Plus de 10.000 morts en un an ; tous les jours et pendant plusieurs mois, la répétition incessante des manifestations et de la répression; l'ensemble du pays paralysé par la grève quasi-générale des ouvriers du pétrole, mais aussi des hôpitaux et des banques, des transports et de la presse; les universités et les écoles fermées; les avertissements jusqu'aux menaces d'intervention des grandes puissances ; les évacuations des ressortissants étrangers; les tergiversations de l'armée et du Shah, de l'opposition religieuse et du Front National; tels sont les événements qui ont révélé ouvertement la décomposition sociale, la crise politique et la paralysie du système, illustration dans un pays des caractéristiques et des perspectives de la situation actuelle du monde capitaliste dans son ensemble.
Au plan économique d'abord, le mythe de l'Iran, longtemps donné comme l'exemple d'une nation en développement, promise par le Shah au 5ème rang mondial pour la fin de ce siècle, s'est écroulé comme un château de cartes.
En 1973, pour la première fois, le déficit extérieur chronique de l'Iran se résorbait et en 1974 les exportations dépassaient les importations de 52%. Ce bond fit croire alors au "décollage" économique, tout comme ce fut le cas pour le Brésil ; enfin, disait-on, un pays du Tiers-Monde montrait la possibilité de sortir du sous-développement. Mais l'illusion s'est rapidement dissipée avec un excédent ramené à 23% dès 1975. En fait, dépendant à 96% du pétrole pour ses ressources d'exportation, l'Iran n'avait fait que bénéficier du quadruplement du prix du pétrole tout à fait conjoncturellement. Ceci ne correspondait pas au profit de la vente d'un produit devenu subitement "rare" sur le marché, comme le battage sur la "pénurie" de pétrole tentait de le faire croire, mais à une hausse des prix, voulue par les Etats-Unis et ses grandes compagnies pour remettre en ordre, à leur profit, le marché sursaturé de l'or noir. Par cette hausse en effet, les Etats-Unis, se trouvant eux-mêmes parmi les principaux producteurs de pétrole, accentuaient la mise sous rationnement de leurs alliés et concurrents, l’Europe et le Japon, en rendant la production américaine plus compétitive sur le marché mondial tout en faisant payer par ceux-ci l'armement des pays pétroliers (avec les Eurodollars fournis à l’OPEP par les achats de pétrole).
La "nouvelle richesse" des pays producteurs de pétrole devait vite céder sous les coups de la compétition acharnée issue de la surproduction mondiale dans tous les domaines et dans celui* du pétrole, amenant l'Iran à réduire ses ambitions de grandeur et à concentrer ses efforts sur les secteurs vitaux de l'économie nationale. Le "décollage" de l'Iran a fait long feu : il n'a pas été un souffle juvénile de santé du capital national mais un sursaut de l'agonie du capitalisme mondial. Il n'est plus question de prospérité désormais ; seul subsiste un endettement croissant pour les achats massifs d'armements ultra-perfectionnés et la fourniture d'usines "clés en mains" que la bourgeoisie n'a jamais pu faire réellement tourner.
Au plan politique ensuite, la bourgeoisie iranienne dont le pouvoir repose tout entier sur l'armée, seule force capable dans un pays sous-développé d'assurer à l'Etat un minimum de cohésion, dispose d'une marge de manoeuvre de plus en plus réduite. La monarchie du Shah tout-puissant ne représente pas un féodalisme retardataire et anachronique, dont la bourgeoisie pourrait se débarrasser pour aller de l'avant, mais bien une forme de capitalisme d'Etat concentré issu de la faiblesse historique et structurelle du capital national. L'évolution de l'Iran, marquée par des tentatives de "modernisation" et la mise à l'écart des secteurs archaïques de l'appareil productif, orientée toute entière par l'économie de guerre sur le pétrole et l'armement, seuls domaines du "développement" et du profit, est une évolution irréversible.
Aucune politique de la bourgeoisie ne peut aujourd'hui remettre en question le rôle prépondérant de l'armée et l'orientation de l'économie nationale sur la seule maigre ressource dont elle dispose dans l'économie mondiale. Dans un tel régime, caractéristique des pays sous-développés, tout est à importer et les "affaires" se traitent avec l'argent fourni par les exportations, avec tout ce que cela suppose de combines, marchandages, détournements de fonds, etc. De la surgissent des oppositions dans la bourgeoisie, mais qui ne peuvent pour autant réellement remettre en question la source des revenus et le fonctionne ment du système. Aucune politique de la bourgeoisie ne peut s'opposer réellement à l'élimination des secteurs non rentables de l'appareil productif sous peine d'accentuer encore la faillite. Pour ces raisons, il n'existe aucune alternative stable réelle et à long terme à la crise qui a mis en mouvement toutes les couches et classes de la population. La bourgeoisie n'est en dernier recours capable de proposer que la mitraille et les massacres répétés des masses paupérisées soulevées ; les oppositions de l'Eglise et Front National ne peuvent jouer que sur la manière d'utiliser l'Etat et l'armée pour mettre en oeuvre le seul véritable intérêt dans la situation : trouver les moyens d'une remise en marche du pays.
L'alternative d'une "Révolution de 1789" en Iran, mise en avant par toute une propagande prompte à fournir ses bons conseils et son appui à la domination bourgeoise secouée par la crise, n'est qu'un mensonge, A l'heure de la crise mondiale du système capitaliste, il n'y a plus de place pour la prospérité et le développement dans le cadre du capitalisme. L'histoire de l'Iran de ces cinquante dernières années est toute entière marquée non par la féodalité à laquelle la bourgeoisie pourrait opposer aujourd'hui une perspective de progrès, mais par la décadence capitaliste, la contre-révolution qui a suivi la vague révolutionnaire des années 1917-23 et le partage du monde issu de la deuxième guerre mondiale. Lorsque le Général des Cosaques Reza Khan, père du Shah actuel, prit le pouvoir en 1921 et se fit proclamer empereur en 1925, l'ère des révolutions bourgeoises était terminée et le régime s'instaurait avec la bénédiction des "alliés" sur les ruines de la guerre généralisée et sur la défaite du prolétariat mondial. Chancelant pendant la deuxième guerre mondiale, parce que penchant vers les puissances de l"Axe", le régime était remis sur pied par les vainqueurs occidentaux après le partage de Yalta entre l’Est et l'Ouest, l'ordre restauré à leur profit par le soutien au Shah contre un Mossadegh au nationalisme pas assez plié à leurs intérêts.
La crise iranienne actuelle s'inscrit toute entière, par ses caractéristiques historiques, économiques et politiques dans la crise mondiale du système capitaliste.
La crise du système provoque, en frappant l'ensemble des moyens de subsistance des couches et classes qui composent la société, une dislocation de sa cohésion et une décomposition sociale. De plus en plus repliée sur l'essentiel de ce qui lui assure le maintien de sa domination, la bourgeoisie est impuissante à fournir des remèdes matériels à la situation. Au contraire, les salaires et le nombre des ouvriers, les subsides et les divers expédients de survie des chômeurs et des sans-travail, les débouchés des étudiants, les profits du petit commerce, les investissements non rentables, sont irrémédiablement laminés par la bourgeoisie. Les contradictions sociales vont alors se révéler ouvertement. D'une part, au sein même de la classe dominante, les pratiques de racket, le bakchich et la corruption de ceux qui ont en mains les rênes gouvernementales, vont provoquer la colère de ceux qui en sont écartés. D'autre part, la misère grandit et la masse des éléments paupérisés grossit, accroissant le mécontentement et poussant de plus en plus à la révolte. Face à un pouvoir d'Etat réduit et identifié à une clique, lorsque toutes ces conditions convergent, le soulèvement de la population surgit d'autant plus vaste et d'autant plus décidé. Car plus les fondements de la domination de classe sont faibles et affaiblis par la crise, plus cette domination est arrogante et crûment imposée.
Comme au Nicaragua contre le dictateur Somoza, en Iran, les récriminations et la colère se sont cristallisées contre le Shah, sa famille, sa police politique. Comme au Nicaragua, à "tout un peuple" regroupé dans les manifestations pour réclamer le départ du tyran, le régime répondait de façon répétée par la répression de l'armée, laissant chaque fois nombre de morts sur le terrain (en septembre à Téhéran, 3000 à 5000 morts en une journée). Mais lorsque les grèves ont surgi, d'abord dans les usines pétrolières puis dans les autres secteurs, la bourgeoisie a dû céder aux revendications de salaires des ouvriers (jusqu'à 50% d'augmentation) pour faire redémarrer sa production. Et pour s'en assurer, l'armée a quadrillé les centres pétroliers, instauré la loi martiale, interdit les rassemblements, arrêté les "meneurs" de la grève. Les grèves ont alors repris contre la répression et l'armée, bloquant à nouveau la production et, en cela, fourni une nouvelle vigueur au mouvement.
Cette fois, au contraire du Nicaragua, l'attaque du symbole de la domination capitaliste était doublée d'une paralysie des bases mêmes de cette domination. La revendication du départ du Shah, au début voeu pieux utilisé pour leurs manoeuvres par les oppositions de l'Eglise et du Front National, auquel le gouvernement pouvait répondre par la seule répression, devenait une question vitale pour la bourgeoisie dès lors que son profit était mis en question par les grèves. Distincte du "peuple", la classe ouvrière se montrait une force capable de résister aux attaques de la bourgeoisie. Au sein des revendications des couches et classes aux motivations aussi disparates et aux intérêts aussi divergents que ceux des bourgeois de plus en plus ruinés des "Bazars" ou excédés par les exactions de la clique du Shah, des sans-travail jetés dans la misère, des étudiants sans débouchés, de la petite bourgeoisie indécise et fluctuante, la classe ouvrière défendait collectivement, sur une base matérielle, ses intérêts, concrétisant en même temps les aspirations des couches paupérisées de la société.
Au contraire de la petite-bourgeoise et des couches intermédiaires qui, dispersées en une multitude d'intérêts particuliers, ne peuvent aller par leur propre mouvement que vers la soumission ou la révolte désespérée, la classe ouvrière, regroupée en corps collectif au coeur de la production capitaliste, peut résister à la misère et aux massacres aujourd'hui et oeuvrer par là à la seule véritable alternative historique, la destruction du capitalisme. C'est cette réalité qui ie déroule en Iran au delà de l'écran de fumée des appels au secours d'Allah et de son prophète Khomeiny ou des tractations du Front National.
"(La classe ouvrière) n'a pas à réaliser d'idéal mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s'effondre". (Troisième Adresse du Conseil Général de l'AIT à la Commune de Paris en I871 Marx).
Avec ce mouvement se sont accentuées les caractéristiques de la crise politique et la rupture du fragile équilibre de l'Etat iranien. Aux premières difficultés, l'Etat a répondu sans ménagement par la répression ouverte. Le Shah recevait l'appui réitéré des Etats-Unis et le président Carter, après le massacre de septembre, tous "droits de l'homme" réduits à leur réalité de vent et de papier, réaffirmait la nature "libérale" du régime. L'URSS respectait une bienveillante neutralité. Le ministre des Affaires Etrangères britannique apportait au Shah un ferme soutien. La Chine, avec le voyage de Hua Kuo Feng, avait aussi donné son appui. Pour tous, la seule possibilité résidait dans le régime du Shah et de son armée. Aucun n'avait quelqu'un d'autre à proposer, une alternative à avancer. L'extension du "chaos" devait pousser la bourgeoisie à préparer des tentatives de relève. Déjà, la France, meilleure auxiliaire de la politique extérieure occidentale, avait récupéré et mis en réserve sous son aile l'opposition religieuse en accueillant comme "réfugié" l'Ayatollah Khomeiny, héraut de l'opposition,"expulsé" d'Irak où il était installé. Le Shah sortait des prisons les éléments du Front National. La valse-hésitation déclenchée par la nécessité de remise en ordre ne pouvait trouver fondamentalement d'autre point d'appui que l'armée, ce qui se traduisit par la remise du gouvernement formellement entre les mains de l'armée, et de la part de l'opposition, par des appels répétés à l'armée à passer à ses côtés. Dans le même temps, la bourgeoisie s'activait à trouver des justifications face à la population et à tenter de se rallier les fractions de la bourgeoisie et la petite-bourgeoise neutres, passives ou opposées à la corruption, en cherchant des "hommes intègres" et"non compromis" avec le régime. L'Ayatollah Khomeiny et le Front National maintenaient la radicalité de façade nécessaire pour éviter les débordements en réclamant toujours plus haut le départ du Shah. Au même moment, c'est le Front National qui fournissait l'homme susceptible de faire une première tentative, Bakhtiar ("l'homme des français") et l'Ayatollah Khomeiny créait une commission du pétrole destinée à demander aux ouvriers la reprise du travail sous couvert de la "consommation populaire".
Cette tâche n'est déjà pas facile lorsque le "peuple" est dans la rue. Et lorsque les ouvriers sont mobilisés et organisés, de tels appels de l'opposition, même la plus crédible et la plus décidée, se retournent contre ses intérêts. Ainsi, les ouvriers acheminèrent effectivement sous leur contrôle le ravitaillement. L'armée dut intervenir pour l'interrompre et l'Ayatollah faire le silence sur cette opération. Le "peuple" n'est bien pour ces fantômes du passé qu'un mot creux pour servir les intérêts nationaux. S'il a un sens pour le prolétariat, il ne peut être que celui de sa force autonome capable de vraie solidarité avec les immenses masses paupérisées. Il ne peut jamais être celui qu'entendent les "humanistes", les "démocrates" et les "populistes" qui, proposant leurs bons offices pour la défense du capital national, volent dans le "peuple" la masse de manoeuvre pour appuyer leurs ambitions.
Cette illustration de la crise politique montre la bourgeoisie en Iran, comme cela le sera de plus en plus partout dans le monde, sans aucune véritable issue à sa crise. Les "hommes politiques" de la bourgeoisie sont aujourd'hui de plus en plus des "hommes de transition", des "techniciens", cachant ou non selon les possibilités et les besoins de la bourgeoisie, les véritables "hommes" de la bourgeoisie, ceux de l'armée, de la police et de tous les corps de répression de l'Etat. En Iran, l'alternative n'est pas Khomeiny ou l'armée, ou Sandjabi ou l'armée : tant que l’Etat capitaliste existe, l'armée sera toujours là, avec un Khomeiny, avec un Sandjabi, comme avec un Shah. Les "relèves" ne peuvent constituer qu'un nouveau masque pour l'armée et ses fonctions d'encadrement car elle est la seule force sur laquelle la bourgeoisie peut asseoir son pouvoir. Et historiquement, les deux seules forces qui sont appelées à s'affronter de façon décisive sont la bourgeoisie et le prolétariat, l'armée et les ouvriers.
Dans l'immédiat, la bourgeoisie, pour faire face à la classe ouvrière, essaie de dissoudre ses intérêts dans l'ensemble de la population pour la démobiliser et perpétuer la dictature du capital. Les fondements des discussions et des manoeuvres politiques de la bourgeoisie, du gouvernement et de l'opposition, et au sein même de l'armée, sont de mater la révolte et/ou de dissocier dans l'esprit de la population et des ouvriers soulevés, le Shah et l'Etat, pour leur jeter, s'il le faut, le Shah en pâture sans rien toucher à l'Etat.
"La révolution jusqu'au départ du Shah", criaient les manifestants de Téhéran. Si le départ du Shah est la condition de l'arrêt de la marche du prolétariat, la bourgeoisie fera tout pour en arriver là, pousser les ouvriers à prendre la proie pour l'ombre, à croire que le but de la lutte est la chute du Shah, la fin de leur mouvement et de leur mobilisation.
Par la bourgeoisie, aucune perspective n'existe aujourd'hui, ni à court, ni à long terme. L'abandon du Shah et un autre gouvernement ne sont que la perpétuation et l'accélération des mêmes conditions de crise, de misère, de guerre et de répression.
Pour le prolétariat, à long terme, par l'extension et la généralisation de son combat au monde entier et fondamentalement dans les grandes concentrations industrialisées du capital, la perspective est celle de la destruction de ce système par la révolution communiste. Le combat de la classe ouvrière en Iran est un moment de ce combat général. Il n'est pas circonscrit à l'Iran, il a ouvert de nouvelles expériences vers des possibilités d'extension et de généralisation, par sa propre organisation et vis-à-vis des masses paupérisées de la société; il a montré, pour le prolétariat du monde entier, dans un pays situé sur la ligne des affrontements inter impérialistes, qu'il pouvait enrayer les attaques de la bourgeoisie.
Pour la classe ouvrière en Iran, le danger est à court terme de laisser diluer ses intérêts dans ceux de toute la population si elle accepte une union contre-nature du capital et du travail avec une quelconque fraction de la bourgeoisie, le danger d'une exploitation et d'une répression renforcées. Sa force réside dans sa capacité à rester mobilisée sur son terrain de classe.
M.Gr
Dans la première quinzaine de Novembre s'est réunie à Paris la deuxième Conférence des groupes communistes en continuation de la première qui a eu lieu sur l'initiative de Parti Communiste Internationaliste (Battaglia Communista) en Mai 1977 à Milan. Il n'est pas dans notre Intention de donner, dans le cadre de cet article, un compte-rendu détaillé des débats. Celui-ci fera l'objet d'une brochure spéciale qui paraîtra prochainement en anglais, français, et italien afin de permettre à tous les militants révolutionnaires de suivre l'effort de clarification au travers de la confrontation des groupes qui ont participé à cette conférence. Plus modestement, nous nous proposons dans cet article, de dégager â grands traits, la signification importante à nos yeux de la tenue d'une telle conférence, tout particulièrement dans la situation actuelle et répondre en même temps à l'attitude très négative que certains groupes ont jugé bon d'adopter à rencontre de cette conférence.
Tout d'abord nous devons souligner que cette deuxième conférence a été mieux préparée, mieux organisée que la première, et cela aussi bien du point de vue politique quforgan1sat1one1. Ainsi 1'Invitation a été faite sur la base de critères politiques précis. L'Invitation s'adressait à tous les groupes qui :
1) Se réclament et défendent les principes fondamentaux qui ont présidé à la Révolution prolétarienne d'Octobre 1917 et à la constitution de la Troisième Internationale de 1919 et qui a partir de ces principes entendent soumettre à la critique constructive les positions politiques et la pratique élaborée et énoncée par l'IC à la lumière de l'expérience.
2) Rejettent sans la moindre réserve toute prétendue existence dans le monde de pays à régime socialiste ou de gouvernement ouvrier, même avec le qualificatif de "dégénéré". Rejettent toute distinction de classe à établir entre les pays du bloc de l'Est ou de la Chine avec les pays du bloc de l'Ouest et dénoncent comme contre-révolutionnaire tout appel à la défense de ces pays.
3) Dénoncent les P.S. et les P.C. et leurs acolytes comme des partis du capital.
4) Rejettent catégoriquement l'idéologie de l’ « antifascisme », établissant une frontière de classe entre le fascisme et la démocratie en appelant les ouvriers à défendre ou à soutenir la démocratie contre le fascisme.
5) Proclament la nécessité pour les communistes d'oeuvrer pour la reconstruction du Parti, arme indispensable pour la victoire de la Révolution Prolétarienne.
Un simple énoncé de ces critères fait comprendre à tout ouvrier qu'il ne s'agit pas d'un ramassis de toutes les "bonnes volontés" mais de groupes authentiquement communistes se démarquant nettement de toute la faune gauchiste : maoïstes, trotskystes, modernistes, et autres conseil listes bêlants "anti-parti".
Ces critères, certes insuffisants pour établir une plate-forme politique pour un regroupement sont par contre parfaitement suffisants pour savoir avec qui on discute et dans quel cadre, afin que la discussion soit réellement fructueuse et constitue un point positif.
D'autre part et en amélioration de la première conférence, l'ordre du jour des débats a été établi, longtemps avant la conférence elle-même, permettant ainsi aux groupes de présenter leurs points de vue dans des textes écrits â l'avance, rendant plus clairs les débats à la Conférence. L'ordre du jour était le suivant :
- 1) L'évolution de la crise et les perspectives qu'elle ouvre pour la lutte de la classe ouvrière.
- 2) La position des communistes face aux mouvements dits de "libération nationale".
- 3) Les tâches des révolutionnaires dans la période présente.
Un tel ordre du jour démontre que la conférence n'avait rien de commun avec ces colloques académiques de singes savants, de sociologues et économistes se gargarisant de "théorie" dans l'abstrait. C'est une préoccupation militante qui présidait à la conférence, cherchant à dégager une plus grande compréhension de la situation mondiale actuelle, de la crise dans laquelle est plongé le capitalisme mondial et ses perspectives du point de vue de classe du prolétariat, ainsi que les tâches qui en découlent pour les groupes révolutionnaires au sein de la classe.
C'est dans le cadre de ces critères et dans un souci militant qu'ont été invités une douzaine de groupes de divers pays. La plupart ont répondu favorablement à cette initiative, même si certains n'ont pu à la dernière minute et pour des raisons diverses y assister. Ce fut le cas d'"Arbetarmakt" de Suède, d'HORCIAM de France et "Il Leninista" d'Italie. On doit cependant noter que quatre groupes ont refusé toute participation. Ce sont le Spartacusbond" de Hollande, le P.I.C. de France et les deux « partis » communiste international (PCI " Pogramme" et PCI "Il Partito Communista") d'Italie.
Il n'est pas sans Intérêt d'examiner de plus près les arguments avancés par chacun de ces groupes et les vraies motivations qui ont décidé leur refus. Pour le "Spartacusbond" de Hollande, la chose est simple : le groupe Spartacus est contre toute idée de Parti. Le seul mot de Parti lui fait hérisser les cheveux. C'est en vain que ce groupe, né le lendemain de la deuxième guerre, prétend se réclamer de la tradition et comme continuité de la gauche communiste hollandaise et allemande dont il est une pâle caricature. C'est tout au plus de l'Otto Rhule assaisonné de Sneevliet qu'il pourrait se réclamer, mais certainement pas de Gorter et de Pannekoek qui eux n'ont jamais nié le principe de la nécessité d'un Parti communiste. Spartacus s'avère être la fin sénile du Courant Communiste Conseilliste devenu une petite secte, repliée sur elle-même, isolée et s'isolant chaque jour plus du mouvement ouvrier international. Son refus ne fait que montrer l'épuisement définitif du courant conseilliste pur, se confondant et s'Intégrant chaque jour plus avec le marais gauchiste. C'est une triste fin d'une évolution Irréversible produit d'une trop longue période de contre-révolution.
De différente façon se présente l'attitude du P.I.C. Après avoir donné son accord de principe pour la première conférence de Milan, il revient sur sa décision à la veille de celle-ci, estimant que dans les circonstances présentes, cela serait un "dialogue de sourds". Pour la deuxième conférence, il fonde ainsi son refus de principe : refus de participer à des conférences "Bordigo-Léninistes". Là aussi, nous assistons à une évolution précise. Quand, il y a quelques cinq ou six ans, les quelques camarades qui ont quitté Révolution Internationale pour constituer le groupe "Pour une Intervention Communiste" fondaient leur séparation sur le reproche d'une Intervention insuffisante de la part de R.I. En mettant de côté l'activisme verbal du P.I.C qui l'a conduit à toutes sortes de "conférences" et de "campagnes" (sic!) plus artificielles les unes que les autres, il reste évident aujourd'hui ce que nous avons toujours affirmé : que le vrai débat n'était pas "intervention ou non Intervention" mais bien "de quel type d'intervention, sur quel terrain, et à côte de qui". Ainsi le P.I.C. qui se livre de temps à autre à des "conférences" avec toutes sortes de groupes et d'éléments anarchisants ou des groupes "autonomes" plus que fantomatiques et qui se terminent à chaque fois en queue de poisson, est vraiment bien placé pour parler de "dialogue de sourds" quand il s'agit de discussions entre des groupes vraiment communistes. Ceci n'est pas tout. Revenu de ses tentatives malheureuses de constituer un courant anti-CCI avec "Revolutionary Perspectives", "Workers Voice", et le "RWG" (ces deux derniers disparus depuis dans la nature sans laisser de traces), le P.I.C., quelque peu refroidi pour ce qui concerne les groupes de la gauche communiste, s'est rabattu sur les éléments de la gauche socialiste et participait au groupe initiateur qui a relancé la vieille revue socialiste de gauche "Spartacus", sous la haute direction de son fondateur René Lefeuvre. Dans cette revue, où s'étalent à longueur de pages la glorification de l'armée républicaine de la guerre d'Espagne de 36-39, les hauts faits de "l'anti-fascisme" promoteur actif de la deuxième boucherie mondiale, les hommages chaleureux de Marceau Pivert, du PSOP (le PSU d'avant-guerre), du POUM, les louanges et souvenirs attendrissants de l'action héroïque trotskyste dans la Résistance durant la guerre, le PIC se trouve à son aise et fait partie de la rédaction. Ses narines délicates qui ne sauraient supporter l'odeur horrible des "Bordigo-Léninistes" se dilatent voluptueusement à l'encens parfumé du Socialisme de gauche et de 1'anti-autoritarisme. Dans cette basse-cour de la Social Démocratie ([1] [3]) on PICore tout à son aise et on peut même s'offrir de temps à autre le plaisir de faire des critiques "radicales" et de jouer "l'enfant terrible" ultra-révolutionnaire. Il est vrai que "Spartacus" est une revue très ouverte, très large. Mais le fait d'être large est loin d'être toujours une qualité ! Ce qui fait l'unité, le ciment de l'équipe de "Spartacus", c'est l’antibolchevisme tripal qu'il confond volontairement et sournoisement avec le stalinisme. Les socialistes de "gauche" n'ont jamais attendu le stalinisme pour dénigrer les bolcheviks, les Lénine et combattre au nom "du socialisme démocratique" la révolution d'Octobre et le communisme. Au nom de l’antibolchevisme, les socialistes de gauche ont toujours été la queue misérable de la Social -Démocratie, des Scheidemann-Noske, des Turati et des Blum. Cela ne gêne pas le PIC de marcher et de collaborer avec eux. Ce n'est pas dans l'arsenal et la continuité de la Gauche Communiste que le PIC va chercher sa critique contre telle ou telle position des bolcheviks et de Lénine, mais dans les poubelles des consulats tsaristes et de Kerenski ou encore en PICorant sur le fumier de la gauche socialiste. Dans sa fougue antibolchevik, le PIC oublie que, quelles que puissent être nos divergences avec les bolcheviks, elles ne peuvent changer notre jugement sur la social-démocratie, qu'elle soit de droite ou de gauche, car ce qui sépare les communistes de la social-démocratie est ce fossé infranchissable : l'appartenance à deux classes mortellement ennemies : les communistes appartenant au prolétariat, la social-démocratie à la bourgeoisie. Ne serait-ce que cette leçon, nous la devons entièrement à Lénine et au parti bolchevik. Ce n'est donc pas par hasard, mais pour avoir oublié cette leçon, que le PIC peut, des creux des colonnes de Spartacus où il a fait sa niche douillette, refuser de se déranger pour discuter avec les "bordigo-léninistes". On peut se demander si c'est son "anti-léninisme" viscéral qui fait s'approcher le PIC de la gauche socialiste ou, au contraire, si c'est son rapprochement du socialisme de gauche et du gauchisme qui le rend si farouchement antibolchevik ? Ou encore les deux à la fois ? Une chose reste certaine : c'est que le PIC se trouve sur un point situé quelque part entre les socialistes de gauche et Lénine, c'est-à-dire violemment antibolchévik (radicalisme en paroles) en collaboration avec les socialistes de gauche (opportunisme dans la pratique).
Pas le moins cocasse de cette histoire est l'article de critique publié par la "Jeune Taupe" à l'égard du groupe "Combat Communiste". Dans cet article, le PIC "gronde" "Combat Communiste" de leur non-rupture totale avec les trotskystes et leur rappellent à cette occasion (une fois n'est pas péché mortel) : "Comme le disait Lénine à Zimmerwald par rapport aux sociaux-démocrates, c'est-à-dire (que ces derniers) étaient hors du camp du prolétariat et donc dans celui de la bourgeoisie. Si on est tant soit peu conséquent, on ne peut pas les considérer comme des camarades dans l'erreur et à plus forte raison militer a leurs côtés". ([2] [4]) (souligné par nous). Le PIC n'est donc pas complètement amnésique -même s’il est un peu faible de la tête. Quand il s'agit d'admonester "Combat Communiste", il se rappelle bien que : "pour lui (Lénine) les sociaux-démocrates étalient des ennemis de classe avec lesquels il appelait à rompre. Ainsi la Troisième Internationale se constituera en opposition aux tentatives de reconstitution de la deuxième Internationale-.." ([3] [5]). Excellente mémoire ! Mais à croire que le PIC ne se regarde jamais dans la glace. A moins, à moins que ... ce qu'il considère comme indispensable : la rupture avec le trotskisme, devienne moins évidente lorsqu'il s'agit de collaborer avec la gauche socialiste. Nous serons encore d'accord avec la conclusion de l'article cité : "Les années qui viennent et qui devraient voir le prolétariat ressurgir sur la scène de l'histoire comme sujet de son propre devenir ne toléreront pas la moindre confusion théorique. Ce qui est aujourd'hui inconsistance et fantaisie deviendra demain danger mortel et théorie contre-révolutionnaire. C'est maintenant qu'il faut se prononcer clairement, qu'il faut choisir son camp." ([4] [6]). Exactement ! C'est tout à fait exact ! Faut-il conclure que le PIC, en refusant de venir à la Conférence de crainte d'être contaminé par les "Bordigo-Léninistes" et en restant tranquillement dans les rangs de Spartacus, a déjà choisi son camp ? Le proche avenir nous le dira.
Pour ce qui concerne les deux PCI bordiguistes, ils n'ont pas daigné faire savoir directement leur refus mais se sont contentés de publier chacun un article dans leur presse, plus dénigrant et persiflant l'un que l'autre. Quand on se dit Parti Communiste International, on garde son rang et on ne se rabaisse pas à répondre â d'autres qui ne sont que de simples groupes On a sa dignité a sauvegarder que diable, même si on n'est en réalité qu'un petit groupe, lui-même divisé et subdivisé en quelques trois [ou quatre partis communiste! Internationaux, qui s'ignorent entre eux !
Provenant, après la mort de Bordiga, d'une scission obscure avec l'organisation de Programma, le groupe de Florence, dans la stricte tradition du bordiguisme où il ne saurait exister dans tout l'univers qu'un seul Parti, s'est tout simplement auto-proclamé "Parti Communiste International". Ce grand "Parti International" de Florence est donc tout indiqué pour vilipender les "misères des faiseurs de Parti". ([5] [7]). Comment rassurer ces gens ombrageux que personne dans la Conférence n'en voulait à ce qu'ils considèrent être leur bien exclusif. Personne dans la Conférence ne posait le problème d'une constitution immédiate du Parti, même pas celui de la constitution d'une organisation unifiée et cela pour la simple raison que tous les groupes étaient parfaitement conscients de l'immaturité d'un tel projet. Ce n'est rien comprendre au problème du Parti de classe, que de penser qu'il se décrète par la simple volonté de quelques militants et dans n'importe quelles conditions. Cette conception volontariste et idéaliste du Parti qui se décrête n'importe quand, indépendamment de l'état et du développement de la lutte de classe n'a rien â faire avec la réalité qui fait que le Parti est un organisme vivant de la classe qui ne surgit et se développe que quand les conditions sont données pour qu'il puisse assumer effectivement les tâches qui sont les siennes. Les jongleries bordiguistes sur le Parti formel et le Parti historique ne servent qu'à couvrir leur ignorance totale de la différence entre les fractions ou groupes et le Parti, et par là même leur incompréhension de la formation effective du Parti.
La conception qu'on a de la nature et la fonction du Parti est une question qui a soulevé le plus de débats passionnés dans l'histoire du mouvement marxiste. Il suffit de rappeler les divergences qui opposèrent Rosa Luxembourg et Lénine, le Parti bolchevik et la Gauche Allemande, la fraction de Bordiga à l'Internationale Communiste, et la fraction Italienne de Bilan au PCI reconstitué a la fin de la deuxième guerre. Elle reste encore aujourd'hui un sujet de discussions et de précisions au sein du mouvement des Communistes de Gauche. Libre à des groupes dans une ville provinciale quelconque, de se proclamer un beau jour "Parti unique et mondial", aucune loi ne peut les empêcher de le faire. Mais de là qu'il le soit réellement, et d'y croire, relève d'une douce mégalomanie. Mais pour le courant bordiguiste, il ne saurait être question de mettre en discussion leur conception du Parti unique et monolithique, qui prend le pouvoir et exerce sa dictature au nom du prolétariat, même à l'encontre de la volonté de la classe. Car, menace "Il Partito" : "Qui s'oppose à cette conception ou n'accepte pas cette discipline programmatique et organisationnelle se trouve en dehors du camp de la Gauche". Inutile de dire que cette conception est très loin d'être celle de Marx et Engels qui ne s'amusaient pas à se proclamer a tout bout de champ le "Parti", ni a celle d'une Rosa Luxembourg, ni même celle de Lénine, ni celle de Bilan, ni celle de la Gauche Italienne en général; elle appartient, mais strictement, en propre au bordiguisme. Et que cela soit dit sans crainte d'être excommuniés, elle n'est pas non plus la nôtre.
On comprend que les bordiguistes évitent toute discussion avec d'autres groupes communistes et la confrontation de leurs positions avec eux. Ils ne discutent pas déjà entre eux (centralisme organique oblige). Car aucune secte ne saurait mettre en question les dogmes de sa bible invariante. Leur seule dispute est pour savoir qui d'entre leurs nombreux partis sera l'unique, reconnu universellement comme tel. Ces disputes ressemblent étrangement a celles de cette maison d'aliénés où chacun se prend pour le vrai, l'Unique Napoléon !
Le dernier rejeton de 1'avant-dernière scission des bordiguistes : le Parti florentin, n'est pas le moins farouche. Offensé qu'on ait osé 1'inviter à la Conférence, il jette comme une foudre son avertissement : "Les missionnaires de l'unification, groupes politiques de diverses traditions tendent "nolens-vo1ens" à constituer une organisation politique objectivement contre la Gauche et la Révolution". Passons sur les "missionnaires", qui se veut être blessant, et répétons une fois de plus que jamais la Conférence ne posait comme objectif la discussion sur l'unification. Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut entendre. L'heure n'a pas encore sonné pour l'unification dans un seul Parti des différents groupes communistes qui existent aujourd'hui. Mais l'heure, pensons-nous, a largement sonné pour que les groupes communistes sortent de leur isolement hivernal qui n'a que trop longtemps duré. Pendant cette période qui a duré cinq décennies, la contre-révolution a eu raison non seulement de la classe, mais inévitablement aussi du mouvement communiste international qui a été réduit à sa plus simple expression. Peu de groupes de la Gauche Communiste ont résisté et survécu à cette avalanche. Et ceux qui ont réussi à survivre ont été profondément marqués par ce repli général qui a développé chez eux un réflexe d'isolement, un renfermement sur eux-mêmes et un esprit de secte.
Un autre réflexe était la fuite en avant, faire bonne figure contre mauvais sort et qui se traduisait dans cette construction artificielle des Partis, dont les trotskystes se sont rendus maîtres avant la seconde guerre, et que les bordiguistes ont repris après ceux-ci, en dépassant les premiers et, à leur habitude, en le poussant à l'absurde. Dans ces conditions, la constitution du Parti bordiguiste devenait une marche à contre sens de la réalité et ne pouvait qu'accuser échec sur échec. Autant le développement de la lutte de classe est un puissant facteur d'un processus d'homogénéisation dans la classe, et donc aussi celui de l'organisation des communistes. Le Parti autant une période de réaction et de contre-révolution est un facteur d'un processus d’atomisation dans la classe et de dispersion de l'organisation des communistes . Le Parti bordiguiste ne pouvait échapper à cette loi, d'où un processus de scissions incessantes dans ses rangs.
On sait que Bordiga était plus réservé quant à l'opportunité de la constitution immédiate du Parti. Il en était de même de Vercesi, qui deux ans après, mettait cette constitution carrément en question, en accord avec la critique que lui-même a développée dix ans avant dans Bilan, à l’encontre de la démarche de Trotsky. Mais au moins chez Trotsky, la constitution du Parti est une conclusion correcte, fondée sur une analyse erronée de la situation. Trotsky voyait dans la France du Front Populaire et dans la guerre civile en Espagne le "début d'une montée révolutionnaire", ce qui impliquait la nécessité de la constitution Immédiate du Parti. Le Parti bordiguiste ne peut même pas invoquer une fausse analyse. C'est pourquoi, il a développé une théorie aberrante qui fait que la constitution du Parti est complètement détachée de tout lien avec la situation réelle de la lutte du prolétariat. Même chez Bordiga, dans sa conception pyramidale du Parti, ce dernier tout en haut de la pyramide repose néanmoins sur la base de la classe dont il est le produit direct. Par contre dans la dialectique des bordiguistes d'aujourd' hui, le Parti reste suspendu, comme dans une lévitation, en l'air, complètement détaché du mouvement réel de la classe; il peut se constituer même si la classe subit les pires conditions de la défaite et de la démoralisation, il lui suffit pour cela de sa connaissance théorique et de sa volonté. Tournant ainsi le dos à toute l'histoire du mouvement ouvrier, faisant fi de ses enseignements et chaque petit groupe bordiguiste se proclamant pour son propre compte le Parti Mondial Unique Reconstitué; il n'est pas étonnant qu'ils ne comprennent absolument pas ce que signifie une période de remontée de la lutte de classe et le processus qu'elle implique nécessairement, de la tendance au regroupement des révolutionnaires. Ainsi les bordiguistes continuent à marcher à contre-sens. Hier, ils levaient le pied quand les marches descendaient, aujourd'hui ils le baissent quand elles sont ascendantes. Il y a une vingtaine d'années, ils lançaient dans le désert des appels au regroupement des révolutionnaires. Aujourd'hui quand de telles possibilités apparaissent, ils ne cessent de les dénigrer et de s'enfermer, eux et leur "dignité" dans leur cocon et dans l'isolement. Toute idée de discussion entre révolutionnaires est pour eux pur blasphème sans parler déjà de regroupement qui leur paraît ne pouvoir jamais être autre chose que "constituer une organisation politique objectivement contre la gauche et la révolution". Faut-il penser qu' ils ignorent à ce point l'histoire, réelle et non critique du mouvement révolutionnaire? La constitution de la Ligue des Communistes, de la première, de la deuxième et de la troisième Internationale, de tous les partis ouvriers, ne se sont-elles pas faites au travers de rencontres, de discussions, entre des groupes éparpillés dans un mouvement de convergence vers une unité politique et organisationnelle? N'était-ce pas le processus préconisé par 1'ancienne Iskra de Lénine de sortir de l'éparpillement de Cercles afin de donner naissance au Parti Russe ? La constitution (tardive) du PC d'Italie à Livourne a-t-elle suivi une autre vole ? Et la reconstruction précipitée du PCI à la fin de la seconde guerre n'était-elle pas elle aussi l'oeuvre de rencontres de plusieurs groupes ?
Le PCI de Florence termine son article en se plaignant : "il est pénible de devoir assister périodiquement à ces misères". Au fond il a raison; il est largement servi par sa propre misère pour que cela lui suffise.
Peu différent -quant au fond de l'argumentation - est l'article, réponse du deuxième PCI, celui de Programma. Ce qui le distingue essentiellement est sa grossièreté. Le titre de l'article "La Lutte entre Fottenti et Fottuti " (littéralement entre "enculeurs et encules") montre déjà la "hauteur" où se place le PCI Programma hauteur vraiment peu accessible à d'autres. Faut-il croire que Programma est à tel point imprégné de moeurs staliniennes qu'il ne peut concevoir la confrontation de positions entre révolutionnaires que dans les termes de "violeurs" et "violés" ? Pour Programma aucune discussion n'est possible entre des groupes qui se réclament et se situent sur le terrain du communisme, surtout pas entre ces groupes. On peut à la rigueur, marcher avec les trotskystes et autres maoïstes dans un Comité -fantôme- de soldats, ou encore signer avec les mêmes et autres gauchistes des tracts communs pour "la défense des ouvriers immigrés", mais jamais envisager la discussion avec d'autres groupes communistes, même pas entre les nombreux partis bordiguistes. Ici, ne peut régner qu'un rapport de forces, si on ne peut les détruire, alors ignorer jusqu'à leur existence ! Viol ou impuissance, telle est l'unique alternative dans laquelle Programma voudrait enfermer le mouvement communiste et les rapports entre les groupes. N'ayant pas d'autre vision, il la voit partout , et l'attribue volontiers aux autres. Une Conférence internationale des groupes communistes ne peut, à ses yeux, être autre chose, et avoir un autre objectif que celui de débaucher quelques éléments d'un autre groupe. Et si Programma n'est pas venu, ce n'est certes pas par manque de désir de "violer" mais parce qu'il craignait d'être impuissant. En vain Programma débite-t-il un chapelet de sarcasmes contre les critères qui servaient de cadre pour les Invitations des groupes. Aurait-il préféré l'absence de tout critère ? Ou aurait-il voulu d'autres critères, et lesquels s’il vous plaît ? Les critères qui ont été établis visaient à délimiter un cadre permettant une discussion des groupes qui se réclament de la Gauche communiste, éliminant les tendances anarchisantes, trotskystes, maoïstes et autres gauchistes. Ces critères constituent un tout organique, et on ne peut pas les séparer les uns des autres comme se plait à le faire Programma. Ils ne prétendent pas être une plateforme pour une unification, mais plus modestement, un cadre, pour savoir avec qui, et dans quelle orientation on mène la discussion. Mais pour Programma, on ne peut discuter qu'avec soi-même. Par crainte d'être impuissant dans une confrontation des positions avec d'autres groupes communistes, Programa se réfugie dans le "plaisir solitaire". C'est la virilité d'une secte et l'unique moyen de sa satisfaction.
De sa grosse voix, Programma fait de sévères remontrances contre ceux qui mettent en question "le mode par lequel le parti bolchevik... a posé le rapport entre parti communiste et classe ouvrière". Quoiqu'en pense Programma, ce "mode" n'est pas un tabou intouchable et peut être discuté, comme il l'a toujours été dans le mouvement communiste, et ce "mode" n'a certainement rien gagné par la caricature outrée qu'en ont fait les bordiguistes. Et quand Programma s'écrie : "Oui, l'Internationale a rompu avec la social-démocratie, mais elle a rompu auparavant avec toutes les versions infantiles, spontanéistes, anti-parti, illuministes, et du point de vue idéologique, bourgeoises" elle arrange l'histoire à sa convenance. Les groupes invités au premier Congrès et qui vont fonder la Troisième Internationale sont infiniment plus hétéroclites que Programma ne prétend. Nous trouvons dans ce Congrès depuis les anarcho-syndicalistes jusqu'aux Gauches socialistes à peine dégrossies. Les seuls point précis dans ce manque de cohésion et confusion sont : 1) la rupture avec la social-démocratie et 2) le soutien à la révolution d'Octobre. Ce n’est qu'après que commencent les ruptures, et il est vrai qu'elles sont essentiellement dirigées contre la Gauche (même pas toujours cohérente} alors qu'on ouvre toute grande la porte aux opportunistes et autres gauches socio-démocrates. Depuis quand les bordiguistes se sont-ils mis à exalter et à applaudir à cette orientation dé dégénérescence opportuniste de l'Internationale Communiste ? Les thèses du second Congrès sur le parlementarisme révolutionnaire, sur la conquête des syndicats, sur la question nationale et coloniale, la politique de conférences avec la seconde et l'Internationale 2 1/2 sont autant de pas marquants de cette involution de l'Internationale Communiste. Voilà l'orientation que les bordiguistes glorifient aujourd'hui depuis qu'ils se sont proclamés le nouveau Parti Communiste International. N'est-ce pas cela "se moquer véritablement de ses propres adhérents "comme le dit si bien l'article de Programa ?
Programma nous fait violemment grief d'être "des anti-parti". Pure invention bordiguiste qui contient autant de vérités que cette autre affirmation (du PIC par exemple) qui nous traite de "bordigo-léninistes". Aucun des groupes présents à la Conférence ne mettait en question la nécessité du Parti. Ce qui est en question est : quel type de Parti , quelle est sa fonction et quels sont et doivent être les rapports entre le Parti et la classe. Il n'est absolument pas vrai que le premier congrès de l'IC ni les 21 conditions aient donné une réponse complète et définitive à ces questions. L'histoire de l'IC, l'expérience de la révolution russe et leur dégénérescence posent aujourd'hui, avec la remontée des luttes du prolétariat, devant les révolutionnaires la tâche impérieuse de répondre d'une façon plus précise à ces questions. La conception bordiguiste d'un Parti infaillible, omni conscient et tout puissant nous semble relever bien plus d'une vision religieuse que du marxisme. Chez les bordiguistes, à l'instar de la religion monothéiste des hébreux, tous les rapports se trouvent inversés. Tout marche sur la tête. Dieu (le Parti) n'est pas un produit de la conscience humaine, mais c'est Jéhovah (le Parti) qui choisit son peuple (sa classe). Le Parti n'est plus une manifestation d'un mouvement historique de la classe, mais c'est le Parti gqi fait que la classe existe. Ce n'est pas Dieu à l'image de l'homme mais c'est l'homme qui est à l'image de Dieu. On comprend alors que dans la Bible (Proqramma) un tel Dieu unique (Parti) ne parle pas à son peuple, mais "ordonne, exige et commande" à tout moment. C'est un dieu jaloux de ses prérogatives. Il peut s'il le veut, accorder tout à son peuple, le paradis et l'Immortalité, mais il n'admettra jamais que l'homme puisse manger les fruits de l'arbre de la connaissance. La conscience, toute la conscience est le monopole exclusif du Parti. C'est pour cela que ce dieu (Parti) exige la pleine confiance , l'absolue reconnaissance, la totale soumission à sa toute puissance, et pour le moindre doute ou mise en question, il deviendra le dieu sévère de la rancune, de la punition et de la vengeance ("jusqu'à la dixième génération") d'un Cronstadt que les bordiguistes revendiquent pour hier et pour demain. Ce dieu terrifiant -de la terreur rouge- voilà le modèle du Parti bordiguiste et c'est ce type de Parti que nous rejetons.
Le bordiguisme n'a pas construit le parti international. C'est une mythologie qu'il a inventée : le mythe –parti. Son Parti réel n'a pas grande consistance, mais le mythe -parti- est d'autant plus consistant. Ce qui avant tout caractérise ce parti-mythe, c'est son plus profond mépris de la classe à qui on dénie toute conscience et toute capacité de prise de conscience. Et cette conception mythologique du Parti, du Parti-épouvantai1 est devenue aujourd'hui une entrave réelle à l'effort nécessaire pour la construction du Parti communiste mondial de demain. C'est sincèrement, sans aucun esprit de polémique que nous pensons et disons, que les groupes bordiguistes se trouvent aujourd'hui à la croisée des chemins : ou ils s'engagent honnêtement, sans esprit de "fottenti et fottuti" sans ostracisme, dans la vole de confrontation et de discussion dans le mouvement communiste révolutionnaire renaissant, ou ils se condamnent à l'isolement et à se convertir sans retour en une petite secte sclérosée et impuissante.
La Conférence devait encore connaître un de ces coups de théâtre du fait du comportement étrange du groupe "FOR". Celui-ci, après avoir donné sa pleine adhésion à la première conférence de Milan, et son accord pour la réunion de la seconde, en contribuant par des textes de discussions, s'est rétracté à l'ouverture de celle-ci sous prétexte de ne pas être d'accord avec le premier point à l'ordre du jour, à savoir sur l'évolution de la crise et ses perspectives. Le "FOR" développe la thèse que le capitalisme n'est pas en crise économiquement. La crise actuelle n'est qu'une crise conjoncturelle, comme le capitalisme a connu et surmonté tout au long de son histoire. Elle n'ouvre de ce fait aucune perspective nouvelle, surtout pas une reprise de luttes du prolétariat, mais plutôt le contraire. Par contre, le "FOR" professe une thèse de "crise de la civilisation" totalement indépendante de la situation économique. On retrouve dans cette thèse les relents du modernisme, héritage du situationnisme. Nous n'ouvrirons pas ici un débat pour démontrer que pour des marxistes il paraît absurde de parler de décadence et d'effondrement d'une société historique, en se basant uniquement sur des manifestations super structurelles et culturelles sans se référer à sa structure économique, en affirmant même, que cette structure -fondamentale de toute société- ne connaît que son renforcement et son plus grand épanouissement. C'est là une démarche qui se rapproche plus des divagations d'un Marcuse qu'à la pensée de Marx. Aussi le "FOR" fonde-t-il l'activité révolutionnaire moins sur un déterminisme économique objectif que sur un volontarisme subjectif, qui est l'apanage de tous les groupes contestataires. Mais devons-nous nous demander : ces aberrations sont-elles la raison fondamentale qui a dicté le "FOR" à se retirer de la Conférence ? Non certainement pas. Dans son refus de participer à la Conférence, et en se retirant de ce débat, se manifestait avant tout l'esprit de chapelle, de chacun chez soi, esprit qui imprègne encore si fortement les groupes se réclamant du communisme de Gauche, et qui ne sera surmonté qu'avec le développement de la lutte de classe du prolétariat et par la prise de conscience des groupes révolutionnaires.
Rompre avec cet esprit d'isolement et de repli sur soi, héritage de cinquante années de contre-révolution, montrer la nécessité et la possibilité d'établir des contacts et des discussions entre les groupes révolutionnaires, était ce qu'il y avait de plus positif dans les travaux de la Conférence. Si à Milan, nous n'étions que deux groupes, dans cette deuxième Conférence à Paris, ce sont cinq groupes de plusieurs pays qui ont participé au débat, et cela constitue à nos yeux un pas très important et qu'il faudrait poursuivre. Il n'est pas sorti de la Conférence une hypothétique unification, ni un Parti éphémère, parce que la Conférence ne le posait pas comme un objectif immédiat. La Conférence n'a même pas donné lieu à des résolutions communes. Elle a pu constater l'existence de nombreuses divergences réelles, et encore plus nombreuses des incompréhensions, des malentendus qui existent dans le milieu révolutionnaire. En aucune sorte, cela ne doit nous décourager car nous n'avons jamais semé les illusions sur une unité de vue et de position qui seraient déjà existantes. Cette unité de vue elle-même, ne saurait tomber du ciel. Elle ne peut être le fruit que d'une longue période de discussions, de confrontations entre les groupes révolutionnaires dans un cours de montée de la lutte du prolétariat. Elle dépend donc également de la capacité et de la volonté des groupes de rompre avec l'esprit de secte, de savoir s'engager et persévérer dans le difficile chemin et dans l'effort vers le regroupement des révolutionnaires.
Les débats de la Conférence -qu'on lira dans la prochaine publication des procès-verbaux- a montré bien des insuffisances, des lacunes et des confusions, aussi bien dans les analyses que dans la perspective. Mais elle a démontré aussi, que les rencontres et la discussion peuvent déboucher vers des résultats positifs même si très limités. Elle a démontré ce qu'Engels ne cessait de répéter, que c'est de la discussion que Marx et lui, attendaient le développement ultérieur du mouvement ouvrier.
La Conférence a dégagé une volonté unanime de poursuivre cet effort, de préparer et mieux préparer de nouvelles conférences et de les élargir à d'autres groupes se réclamant du communisme de Gauche, entrant dans le cadre des critères établis. C'est là une tentative bien limitée et nous sommes conscients que, comme telle, elle n'offre pas de garantie certaine de la réussite. D'ailleurs, l'histoire nous enseigne qu'il n'existe pas de garantie absolue. Mais ce dont nous sommes convaincus, c'est qu'il n'existe pas d'autre vole qui mène au nécessaire regroupement des révolutionnaires, pour l'indispensable constitution du Parti Communiste mondial, arme du triomphe de la révolution prolétarienne. Dans cette voie, le CCI entend s'engager sans réserves, de toute sa conviction et de toute sa volonté.
M.C.
[1] [8] "Car il n'est aucune continuité organisationnelle ou programmatique dont un révolutionnaire non fossilisé puisse (aujourd'hui) se réclamer". (Jeune Taupe n°23, p. 10). "Aucune continuité", proclame le PIC, c'est pourquoi il est "tombé tout chaud, tout rôti" contre les mamelles avachies de la Gauche Socialiste;
[2] [9] Article "Combat Communiste" (Jeune Taupe, n°23)
[3] [10] Idem
[4] [11] Idem
[5] [12] Titre de l'article paru dans "Il Partito Comunista" n°48, août 1978,
Ce texte est une réponse à une invitation à défendre les analyses économiques du CCI dans les pages de "Revolutionary Perspective ? Nous ne proposerons pas d'entrer dans la toile embrouillée des faux rapports et des confusions qui constituent "la critique" du CWO sur les analyses économiques de Luxembourg et du CCI: des réponses plus détaillées aux questions soulevées par le CWO apparaîtront dans des prochains numéros de la "Revue Internationale". Ici, nous répondrons aux principales accusations dirigées par le CWO contre le CCI et "contre l'économie luxemburgiste" en général.
LA LOI DE LA VALEUR
On trouve surtout une affirmation qui apparaît constamment dans les textes du CWO : la théorie de la saturation des marchés de Luxembourg "abandonne le marxisme et la théorie de la valeur". Peut-être que le CWO pense qu'en répétant assez souvent cette étonnante assertion, elle va se vérifier dans la réalité. Pourtant, le langage autoritaire avec lequel le CWO bannit Rosa Luxembourg du royaume du marxisme ne peut pas cacher la signification réelle de ces prétentions : la profonde incompréhension de la part du CWO, de la"théorie de la Valeur" et son rôle dans l'analyse économique marxiste. Le CWO prétend que Luxembourg "a abandonné la théorie de la Valeur en affirmant que la baisse du taux de profit ne pouvait pas être la cause de la crise capitaliste" ([1] [16]). Mais l'Inévitabilité des crises et la nécessité historique du socialisme ne peut pas simplement s'expliquer par telle ou telle tendance de la production capitaliste, comme par exemple la baisse du taux de profit, mais par la compréhension marxiste de la production de la valeur elle-même.
La détermination de la valeur des marchandises selon le temps de travail contenu en elle n'est pas spécifique au marxisme. Comme il est bien connu, cette conception était le point central du travail des plus importants économistes classiques bourgeois, jusqu'à Ricardo Inclus. Mais la compréhension marxiste de la valeur est complètement opposée à celle des économistes bourgeois. Pour ces derniers, le système capitaliste de production de marchandises et l'échange des marchandises selon leur valeur est un rapport social harmonieux qui exprime l'égalité dans l'humanité à travers l'échange égal des produits du travail humain par des individus libres. Ainsi la production de la valeur assure la distribution équitable de la richesse de l'humanité
Sous-jacente à cette conception se trouve celle dé la production de la valeur comme la forme rationnelle du travail humain. Comme disait Rosa Luxembourg : "De la même façon que l'araignée produit sa toile de son propre corps ainsi l'homme qui travaille (selon les économistes bourgeois) produit la valeur". Contre la vision bourgeoise qui présente la société capitaliste non seulement fondée sur des principes d'égalité -liberté-fraternité- mais aussi comme un système éternel, la vision marxiste de la production capitaliste se fonde sur la compréhension de la contradiction inévitable entre la production de valeurs d'échange et la production de valeurs d'usage. Selon le marxisme, la production généralisée de valeurs d'échange n'est ni la forme naturelle, ni la forme éternelle de la production humaine. Elle est une forme historique spécifique de la production qui caractérise une société dont le but est devenu la production pour la production, opposée et ceci de façon inéluctable dès le début à la production en fonction des besoins humains. La production de valeurs d'échange sous la forme de la production généralisée de marchandises n'est pas un mécanisme d'échanges égalitaire mais inégal dont la réalité n'est autre que l'extorsion de valeur de la classe ouvrière (tout comme des capitalistes mineurs et des producteurs indépendants) avec comme but l'accumulation du capital, c'est-à-dire la restriction de la consommation afin de développer les moyens de production.
Ce système répond aux nécessités de l'humanité à une certaine étape de développement. Mais à un certain degré de développement ultérieur, la production de valeurs d'échange, la concentration des énergies humaines vers le seul but du développement des moyens de production, pose des restrictions sociales accrues à l'utilisation rationnelle des moyens de production. Il doit alors céder la place à une nouvelle société : le socialisme, où la production est réalisée directement pour les besoins humains, où l'abondance potentielle créée par le capitalisme est transformée en réalité sociale, c'est-à-dire en bien-être matériel de l'ensemble de l'humanité.
Mais la théorie marxiste de la valeur, ne fournit pas uniquement un fondement à l'Idée de la nécessité historique du socialisme. Elle per-pet aussi de définir les moyens par lesquels il doit être réalisé. Le but de la production de la valeur entraîne la restriction de la consommation en faveur du développement des moyens de production; les moyens par lesquels ceci est accompli sont et ne peuvent être que l'exploitation de la classe ouvrière. Selon la conception bourgeoise de la valeur, l'échange de marchandises permettrait à l'ensemble de l'humanité de profiter du développement des forces productives. Marx a démontré que c'est le contraire qui est vrai, le rapport social et économique fondamental dans le capitalisme, le rapport capital-travail où la force de travail elle-même est transformée en marchandise revêt l'appauvrissement permanent de la classe ouvrière. Plus grand est le développement des forces productives, plus grande est l'exploitation de la classe ouvrière, et plus limitées sont les possibilités pour la classe ouvrière de profiter de l'abondance potentielle créée par le développement des forces productives. La contradiction entre la valeur d'usage et la valeur d'échange,entre le potentiel matériel de la production capitaliste et les restrictions sociales à la réalisation de ce potentiel, est exprimée dans l'accroissement des antagonismes de classes et surtout dans la lutte entre le producteur de la richesse, le prolétariat, et le représentant du capital, la bourgeoisie. La nécessité objective du socialisme se reflète dans la nécessité subjective pour le prolétariat d'arracher le contrôle des moyens de production à la bourgeoisie : seul le prolétariat, à travers sa propre émancipation peut libérer l'humanité.
La théorie marxiste de "la valeur-travail" n'est donc pas un modèle économique de l'accumulation capitaliste mais surtout une critique sociale et historique du capitalisme. Certes, seul le marxisme permet l'élaboration des modèles de ce genre. Mais les principes socialistes ne découlent pas d'un tel modèle. Au contraire, c'est ce modèle qui découle d'une analyse dont la prémisse est la compréhension de la nécessité historique du socialisme contenue dans la théorie marxiste de la valeur.
Comment donc définissons-nous une analyse de la valeur en termes marxistes ? Les principes de base de la théorie marxiste de la valeur se retrouvent non pas dans les analyses détaillées du troisième tome du Capital par exemple, mais dans le programme révolutionnaire du prolétariat énoncé par Marx et Engels dans le"Manifeste Communiste". Ceux-ci sont :
1) la nature historiquement transitoire du capitalisme et la nécessité historique du socialisme au niveau mondial
2) la nature révolutionnaire de la classe ouvrière.
"LA THEORIE DE LA BAISSE DU TAUX DE PROFIT" COMME CRITIQUE ABSTRAITE
Définir l'analyse de la valeur comme le fait la CWO dans les termes d'une adhésion à un modèle économique fondé sur l'abstraction d'un aspect partiel du développement du capitalisme (la tendance à la baisse du taux de profit) en fait, enlève au marxisme son contenu révolutionnaire. Car cela remplace la critique historique et sociale du capitalisme contenue dans la théorie marxiste de la valeur par une critique purement économique. L'interaction des classes sociales est remplacée par l'Interaction des catégories économiques qui, en soi, n'explique ni la nécessité historique du socialisme, ni la nature révolutionnaire de la classe ouvrière.
L'analyse de Marx de la tendance à la baisse du taux de profit se fonde sur la compréhension que le travail est la source de toute valeur. L'investissement du capital peut être divisé en deux catégories : le capital variable, c'est-à-dire la force du travail vivant et le capital constant c'est-à-dire les matières premières, les machines et autre capital fixe : mais tandis que la valeur du capital constant est simplement transférée dans les marchandises produites, le capital variable fournit lui, une valeur additionnelle qui forme le profit du capitaliste. Mais avec le développement du capitalisme, la composition organique du capital (c'est-à-dire le rapport entre capital constant et capital variable)tend à augmenter et donc le taux de profit (c'est-à-dire le rapport du profit à l'investissement total) tend à diminuer. Comme la productivité du travail augmente avec le développement de l'industrie, une proportion de plus en plus grande des dépenses du capitaliste est vouée aux matières premières et aux machines plus sophistiquées et l'élément producteur de valeur dans son investissement, la force de valeur humaine, baisse en proportion.
Dans RP n°8, la CWO suivant les analyses de Grossman et Mattick, tentent de montrer que, une fois arrivé à un certain point, la valeur globale du"capital constant devient si grande que la plus-value produite ne suffit plus à fournir les fonds pour davantage d'investissement".([2] [17]) Ici se trouve le coeur de toute analyse qui, comme celle de la CWO, tente de comprendre la crise du capitalisme seulement en fonction de la baisse tendancielle du taux de profit.
Ces analyses admettent en général que cette tendance pose dans les faits des problèmes immenses au niveau du capitaliste individuel, mais que cet aspect doit être considéré comme entièrement secondaire par rapport au problème principal de la rentabilité du capital au niveau global. Comme le dit Mattick, dans son commentaire sur les travaux de Grossman : "Pour comprendre l'action de la loi de la valeur et l'accumulation, il faut laisser de côté ces mouvements individuels et marginaux et envisager l'accumulation du point de vue du capital global". ([3] [18])
Dans cette analyse, comme suggère la citation de la CWO, la cause de la crise est donc vue comme une pénurie absolue de plus-value au niveau global. Ici apparaissent les conséquences de cette façon de raisonner qui consiste à faire abstraction du monde réel du développement capitaliste pour ne voir le capitalisme que dans son aspect global, sous forme de rapports entre catégories économiques abstraites telles le capital constant et le capital variable. Dans le monde réel, le capitaliste individuel a besoin d'une masse définie de plus-value à investir s'il veut que son Investissement se fasse à un niveau de profit suffisant. Mais le niveau de profit et la masse de plus-value préalable est déterminée entièrement par la lutte concurrentielle entre capitalistes. S'il est incapable de produire à un niveau de rentabilité équivalent ou supérieur à celui de ses concurrents, le capitaliste disparaît. Il est vrai qu'avec le développement de l'industrie, le taux de profit tend à baisser, tandis que la masse de plus-value nécessaire pour réaliser des investissements à des niveaux compétitifs de rentabilité s'accroît toujours. Mais sans tenir compte de cette lutte concurrentielle entre capitalistes, comment peut-on déterminer le point où le capital global est incapable de produire "assez" de plus-value pour investir à un niveau nécessaire de rentabilité ? Dans un monde capitaliste théorique sans concurrence, cette question devient un non-sens car le facteur qui détermine le niveau requis de rentabilité, la lutte concurrentielle, est absent.
Dans son modèle abstrait de l'accumulation capitaliste, Grossman présume que le niveau de rentabilité nécessaire pour le capital global doit permettre au capital constant de s'accroître de 10 % chaque année, et au capital variable de 5 %. Quand le taux de profit tombe largement en dessous de 10 % cette croissance devient impossible et, selon Grossman, la crise commence. Il est assez évident que, dès que le taux de profit tombe au-dessous de 10 %, on ne peut continuer longtemps à accroître le capital constant de 10 % et le capital variable de 5%. Une table statistique n'est pas nécessaire pour faire une telle constatation. Mais pourquoi cela poserait-il un problème insurmontable pour le capital global ? Cela reste obscur. Malgré le vernis statistique impressionnant de l'analyse de Grossman, il ne démontre pas pourquoi le capitalisme qui n'accroîtrait son capital constant que de 9 % par an ou son capital variable de 4 % aboutirait ai| désastre, (pas plus d'ailleurs que si ces chiffres étaient de 8 et 3 % ou même 3 et 1 %). Bien sûr, les chiffres des tableaux de Grossman sont purement fictifs. Mais ces tableaux tentent de décrire "la loi inhérente du développement capitaliste" en montrant que, dès que le taux global de profit et donc d'accumulation, tombe au-dessous d'un certain niveau, l'ensemble du procès de production est disloqué et une période de convulsions économiques commence. Selon Mattick, il y a deux raisons pour qu'une chute dans le taux d'accumulation mène à une crise du capital global:
Premièrement, parce qu'elle produit le chômage : la croissance du capital variable ne peut plus marcher de pair avec la croissance de la population. Deuxièmement, parce qu'au-dessous d'un certain taux de croissance du capital constant "l'appareil productif ne peut pas être renouvelé et élargi à la même vitesse que le progrès technique"([4] [19]). Cette obsession des catégories économiques mène ainsi à la conclusion que la crise du capitalisme est due à une incapacité technique du capitalisme à satisfaire les besoins de l'accumulation continue et par là de l'humanité. Mais rien ne pourrait être plus loin de l'analyse de Marx lui-même, pour qui la crise résulte de contradictions réelles provenant du développement de la capacité technique du capitalisme à satisfaire ces besoins. A un niveau global abstrait, coupé de la réalité sociale, la chute du taux de profit en soi ne menace pas le capitalisme. La chute du taux de profit et donc la chute du taux d'accumulation en termes de valeurs d’échange reflète simplement la croissance de la productivité de la main-d'oeuvre, ce qui veut dire que, malgré la croissance de plus en plus rapide de la richesse sociale en termes de valeurs d'usage (les éléments matériels de la production et de la consommation), cette croissance dépend de moins en moins de la croissance de la main-d'oeuvre employée. Comme le travail est la source de toute valeur, la plus-value extraite de la classe ouvrière, et donc le taux de profit et d'accumulation tend à diminuer malgré la croissance continue en termes matériels. L'aboutissement éventuel de cette tendance serait la production entièrement automatisée, l'exclusion totale du travailleur du procès de production. A ce point, même avec une croissance fantastique de la production de marchandises, le taux d'accumulation serait zéro c'est à dire, en termes de valeurs d'échanges, la production stagnerait. Bien sûr, ce point hypothétique ne peut être atteint. Mais il sert à illustrer le fait que la chute du taux d'accumulation exprime, non pas l'incapacité du capitalisme à produire assez de plus-value, mais le fait que la croissance de la production dépend de moins en moins de l'extraction de plus-value. Elle exprime la tendance du mode de production capitaliste "vers le développement absolu des forces productives sans égard pour la valeur et la plus-value qu'elles contiennent";([5] [20])
Voilà pour ce qui est de l'incapacité de l'appareil productif à "marcher de pair avec le progrès technique". Si cette tendance était "la seule contradiction" du capitalisme, il pourrait, a travers une distribution rationnelle de la plus-value, continuer à vivre à jamais avec en même temps une baisse du taux de profit et une capacité croissante à satisfaire les besoins de l'humanité...et cela aussi bien en termes d'abondance de marchandises que de bien-être physique pour l'humanité, puisqu'ainsi la croissance du chômage signifierait tout bêtement l'augmentation du temps de loisirs. Ceci au sein d'un capitalisme dynamique qui se libérerait de la nécessité de s'appuyer sur le travail humain pour produire des marchandises. Cela serait vrai pour un taux global de profit de 10 %, 5 %, 3 % ou même moins. En ce sens, Luxembourg avait parfaitement raison de dire que : "il y a toujours un certain temps à passer avant que le capitalisme s'effondre à cause de la baisse du taux de profit -à peu près jusqu'à ce que le soleil s'éteigne".([6] [21])
En fait cette distribution rationnelle de la plus-value est, en termes généraux, le but de l'économie de Keynes, dont l'analyse est fondée explicitement sur la reconnaissance de la baisse du taux de profit. "Dans la vue de Keynes, la stagnation du capital exprime l'incapacité ou le manque de volonté du capitaliste d'accepter une rentabilité décroissante...Keynes est venu finalement à la conclusion que le devoir de planifier le volume courant d'investissement ne peut être laissé sans risques entre les mains des capitalistes privés." ([7] [22])
Keynes ne voyait pas pourquoi la chute de la rentabilité poserait des problèmes insolubles pour le capitalisme. Sa vision bourgeoise l'empêchait de comprendre comment les rapports sociaux dans le capitalisme empêchaient une distribution rationnelle de la plus-value telle qu'il l'a préconisée. Le but du capitalisme, disait Marx, c'est de "préserver l'auto-expansion du capital existant et de pousser cette auto-expansion au plus haut niveau" ([8] [23]). Dès lors nous n'avons plus affaire à une distribution rationnelle de la plus-value à une échelle globale, mais aux tentatives de chaque capital individuel pour maximiser sa propre plus-value. Les origines de la crise ne résident pas principalement dans le rapport entre capital constant et capital variable, mais dans le rapport social entre capitaux individuels, dont la lutte compétitive fi nit par rendre impossible la réalisation de la plus-value à l'échelle mondiale.
La CWO, en même temps qu'elle est obsédée par cette tendance abstraite et en fait fictive vers une pénurie absolue de la plus-value au niveau global tend à minimiser la concurrence entre les capitaux individuels. Par contre, la CWO souligne les mécanismes variés tels que les crédits et les emprunts internationaux qui permettent au capitalisme d'atténuer les pires effets de la concurrence ([9] [24]). Cette préoccupation au sujet du développement d'un capital "supranational" qui tend à aller au-delà du cadre de l'Etat national est, comme on va le voir, un aspect commun à toutes ces analyses fondées exclusivement sur la baisse du taux de profit, et la tendance correspondante vers la centralisation du capital. Cette conception renvoie l'effondrement inévitable du capitalisme (à cause de la baisse du taux de profit) à un avenir indéterminé et plutôt flou tandis qu'elle ignore, ou même nie, le facteur principal du monde réel de l'accumulation capitaliste, propulsé vers la crise et le délabrement : la concurrence entre les capitaux individuels.
"LA THEORIE DE LA BAISSE DU TAUX DE PROFIT" COMME CRITIQUE HISTORIQUE
Le capital "individuel" peut être constitué par un grand trust, ou par l'économie capitaliste d'Etat moderne. Aujourd'hui, il pouvait sembler qu'avec l'intégration d'économies nationales séparées sous le contrôle global de blocs impérialistes, nous pouvons voir l'émergence d'une unité capitaliste qui irait au delà-même de l'économie nationale. Mais en réalité cela reflète les rapports de force entre capitaux nationaux à l'intérieur de chaque bloc et la domination militaire et économique des deux forces économiques les plus puissantes du monde : l'URSS et les USA. Plutôt que l'émergence d'une économie internationale planifiée au niveau du bloc impérialiste. Mais de toute façon, l'essentiel, c'est que la centralisation du capital au niveau de la nation ou même du bloc impérialiste, ne représente aucunement un mouvement vers une vraie économie capitaliste "supranationale": au contraire, elle représente, à travers l'émergence des antagonismes impérialistes sur une échelle encore plus grande, 1'incapacité du capitalisme à se transformer en une économie mondiale unique, c'est cette incapacité qui finit par conduire à la destruction du capitalisme.
Dans ce sens, ce que Rosa Luxembourg a écrit dans "Qu'est-ce que l'Economie Politique" est encore vrai de nos jours :
"... Tandis que les innombrables pièces détachées - et une entreprise privée actuelle, même la plus gigantesque, n'est qu'une infime parcelle de ces grands ensembles économiques qui s'étendent à toute la terre- tandis donc que les pièces détachées sont organisées rigoureusement, l'ensemble de ce que l'on appelle "l'économie politique", c'est à dire l'économie capitaliste mondiale, est complètement inorganisée. Dans l’ensemble qui couvre les océans et les continents, ni plan, ni conscience, ni réglementation ne s'affirme; des forces aveugles, inconnues, indomptées, jouent avec le destin économique des hommes. Certes, aujourd'hui aussi, un maître tout puissant gouverne l'humanité qui travaille, c'est le capital. Mais sa forme de gouvernement n'est pas le despotisme, c 'est l'anarchie." "Introduction à l'économie politique". Chap.I. Collection 10-18. P. 85.86
Dans le développement historique de cette "anarchie", nous pouvons néanmoins distinguer une tendance constante : l'absorption des capitaux individuels par les grands trusts par la concurrence jusqu'à la fusion de ces trusts dans les monopoles nationaux et la consolidation progressive de l'ensemble du capital national dans un seul capital d'Etat défendu par le pouvoir militaire de l'Etat.
Simultanément le capitalisme envahissait les coins les plus lointains du monde, détruisant les vieux rapports de la société pré-capitaliste et les remplaçant par les siens.
A la veille de la première guerre mondiale, les capitaux "murs" de l'Europe et de l'Amérique s'étaient entièrement partagés le monde entre eux, et dans la lutte des puissances coloniales pour le contrôle du marché mondial, la concurrence économique faisait naître son enfant monstrueux : la guerre impérialiste.
Depuis 1914, deux guerres mondiales ont détruit les plus faibles puissances impérialistes et le capitalisme a révélé le point final de son développement : deux grandes puissances impérialistes se confrontent, leurs Etats de tutelle regroupés autour d'eux en blocs rivaux, les moyens de production sont dédiés au développement de nouveaux et terribles moyens de destruction, tandis que plus de la moitié de l'humanité plonge plus profondément dans le dénuement et la misère. Pour la classe ouvrière, même la maigre compensation par quelques "biens de consommation" aux longues années de crise ouverte et de guerre, à l'intensification toujours croissante de l'exploitation, à l’insécurité constante de l’existence quotidienne et de l'inhumanité du travail sous le capitalisme-même cette maigre compensation est perdue progressivement, à un moment où le chômage et l'austérité deviennent la norme journalière. La destruction de l'humanité elle-même apparaît comme la conclusion logique de l'anarchie capitaliste.
Comment les révolutionnaires de la classe ouvrière peuvent ils comprendre ce développement et la situation où ils se trouvent aujourd'hui? Ce n'est certes ni à travers la sèche érudition d'Hilferding, ni grâce aux tables mathématiques de Grossman, pas plus qu'à travers les affirmations narquoises de la CWO suivant lesquelles notre jour viendra quand le taux de profit sera tombé à tel ou tel niveau, même si "nous sommes encore très loin d'une telle situation". C'est seulement à travers l'analyse vivante et historique de Rosa Luxembourg que nous pouvons embrasser réellement la réalité complexe du monde capitaliste ! Quels que soient les défauts de l'analyse de Luxembourg, celle-ci a le grand mérite de reposer sur la compréhension, qu'une analyse marxiste concrète et historique est, surtout une analyse historique et sociale. Parce que les lois générales du développement capitaliste élaboré par Marx ne concernent pas le développement économique capitaliste pris en soi, mais un cadre pour la compréhension du développement capitaliste au sein de la réalité sociale. Une analyse qui se limite aux bords restreints des catégories économiques est aussi inadéquate pour comprendre le développement du capitalisme autant que pour saisir la nécessité historique du socialisme.
Pour illustrer ceci, ne prenons qu'un aspect du capitalisme moderne, la caractéristique la plus importante du capitalisme moderne à comprendre pour la classe ouvrière : la différence qualitative entre les crises de croissance du capitalisme au XIXème siècle et les crises de la décadence au XXème siècle. Evidemment celle-ci ne surgit pas des taux globaux de profit différents pendant les deux périodes mais des conditions historiquement différentes dans lesquelles la crise a lieu.
Bien sûr, une analyse fondée sur la baisse tendancielle du taux de profit n'est pas contradictoire avec une telle analyse historique. On voit cette préoccupation du développement historique du capitalisme, des restrictions sociales au développement capitaliste, dans une des meilleures analyses contemporaines de Luxembourg, basée sur cette baisse tendancielle du taux de profit. C'est l'analyse de Boukharine dans "L'économie mondiale et l'impérialisme" :
"On constate un manque d'harmonie grandissant entre la base de l'économie sociale du monde et la structure de classe spécifique de la société où la classe dirigeante elle-même (la bourgeoisie) est scindée en groupes nationaux aux intérêts économiques discordants, groupes qui, tout en étant opposés au prolétariat mondial* agissent en même temps en concurrents dans le processus du partage de la plus-value produite dans la totalité du monde..." (Page 103)
Dans le cadre étroit des frontières nationales s'opère le développement des forces productives qui ont déjà débordé ce cadre. Dans ces conditions le conflit éclate fatalement. Il est tranché sur la base capitaliste par l'élargissement violent des frontières nationales dont la conséquence est de provoquer de nouveaux conflits de plus en plus considérables..." (Page 104)
La concurrence atteint son développement maximum : la concurrence des trusts capitalistes nationaux sur le marché mondial. Dans le cadre des économies nationales, la concurrence est réduite au minimum pour rebondir en dehors dans des pro portions fantastiques, inconnues des époques historiques précédentes " (Page 118)
L'analyse de la CWO, aussi bien que celle de Mattick et Grossman où les conditions historiques de développement capitaliste ne sont qu'un élément périphérique marquant une nette régression par rapport à cette analyse historique et sociale de Boukharine qui est proche de la description de l'anarchie capitaliste dans "L'introduction à l'économie politique". Néanmoins, même dans l'analyse de Boukharine, il y a une certaine insuffisance. Boukharine considère la guerre impérialiste comme l'aboutissement inévitable du développement capitaliste mais elle est considérée aussi à un certain degré comme une partie du processus du développement capitaliste, une continuation de l'expansion progressive du capitalisme pendant le XIXème siècle.
" La guerre est un moyen de reproduction de certains rapports de production. La guerre de conquête est un moyen de reproduction élargie de ces rapports. Si la guerre "impérialiste" ne peut arrêter le cours général du développement du capital mondial ... elle est au contraire l'expression d'une expansion maximum du processus de centralisation... Par son influence économique, la guerre rappelle sous bien des rapports, les crises industrielles dont elle se distingue, cela va de soi, par une plus grande intensité, bouleversements et de ravages..." (souligné par nous) (Page 111 - Pagel49. 150)
Dans l'analyse de Boukharine, la guerre est donc la crise cyclique traditionnelle élargie et intensifiée au nième degré. Mais la guerre impérialiste est beaucoup plus que cela : elle reflète l'impossibilité historique du développement capitaliste. La première guerre mondiale n'était pas tout bêtement une nouvelle forme historique de la crise cyclique, elle inaugure une nouvelle époque de crise permanente où la crise n'est pas simplement l'aboutissement logique du développement capitaliste mais la seule alternative possible à la révolution prolétarienne.
On peut voir l'erreur de Boukharine répétée dans l'analyse de la CWO : "Chaque crise mène (à travers la guerre) à une dévalorisation du capital constant, élevant ainsi le taux de profit et permettant au cycle de reconstruction -le boom, dépression, guerre- de se répéter encore". RP n°6. Ainsi pour la CWO, les crises du capitalisme décadent sont vues en terme économique, comme les crises cycliques du capitalisme ascendant, répétées à un plus haut niveau.
Voyons ce point de plus près. Si c'était en fait le cas, on s'attendrait à voir évidemment les mêmes caractéristiques à la fois dans les périodes de reconstruction suivant les guerres mondiales et â la fois dans les périodes d'expansion économique suivant les crises cycliques du XIXème siècle. Il y a en effet, certaines similitudes superficielles entre les deux périodes. Les niveaux de production, par exemple se sont beaucoup accrus au moins dans la période qui a suivi la deuxième guerre mondiale. Ceci à cause de la croissance continue de la productivité du travail pendant toute la période de la décadence : le développement technique des moyens de production n'a pas cessé un seul instant et il ne pouvait en être autrement, à moins que la production capitaliste ne s'arrête complètement. C'est le même phénomène pour le processus de concentration du capital qui a continué sans Interruption depuis le début du capitalisme jusqu'à nos jours.
Mais la production capitaliste ne cesse pas brutalement et totalement avec le début de la décadence. Elle continue et continuera jusqu'à ce que la société capitaliste soit bouleversée par le prolétariat. Nous devons être capables d'expliquer la forme spécifique de la production capitaliste pendant sa période décadente, en l'absence de la révolution prolétarienne, c'est à dire le cycle de guerre-reconstruction-crise Cet en particulier la période de croissance rapide qui a suivi la deuxième guerre mondiale). Mais surtout, notre analyse doit expliquer l'impossibilité de tout développement capitaliste progressif pendant toute la période de décadence capitaliste, non pas seulement pendant les guerres et les crises, mais également pendant les périodes de reconstruction.
Afin de clarifier ce point, voyons les caractéristiques les plus importantes de la période progressiste de l'expansion capitaliste au XIXéme siècle.
1) La croissance numérique du prolétariat : l'absorption d'une proportion croissante de la population mondiale dans le travail salarié.
2) Le surgissement de nouvelles puissances capitalistes telles que les USA, la Russie et le Japon.
3) La croissance du commerce mondial dans le sens que les économies non capitalistes et les "jeunes" capitalismes jouaient un rôle de plus en plus important.
En un mot, le développement du capitalisme du XIXème siècle s'exprimait dans l'internationalisation du capital. Une partie de plus en plus importante de la population mondiale était intégrée dans le processus du développement des moyens de production que permettaient les rapports sociaux capitalistes. C'était pour cette raison que le mouvement révolutionnaire du XIXème siècle soutenait la lutte pour l'établissement de rapports capitalistes de production dans les régions sous-développées et non pas seulement dans les pays coloniaux mais aussi dans des pays tels que l'Allemagne, l'Italie ou la Russie, où les conditions politiques et sociales archaïques menaçaient d'arrêter le processus de développement capitaliste.
On peut voir que dans le capitalisme décadent, aucune de ces caractéristiques n'est présente ([10] [25]):
1) Dans les régions développées, la croissance du prolétariat n'a pas suivi la croissance de la population. Dans certaines ères telles que la Russie, l'Italie ou le Japon, des couches non capitalistes ont été absorbées dans le prolétariat; mais cette augmentation a été insignifiante par rapport à la tendance globale vers l'exclusion de larges secteurs de la population mondiale de toute activité économique. Cette tendance s'exprime dans la croissance, historiquement sans précédent de la famine et de la pénurie massive pendant ces soixante dernières années.
2) Aucune nouvelle puissance capitaliste n'a surgi pendant cette période. Bien sur, il y a eu quelques développements industriels dans les pays sous-développés, mais en général, l'écart économique entre les vieilles économies capitalistes et les économies du "Tiers-Monde" -même les plus riches en ressources naturelles comme la Chine s'est approfondi toujours plus vite. Par exemple comme nous l'avons montré dans "La Décadence du capitalisme" : ."Entre 1950 et 1960,(le sommet de la reconstruction de l'après-guerre) en Asie, Afrique et Amérique Latine, le nombre de nouveaux salariés pour chaque centaine d'habitants était neuf fols plus bas que dans les pays développés.
3) Parallèlement, la part des nations sous-développées dans le commerce mondial ne s'est pas accru mais a tendu à diminuer depuis 1914.
Du point de vue de l'internationalisation de la production capitaliste, les années depuis 1914 ont été pour le moins une période de stagnation économique. Et c'est là la façon la plus fondamentale de voir le développement capitaliste, puisqu'elle permet de comprendre pourquoi le développement économique a été presque entièrement restreint à un petit nombre de nations qui était déjà des puissances économiques majeures avant 1914, et plus généralement de comprendre la différence immense entre les niveaux d'accumulation qui auraient pu être possibles si on avait pris en compte le seul taux global de profit et ceux qui ont été en fait atteints. Il suffit de considérer l'ampleur de la proportion des forces productives qui ont été consacrées aux différentes formes de production de gaspillage (armements, publicité, obsolescence planifiée, etc.) qui ne contribuent pas à l'accumulation du capital, ou la réserve immense de potentiel productif "cachée" qui se révèle pendant les guerres mondiales, pour avoir une idée de l'importance de cet écart.
Si la guerre impérialiste, selon la CWO, en élevant le taux de profit, fournit les conditions pour une nouvelle période du développement capitaliste, pourquoi toutes les caractéristiques du développement progressif du capitalisme ont elles été absentes depuis 1918 ? Et si par contre, la CWO reconnait la nature qualitativement différente du développement capitaliste depuis 1914, quelles sont les raisons économiques de cette différence ?
Nous avons déjà montré que la baisse tendancielle du taux de profit, en tant que tendance globale et abstraite, ne peut pas expliquer les limites historiques da 'développement capitaliste. Mais l'analyse historique de la "théorie de la baisse du taux de profit", qui voit le capitalisme décadent comme une continuation des crises cycliques du XIXème siècle, exception faite de la constatation que la concurrence ne voit plus s'affronter des capitalistes individuels mais des économies nationales étatisées, n'est pas non plus capable d'expliquer la restriction croissante du développement économique depuis 1914. En fait, lorsqu'on a écarté la conception erronée selon laquelle la crise est le résultat d'une pénurie absolue de la plus-value, il est clair qu'une analyse fondée sur la seule baisse du taux de profit mène à la conclusion opposée : la guerre devrait, comme cela est sous-entendu dans l'analyse de Boukharine, commencer une nouvelle période de croissance économique vigoureuse, la création de nouvelles économies capitalistes développées et l'intégration de vastes secteurs des couches non prolétariennes dans la production capitaliste. Dans les derniers travaux de Boukharine, "L'Impérialisme et l'Accumulation du Capital", la conclusion logique de ses analyses antérieures est explicitement constatée : une telle vision d'un capitalisme dynamique de l'après-guerre "révélant les prodiges éclatants du progrès technique" n'est utilisée que pour justifier l'abandon de la politique révolutionnaire par la troisième Internationale décadente. La CWO, qui ne reconnait pas que celle-ci est aussi la conclusion logique de sa propre analyse, prétend que les "minables conclusions politiques" de Boukharine, ne découlent pas "de son analyse économique". Mais Lénine avait montré clairement dans sa préface à "L'Economie Mondiale et l'Impérialisme" les conséquences politiques dangereuses de ce type d'analyse :
"Peut-on cependant contester qu'une nouvelle phase du capitalisme, après l'impérialisme, à savoir : une phase de super-impérialisme (c'est-à-dire une unification internationale d'impérialismes nationaux qui seraient capables d'éliminer les conflits les plus naïfs et les plus gênants tels que les guerres, les convulsions politiques, etc.), soit dans l'abstrait"concevable" ? Non. On peut théoriquement imaginer une phase de ce genre. Il ne fait aucun doute que le développement suit la direction de la marche vers un seul trust mondial qui intégrerait toutes les entreprises, tous les Etats sans exception. Mais, en pratique, si l'on s 'en tenait à cette conception, on serait un opportuniste qui prétend ignorer les plus graves problèmes de l'actualité pour rêver à des problèmes moins graves qui se poseraient dans l'avenir".
Ici Lénine exprime l'insuffisance théorique de l'économie marxiste "orthodoxe" contemporaine qui était à la base des analyses de Boukharine et de Lénine lui-même pour expliquer la réalité politique à laquelle était confronté le prolétariat : la décadence du capitalisme et la nouvelle époque des guerres et des révolutions. Fournir une explication économique et théorique de cette réalité politique fut la tâche que s'est donné Rosa Luxembourg dans "L'Accumulation du Capital". Cette explication exigeait une analyse capable de prendre en considération l'autre contradiction fondamentale de la production capitaliste : la contradiction des marchés.
L'ANALYSE DE ROSA LUXEMBOURG
Au fur et à mesure que le capitalisme développe les forces productives, la classe ouvrière ne peut consommer qu'une proportion de plus en plus petite de la production croissante des marchandises. Dans les termes les plus simples possible, c'est cela "la théorie des marchés" sur laquelle Rosa Luxembourg fonde son analyse. Dans ce sens, l'analyse de Luxembourg, découle directement d'une compréhension marxiste de la production de la valeur dont nous avons exposé les lignes générales au début de ce texte : le "problème des marchés" surgit directement de la caractéristique de la production capitaliste -c'est-à-dire "la restriction de la consommation afin de développer les moyens de production". Nous avons déjà démontré à travers nos analyses que le problème des marchés joue un rôle central dans la théorie marxiste.([11] [26])
En fait les deux aspects de la crise capitaliste reflètent la même tendance profonde : la composition organique croissante du capital. Celle-ci amène non seulement la baisse tendancielle du taux de profit, mais aussi la contraction du marché : ceci parce que la classe ouvrière ne peut que consommer une valeur en marchandises égale à la valeur totale des salaires et parce que la croissance de la productivité du travail (c'est-à-dire la composition organique croissante du capital) signifie que la totalité des salaires représente une proportion toujours diminuant de la production totale.
Pourtant ces deux tendances ne constituent pas au début un problème insoluble pour le capitalisme. Au contraire, pendant la période ascendante du capitalisme, elles fournissaient l'impulsion la plus puissante au développement du capitalisme. La baisse du taux de profit poussait à l'élimination des capitaux arriérés ou de petite taille et à leur remplacement par des capitaux produisant à une échelle plus large et techniquement plus avancé qui pouvait compenser la baisse du taux de profit par une masse croissante de profit. La contradiction relative du "marché domestique" par ailleurs, poussait à l'extension géographique du capitalisme au fur et à mesure que la recherche pour des nouveaux marchés amenait la destruction des types de production pré-capitaliste, et l'ouverture de nouvelles régions au développement capitaliste.
Ces deux tendances sont évidemment reliées ([12] [27]); la baisse du taux de profit nécessite que chaque capitaliste réduise le plus possible les salaires de la force de travail, ce qui restreint encore plus le marché Interne de l'ensemble du capitalisme et pousse à son expansion vers les réglons extérieures de la production non capitaliste. La saturation des marchés impose la nécessité pour chaque capital de vendre ses marchandises au prix les plus bas possible, ce qui aggrave encore plus le problème de la rentabilité, et stimule la concentration et la rationalisation du capital existant. Ensemble, elles expliquent les traits caractéristiques de la phase ascendante du capital : le développement technologique rapide des moyens de production et en même temps l'expansion rapide des rapports capitalistes, de la production aux points les plus é1oignés de la planète.
Nous n'avons pas ici la place de décrire en détails le rôle joué par les marchés non capitalistes dans le développement du capitalisme. Mais l'importance cruciale de ces zones consistait dans l'occasion qu'elles fournissaient pour le capitalisme d'entrer dans un rapport d'échange (l'échange de marchandises très variées contre les matières premières vitales à l'accumulation continue) avec des économies, qui, parce qu'elles ne produisaient pas sur la base de la rentabilité, fournissaient un débouché pour le surplus capitaliste sans être une menace pour le marché domestique. Il est important de comprendre que le capitalisme ne pouvait pas utiliser n'importe quelle communauté paysanne ou tribale pour ses marchandises excédentaires. Seules les économies précapitalistes bien développées, telles que l'Inde, la Chine ou l'Egypte qui pouvaient offrir des biens en échange du surplus capitaliste étaient vraiment capables de remplir ce rôle. Mais ce processus lui-même (comme l'a montré de façon vivante Luxembourg dans la troisième partie de "L'Accumulation du Capital") amène inévitablement la transformation de ces économies en économies capitalistes, qui non seulement ne peuvent plus fournir un débouché pour la production excédentaire des métropoles capitalistes, mais encore doivent dépendre pour leur propre survie, d'une nouvelle extension du marché mondial. Ce fut dans ces circonstances que le capitalisme a tourné ses yeux vers les régions inexplorées du monde telles que l'Afrique. Mais les nouveaux marchés créés dans la lutte coloniale pour ces terrains économiquement vierges devenaient Insignifiants par rapport au marché demandé par la croissance rapide du capitalisme mondial.
Selon Luxembourg, c'est à partir de ce point, c'est-à-dire quand il n'y a plus assez de zones de production non capitaliste capables de fournir des nouveaux marchés pour compenser la contraction du marché capitaliste existant, que la période ascendante du capitalisme se termine, et que la période de la décadence, celle de la crise permanente commence. Les deux tendances qui fournissaient jadis l'impulsion au développement capitaliste deviennent un cercle vicieux ce qui forme une entrave à l'accumulation capitaliste. La recherche de nouveaux marchés devient une compétition impitoyable où chaque capitaliste individuel est obligé de réduire ses marges de profit au minimum afin d'être compétitifs sur un marché mondial entrain de se rétrécir. La production rentable devient de plus en plus impossible, non seulement pour les capitaux arriérés et inefficaces, mais aussi pour tous les capitaux quel que soit leur niveau de développement. Les salaires réels sont de plus en plus restreints avec la recherche d'une plus grande rentabilité du capital. Mais au fur et à mesure que les salaires baissent et que l'investissement diminue, les marchés se contractent de plus en plus vite, réduisant ainsi la possibilité d'une plus haute rentabilisation de la production. Les deux aspects les plus Importants de notre analyse, résumée ci-dessus, sont :
1) C'est la saturation du marché mondial qui est le point historiquement décisif entre les périodes d'ascendance et de décadence du développement capitaliste.
2) La crise permanente du capitalisme décadent n'est pas compréhensible si on ne prend pas en compte les deux aspects de la crise qui sont en 1nter-relation : saturation du marché mondial et baisse tendancielle du taux de profit.
En fait, nous pouvons dire simplement que toutes les contradictions qui découlent de la baisse du taux de profit, pourraient être résolues par une hausse du taux d'exploitation, comme le reconnait Mattick quand il dit qu'une "situation où l'exploitation ne peut pas être augmentée suffisamment pour compenser la baisse tendancielle du taux de profit n'est pas possible" ([13] [28]) si la crise résultant du problème des marchés n'exacerbait encore plus le problème de la rentabilité.
En fait, nier que la surproduction est une contradiction inhérente au capitalisme amène dans les faits à proclamer l'immortalité du système. L'ironie veut que Grossman lui-même ait montré clairement ce point, en écrivant sur l'économiste bourgeois Say :
"La théorie des marchés de Say, c'est-à-dire la doctrine d'après laquelle toute offre est simultanément une demande, et conséquemment que toute production, en produisant une offre crée une demande menait à la conclusion qu'un équilibre entre l'offre et la demande est possible à n'importe quel moment. Mais ceci implique la possibilité d'une accumulation du capital et d'une expansion de la production sans limite, corme s'il n'y avait aucune entrave au plein emploi de tous les facteurs de production. ([14] [29])
De même, le problème du marché pourrait se résoudre en augmentant l'investissement afin d'absorber les surplus autrement invendables, comme par exemple le souligne Mattick -"tant qu'il existe une demande adéquate et continue pour les biens produits par le capitalisme, 11 n'y a pas de raison pour que les marchandises qui arrivent sur le marché ne puissent être vendues"-([15] [30]), si la baisse du taux de profit n'imposait pas à ce nouvel Investissement des niveaux de rentabilité qui aggraveraient encore plus le problème du marché.
Cette interrelation entre les deux aspects de la crise est implicite dans l'analyse de Luxembourg car bien que la CWO prétende que Luxembourg ne prend pas en compte la baisse tendancielle du taux de profit, toute son analyse est fondée sur la restriction du marché à cause de la composition organique du capital (et donc la baisse du taux de profit). Les schémas de Marx de la reproduction élargie (c'est-à-dire l'accumulation du capital) dans le "Capital, tome II" montre que chaque année, toute la plus-value produite, en termes de biens de production et de consommation est réabsorbée en tant qu'éléments nouveaux de la production (capital variable et capital constant). C'est sur la base de ces schémas que la CWO et d'autres prétendent qu'il n'y a pas de problème de marché pourvu que l'accumulation continue à un taux suffisant. Mais ces schémas ne tiennent pas compte de la composition organique croissante du capital. Luxembourg montre que, quand on en tient compte, c'est le processus de 1’accumulation 1ui-même qui, en diminuant toujours le capital variable par rapport au capital constant, crée le problème de la surproduction.
Le besoin permanent de réduire les frais de capital variable veut dire que le nouvel investissement, loin de résoudre le problème existant au niveau du marché (en réalisant la plus-value), aggrave le problème en demandant comme condition première l'expansion du marché et ceci de façon plus urgente qu'avant.
La CWO prétend aussi que Luxembourg abandonne Marx et la théorie de la valeur en "cherchant en dehors du rapport entre le travail et la valeur, en dehors des royaumes où la valeur règne en maître, sa fameuse saturation des marchés, sa fameuse insuffisance du consommateur". Mais il est évident que ceci traduit une incompréhension et une falsification délibérée de la pensée de Luxembourg4 Celle-ci voit l'expansion du capitalisme aux aires périphériques de la production pré-capitaliste en tant que solution au problème des marchés saturés dans les aires existantes de la production capitaliste. C'est à travers l'extension géographique du capitalisme que les nouveaux marchés sont créés afin de compenser la contraction du marché domestique.
Ici Luxembourg suivait la conception propre à Marx, comme nous l'avons déjà montré dans "Marxisme et Théorie des Crises" (Revue Internationale n°13). Là où Luxembourg va au-delà de Marx, c'est dans la détermination des limites historiques de ce processus de "l'expansion des champs de production". Mais par là même, elle détermine ainsi les limites historiques de l'accumulation elle-même; la conjoncture historique ou la baisse tendancielle du taux de profit ainsi que la contraction du marché cessent d'être les éperons du développement capitaliste et deviennent les aspects complémentaires d'une crise mortelle qui condamne le capitalisme à un cycle toujours plus approfondi de diminution de la rentabilité et de contraction des marchés et dont l'aboutissement est la seule alternative : guerre ou révolution, socialisme ou barbarie.
Quand la CWO affirme que l'analyse économique de Luxembourg amène à des confusions politiques sérieuses, qui peuvent conduire à des positions anti-communistes, nous pouvons leur répondre que c'est Luxembourg qui a fourni la réponse la plus claire à la question politique la plus importante pour le prolétariat durant les soixante dernières années : la décadence historique et globale du capitalisme. C'est de la compréhension claire de la décadence en tant que réalité permanente du capitalisme contemporain, que toutes les positions défendues par les minorités révolutionnaires dépendent.
Aucune des analyses basées seulement sur la baisse du taux de profit n'a pu, jusqu'à aujourd'hui, expliquer cette réalité. Les tables mathématiques de Grossman prétendent montrer comment éventuellement, le moment longuement attendu va surgir où le capitalisme ne pourra plus fonctionner à cause d'une pénurie absolue de la plus-value. Mais Grossman était incapable de faire le rapport entre son modèle abstrait et la réalité alors que d'autres forces avaient déjà projeté le capitalisme dans une époque de déclin irréversible. Mattick, qui en discutant avec le CCI a insisté sur le fait que la crise finale du capitalisme n'arriverait peut-être pas avant mille ans, a enfin reconnu dans ses oeuvres récentes ([16] [31]) que cette analyse économique n'amène aucune conclusion définitive sur le futur du capitalisme. Mattick et Grossman en plus insistent sur le fait que les économies du capitalisme d'Etat, telles la Russie et la Chine, sont immunisées contre les effets de la crise. Grossman a soutenu la Russie stalinienne jusqu'à la fin de sa vie. La CWO, elle aussi, malgré sa compréhension politique de la décadence, comme phénomène global et permanent, a une analyse économique qui repousse l'effondrement du capitalisme à un futur indéfini. Cela les conduit à la position absurde et contradictoire que le capitalisme est décadent mais "que la fin du capitalisme n'est pas en vue" ([17] [32]).
Nous n'avons pas la place dans ce texte de discuter plus avant des sérieux dangers politiques qui accompagnent cette sous-estimation de la profondeur de la crise actuelle. Mais tout cela nous rappelle curieusement les critiques faites à l'époque à Luxembourg par les "petits experts de Dresde" (adeptes du marxisme orthodoxe), qui, tandis que le capitalisme plongeait à toute vitesse vers la première guerre mondiale, spéculaient sur la possibilité d'une nouvelle époque de "capitalisme paisible" et qui adhérant strictement à"l'orthodoxie marxiste" insistaient sur le fait "qu'éventuellement, dans le futur lointain, le capitalisme s'effondrerait à cause de la baisse du taux de profit".
Bien sûr, tous ceux qui adhérent à là théorie de la baisse du taux de profit ne suivent pas ces renégats dans le chemin de la contre-révolution. Comme nous l'avons montré, une analyse politiquement correcte ne découle pas directement d'une analyse économique ; au contraire, elle dépend d'une capacité à s'en tenir fermement aux principes fondamentaux du marxisme: nécessite historique du socialisme et nature révolutionnaire de la classe ouvrière.
De même, la détermination des intérêts de la classe ouvrière ne découle pas des analyses économiques» mais directement de l'expérience et des leçons de la lutte de classe. C'est sur cette base que Lénine et Boukharine pouvaient» malgré les limites de leur analyse économique, défendre les Intérêts du prolétariat mondial en 1914. Par contre, une analyse "luxembourgiste" ne garantit pas en sol une adhésion aux positions révolutionnaires : deux "luxembourgistes" de l'après-guerre, par exemple, Steinberg et Lucien Couvât, soutenaient politiquement des sociaux-démocrates contre-révolutionnaires.
Mais si nous rejetons le rapport mécanique que la CWO volt entre l'analyse économique et les positions politiques, cela ne veut pas dire que nous considérions l'analyse économique comme superflue. Au contraire, nous reconnaissons qu'une analyse économique cohérente est un facteur vital pour la conscience prolétarienne. En soudant toutes les leçons de l'expérience de la classe ouvrière en une vue unifiée du monde, elle donne au prolétariat la capacité de comprendre et donc d'affronter de façon plus décidée tous tes problèmes qu'11 rencontre pour son émancipation.
Evidemment, nous avons une longue route à parcourir avant de pouvoir comprendre complètement le développement du capitalisme depuis 1914 et particulièrement depuis 1945. Comme nous avons dit au début de ce texte, ces points seront soulevés dans des textes futurs de cette revue. Mais nous affirmons encore qu'une analyse "luxemburgiste" peut fournir une analyse cohérente de la réalité politique à laquelle s'affronte le prolétariat aujourd'hui.
Pour résumer : nous rejetons l'analyse de la CWO, fondée exclusivement sur la baisse tendancielle du taux de profit parce que :
- c'est une analyse partielle qui ne peut pas en soi expliquer les forces économiques qui mènent à l'effondrement du capitalisme. En tant que théorie abstraite, elle mène logiquement à la conclusion que la production capitaliste peut continuer Indéfiniment;
- de plus, elle mène à une sous-estimation ou même un rejet de la profondeur et des conséquences de la crise actuelle.
Nous suggérons vigoureusement que les camarades de la CWO cessent d'essayer de montrer que nous sommes loin de la fin du capitalisme, risquant ainsi de faire un pas hors des pages du tome III du "Capital" et des analyses abstraites de Grossman et Mattick. Ainsi, pourront-Ils porter leur attention sur la crise actuelle et ses Implications politiques pour la lutte prolétarienne et le mouvement révolutionnaire.
Quant à nous, nous nous proposons de continuer le travail Important de l'analyse économique et nous nous donnons les deux tâches suivantes :
- développer notre analyse du capitalisme depuis 1914 et particulièrement depuis 1945 afin de situer la crise actuelle dans le cadre de la crise permanente du capitalisme depuis 1914;
- exposer toutes les théories qui ont surgi hors et dans le camp prolétarien et qui nient la réalité de la crise actuelle, rejettent la crise du capitalisme & un futur Indéterminé ou prétendent que les contradictions du capitalisme peuvent être surmontées dans le cadre de l'économie du capitalisme d'Etat ou de"l'Etat ouvrier".
Nous prenons pour cadre de notre travail la compréhension marxiste de l'économie politique souligné par Luxembourg en 1916 :
"Dans la théorie de Marx, l'économie politique a trouvé son achèvement et la conclusion. La suite ne peut plue être -à part certains développement de détails de la théorie de Marx- que la transposition de cette théorie dans l'action, c'est-à-dire la lutte du prolétariat international pour réaliser l'ordre économique socialiste. La fin de l'économie politique comme science est une action historique de portée mondiale : la traduction dans la pratique d'une économie mondiale organisée selon un plan. Le dernier chapitre de la doctrine de l'économie politique, c'est la révolution sociale du prolétariat mondial".
R.Weyden
[1] [33] Voir "The Accumulation of Contradictions" dans "Revolutionary Perspectives" (RP) n°6.
[2] [34] "Crédit and Crisis" dans RP n°8, page 20.
[3] [35] Mattick : "Grossman's Interpretation of Marx's Theory of Capitalist Accumulation's"
[4] [36] Mattick, Idem page 7.
[5] [37] Marx : "Capital, tome III".
[6] [38] Luxembourg : "L'Anti-critique" dans "l'Accumulation du Capital".
[7] [39] Mattick : "Marx et Keynes"
[8] [40] Marx, idem
[9] [41] Voir "Crédit and Crisis" dans RP n°3
[10] [42] Voir la brochure du CCI "La Décadence du Capitalisme" pour une description plus détaillée des points suivants.
[11] [43] Voir "Marxisme et Théorie des Crises" dans la Revue Internationale n°13
[12] [44] En fait, le contraire serait étonnant puisque le marxisme a toujours compris que la production de la valeur et sa réalisation (c'est-à-dire la vente), sont deux aspects intimement liés du même processus. Les crises dans le processus de production elle-même se reflètent au niveau de l'échange et vice-versa. Quand la CWO condamne Luxembourg parce quelle voit surgir la crise dans le "domaine secondaire" de la distribution, ils oublient évidemment la longue lutte de Marx et Engels contre le "socialisme vulgaire qui reprenait des économistes bourgeois le fait de considérer et de traiter de la distribution comme Indépendante du mode de production" -contre, comme Engels l'a dit plus violemment "la bêtise qui en arrive à écrire sur l'économie politique sans avoir compris le lien entre la production et la distribution". (Marx : "Critique du Programme de Gotha, et Engels : "Anti-Dühring").
[13] [45] Mattick : "Marx et Keynes".
[14] [46] Grossman : "Marx, l'Economie Politique Classique et le problème de la Dynamique"
[15] [47] Mattick, idem
[16] [48] Voir par exemple "Critique of Marcuse".
[17] [49] RP n° 8, page 28
Les événements de l'année dernière ont vu se braquer les projecteurs de l'actualité sur l'Autonomie Ouvrière (notamment en Italie), nouvelle incarnation du démon pour la presse bourgeoise. Mais ils ont mis aussi en évidence la façon dont ce "milieu autonome" a perdu tout motif de se réclamer de la classe ouvrière. En effet, aujourd'hui, on parle de "l'Aire de l'Autonomie" et non plus de l'Autonomie Ouvrière. Celle-ci est devenue un écumeux ramassis de toutes sortes de franges petites-bourgeoises : des étudiants aux acteurs de rue, des féministes ceux professeurs à l'emploi précaire, tous unis dans l'exaltation de leur propre "spécificité" et dans le refus effrayé de la nature de la classe ouvrière corme seule classe révolutionnaire de notre époque. Dans ce marais, les autonomes "ouvriers" se distinguent par une plus grande dureté sur les grandes questions politiques d'aujourd'hui : faut-il utiliser les cocktails Molotov dans le sens offensif ou défensif ? Le P.38, ce mythique passe-partout du communisme doit-il être pointé sur les jambes des flics ou plus haut ?
Il y a tout de même, dans ce cadre de dégénérescence totale, une réaction aux tentatives critiques des conceptions confusionnistes et interclassistes, d'éléments restés liés à une vision plus classiste. Même s’il faut encourager ces tentatives, il faut aussi dénoncer les graves dangers dans lesquels ces dernières risquent de tomber en considérant ces déviations comme des "incidents de parcours" et en conclure de nouveau qu'il est possible "de recommencer à nouveau".
Cet article traite essentiellement de l'Autonomie Ouvrière en Italie, car c'est là que ce mouvement s’est essentiellement développé. Mais ses conclusions sont autant applicables aux partisans de la recherche du nouveau gadget politique, "l'Autonomie", partisans qui ont germé dans le monde entier. [Lire à ce sujet Rupture avec CPAO). Dans cette contribution à la discussion, nous avons analysé les bases théoriques mêmes de l'Autonomie Ouvrière, en indiquant comment elles se fondent en fait sur le rejet du matérialisme marxiste et laissent la porte ouverte à toutes les dégénérescences qui se sont manifestées ultérieurement.
C'est aussi à travers la critique la plus radicale du mouvement de l'Autonomie ouvrière et toutes ses erreurs que demain dans sa lutte, le prolétariat retrouvera le contenu politique de son autonomie de classe.
Avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, les manifestations des luttes ouvrières se sont profondément modifiées, car les longs combats, qui ont duré parfois des années, pour obtenir des améliorations comme la journée de huit heures, etc., n'ont plus de sens, étant donné l'impossibilité d'obtenir une quelconque amélioration de fond dans un système qui ne peut plus rien offrir. Par contre, les luttes ouvrières dans la période de décadence sont caractérisées par des explosions imprévisibles et souvent très aiguës, suivies par de longues périodes de calme apparent tandis que de nouvelles explosions se préparent.
En Italie, il a été particulièrement difficile de comprendre cette nature discontinue de la riposte ouvrière à la crise, à cause de l'extraordinaire continuité des luttes, ouvertes par le "69 de l'automne chaud", poursuivies en 70-71 avec "l'automne rampant' et terminées avec les derniers soubresauts de "l'automne 72 à mars 73" (occupation à la Fiat Mirafiori). Dans cette dernière période de lutte, les groupes extraparlementaires se sont clairement caractérisés comme les chiens de garde des chiens de garde (syndicats) du capital en perdant une bonne partie de l'influence acquise dans les années 69 dans les secteurs ouvriers les plus combatifs. "Les conventions de 1972-73 sont de ce point de vue la limite extrême au-delà de laquelle les groupes n'ont fait que survivre" (Potere Operaio n°50, novembre 73).
Les groupes autonomes d'usine ont leur origine dans la méfiance qu'ils éprouvent envers les groupuscules, mais cette méfiance n'aboutit pas à une opposition â leur contenu politique. Aussi différents que puissent être les motifs de des groupes et des individus qui se sont reconnus dans le milieu de l'autonomie, il y a un point commun à tout le monde : la tendance à mettre au centre de leurs préoccupations le point de vue ouvrier. C'est pourtant justement de ce point de vue du rappel d'une conception cl assiste de la lutte politique que le milieu autonome enregistre sa faillite la plus éclatante. A la disparition ou pire à la transformation en noms vides de sens de la grande majorité des groupes autonomes ouvriers, a correspondu un développement incroyable d'une autonomie qui, loin d'être ouvrière, possède une seule unité, celle de la négation de la classe ouvrière comme axe fondamental de leurs préoccupations.
Féministes et homosexuels, étudiants angoissés par la perte du mirage d'un petit emploi dans les bureaux de l'administration locale ou dans l'enseignement et artistes "alternatifs" en crise par manque d'acheteurs, forment un seul pour revendiquer leur "spécificité" précieuse autonomie par rapport à 1 mi nation ouvrière dans les groupes extraparlementaires (?!!!). Contrairement à ce qu'écrivent les journaux bourgeois, ces mouvements marginaux ne représentent pas les "cent fleurs" du printemps révolutionnaire, mais quelques uns des mille et un pièges purulents de cette société en dégénérescence. Cette année écoulée, le processus de dégénérescence est arrivé à un tel niveau que certains éléments plus "classistes" sont contraints de prendre un certain recul par rapport à l'ensemble du milieu autonome et de commencer un processus de critique des expériences passées. Même si ces tentatives sont positives, elles possèdent en elles-mêmes de profondes limites : en effet, elles prennent et dénoncent seulement les positions plus facilement critiquables du marginalisme pour leur opposer les options "classistes" comme positions ouvrières, sans qu'aucun fondement sur lesquels s'est fondée l'aire de l'autonomie ne soit réellement remis en cause.
Le but de cet article est donc de régler les comptes avec les fondements théoriques de l'autonomie et de montrer comment le marginalisme, même"ouvrier" n'est pas seulement son fils bâtard et dégénéré, mais représente bien sa conclusion logique et inévitable. Pour ce faire nous analyserons la théorie de la "crise de la direction" qui est à la base de toutes les positions politiques de l'Area dell'Autonomia (traduction approximative:"milieu autonome").
(°) L'Area dell’Autonomia peut se comprendre comme étant la zone d'influence des idées autonomes dans laquelle évoluent ses différents éléments.
AUX ORIGINES DE LA "CRISE DE LA DIRECTION": LE REJET DU CATASTROPHISME ECONOMIQUE MARXISTE
Si la longue période de prospérité de la fin du XIXème siècle avait pu donner naissance à toute une série de théories sur le passage graduel du capitalisme au socialisme, par l'élévation de la conscience des travailleurs, l'entrée du système dans sa phase décadente avec la première guerre mondiale, marque la confirmation historique des vieilles formulations "catastrophiques" de Marx sur l'effondrement inévitable de l'économie marchande. Alors, il est devenu clair qu'une seule alternative se pose à l'humanité : révolution ou réaction, et la révolution n'est pas"ce que pense devoir faire tel ou tel prolétaire ou même le prolétariat tout entier à un moment donné mais ce qu'il sera historiquement contraint de faire "(Marx). C'est pourquoi après la défaite de la vague révolutionnaire des années 20 et le passage de l'Internationale Communiste à la contre-révolution, les groupes révolutionnaires naissants ont toujours défendu le principe marxiste qu'"une nouvelle vague révolutionnaire surgirait seulement d'une nouvelle crise" (Marx). Cependant, l'absence d'une reprise prolétarienne après la deuxième guerre mondiale -selon le schéma de l'Octobre Rouge- mais aussi la période de santé du capital liée à la reconstruction a dispersé ces petites fractions en les condamnant le plus souvent à la disparition.
Comme produit de cette période, on a vu surgir de nouvelles théories prétendant dépasser la vision marxiste des crises et comme le faisait le groupe Socialisme ou Barbarie ([1] [52]) en France affirmant que le capitalisme avait dépassé ses contradictions économiques. Les conclusions anti-marxistes de Socialisme ou Barbarie se sont propagées au travers de toute une série de groupes dont l'un des plus connus fut certainement l'Internationale Situationniste.
Mai 68 fut le chant du cygne d'une telle position : la réapparition du mouvement ouvrier sur la scène de l'histoire, quand la crise économique ne s'était pas encore développée dans toute -son ampleur, a fait croire à ces malheureux que le mouvement n'avait pas de base économique :
"Quant aux débris du vieil ultra-gauchisme non trotskiste (...) maintenant qu'ils ont reconnu une crise révolutionnaire en Mai, il leur faut prouver qu'il y avait donc là, au printemps de 68 cette crise économique invisible. Ils s'y emploient sans crainte du ridicule en produisant des schémas sur la montée du chômage et des prix".
(Internationale Situationniste n912, décembre 1969)
En effet, pour les théoriciens de la "société du spectacle", seulement une crise spectaculaires pouvait être visible. Les marxistes, par contre, n'ont pas besoin d'attendre que l’évidence des choses s'impose sur les couvertures de la presse ou arrive à pénétrer dans le cerveau des notables de la bourgeoisie, pour reconnaître et saluer l'imminence et la portée de la nouvelle crise. Même s'ils étaient éloignés du centre du monde capitaliste, une poignée de camarades au Venezuela, "ultragauchistes", pouvait écrire en janvier 68 dans leur revue Internacionalismo :
"L'année 67 nous a laissé la chute de la livre-sterling et 68 nous apporte les mesures de Johnson (...) Nous ne sommes pas des prophètes, et nous ne prétendons pas savoir quand et de quelle façon les événements futurs vont avoir lieu. Nous sommes certains, par contre, qu'il est impossible d'arrêter le processus que subit actuellement le capitalisme avec des réformes ou des dévaluations, ou avec un autre genre de mesures économiques capitalistes et qu'inévitablement, ce processus le mène vers la crise. Par là même, le processus inverse, celui du développement de la combativité de la classe, qui en général, a lieu actuellement, va conduire le prolétariat à une lutte sanglante et directe en vue de la destruction des Etats bourgeois".
L'irruption sur la scène historique de la classe ouvrière à partir de 68, enlève aux partisans de la "fête révolutionnaire", toute possibilité de parler en son nom : en 1970, l'IS se dissout dans une orgie d'exclusions réciproques; à partir de là, les explosions périodiques de révolte qui expriment la décomposition de la petite-bourgeoise ne sont jamais arrivées même à constituer une Internationale Situationniste. Toutes les expressions postérieures n'ont réussi qu'à être du simple folklore.
LE VOLONTARISME A COULEUR OUVRIERE ET LA CRISE de la DIRECTION
L'entrée sur la scène historique de la classe, en plus de la disparition des situationnistes et des différents contestataires, impose un renouvellement des théories sur le contrôle de la crise pour tenir compte de la nouvelle réalité. Au lieu de simplement nier la possibilité de la crise (comment peut-on le faire maintenant ?) on réévalue le côté actif de la thèse : étant donné que le capitalisme contrôle la crise économique, ce qui ouvre la voie à la véritable crise économique est la crise de ce contrôle même à la suite de l'action ouvrière ([2] [53]).
Ce thème, qui était déjà présent dans les derniers textes des situationnistes parmi les pastorales sur "la critique de la vie quotidienne'' devient Taxe des positions des nouveaux social-barbares, qui seront donc"marxistes"et"ouvriers". C'est significatif qu'en France, la tentative avortée de création sur cette base d'une gauche marxiste pour le pouvoir des conseils des travailleurs en 1971, soit partie du groupe Pouvoir Ouvrier, héritier "marxiste" de Socialisme ou Barbarie.
En Italie ces positions étalent exprimées fondamentalement par le groupe Potere Operaio et nous allons donc analyser ces conceptions ([3] [54]).
Le groupe part de la reconnaissance de (a toute puissance du "cerveau théorique du capital", manipulateur expérimenté d'une société sans crise.: " après 1929, le capital apprend à contrôler le cycle économique, à s'emparer des mécanismes de la crise, à ne pas être écrasé et à les utiliser de façon politique contre la classe ouvrière", pour proposer cette solution : "l'objectif stratégique de la lutte ouvrière -plus d'argent et moins de travail- lancé contre le développement, a vérifié le théorème duquel nous étions parti il y a 10 ans : introduire un nouveau concept de crise de l'état du capital, plus de crise économique spontanée, à cause de ses contradictions internes, mais crise politique provoquée par les mouvements subjectifs de la classe ouvrière, par ses luttes revendicatives".([4] [55])
Ayant nié "qu'une nouvelle vague révolutionnaire ne pourra avoir lieu qu'à la suite d'une nouvelle crise", il faut encore expliquer pourquoi cette subjectivité ouvrière a décidé de se réveiller en 1968-1969 et non pas, par exemple, en 1954 ou 1982. Les explications sur les origines du cycle des luttes révèlent toute l'incompréhension ou, pour dire mieux, la méconnaissance, par Potere Operaio, de l'histoire du mouvement ouvrier.
La défaite des années 20, l'expulsion et ensuite l'extermination des camarades par l'Internationale passée à la contre révolution, tout cela n'existe pas d'après Potere Operaio, étant donné que tout cela sort des limites de l'usine. Pour PO, le fait central est l'introduction du travail à la chaîne, qui "déqualifie tous les ouvriers, faisant reculer la vague révolutionnaire" et ce serait seulement dans les années 30, pour n'avoir pas compris la restructuration de l'appareil productif faite sur la base des théories économiques de Keynes, que les organisations historiques se seraient trouvées "à l'intérieur du projet capitaliste". Ayant posé ainsi la question, ayant rejeté l'expérience historique de la classe, il ne vaut pas la peine de se demander pourquoi c'est seulement en 68 que les ouvriers ont appris (...)" qu'une nouvelle société et une nouvelle vie sont possibles, qu'un monde nouveau, libre, est à portée de la lutte". Il suffira de répondre : "Où sont elles ces conditions objectives sinon dans la volonté politique subjective, organisée, de parcourir jusqu'au bout la voie révolutionnaire ? "(PO n°38-39 - Mai 1971). Sur cette base la proposition organisationnelle que PO fait à toutes les avant-gardes ne pourra se fonder que sur le mépris le plus absolu de tout l'autonomie réelle de la classe ouvrière, considérée comme cire molle dans les mains du Parti qui, pour grande consolation, "est à l'intérieur de la classe" ": "Nous avons toujours combattu la lie opportuniste qui appelait "spontanéisme" la spontanéité, au lieu d'appeler impuissance sa propre incapacité à la diriger et à la plier à un projet organisationnel à une direction de parti" (PO n*38-39-Page4, souligné par nous).
Le centre des contradictions de PO est que quand il parle du Parti comme fraction de la classe, il ne veut pas parler de l'organisation qui regroupe autour d'un programme clair, donc sur une base politique claire, les éléments les plus conscients qui vont se former dans les luttes ouvrières quelle que soit leur origine sociale; il veut parler d'une couche, d'un pourcentage de la classe, qui est directement indiqué, du point de vue sociologique, dans "l’ouvrier-masse, l'avant-garde de masse de la lutte contre le travail". Le menchévik Martov défendait contre le bolchevik Lénine la thèse que "chaque gréviste est membre du parti". Les "bolcheviks" de PO ont remis à neuf Martov : "Chaque gréviste dur est membre du Parti". Le Parti n'est qu'un grand comité de base et son seul problème est de soumettre à l'hégémonie de l’ouvrier-masse""!a passivité et la résistance de certaines couches de la classe".
Pour réveiller les ouvriers, il faut leur donner le plan organisationnel tout prêt : "Pourquoi (...) le syndicat a t'il encore en mains la gestion des luttes ? Seulement à cause de sa supériorité organisationnelle. Donc, nous avons à faire face à un problème de gestion. Un problème de réalisation d'un minimum d'organisation, au-delà duquel une possibilité de gestion du combat est crédible et acceptable". Quand on superpose le Parti aux fractions combatives de la classe, il est inévitable que face au reflux progressif de la combativité, le parti va toujours plus se substituer à la classe, dans une progression "complètement subjective" d'ascétisme et de militarisation".
LA FORMATION DE LA RE A DELL' AUTONOMIA ET LA DISSOLUTION DE POTERE OPERAIO
Les luttes ouvrières de l'automne 72, terminées avec l'occupation à la Fiat-Mirafiori en mars 73 provoquèrent d'un côté une perte de crédibilité des groupuscules gauchistes chez les ouvriers (ce qui mena à l'extension des organismes autonomes), et de l'autre côté la crise interne de PO. La ligne hyper-volontariste et militarisée et critiquée, parce que celle-ci théorise que : "la structure militaire est la seule qui est capable de remplir un rôle révolutionnaire, en niant la lutte de classe et le rôle politique des comités ouvriers." (P0n°50, novembre 73). Cependant cette dénonciation n'arrive pas à s'attaquer aux bases théoriques de cette dégénérescence, et elle se présente plus comme réaffirmation des thèses de PO que comme une critique de celle-ci.
En effet ce qui se passe, c'est un renouvellement de la vieille thèse, pour expliquer d'une certaine manière pourquoi, en l'absence de luttes ouvrières, la crise allait s'aggraver dans tous le les pays : si avant, on insistait sur la crise provoquée par les avant-gardes, maintenant c'est la thèse qui aura la plus grande chance de prendre le dessus, c'est-à-dire la thèse de la crise provoquée à dessein par les capitalistes. "Les capitalistes crient et éliminent la crise économique toutes les fois qu'ils le croient nécessaire, toujours dans le but de battre la classe ouvrière. ("Des luttes au développement de l'organisation autonome ouvrière" des Assemblées autonomes Al-fa-Romeo et Pirelli et Comité de lutte Sit-Siemens, mai 73).
Encore une fois, il y a le refus d'un bilan de l'expérience historique du prolétariat, en se bornant à rire justement de la forme du parti propre à la Troisième Internationale", Or, quand la classe réfléchit sur son propre passé, elle ne le fait pas pour en rire ou en pleurer mais pour comprendre ses erreurs, et sur la base de ses expériences tracer une ligne qui soit de classe et de démarcation de l'ennemi de classe. Le prolétariat révolutionnaire ne "rit" pas du "marxisme-léninisme dépassé de Staline" pour mieux glorifier celui remis à "neuf" par Mao Tsé Toung, mais les dénonce tous les deux en tant qu'armes de la contre-révolution. C'est justement ce que nos néo-autonomistes ne veulent pas faire : De ce point de vue, nous refusons toute dogmatique (?!) distinction entre léninisme et anarchisme : notre léninisme est celui de "l'Etat et la Révolution", et notre marxisme-léninisme est celui de la révolution culturelle chinoise".(PO n°50, page 3)
Quel est en conclusion le rôle des révolutionnaires ? "Nous devons être capables de réunir et organiser la force ouvrière, ne pas nous substituer à elle" (4). Cette phrase représente la limite insurmontable au-delà de laquelle l'Autonomia Opérai a n'a jamais été capable d'aller, c'est-à-dire de considérer substitutionnistes seulement les conceptions d'après lesquelles la révolution est faite par les députés avec des réformes ou les étudiants "militarisés" avec les cocktails molotov. Par contre, est substitutionniste, celui qui nie la nature révolutionnaire de la classe ouvrière, avec tout ce que cela signifie. Quand on dit que la tâche des révolutionnaires est d'organiser la classe, on nie justement la capacité de la classe à s'auto-organiser par rapport à toutes les autres classes de la société. Les conseils ouvriers de la première vague révolutionnaire ont été créés spontanément par les masses prolétariennes, ce que Lénine a fait en 1905 n'a pas été de les organiser mais de les reconnaître et de défendre en leur sein les positions révolutionnaires du parti.
Si "l'organisation, le parti, se fonde aujourd'hui dans la lutte", une fois que la lutte est terminée, comment peut-on justifier la survivance de ce parti sans tomber dans le substitutionnisme ? Les avant-gardes, les révolutionnaires ne se regroupent pas autour de la lutte mais autour d'un programme politique, et c'est sur la base de celui-ci, qu'en tant que produit des luttes, ils deviennent à leur tour un facteur actif de celles-ci, sans ni dépendre des hauts et des bas du mouvement, ni vouloir les remplir avec leur oeuvre "organisationnelle" pleine de bonne volonté. L'incapacité de voir que classe et organisation révolutionnaire sont deux réalités distinctes, mais non opposées, est à la base des conceptions substitutionnistes qui, toutes, identifient parti et classe. Si les léninistes identifient la classe au parti, les autonomes (descendants Inconscients du conseillisme dégénéré) ne font que renverser les choses en identifiant le parti à la classe. Cette incapacité est le symptôme d'une rupture incomplète avec les groupes gauchistes et ceci est exprimé de façon éclatante par l'Assemblée Autonome de Alfa Romeo, qui arrive à théoriser un partage des tâches d'après lequel les groupes politiques font les luttes politiques (à savoir, droits politiques et civils, ant1-fascisme, en un mot tout l'arsenal des mystifications anti-ouvrières) et les organismes autonomes, les luttes dans les usines et les bureaux. Tout cela est logique pour ceux qui pensent que : "la capacité de faire sortir des prisons Valpreda avec le vote devenait un moment de lutte victorieuse contre l'Etat bourgeois (!) Alfa Romeo journal ouvrier de la lutte 1972-73, par l'assemblée autonome, octobre 1973).
Comme nous l'avons vu, l'Autonomia Operaia partait avec des bases un peu plus confuses que PO, tandis que les changements de situation en exigeaient de beaucoup plus claires. Toutes ces poussées prolétariennes qui exprimaient, bien que confuses, une saine réaction à la misérable pratique des gauchistes, étaient destinées à tourner en rond et à se perdre si elles restaient dans ce cadre confus.
LES COMPTES FAITS: BILAN D'UNE DEFAITE
"En Italie, les journées de mars 1973 à Mirafiori sont la sanction officielle du passage à la deuxième au mouvement, de la même façon que les journées de la Place d'Etat furent la première phase. La lutte armée, prônée par l'avant-garde ouvrière dans le mouvement de masse constitue la forme supérieure de la lutte ouvrière... Le devoir du parti est celui de développer dans une forme moléculaire, généralisée et centralisée, cette nouvelle expérience d'attaque". (PO novembre 73)
Avec ces paroles pleines d'illusions béates sur la "formidable continuité du mouvement italien, PO annonçait sa propre dissolution dans"l'aire de l'autonomie" et l'imminente centralisation de cette aire en tant que : "fusion de volonté subjective, capacité de battre le cycle des luttes dominées par le patronat et par les syndicats, pour imposer au contraire l'initiative de 1 'attaque (PO, 1973), Comme on voit le sigle change mais les vieilles illusions sur la possibilité de mettre sur pied à volonté des cycles de luttes ouvrières sont dures à nourrir. Hélas pour les illusions, Mirafiori 73 n'a pas été le tremplin vers l'extension d'un nouveau niveau de lutta armée mais le dernier sursaut du mouvement avant d'entrer dans une longue période de reflux. Comment expliquer cette interruption dans la formidable continuité du mouvement italien ? En se souvenant qu'elle est une caractéristique typique des luttes ouvrières aujourd’hui, luttes qui se déroulent dans le cadre du capitalisme décadent, incapable d'améliorer en général les conditions de vie des travailleurs. De plus, même les miettes accordées lors du "boom" de la reconstruction après la seconde boucherie mondiale ont été récupérées; la crise économique ouverte depuis les années 60 est revenue exaspérer cette situation.
Avec le premier véritable effondrement de l'économie italienne, qui se vérifie justement en 1973, la marge: de manoeuvre déjà étroite des syndicats pour demander des augmentations de salaires se resserrera de manière draconienne (c'est à ce moment que se produit l'écroulement des dernières illusions sur un syndicalisme combatif, autonome par rapport aux partis, et sur le rôle des conseils d'usines). De plus en plus souvent, les grèves mêmes longues et violentes se terminent sans qu'aucune des revendications de la classe ouvrière n'ait été obtenue; en un tout, les ouvriers découvrent, défaite après défaite, que pour défendre leurs conditions de vie, 11 faut désormais s'attaquer directement à l'Etat, dont les syndicats ne sont qu'un rouage. Pour caractériser cette phase, qui avec des particularités différentes s'est présentée dans tous les pays industrialisés, nous avons souvent dit que c'était comme si la classe ouvrière reculait face à ces nouveaux obstacles pour mieux pouvoir prendre son élan. Ces années d'apparente passivité ont été des années de maturation souterraine et celui qui croyait que ce reflux serait éternel peut s'attendre déjà à quelques désillusions. En fait, la difficulté de défendre victorieusement ses propres conditions de vie, peut désorienter et démoraliser les ouvriers, mais à la longue elle ne pourra que les rejeter de nouveau dans la lutte, avec une rage et une détermination cent fois plus grande.
Face aux reflux, les réponses de "l'autonomie" sont essentiellement de deux types :
1) la tentative volontariste de contrebalancer le reflux, grâce à un activisme toujours plus frénétique et toujours plus "substitutionniste" par rapport à la classe.
2) Le déplacement graduel de la lutte de l'usine à de nouveaux terrains de combat, évidemment "supérieurs".
Sur cette progressive différenciation entre les "durs" et les "alternatifs", trébuche et se brise le projet de centralisation de "l'Aire de l'Autonomie" ambitieusement ressorti au moment où PO se fondait au sein de la constitution de la Coordination Nationale. Ces deux lignes ont été, grosso modo le terrain sur lequel se sont développées les deux déviations symétriques, le terrorisme et le marginalisme, qui finissent toujours par se recouper.
Sans avoir la prétention d'analyser à fond ces deux "filons", à propos desquels nous reviendrons certainement, il est quand même important de démontrer qu'ils sont le développement logique de leur origine ouvriériste et non sa négation.
"Quand la lutte ouvrière pousse le capital à la crise, à la défensive, l'organisation ouvrière doit déjà avoir des instruments techniquement préparés (souligné par nous), solides, grâce auxquels on pourra étendre, renforcer et pousser la volonté d'attaque de la classe... Susciter, organiser la révolution ininterrompue contre le travail, déterminer et vivre tout de suite des moments de libération... Telle est la tâche de V} avant-garde ouvrière et notre conception de la dictature" (4)
Comme on le voit déjà, PO exprime clairement les positions de fond qui sont à la base de sa "ligne" terroriste.
1) D'une part la vision de la crise comme étant Imposée par la lutte de classe.
2) D'autre part la conception de révolutionnaires organisateurs techniques de la lutte de classe; c'est pourquoi il leur faut arriver à un certain type d'organisation" pour être crédible face à la classe ouvrière et pouvoir rivaliser les syndicats sur le terrain de la "gestion" des luttes.
Au fur et à mesure que la vague de 68 s'est effilochée, on augmente les "trucs" qu'un bon technicien de la guérilla en usines doit connaitre pour conduire ses camarades de travail vers la "terre promise". Ainsi nait et se développe la Rustique de "l'enquête ouvrière" c'est-à-dire de l'étude, de la part de l'avant-garde, de la structure de l'usine -et du cycle productif, pour en repérer les points faibles : il suffira de toucher ceux-ci pour bloquer le cycle entier et "coincer" les patrons. Mais comme d'habitude, ce qu'il y a de bon n'est pas nouveau, et ce qui est nouveau n'est pas bon. L'idée de frapper sans préavis au moment et là où cela causera le plus grand préjudice aux patrons sans qu'il y ait trop de perte pour les ouvriers, ceci n'est pas une idée mais une découverte pratique pour la classe et a un nom précis : grève sauvage. Ce qu'il y a de nouveau, c'est l'idée (et ceci n'est pas qu'une idée), que la grève sauvage peut être programmée par les avant-gardes, ce qui est une contradiction dans les termes.
On pourrait nous répondre que tout ceci est vrai mais que si on ne connait pas l'usine, on ne peut unir les luttes des différents services, on se perd, etc. Très juste, mais il n'est pas certain que c'est avec les "études" nocturnes de quelques militants que les ouvriers, par exemple du "vernissage" apprendront à s’orienter dans la carrosserie ou la presse. C'est au cours de sa lutte que la classe résout pratiquement le problème des grilles : en les défonçant.
Ce point, qui pourrait sembler secondaire, montre clairement qu'une telle vision technico-militariste considère la lutte de classe sous un faux angle. Ce n'est pas le fait d'avoir dans chaque groupe des camarades avec le plan de l'usine imprimé en tête qui permet l'unification des luttes; c'est l'exigence d'unifier les luttes pour sortir des impasses aveugles des luttes sectorielles qui pousse la classe à dépasser les obstacles qui s'opposent à cette unification. Pour partir en cortège appeler les ouvriers des autres usines, la chose fondamentale n'est pas de savoir où est la sortie mais d'avoir compris que seule la généralisation des luttes peut mener à la victoire. En réalité les obstacles les plus redoutables ne sont pas les grilles, mais ceux qui à l'intérieur de la classe s'opposent avec leur démagogie à la maturation de sa conscience. Le vrai mur à abattre c'est celui fabriqué jour après jour par les délégués syndicaux, par les activistes des partis et des groupuscules"ouvriers", c'est le mur invisible mais solide qui enferme le prolétariat à l'intérieur du "peuple italien" et le sépare de ses frères de classe du monde entier, c'est la chaîne visqueuse qui le lie au sort de l'économie nationale en difficulté. Dépouiller ces obstacles de leurs travestissements démagogues et extrémistes, en dénoncer la nature contre-révolutionnaire, voilà le rôle spécifique des révolutionnaires à l'usine et en dehors, voilà leur contribution indispensable pour forger cette conscience et cette unité de classe qui abattront bien d'autres portes que celles de la Fiat, (il est clair que ceci n'a rien à voir avec une conception qui ferait des révolutionnaires des "conseillers" de la classe, puisque pour qu'il en soit ainsi, ils est nécessaire que ceux-ci aient une fonction active au sein du mouvement prolétarien).
C'est désormais devenu un lieu commun de voir dans les publications de l'Autonomie une critique des "Brigades Rouges" parce qu'ils "exagèrent" avec leur militarisme, parce qu'ils se coupent des masses, etc.. Les Brigades Rouges ont simplement parcouru jusqu'au bout la pente inclinée du volontarisme dans la tentative impossible de répondre par un "saut qualitatif" des avant-gardes aux nouvelles difficultés du mouvement de classe.
Le fait que toutes les critiques de l'Autonomie Ouvrière aux Brigades Rouges ne sont jamais allées au-delà des habituelles lamentations opportunistes sur le caractère prématuré de certaines actions, etc., sans jamais arriver à l'essentiel, n'est certainement pas un hasard, mais trouve ses racines dans les théorisations mêmes de l'Autonomie Ouvrière :
"Une théorie insurrectionnelle "classique" n'est plus applicable aux métropoles capitalistes; elle se révèle dépassée^ comme est dépassée l'interprétation de la crise en termes d’effondrement... La lutte armée correspond à la nouvelle forme de la crise imposée par l'autonomie Ouvrière de même que l'insurrection était la conclusion logique de la vieille théorie de la crise comme effondrement économique". (PO mars 197Z)
On ne peut pas rejeter le marxisme au nom de la volonté subjective des masses et puis être en mesure de critiquer sérieusement celui qui, s'étant autoproclamé "parti combattant", cherche à accélérer le cours de l'histoire en apportant aux masses un peu de sa propre "volonté". Le militarisme des Brigades Rouges n'est que le développement cohérent et logique de l'activisme ouvriériste des trop célèbres "enquêtes ouvrières".
Il reste à constater que, durant ces derniers mois, tant de cohérence et de prévoyance n'a pas empêché les Brigades Rouges de devoir poursuivre à coups de communiqués et d'appels les jeunes séduits par le "parti du P.38" et qui^pouf passer à la lutte armée, n'ont pas cru devoir bon de passer par les Brigades Rouges. On pourrait parler d'apprentis sorciers incapables de contrôler des forces imprudemment déchaînées. Rien de plus faux : cette incapacité à contrôler les pistoleros métropolitains est la preuve aveuglante que cela n'a pas été l’action exemplaire"des BR, mais le processus inexorable de la crise économique qui jette dans le désespoir d'amples couches de la petite-bourgeoise.
Les "détachements d'acier du parti armé", les "chiens déchaînés" du P.38 ne peuvent rien imposer, en bien ou en mal. C'est la logique des faits qui les a imposés, ce sera la logique des faits qui les balayera.
LE MARGINALISME PAR LA LUTTE DE CLASSES EN DEHORS DE L'HISTOIRE
Tandis que les "durs" se militarisent pour se substituer au mouvement de reflux dans les usines, la plus grande partie du mouvement autonome est à la recherche de chemins de traverse plus praticables vers le communisme. Aussitôt dit, aussitôt fait : le mouvement n'est pas en reflux, voyons, il est en train d'attaquer d'un autre côté pour désorienter les patrons. C'est le lieu "magique" du territoire, comme "nouvelle dimension de l'Autonomie Ouvrière". En réalité, le déplacement de la lutte sur le "plan social", ne facilite absolument pas "le débordement" de l'initiative ouvrière de l'usine vers le territoire". La lutte contre l'augmentation des prix, des loyers, en général la lutte des quartiers ne peut que se baser I sur toute la population des quartiers. En effet, une auto-réduction du paiement de l'électricité mise en avant seulement par les familles ouvrières serait absurde et destinée à une fin rapide. Ceci signifie que l'autonomie ouvrière. Loin de s'étendre, va être au contraire emportée par le flot de la petite-bourgeoise et s'immobiliser dans l'ensemble de la population. La généralisation tant vantée de la lutte se révèle être le passage de la lutte pour la défense I de ses conditions matérielles de vie en tant qu'ouvriers à la lutte pour des droits en tant que citoyens. La réalité historique des explosions ouvrières est bien différente: elle ne suggère pas des comités populaires et interclassistes. Par sa dynamique interne déclasse, le prolétariat, aux moments cruciaux de la lutte, trouve en lui la force de dépasser les limites suffocantes de l'usine, et d'annoncer aux patrons et à ses valets ce débordement futur auquel ne pourra plus succéder nul "retour au calme". Petrograd 1917, Pologne 1970, Grande-Bretagne 1972, Espagne 1976, Egypte 1977, c'est toujours dans tes grandes concentrations ouvrières que s'est réalisée l'unification du corps collectif du prolétariat et la fissure du "peuple uni" en deux camps distincts et opposés. Ainsi la logique même de ces divers mouvements "autonomes" a été celle d'une progressive dilution du mouvement des luttes dans les usines vers les luttes petites-bourgeoises et marginales.
Du territoire comme "aire de recomposition de l'Autonomie Ouvrière" aux cercles du jeune prolétariat, du pouvoir ouvrier au pouvoir des "indiens métropolitains", la trajectoire est connue. Chaque couche de la petite-bourgeoise bousculée par la crise s'érige en "fraction de classe" et arbore le drapeau de sa propre "autonomie". Ne prenons qu'un exemple, celui du féminisme. En Italie, son"développement de masse", comme celui de tous les mouvements marginaux, est précisément lié à la"crise des groupes " (gauchistes), à la déception qui marque le reflux de la lutte de classe, quand le communisme "tout et tout de suite" n'est pas venu se placer comme le saint-esprit sur les fronts volontaires des ouvriers de la F1at-Mirafiori.
Comme toutes les conceptions idéalistes, le féminisme croit que ce sont les idéologies qui déterminent l'existence et non l'inverse. C'est pourquoi il suffirait de nier, de refuser les rôles imposés, pour provoquer la crise de la société bourgeoise. Quand on essaie d'appliquer cela à la lutte de classe, cela donne simplement une interprétation fausse (par exemple : c'est le refus du travail qui détermine la crise économique) qui devient une pure idéologie réactionnaire. C'est l'affirmation de la part de chaque couche "opprimée" de la société de sa propre autonomie, qui mettra en cause la "direction capitaliste".
Ce n'est pas par hasard si la "nouvelle façon de faire de la politique" découverte par les féministes a principalement consisté en de petits groupes "d'auto conscience" !!! C'est le destin de chaque "catégorie" de la société bourgeoise (noirs, femmes, jeunes, homosexuels, etc.) d'être totalement impuissante face à l'histoire et aussi incapable de se forger une conscience historique et de finir par se réfugier dans le giron de "l'auto-conscience" de sa propre misère. Si le prolétariat est la classe révolutionnaire de notre époque, ce n'est pas parce qu'il a été convaincu par les socialistes et qu'il s'est habitué à cette idée, mais c'est par sa situation pratique au centre de la production capitaliste.
"Si les auteurs socialistes attribuent au prolétariat ce rôle historique mondial, ce n'est pas comme le prétend la Critique, parce que nous considérons les prolétaires comme des dieux. C'est plutôt le contraire... Ce qui est important, ce n'est pas de savoir ce que pense tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat dans son ensemble... mais ce qu'il sera contraint historiquement de faire conformément à son être".(Marx et Engels : "La Sainte Famille)
Le fait que les femmes ne sont pas une couche sociale capable de conduire la lutte de classe dépend du fait qu'elles ne sont ni une classe, ni une fraction de classe mais une des nombreuses catégories que le capital oppose les unes aux autres (division en races, sexes, nations, religions, etc) pour tenter de diluer la contradiction centrale que seul le prolétariat peut résoudre :
"(Le prolétariat) ne peut se libérer sans supprimer ses propres conditions d'existence. Il ne peut supprimer ses conditions d'existence sans supprimer toutes les conditions inhumaines d'existence de la société actuelle.."(Marx, Engels : "La Sainte Famille")
C'est précisément parce qu'11 s'adresse aux femmes, c'est-à-dire à une catégorie qui, face à la crise se sépare inexorablement en deux, le long d'une frontière de classe, que le féminisme se révèle être pour le capital une mystification de seconde catégorie, incapable de détourner un nombre considérable de prolétaires de la ligne de combat de leur classe. Pour avoir une quelconque utilité, le féminisme doit être une simple carte bien mélangée dans le jeu truqué du capital avec son atout majeur 'l'alternative populaire et de gauche", la seule capable de dévier encore le prolétariat.
Le sort de tous ces mouvements marginaux est déjà signé. Durant la première boucherie mondiale, les suffragettes anglaises suspendirent toute agitation et accoururent à l'appel de l'Etat bourgeois, pour la sauvegarde de l'intérêt supérieur de la patrie en remplaçant comme volontaires les hommes envoyés au front. Aux suffragettes modernes du capital ne sera pas réservé un rôle moins répugnant.
COMPRENDRE TOUT DE SUITE, RECOMMENCER! RECOMMENCER QUOI?
Les événements de ces derniers mois ont montré que le danger de ne pas aller jusqu'au bout de la critique n'était pas un produit de notre invention. Dans un texte distribué à Milan et appelé significativement "Comprendre tout de suite, recommencer !", il était écrit :
"Si quelqu'un se faisait des illusions sur le caractère "immédiat" et "linéaire" de l'affrontement, aujourd'hui cela est fini. Beaucoup de secteurs du mouvement ont affronté le heurt de classe avec une rudesse et des illusions "insurrectionnelles", avec des formes de luttes aussi soudaines et spontanées qu'incapables de poser le problème réel dans l'affrontement. L'Etat, sa structure ne se balaient pas comme un fantasme en un instant... Les masses –camarades ! - ne se mobilisent pas en un matin, à coup de baguette magique", (souligné par nous) (Tract signé par différents comités ouvriers et comités maoïstes)
Les faits sont têtus -disait Marx- et cette évidence -comme la nature de "chiens de garde"de la "légalité démocratique" des groupuscules gauchistes- a commencé à s'imposer à l'intérieur du mouvement. Mais le danger est dans l'illusion que l'on peut comprendre tout de suite, et de recommencer la même chose demain matin."Le poids des morts pèse sur la tête des vivants". Ce n'est pas en reconnaissant simplement que certaines erreurs ont été faites mais en en faisant une critique radicale que ce qu'il y a de vivant dans l'Autonomie ouvrière pourra s'enlever de la tête et du coeur le fantasme obsédant de l’ouvriérisme.
Dans les discussions avec des militants de l'Autonomie ouvrière, on en arrive toujours au même point : "Ca va, vous avez raison, mais que faire ?". Camarades, l'ambiguïté cesse immédiatement si, comme élément de l'avant-garde, on prend toutes ses responsabilités face à la classe. Et ceci ne peut se faire qu'avec un programme clair et une organisation militante. Mais un programme n'est pas une plate-forme syndicale alternative au"contrat social"de l'année, c'est une plate-forme politique qui délimite clairement les frontières de classe mises en lumière par l'expérience historique du prolétariat. Comprendre tout de suite ? Mais pendant longtemps, l'Autonomie Ouvrière a soutenu la Chine rouge, la lutte des peuples anti-impérialistes, etc… et aujourd'hui que la Chine est démasquée, que dans le Cambodge "libéré" règne la terreur, comment réagit l'Autonomie Ouvrière ? Et bien tout simplement, elle n'en parle plus. Camarades, si on ne comprend pas tout cela, si on n'arrive pas à intégrer tous ces faits "mystérieux" dans un ensemble cohérent de positions de classe, sur le capitalisme d'Etat, sur les luttes de libération nationale, sur les "pays socialistes", etc. ... on construit sur du sable et on trompe le prolétariat.
Notre but n'est pas de faire des citations, de pontifier, mais de travailler avec ténacité à ce qui est aujourd'hui la tâche fondamentale des révolutionnaires : le regroupement International pour préparer la bataille future et décisive. Remplir un tel rôle ne signifie pas pour nous la chasse aux militants pour renforcer nos rangs, mais cela signifie donner de manière organisée et militante notre propre contribution et stimulation au processus encore confus et discontinu de clarification en cours dans le mouvement de classe. C'est cette clarification qui renforcera les rangs des révolutionnaires. Nous n'avons pas de raccourcis à offrir, il n'en n'existe point. Si quelqu'un a encore l'illusion qu'il est possible de trafiquer une quelconque coordination des comités de base en parti révolutionnaire, elle lui passera et vite;: du temps a déjà été perdu, et beaucoup trop.
BEYLE
[1] [56] Scission du trotskysme dans les années 50.
[2] [57] Pour une analyse de l'interprétation marxiste de la crise, voir la brochure : "La décadence du capitalisme".
[3] [58] Nous ne voulons pas soutenir qu'il y a une descendance directe entre Socialisme ou Barbarie et Potere Operaio; ce qui est intéressant par contre, c'est de souligner que les positions que les militants et sympathisants de PO ont toujours comprises comme le produit de la reprise de la lutte de classe, ne sont que des versions ouvriéristes des vieilles positions dégénérescentes qui ont fleuri sur la défaite de la classe ouvrière. D'autre part, il faut rappeler que PO a été le seul groupe italien qui a exprimé, même si c'est de manière très confuse, cette reprise de la lutte ouvrière et que sa fin malheureuse ne doit pas faire oublier que les autres groupes, ont fini au parlement.
[4] [59] Les citations sont prises de la brochure " "Aile avanguardie per il Partito" élaborée par le secrétariat national^ de PO, en décembre 1970.
Dans cet article, nous voulons présenter quelques notes sur l'histoire de la Gauche Hollandaise pour défendre le caractère marxiste de cette fraction de la Gauche Communiste qui s'est détachée de la Troisième Internationale en dégénérescence. Aujourd'hui, ce sont surtout les bordiguistes qui reprennent la vieille accusation selon laquelle la Gauche Hollandaise faisait partie du courant anarchiste. Mais hélas, ce ne sont pas seulement eux qui, par ignorance ou par manque de textes traduits de la Gauche Hollandaise et d'une analyse de son développement d'un point de vue communiste, accusent cette Gauche Communiste d'un"vie11 Idéalisme" antimarxiste ([1] [62]). Ce sont aussi les conseil listes qui prétendent être la continuation de la Gauche Hollandaise, qui soutiennent implicitement cette falsification de la nature fondamentalement marxiste de "leur origine". Dans ce dernier cas, la falsification est plus subtile : d'abord, on falsifie le marxisme lui-même avec le but de lui donner un contenu anarchiste et ensuite, on dénature habilement les textes de la Gauche Hollandaise en les torturant pour les mettre en accord avec ce"marxisme " reconstruit.
marx anarchiste?
Cajo Brendel, membre du groupe conseilliste hollandais "Daad en Gedachte" et connu internationalement comme théoricien du conseillisme et "spécialiste" de l'histoire de la Gauche Hollandaise ([2] [63]), fait de grands efforts pour trouver des citations anarchistes chez Marx et Engels. Pour prouver sa thèse selon laquelle "la révolution prolétarienne n'a pas un caractère politique mais un caractère social" ([3] [64]), il cite Engels qui dit : "La révolution sociale est tout à fait différente des révolutions politiques qu'on a vu jusqu'à présent" (souligné par nous). En ce qui concerne ce que Brendel appelle "la différence entre la révolution politique bourgeoise et la révolution sociale prolétarienne ",il se réfère aux textes de Marx: "Gloses marginales critiques à l'article : "Le Roi de Prusse et la réforme sociale par un prussien"" ([4] [65]). Lorsque Cajo Brendel cite en fait des références, il est toujours intéressant de "se rendre compte de cette charlatanerie littéraire" comme nous le dit Marx dans cet article.
Que dit Marx exactement ?:
" Une révolution "sociale" à âme politique est (...) un non-sens complexe si le "Prussien" (ou notre légataire de la Gauche Hollandaise Cajo Brendel) comprend par révolution sociale une révolution "sociale" opposée à une révolution politique {...). Toute révolution dissout l'ancienne société : en ce sens, elle est sociale. Toute révolution renverse l'ancien pouvoir: en ce sens, elle est politique (...).
La révolution en général, -le renversement du pouvoir existant et la dissolution des anciens rapports- est un acte politique. Hais, sans révolution, le socialisme ne peut se réaliser. Il a besoin de cet acte politique dans la mesure où il a besoin de destruction et de dissolution. Mais là où commence son activité organisatrice, et où émergent son but propre, son âme, ~le socialisme rejette son enveloppe politique." (souligné par Marx)
(Gloses marginales critiques â l'article : "Le Roi de Prusse et la Réforme sociale par un prussien". Edition Spartacus - n°33- Pages 89-90)
Paraphrasant Marx, nous conclurons sur la question en demandant si notre "hollandais" ne se sent pas l'obligation, vis à vis de son public de lecture, de s'abstenir provisoirement de toute journalistique historique sur le marxisme et la Gauche Hollandaise, et de commencer plutôt à réfléchir sur sa propre position anarchisante?
Heureusement, nous n'avons pas besoin d'écrire autant de pages pour démystifier les erreurs de notre "hollandais" comme Marx a dû le faire pour l'article du "Prussien". Toute sa vie, Marx, et les marxistes après lui, ont défendu le caractère politique de la révolution prolétarienne, non comme un but en sol ni pour reparler des "révolutions politiques qu'on a vu jusqu'à présent", mais parce que : ([5] [66])
"Il s'ensuit également que toute classe qui aspire à la domination, même si sa domination détermine l'abolition de toute l'ancienne forme sociale et de la domination en général comme c'est le cas pour le prolétariat il s'ensuit donc que cette classe doit conquérir d'abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l'intérêt général, ce à quoi elle est contrainte dans les premiers temps".
Le programme de la révolution prolétarienne est bien défini dans la lutte Idéologique contre "les Idéologues allemands" et l'anarchisme (voir la conclusion de "Misère de la philosophie") en tant que programme politique. La tentative de Brendel de contribuer au marxisme avec des thèses anarchisantes, est tout bonnement ridicule.
La gauche hollandaise anarchiste?
Mais peut-être que la Gauche Hollandaise avait des positions anarchisantes ? C'est clair que certaines positions conseil listes comportent des éléments anarchisants. Mais cela n'est pas vrai pour la Gauche Hollandaise telle qu'elle a existé comme partie de la Gauche Communiste Internationale jusqu'après la seconde guerre mondiale.
La Gauche Hollandaise s'est formée comme aile gauche de la jeune Social-Démocratie au Pays-Bas qui combattait fermement les restants d'anarchisme à la Domela Nieuwenhuis ([6] [67]). Soyons clairs: Domela Nieuwenhuis, bien qu'il eût quitté le marxisme pour défendre un anti-parlementarisme idéaliste, n'a jamais quitté le camp de la classe ouvrière comme le montre sa position internationaliste contre la première guerre mondiale et pour la Révolution d'Octobre. Mais contrairement à Domela Nieuwenhuis, la Gauche Hollandaise a basé son internationalisme prolétarien sur une analyse marxiste C'est pourquoi ses contributions sont encore aujourd'hui des acquis de la classe ouvrière pour le programme communiste du futur parti ouvrier mondial. Gorter, Pannekoek, Canne Meyer et tous les autres représentants de la Gauche Hollandaise ne sont pas les élèves de Domela Nieuwenhuis comme quelqu'un qui ne connait pas l'histoire du mouvement ouvrier au Pays-Bas, pourrait le croire. C'est une toute autre chose lorsqu'un membre de "Daad en Gedachte" qui vient de l'anarchisme, reproche à l'anarchiste hollandais Anton Constandse d'avoir trahi l'internationalisme dans la seconde guerre mondiale ([7] [68]). Pour les marxistes, un tel comportement n'est pas étonnant : on ne fait des reproches à l'anarchisme que si on a des illusions dessus.
Si on étudie les positions de Gorter et de Pannekoek dans la Social-Démocratie Hollandaise, il est évident que contre la direction de Troelstra, ils défendaient le parlementarisme révolutionnaire dans la question agraire (1901) et dans la question du soutien à l'enseignement confessionnel (1902). Dans les grèves de masse de 1903, la Gauche reprochait à la direction de la Social-Démocratie d'avoir brisé la combativité et la volonté des ouvriers hollandais par son attitude hésitante. A cette époque, la Gauche Hollandaise ne s'est pas posé le faux choix entre anarchisme et réformisme, mais le posait de façon juste entre"réforme ou révolution". En 1909, Pannekoek déduit "le caractère hautement contradictoire du mouvement ouvrier moderne" à la fois "réformiste et révolutionnaire" du fait que le capitalisme dont le prolétariat est le produit est au même moment expansif et destructeur en accord avec les formulations du Manifeste Communiste qui définit le capitalisme comme un système en expansion constante, développant de plus en plus les forces productives ([8] [69]). Pannekoek condamne clairement le réformisme qui "ruine la conscience de classe si péniblement acquise" et l'anarchisme qui rejette le lent et minutieux travail qu'il a fait naitre et n'est pas capable d'appliquer un esprit révolutionnaire à la combativité. ([9] [70]) Ainsi l'antiparlementarisme que la Gauche Hollandaise a défendu dans la période décadente du capitalisme après 1914, n'a rien à voir avec l'anti-parlementarisme de Domela Nieuwienhuis avant,qui ignorait complètement la phase ascendante dans laquelle se trouvait à cette époque le capitalisme et les réformes que la classe ouvrière pouvait encore obtenir.
Ce n'est pas la Gauche Hollandaise qui déniait avant 1914 à la Social-Démocratie son caractère socialiste. C'est "Daad en Gedachte" groupe conseil liste par excellence, qui défend cette position anarchisante dans sa brochure de rupture avec le "Spartacusbond" ("Was de sociaal démokra tie ooit socialistisch ?"Amsterdam 1965). Dans cette brochure, on cherche en vain une référence à l'opposition de la Gauche dans la social-démocratie.
Quand en 1909, l'opposition de la Gauche dans le Parti n'a plus été possible parce qu'on exigeait la suppression de son organe "Tribune", elle a quitté le SDAP (pour les abréviations, voir table à la fin) et a fondé un parti marxiste appelé -et c'est caractéristique- le "sociaal-démokratische Partij". Le SDP a demandé par l'intermédiaire de Lénine au Bureau Socialiste International d'être accepté dans la deuxième Internationale et au Congrès de Copenhague en 1910, l'Internationale l'a accepté. C'est clair que le SDP n'était pas anarchiste. On peut même dire que le SPD défendait plus les positions de "centre" kautskyste contre le révisionnisme ouvert du SDAP, que les positions de Rosa Luxembourg contre Kautsky.
. Mais depuis le débat de 1910 sur la grève de masse dans la social-démocratie allemande, Herman Gorter défendait les mêmes positions que Karl Liebknecht, Franz Mehring, Karl Radek, Rosa Luxembourg et ... Anton Pannekoek qui était actif en Allemagne à cette époque.
P internationalisme prolétarien
Avant la première guerre mondiale Pannekoek à travers un engagement Intense dans les débats du Parti social-démocrate allemand, était le représentant le plus productif de la Gauche hollandaise. Sa polémique contre Kautsky est bien connue et a été reprise par Lénine dans "l'Etat et la Révolution". Pendant la première guerre mondiale, Gorter s'est aussi engagé dans le débat international avec sa brochure : "Het Impérialisme, de Wereldoorlog en de sociaal-démocratie".
"Contre l'impérialism, contre la politique de tous les Etats : le nouveau Parti international. Contre les deux, l'action de masse. Telle est la phase que nous vivons aujourd'hui. Le reflet de cette pensée, sa matérialisation en actes ce doit être la nouvelle Internationale".
Dès lors, l'Internationalisme prolétarien devient Taxe fondamental de la Gauche hollandaise:
"Le changement le plus important, l'approfondissement et l'aggravation dans la relation entre capital et travail produite par l'impérialisme (pour la première fois dans l'histoire mondiale d'aujourd'hui), c'est que tout le prolétariat international y compris celui d'Asie, d'Afrique et des colonies peut s'opposer à la bourgeoisie mondiale. Et cette lutte, il est le seul à pouvoir la mener de façon unie".
A la fin de la première guerre mondiale, Gorter et Pannekoek prenaient la parole dans les débats Internationaux sur la tactique des jeunes partis communistes. Lorsque le SDP s'est appelé "Communistische Partij 1n Nederland"(novembre 1918), deuxième parti à prendre ce nom, Gorter était déjà en désaccord avec la direction Wijnkoop/Van Ravesteyn du parti à cause de sa défense de "l’Impérialisme démocratique" de l'Entente ([10] [71]), sa collaboration opportuniste avec les anarcho-syndicalistes ([11] [72]), et son hésitation par rapport à la préparation d'une nouvelle Internationale ([12] [73]). Bien que Gorter ait salué la révolution d'Octobre et le rôle joué par le Parti bolchevik, il critiquait la politique de répartition des terres et du "droit des nations à disposer d'elles-mêmes". Toute la brochure de Gorter sur la révolution mondiale est une défense du caractère International de la révolution prolétarienne.
"La guerre n'a pu se produire et peut se poursuivre que parce que le prolétariat mondial n'est pas uni. La révolution russe, trahie par le prolétariat européen et surtout d'Allemagne, est la preuve que toute révolution ne peut être qu'un échec si le prolétariat international ne se révolte pas comme un corps, comme une unité internationale contre l'impérialisme mondial." (Gorter : "De Wereldrevolutie")
Gorter et Pannekoek étalent surtout engagés dans le mouvement communiste allemand. Lorsque l'opposition du KPD qui constituait la majorité du parti, a été expulsée selon "les pratiques les plus corrompues des messieurs de la vieille social-démocratie" (Pannekoek), ils ont choisi le camp de l'opposition qui, en 1920, fondait le Kommunistische Arbelter Partel Deutschiands (KAPD).
En septembre 1921, on fondait un KAP hollandais.
Il se trouvait alors que la direction de la Troisième Internationale et du Parti bolchevik appuyaient la tactique de la direction Levi du KPD (S) et de Mijnkoop et Van Ravesteyn qui de venaient les disciples les plus fidèles de Moscou. La Gauche hollandaise au contraire, par son adhésion au programme prolétarien de la révolution mondiale, devenait l'une des représentantes de l'opposition "gauchiste" (selon Lénine) contre la direction du Komintern. Se basant sur l'analyse de la décadence du capitalisme, les touches allemande et hollandaise proposaient une politique révolutionnaire Internationale contre les tactiques opportunistes du parlementarisme, de frontisme, de syndicalisme préconisées par le Kominterm. Nous supposons que les positions de la Gauche communiste allemande et hollandaise sur le parlementarisme et le syndicalisme sont bien connues dans le milieu révolutionnaire International ([13] [74]) à travers les textes des années 20 réédités ces dernières années. Dans la partie suivante, nous nous limiterons donc à la question du parti pour souligner une caractéristique de la Gauche hollandaise, sa compréhension du matérialisme historique, les aspects forts et faibles de cette compréhension et la théorisation des points faibles par le conseil Usine.
La question du PARTI
On dit souvent que la Gauche hollandaise était un courant anti-parti, anti-chefs, anti-politique. Contre le fétichisme des mots des conseillistes et contre l'apologie scolastique des bordiguistes sur le parti, il nous faut souligner que la Gauche hollandaise a défini le terme "parti" différemment selon les époques, et par ailleurs, que Gorter, Pannekoek et le GIC (groupe des communistes Internationalistes dans les années 30) n'ont rien à voir avec Ruhle et sa position anti-parti.
Dans le fond, la Gauche hollandaise n'est pas devenue le sujet de critiques, et même de ridiculisation et d'insultes de la part des meneurs de la troisième Internationale parce que Pannekoek et Gorter auraient changé de position sur le rôle des partis communistes mais parce que l'Internationale, elle, a changé de position avec son deuxième congrès et 1es "21 conditions" d'adhésion qui prescrivent aux communistes, entre autres, de militer à l'intérieur des syndicats et d'utiliser les élections et le parlement pour conquérir de larges masses. C'est une manifestation des relents de la période passée, du réformisme, marquée par les chefs de l'Internationale 2 1/2. A cette époque, l'IC et ses partis adhérents se transforment et d'instruments de propagande et d'agitation communistes qu'ils étaient, deviennent un corps fermement centralisé qui prétendait"diriger" les masses conquises vers la révolution, par des tactiques /opportunistes tes. La dissolution du Bureau d'Amsterdam a constitué un moment: Important de cette évolution. L'Internationale suivait l'exemple du Parti bolchevik non tel qu'il était lors de la révolution d'Octobre, mais tel qu'il était devenu à cette époque, un Parti d'Etat qui avait déjà commencé à subordonner les soviets. Pannekoek écrit :
"La référence à la Russie où le gouvernement communiste non seulement n'a pas reculé quand les grandes masses d'ouvriers s'en sont détournées démoralisés mais au contraire a fermement pratiqué la dictature et défendu la révolution de toutes ses forces,ne peut pas être appliqué ici. Là-bas, il ne s'agissait pas de conquérir le pouvoir y la situation était déjà décidée, la dictature prolétarienne disposait déjà de toutes les modalités de pouvoir et ne pouvait pas s'en abstenir. Le vrai exemple russe, c'est avant novembre 1917 qu'on peut le trouver. A cette époque, le parti communiste n 'avait jamais dit ou penser qu'il faudrait prendre le pouvoir et que sa dictature serait la dictature des masses travailleuses. Il a déclaré maintes et maintes fois que les soviets, représentant les masses, prendraient le pouvoir; lui-fi&me devait définir le programme, lutter pour le programme et quand finalement la majorité des soviets reconnaitrait ce programme comme le sien, il prendrait le pouvoir alors. Les organes exécutifs des communistes, le PC étaient naturellement le soutien puissant à qui revenait tout ce travail". (Pannekoek ; "Der Neue Blanquismus", 1920)
Face à la stagnation de la révolution mondiale, Pannekoek et Gorter pensaient qu'on ne pouvait pas abréger la voie qui mène à la victoire en agissant comme minorité révolutionnaire à la place de l'ensemble de la classe. La défaite du pouvoir du capital dans les pays industriels, de sa domination idéologique sur la conscience du prolétariat pouvait seulement être précipitée par la propagande des buts et des moyens de la lutte prolétarienne dans la période de décadence, et non par l'utilisation opportuniste des formes de lutte de la période ascendante d'un côté, ni par le putschisme de 1'autre. Tel était aussi le contenu du programme du KAPD ([14] [75]). Ce souci de former une avant-garde du prolétariat basée sur des positions communistes claires, ayant pour tâche de défendre et de diffuser activement ces positions dans la lutte, a toujours été celui de la Gauche Hollandaise.
F.K.
Table des abréviations :
SDAP : Sociaal-Democratische Arbeiderspartj (Parti Ouvrier Social-Démocrate) hollandais;
SDP : Sociaal-Democratische Partij (Parti Social-Démocrate) hollandais
KPD : Kommunistische Partei Deutschlands (Parti Communiste d'Allemagne)
KAPD : Kommunistische Arbeiter Partei Deutschlands. (Parti communiste ouvrier d'Allemagne).
GIC : Groep van Internationale communisten (Groupe des communistes internationaux).
[1] [76] Tract de "Programme Communiste"
[2] [77] Presque toutes les études sur la Gauche Hollandaise se basent en partie, directement ou indirectement sur des informations et des interprétations données par C. Brendel.
[3] [78] C.Brendel: "Revolutie en Contrarevolutie in Spanje", Baam 1977, Page 158.
[4] [79] Cet article écrit par Marx en 1844 est paru dans le "Vorwarts ! " de Paris.
[5] [80] Marx : "L'Idéologie Allemande", Editions Sociales, page 50.
[6] [81] Sur Domela Nieuwenhuis, Bricianer écrit dans "Pannekoek et les Conseils Ouvriers" (EDI. Paris- Page 42) : "Le mouvement socialiste avait donc présenté en Hollande, du moins à ses débuts, un caractère plus "français", c'est à dire plus axé sur l’anarchisme que sur 1e marxisme. Son Inspirateur fut un homme de grand talent, Tex-pasteur Domela Nieuwenhuis. (il fut) élu député tout d'abord dans le seul dessein d'utiliser la tribune parlementaire pour la propagande du mouvement social-démocrate."
[7] [82] "Daad en Gedachte", Avril 1978, Page 10
[8] [83] Pannekoek. "Die taktlschen differenzen in der Arbeiterbewegung", Hambourg 1909. En Français : "Les divergences tactiques au sein du mouvement ouvrier" publié en partie dans "Pannekoek et les Conseils Ouvriers" par Bricianer. EDI. Paris. Page 51.
[9] [84] Ibidem.
[10] [85] Ibidem.
[11] [86] Comme le PCI aujourd'hui, Wijnkoop /Van Ravesleyn attaquaient seulement "leur" impérialisme propre, l'Impérialisme allemand auquel la bourgeoisie hollandaise dans sa majorité s'était ralliée. (Les Pays-Bas n'étalent pas directement impliqués dans la guerre mondiale).
[12] [87] Les ouvriers anarcho-syndicalistes étalent antiallemands et pacifiques, ce qui a amené le SDP à prendre des positions opportunistes par rapport à la violence prolétarienne.
[13] [88] La direction Wijnkoop/Van Ravesteyn préférait une attitude sectaire vis à vis de la conférence de K1enthaï.
[14] [89] Des textes du KAPD sont publiés en français dans le livre "La Gauche Allemande", La Vieille Taupe -Paris 1973.
Liens
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