers les millions d'ouvriers allemands, en un mot à contrôler ce foyer capital de révolte et centre de la révolution européenne.
Mais loin de comprendre que la cessation de la guerre sans mouvement de révolte signifiait une défaite consommée par le prolétariat, une nouvelle période de recul ouvrant avec elle le cours vers la nouvelle guerre impérialiste, la GCI, au contraire, échafaudait des théories sur l'ouverture d'un cours de luttes de classes, voyait dans la fin de la guerre la condition de la reprise des luttes révolutionnaires où comme elle l'écrivait en corrigeant Lénine " la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile commence après la fin de la guerre".
Toute l'orientation de la GCI était basée sur cette perspective, et tous les événements étaient examinés sous cet angle. Ainsi, on prenait les événements sanglants d'Algérie, de Grèce, du Proche-Orient pour des prémisses de la crise révolutionnaire, on saluait les grèves économiques comme les mouvements de radicalisation des masses, on soutenait à fond le mouvement et l'action syndicale dont on se donnait pour tâche de conquérir la direction, enfin on préconisait comme tâche immédiate la construction dans tous les pays du Parti de classe. En même temps on se faisait des gorges chaudes, on raillait ces "pessimistes" que nous étions, ces "docteurs et théoriciens en chambre" pour qui on affichait un hautain mépris.
Aujourd'hui toute cette perspective est par terre. Et Vercesi est absolument dans le vrai, et ne fait que reprendre la critique que nous formulions contre le PCI quand il déclare : "L’interprétation que la guerre aurait ouvert un cycle révolutionnaire s’est révélée complètement fausse"'.
Si l'activité révolutionnaire n'a de valeur que pour autant qu'elle est fondée sur des précisions basées sur une analyse exacte de la situation et du cours, la reconnaissance par le Congrès du non fondé de la perspective signifie la condamnation implicite et l'écroulement de toute la politique et l'activité passée du Parti, basée sur cette perspective.
Toutefois, nous devons mettre en garde contre l'orientation exprimée par la tendance Vercesi postulant son analyse sur les "capacités de renaissance de l’économie capitaliste au travers du système de planification, de la disparition de crises cycliques et de la concurrence à l’intérieur des Etats". Cette conception n'est pas nouvelle; elle se rattache à la vieille théorie de renforcement économique du capitalisme, théorie dite de l'économie de guerre, et que nous avons à maintes reprises, avant et pendant la guerre, eu l'occasion d'analyser et de combattre.
Aujourd'hui, un nombre croissant de militants du PCI a ressenti et compris la stérilité d'un activisme en l'absence d'une analyse de la situation. Bien que cela vienne avec un retard de trois années, nous considérons ce fait comme le seul résultat positif qui s'est manifesté dans le Congrès. Nous souscrivons entièrement à l'idée de Daniels quand il déclare : " Les armes que possède le mouvement sont vieilles de 25 ans et toutes émoussées. Le capitalisme a transformé entre temps toute sa structure et toutes ses méthodes de lutte; le Parti de classe doit en faire autant s1il veut être un jour le guide de la classe ouvrière, et en préparer le réveil".
LA VIE INTERIEURE DU PARTI DISCIPLINE OU CONSCIENCE DES MILITANTS
Nous avons à plusieurs reprises, critiqué la tendance à la bureaucratisation dans le PCI d'Italie. Faisant allusion à cette critique, la déléguée française, dans son compte-rendu, de répliquer : "assistaient au Congrès et à ses débats souvent passionné pouvaient se rendre compte de la démocratie qui règne dans le Parti, et de la gratuité de l1accusation de bureaucratisation".
On pourrait avec autant de raison citer en exemple les assises des partis trotskystes et même des partis socialistes. Là aussi, on discute " librement" et passionnément. Ce qui importe n'est pas la plus ou moins grande démocratie dans les Congrès, mais de savoir sur quoi est basée l'activité des militants, sur la trique de la "discipline librement consentie" ou sur la conviction des positions et la plus grande conscience des militants ? La camarade citait le cas où le PCI excluait des militants pour divergences politique, et elle ajoutait : "comme tout Parti qui se respecte". En effet, le nombre des exclusions prononcées par le PCI est frappant, mais il faut ajouter qu'au grand jamais ces exclusions ne sont faites après les discussions dans l'ensemble du Parti, seule méthode qui aurait permis à ces crises d'être un moment de clarification des idées pour tous les militants, mais sont toujours prononcées par la direction.
Le Congrès a, par exemple, révélé l'existence de divergences profondes dans le Parti, mais en vain cherchera-t-on dans la presse du Parti et cela même dans les semaines précédent le Congrès la moindre discussion et controverse. Cela aurait évidemment risqué de troubler les membres, et porter atteinte au prestige et partant, à la discipline. On préfère non moins évidemment venir au Congrès pour constater, comme Vercesi : " II y a des délégués parlementaristes, d'autres favorables à une espèce de compromis avec le centrisme (stalinisme). La majorité est sans idées claires et suit des voies différentes selon les zones".
Plus catégorique et plus cinglant encore est Daniels, parlant pour ce qui concerne le Congrès lui-même. Il constate : " Il y a une tendance au Congrès à passer sous silence les erreurs du passé et à renoncer à discuter les problèmes qui peuvent provoquer d'amples débats, au travers desquels le Parti pourrait vraiment renaître à une vie nouvelle et mettre à nu tout ce qui, sous l'excuse de la défense des positions traditionnelles, cache d'opportunisme et empêche une claire élaboration idéologique et une conséquente assimilation de la part des militants".
C'est ainsi qu'on doit comprendre la vie intérieure saine de l'organisation et fonder la force, l'efficacité de l'activité de chacun des membres sur la continuelle et plus ample confrontation des idées, suscitée et entretenue par toute la vie du Parti.
Par contre, quand Maffi, grand chef du Parti, déclare s'être "abstenu de traiter tel problème" parce que " je savais que cette discussion aurait pu empoisonner le Parti", nous disons que ce souci manifeste incontestablement et au plus haut point la tendance à l'ossification et à la bureaucratisation de la vie intérieure de l'organisation.
Et c'est parce que c'est cette dernière conception qui prévaut dans le PCI que nous avons pu assister à cette fin absurde du Congrès dont nous parle Bernard, où "Vercesi s'est en quelque sorte excusé d'avoir été un trouble-fête et d'avoir amené le trouble parmi les militants". 'Parce que, en fin de compte, les uns pas plus que les autres n'admettent l'existence des tendances et des fractions au sein du Parti : pour les uns comme pour les autres, le Parti reste une organisation monolithique, homogène et monopoliste
LA QUESTION DE LA PARTICIPATION AUX ELECTIONS
Une des questions qui a provoqué les débats les plus orageux fut celle de la participation aux élections. Bien sur, personne ne préconise une politique de parlementarisme actif. Cela ressort moins d'une certitude de l'inutilité de l'action parlementaire que du fait que les forces présentes du Parti ne lui donnent aucune possibilité d'avoir réellement des élus. Aussi peut-on se permettre d'économiser un débat qui, de toute façon, ne serait que théorique, et comme tout débat théorique ne peut que "troubler inutilement le Parti". C'est pour la même raison que le Parti aux dernières élections pouvait se payer à bon marché d'être révolutionnaire à l'extrême, au point d'inviter les électeurs à ne pas voter, même pour lui. Mais nous connaissons déjà le cas d'un élu au conseil municipal qui a finalement trouvé de bonnes raisons pour garder son mandat d'élu. Après tout, la justification définitive de tout parlementarisme se trouve dans ces arguments théoriques donnés par Damen, pour justifier la participation du PCI à la campagne électorale. Damen dit : " Si la bourgeoisie est contrainte (?) d'adopter un moyen de lutte qui peut être exploité utilement par le parti de classe pour être retourné contre elle, l'avant-garde révolutionnaire ne peut renoncer à l'utiliser et à s'infiltrer dans la composition électorale".
Aucun trotskyste ne manquerait de souscrire à cette argumentation. C'est du pur et du pire Lénine de la Maladie Infantile du Communisme. La vérité est que le prolétariat ne peut utiliser pour sa lutte émancipatrice « le moyen de lutte politique» propre à la bourgeoisie et destinée à son asservissement. Il en était tout autrement à une période antérieure d'avant 1914 quand le prolétariat ne pouvait pas encore poser comme objectif concret immédiat, la transformation révolutionnaire de la société, d'où découlait la nécessité de lutter sur le terrain même du capitalisme pour lui arracher le maximum de réformes. Le parlementarisme révolutionnaire en tant qu'activité réelle n'a, en fait, jamais existé pour la simple raison que l'action révolutionnaire du prolétariat quand elle se présente à lui, suppose sa mobilisation de classe sur un plan extra-capitaliste, et non la prise des positions à l'intérieur de la société capitaliste, ce que Damen a appelle " l'utilisation" et " l'infiltration" intérieure.
La politique du parlementarisme révolutionnaire a largement contribué à corrompre les partis de la IIIème Internationale, et les fractions parlementaires ont servi de forteresses de l'opportunisme, aussi bien dans les partis de la IIIème qu'autrefois dans les partis de la IIème Internationale. Mais le participationniste croit avoir trouvé un argument impressionnant en déclarant : "Le problème abstentionniste est désormais dépassé, car il n'avait de raison d'être que dans une période ou une précision de principe, face au courant parlementaire du vieux parti socialiste, était nécessaire. Aujourd'hui où il n'y a plus de doute possible sur le caractère nettement antiparlementaire du PCI, celui-ci peut adopter cette méthode de lutte". Voilà un raisonnement pour le moins astucieux : dans le vieux parti parlementaire nous devions être antiparlementaires mais maintenant, puisque notre parti est antiparlementaire, alors nous pouvons faire du parlementarisme. Nous ne doutons pas que cette argumentation puisse impressionner les patriotes du parti qui, pas un instant, n'osent mettre en doute son infaillibilité révolutionnaire, garantie a priori et à jamais.
Ceux par contre, qui ont connu l'IC pour y avoir milité ou simplement pour avoir étudié son histoire, seront probablement moins enclins à ouvrir un tel crédit à n'importe quel parti, fût-il même le Parti de Damen et de Maffi.
Croit-on vraiment que le Parti Bolchevik et l'IC dans ses premières années, étaient moins sincèrement révolutionnaires que le PCI d'Italie ? Ils offraient au moins autant de garantie, ne serait-ce que par le fait qu'ils exprimaient les positions programmatiques les plus avancées du prolétariat de l'époque alors que le PCI d'Italie, d'après ses propres aveux, retarde notablement. Cependant, toutes les précautions prises par l'IC (lire les thèses du 11° Congrès sur le parlementarisme révolutionnaire) n'ont pas empêché cette politique de devenir un levier de l'opportunisme. C'est que la dégénérescence du Parti n'est pas uniquement fonction de la situation générale et de rapports de forces entre classes, mais est encore fonction de la politique pratiquée par le Parti. Le prolétariat a trop payé durant ces derniers 25 ans pour que les militants d'avant-garde oublient cette vérité première.
A quel point est savonneuse la pente participationniste, nous le constatons par les résultats obtenus, auxquels on se réfère volontairement à chaque instant pour prouver la force et l'influence du parti.'
Le rapporteur au Congrès n'a pas manqué de citer que dans telle région, la liste du Parti aux dernières élections, a obtenu quatre fois plus de voix. Comme si on pouvait parler de force et d'influence du Parti alors que la vente de la presse baisse, que l'organisation a perdu la moitié de ses membres, et que le niveau idéologique des membres, de l'aveu même des responsables, est "lamentable". En entendant Damen parler des victoires du Parti, on ne peut manquer de penser qu'il y a des victoires qui sont les pires des défaites.
Peut-être ne serait-il pas inutile, pour calmer un peu la fièvre des participationnistes, de leur citer l'exemple du parti trotskyste en France qui en 1946 avait également obtenu un succès groupant sur ses listes près de 70.000 voix.
Cela n'a pas empêché ce parti de voir la masse de ses électeurs fondre comme neige au soleil aux élections suivantes, et un an après, voir fondre ses propres rangs. Une bonne partie de ses militants poussant la logique à aller vers les masses à fond, a fini par aller au Rassemblement Démocratique Révolutionnaire où le nombre est plus grand et où leurs paroles peuvent avoir plus d'écho.
Car c'est exactement ainsi que raisonne le camarade Damen : "En participant aux élections" dit-il aux anti-participationnistes le parti a pu pénétrer dans les grandes masses, porter la nouvelle parole, essayer de donner corps aux vagues aspirations de sortir des chemins battus". Pris par un noble sentiment de semer la bonne parole, l'idée ne lui vient pas à l'esprit que pour lever, la semence doit être faite en terrain approprié, sinon ce n'est qu'un gaspillage de grains et d'énergies. Le révolutionnaire n'a pas à s'inspirer des missionnaires de l'Armée du Salut allant prêcher la parole divine dans les bordels. La conscience socialiste ne s'acquiert pas dans n'importe quelles conditions, elle n'est pas le fait de l'action volontariste, mais présuppose une tendance de détachement des ouvriers d'avec l'idéologie bourgeoise, et ce n'est sûrement pas les campagnes électorales, moments de choix de l'abrutissement des ouvriers qui offrent cette condition.
Il y a longtemps qu'il a été mis en évidence que les racines psychologiques de l'opportunisme sont, aussi paradoxal que cela puisse paraître, son impatience d'agir, son incapacité d'accepter le temps de recul et d'attente. Il lui faut immédiatement " pénétrer dans les masses, porter la nouvelle parole". Il ne prend pas le temps de regarder où il met les pieds. Il est impatient de planter le drapeau du socialisme, oubliant dans sa précipitation que ce drapeau n'a de valeur que pour autant qu'il est planté sur un terrain de classe du prolétariat et non quand il est jeté sur le premier tas de fumier du capitalisme.
Malgré l'orthodoxie léniniste, la trique de la discipline et les succès enregistrés, la résistance des militants contre la politique de la participation augmentait sans cesse. Cela prouve que le PCI d'Italie repose sur des éléments de base très sains. Mais malgré les vives critiques, le Congrès n'a pas résolu la question. Le compromis accepté de renoncer à la participation aux élections de Novembre laisse cependant la question de principe ouverte. Le culte de l'unité et de " ne troublons pas les membres de base" ont prévalu sur la clarté et l'intransigeance des positions. Ce n'est qu'un recul pour mieux sauter. Les militants révolutionnaires ne sauraient se contenter longtemps de ces demi-mesures. Avec ou sans 1 *assentiment des chefs de file, ils devront liquider ces " vieilles armes émoussées " ou se liquider eux-mêmes en tant que révolutionnaires.
LE PROBLEME SYNDICAL
C’est assurément la position prise sur le problème syndical qui présente le fait saillant du Congrès.
Quelle était la position antérieure du PCI ? La plus platement orthodoxe, une copie conforme des thèses de l'IC.
" Le travail au sein des organisations économiques syndicales des travailleurs, en vue de leur développement et de leur renforcement, est une des premières tâches politiques du Parti."
" Le parti aspire à la reconstruction d'une confédération syndicale unitaire, indépendante des commissions d'Etat et agissant avec les méthodes de la lutte de classe et de l'action directe contre le patronat, depuis les revendications locales et de catégories jusqu'aux revendications générales de classes ... Les Communistes ne proposent et ne provoquent la scission des syndicats du fait que les organismes de direction seraient conquis ou détenus par d'autres partis " (Plateforme du PCI - 1946).
C'est sur cette base qu'a été fondé le travail dans les syndicats et allant jusqu'à la participation, là où cela a été possible, surtout en province et dans les petits syndicats, dans les commissions et directions syndicales. Il a soutenu sans réserves les luttes revendicatives économiques considérant ces luttes comme " une des premières tâches politiques du Parti".
Cette conception fut longtemps un principe pour la GCI. Une des raisons de l'hostilité de la GCI à notre égard était notre position antisyndicale. Nous ne pouvons donc qu'exprimer notre satisfaction de voir le PCI abandonner aujourd'hui la plus grande partie de ses vieilles positions concernant l'organisation syndicale, et les revendications économiques.
Nous ne pouvons que souscrire à cette définition:
" Le Parti affirme catégoriquement que le syndicat actuel est un organe fondamental de l'Etat capitaliste y ayant pour but d’emprisonner le prolétariat dans le mécanisme productif de la collectivité nationale " ou encore " la classe ouvrière, au cours de son attaque révolutionnaire3 devra détruire le syndicat comme un des mécanismes les plus sensibles de la domination de classe du capitalisme". Nous souscrivons d'autant plus volontiers que nous retrouvons là, non seulement les idées que nous avons défendues depuis longtemps, mais la reproduction jusqu'à nos propres termes et expressions ([4] [14]).
Remarquons cependant que dans la question syndicale, comme dans bien d'autres questions, le PCI a laissé une fois de plus une petite fenêtre ouverte permettant à l'occasion la repénétration de ces mêmes idées qu'on vient de rejeter par la porte.
Par exemple quand le PCI déclare "son indifférence concernant la question formelle de l'adhésion ou non du travailleur au syndicat", il ne fait que prendre une position passive qui cache mal son attachement affectif au syndicat. Dire que "ce serait pêcher par abstraction que propager le mot d'ordre de la sortie des syndicats; mot d'ordre concevable seulement quand les situations historiques poseront les conditions objectives pour le sabotage du syndicat", c'est chercher des prétextes sophistiqués pour ne pas choquer les sentiments arriérés des masses. Si on est convaincu que le syndicat est et ne peut désormais être qu'un organisme d'Etat capitaliste, avec la fonction d'emprisonner les ouvriers au service de la conservation du régime capitaliste, on ne peut rester "indifférent" au fait que l'ouvrier en fait ou non partie organiquement, pas plus que nous ne restons indifférents au fait que les ouvriers fassent ou non partie des maquis, des comités de libération nationale, des partis ou toutes autres formations politiques du capitalisme.
Il n'est jamais venu à l'esprit d'un militant sérieux que l'abandon par les ouvriers des formations politiques du capitalisme dépend de ce qu'il lancera ou non le mot d'ordre. Il sait parfaitement que cela sera le résultat des conditions objectives; mais cependant cela ne l'empêche pas, mais au contraire, exige de lui de faire de la propagande et d'appeler les ouvriers à déserter ces organisations de la bourgeoisie. La désertion des organisations du capitalisme n'est pas seulement une manifestation mais également une condition de la prise de conscience des ouvriers. Et cela reste valable aussi bien pour les organisations syndicales que pour les organisations politiques. De toutes façons, l'indifférence en matière de positions politiques n'est que le camouflage d'un acquiescement effectif et honteux.
Mais il y a mieux. Le PCI dénonce les syndicats mais préconise le rassemblement des ouvriers dans la fraction syndicale. Qu'est-ce donc que cette fraction syndicale ?
" C'est -dit d'abord le document de la CE déjà cité- le réseau des groupes d'usines du parti qui agissant sur la base unitaire de son programme etc ...constituent la fraction syndicale".
On serait tenté de croire à la première lecture qu'il s'agit tout simplement de cellules du Parti, mais à examiner de plus près, on s'aperçoit qu'il s'agit de toute autre chose. Premièrement, on comprend difficilement pourquoi l'ensemble des cellules d'usines se constitueraient en un organisme à part, séparant et divisant l'unité du Parti en deux : d'un côté les ouvriers groupés à part dans les cellules d'usines et d'un autre côté les non-ouvriers groupés on ne sait exactement où, mais également à part.
Deuxièmement, la gauche italienne s'est toujours opposée dans l'IC à l'introduction de cette structure des cellules d'usines, voyant en elles une tendance à l'ouvriérisme et un moyen bureaucratique d'étouffer la vie idéologique du Parti ([5] [15]). Il serait vraiment surprenant que le PCI rompe aujourd'hui avec cette position traditionnelle et plus que jamais valable. Troisièmement, quelles peuvent donc être les tâches spécifiques des membres ouvriers du Parti distinctes des taches de l'ensemble du Parti, et finalement on ne comprend pas que cet organisme centralisé, unifié sur le plan de l'ensemble du pays, constituerait et porterait précisément le nom de ... fraction syndicale.
En vérité la fraction syndicale n'est pas les cellules d'usines du Parti, mais bien une organisation séparée, distincte du Parti créée par celui-ci et dirigée par lui. Certainement le Parti ne se fait pas trop d'illusions sur l'ampleur que peut prendre cette organisation dans l'immédiat : " dans la situation actuelle, c'est la réduction de la fraction syndicale aux seuls membres du parti et_ à quelques sympathisants, agissant dans l'usine ou dans le syndicat, qui se vérifiera le plus souvent". Mais ce n'est pas pour cela que le Parti crée cette organisation; il la destine à une fonction bien plus importante :
" II ne dépend pas d’un effort volontariste du Parti mais de l'évolution de la situation générale et de la dynamique des luttes sociales, que des prolétaires, syndiqués ou non, inscrits ou non à d'autres partis, se rassemblent autour de nos groupes d'usine".
De ces textes, il ressort clairement que la fraction syndicale a une double fonction. Dans l'immédiat " agissant dans l'usine ou dans le syndicat", et de servir dès à présent de noyaux autour desquels se rassembleront demain les ouvriers de toutes les tendances, de tous les partis, en quelques sorte des embryons de soviets.
Il est à remarquer que le PCI qui craint de "pêcher par abstraction" en préconisant la désertion des syndicats en l'absence des conditions objectives nécessaires, ne craint cependant pas le péché de bluff en constituant aujourd'hui les embryons de futurs soviets.
D'une part, le parti a renoncé à son action dans les syndicats et à l'illusion de pouvoir agir, actuellement, dans les masses, d'autre part il reprend la même action syndicale et le travail des masses, non directement mais par l'intermédiaire d'une organisation spéciale créée à cette fin :1a fraction syndicale. Aussi ne pourrait-on rien lui reprocher, chacun a son compte et tout le monde est content.
Ainsi le pas en avant fait dans la question a été immédiatement suivi de deux pas en arrière ([6] [16])
Finalement l'erreur d'hier a été doublée d'une confusion d'aujourd'hui. En ajoutant la confusion nouvelle à l'erreur passée, ça ne fait toujours qu'une confusion dans l'erreur et on n'a pas avancé d'un iota.
CONCLUSIONS
Nous venons de faire l'examen des travaux du P.C.I. Si on ne peut pas parler de son apport dans la clarification des problèmes fondamentaux de l'époque, de l'avis même de ses partisans on peut constater que le plus clair de son travail consistait dans le bouleversement total qu'il a apporté dans les positions et l'orientation prises à sa Conférence constitutive.
On trouverait difficilement un autre exemple dans les annales des groupes politiques, où une plateforme constitutive se trouve être aussi profondément malmenée et infirmée, dans un laps de temps aussi court.
Notre époque peut avec raison être caractérisée par ces changements brusques et la rapidité de son cours. Mais on ne saurait attribuer à cela le vieillissement surprenant de la Plateforme du P.C.I. car elle était déjà hors du cours et frappée de sénilité à sa naissance. Cette constatation faite par les délégués eux-mêmes au Congrès n'est pas le fait du hasard. Elle a ses racines, entre autre, dans la suffisance et la prétention de détenir seule la vérité révolutionnaire, haussant les épaules à la seule idée de pouvoir apprendre quelque chose dans la confrontation d'idées avec d'autres groupes révolutionnaires dans les divers pays.
Deux ans et demi ont suffi pour ne laisser subsister intactes aucune des pages de la Plateforme de Décembre 1945. C'est une leçon sévère mais qui pourrait être salutaire si les camarades de la CCI comprennent et acceptent cette leçon. A cette seule condition l'expérience pourrait ne pas avoir été vaine.
Pour finir, et dans la mesure où il nous est possible et permis de juger de loin et de formuler un avis, nous estimons prématurée la conclusion tirée par le camarade Bernard qui dit" "pour les militants sincèrement révolutionnaires il n'y a pas d'autre voie que la scission et la création d'un nouveau regroupement politique qui ait comme tâche fondamentale la recherche et la formulation des bases idéologiques pour la formation future du vrai parti de classe". Nous ne méconnaissons pas les immenses difficultés auxquelles peuvent se heurter ces camarades dans l'atmosphère qui règne dans le PCI. Mais il est incontestable que le PCI d'Italie reste à ce jour la principale organisation révolutionnaire prolétarienne et probablement la plus avancée en Italie. Tout comme après la Conférence de 1945 nous estimons qu'en son sein sont rassemblés un grand nombre de militants révolutionnaires sains, et de ce fait cette organisation ne peut être considérée comme perdue d'avance pour le prolétariat.
En 1945 nous écrivions que derrière le patriotisme et l'apparence d'unité existent des divergences réelles qui ne manqueront pas de se manifester et de se cristalliser en tendances opportunistes et révolutionnaires. Aider à cette cristallisation, contribuer à dégager les énergies révolutionnaires afin qu'elles puissent trouver leur maturation et leur expression la plus avancée, tel nous paraît être encore aujourd'hui la tâche la plus urgente du révolutionnaire sincère.
(Bulletin de Mai 1948 sur le Congrès du P.C.I. d'Italie).
[1] [17] Faute de place, nous ne pouvons pas publier toujours des articles in extenso. Nous savons combien cela est insatisfaisant, souvent gênant, comportant le risque de la déformation et nous sommes les premiers à le déplorer. Nous nous efforcerons autant que possible de 1'éviter, la meilleure solution étant certainement la publication d'un recueil des principaux articles de cette revue. Un souhait à réaliser.
[2] [18] Voir cette "théorisation" chez les dissidents bordiguistes et situationnistes comme le"Mouvement Communiste", "Négation", et tout particulièrement dans "Invariance" n°2 nouvelle série.
[3] [19] Il est peut-être nécessaire d'insister sur une autre erreur couramment commise et qui consiste à lier l'existence du Parti à la période révolutionnaire et insurrectionnelle. Cette "idée" qui ne conçoit 1 'existence du Parti qu'uniquement en période de révolution est source de bien des confusions.
a) Elle confond le Parti avec les Conseils. Ces derniers parce qu'ils sont 1'organisation spécifique de la classe pour la conduite de la révolution et la prise du pouvoir - ce qui n'est pas la fonction du Parti - ne peuvent apparaître et exister qu'uniquement dans la révolution.
b) Une telle idée reviendrait à dire qu'il n'a jamais existé dans l'histoire de Parti de la classe ouvrière. Ce qui est une pure absurdité.
c) C'est ignorer les raisons du surgissement du Parti dans la classe et ses fonctions, dont une principale est d'être un facteur actif dans le processus de prise de conscience de la classe.
d) "L'organisation des ouvriers en classe donc en Parti" (Marx) signifie un caractère constant, de 1'existence du Parti, que seule une période de défaite et de réaction profonde vient à mettre en question.
Une période de reprise et de développement des luttes de classe du prolétariat ouvre le processus de la reconstruction du Parti. Ne pas le comprendre c'est maintenir les pieds sur les freins au moment où la route amorce une longue montée.
[4] [20] Voir notamment nos thèses sur les problèmes actuels du mouvement ouvrier. INTERNATIONALISME n°31, Février 1948.
[5] [21] Voir par exemple l'article "LÀ NATURE DU PARTI" publié par Bordiga en 1924.
[6] [22] Pour qu'on ne nous accuse pas de déformation intentionnelle de la pensée du PCI, nous citerons l'explication donnée par la Fraction Belge sur ce point : "s'il y a des ouvriers qui ne veulent pas adhérer au Parti, encadrer ceux-ci dans les fractions syndicales du Parti, qui seront peut-être aussi demain les bases pour la création de nouveaux syndicats".
Liens
[1] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[2] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/imperialisme
[3] https://fr.internationalism.org/rinte36/crise.htm#_ftn1
[4] https://fr.internationalism.org/rinte36/crise.htm#_ftnref1
[5] https://fr.internationalism.org/tag/recent-et-cours/crise-economique
[6] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/battaglia-comunista
[7] https://fr.internationalism.org/tag/questions-theoriques/cours-historique
[8] https://fr.internationalism.org/rinte36/adresse.htm#_ftn1
[9] https://fr.internationalism.org/rinte36/adresse.htm#_ftnref1
[10] https://fr.internationalism.org/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[11] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn1
[12] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn2
[13] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn3
[14] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn4
[15] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn5
[16] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftn6
[17] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref1
[18] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref2
[19] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref3
[20] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref4
[21] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref5
[22] https://fr.internationalism.org/rinte36/pci.htm#_ftnref6
[23] https://fr.internationalism.org/tag/conscience-et-organisation/gauche-italienne