Chapitre quatre : Pour le développement d’une aire de la Gauche communiste internationale

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Chapitre IV

Pour le développement d’une aire de la Gauche communiste internationale, la Conférence de la Gauche communiste de 1947

Il peut paraître arbitraire de faire un chapitre particulier autour de cette conférence qui relève d’un autre domaine que les
chapitres précédants. Notre souci provient de la volonté politique de souligner l’importance toute particulière qu’a revêtue cette Conférence internationale de la Gauche communiste qui a permis à ses deux traditions de se rencontrer et de commencer à discuter ensemble sur le fond des questions.

*

La Gauche communiste de France s’est faite le plus farouche partisan de la tenue de cette conférence internationale.

Malgré l’échec de la révolution attendue par les révolutionnaires après la Seconde Guerre mondiale (sur le modèle de la révolution russe et allemande après la guerre de 1914) et de la crise de la Gauche italienne qui s’en est suivi, la Gauche communiste de France ne se laisse pas abattre et elle puise dans une situation terriblement défavorable les bases d’un renforcement politique.

Pourquoi ? Comme la Fraction italienne dans les années 30, ces événements malheureux l’obligèrent à se recentrer sur l’essentiel : la réflexion politique et théorique, et continuer l’œuvre de la Fraction (FI) pour en faire un nouveau bilan critique. Ce faisant, elle a effectué des apports politiques inestimables : sur les questions du capitalisme d’Etat, de la décadence du capitalisme, de l’Etat dans la période de transition et sur la question du Parti.

Mais, ce qui aujourd’hui, nous semble être un aspect largement aussi important de son apport, mais bien souvent passé inaperçu, est la tenue de cette Conférence Internationale.

Comme Marx, Engels et tous les marxistes après eux, la GCF ne se considère pas comme le seul groupe révolutionnaire. La GCF a toujours considéré le débat, même polémique et sans concession entre révolutionnaires, comme fondamental pour faire progresser la théorie révolutionnaire. C’est la raison pour laquelle la GCF pousse à la discussion et à la confrontation entre tous les révolutionnaires. Cet effort a abouti à la Conférence de 1947.

Aujourd’hui, le CCI se reconnaît toujours dans cette attitude et dans cette méthode politique.

Le courrier de préparation de cette conférence et le bilan qu’en a fait Internationalisme revue de la GCF porte témoignage qu’elle a intégrée et faite sienne la méthode utilisée à la Conférence de 1933 par la Fraction italienne. Le CCI s’en revendique.

Le CCI a appris d’Internationalisme qu’il existe une Gauche communiste qui comprend deux rameaux essentiels : la Gauche italienne et la Gauche germano-hollandaise. C’est de l’expérience historique de ces deux courants que nous nous réclamons ainsi que de l’examen critique de leurs positions politiques et théoriques accomplie par Internationalisme et la GCF.

Nous publions les textes suivants :

1. Lettre de la GCF au Communistenbond Spartacus (Internationalisme no 23) ;

2. Le bilan de la Conférence (Internationalisme) ;

3. Rectificatif  autour de la Conférence Internationale (Jober) ;

4. Lettre de la lettre de la GCF et Réponse de la Rédaction (Bulletin d’informations et de discussions internationales).


Texte no 1

                                                Internationalisme n° 23, 1947
          Lettre de la GCF au Communistenbond Spartacus, Hollande

Chers camarades.

Nous avons reçu votre lettre du 18 mars nous faisant part de votre intention de convoquer une Conférence des groupes révolutionnaires de Hollande, Belgique et France.

Quoique n’ayant pas encore reçu votre document de discussion “Le nouveau Monde” (dont vous annoncez la traduction et l’envoi) nous déclarons immédiatement notre accord avec l’initiative prise par vous et notre volonté de faire que cette Conférence, à laquelle nous participerons, soit une rencontre fructueuse pour le mouvement ouvrier international.

Vous n’ignorez certainement pas que depuis juillet 1945, notre groupe a ressenti et a proclamé la nécessité d’une reprise des relations entre les groupes restés fidèles à la cause de l’émancipation du prolétariat.

La dégénérescence de l’Internationale communiste a vu surgir bien des groupes exprimant une réaction de classe contre l’opportunisme et la trahison. Mais le long cours réactionnaire qui a précédé la Seconde Guerre mondiale a eu raison de ces groupes, les a fourvoyés politiquement ou dispersés physiquement. La Seconde Guerre mondiale n’a fait qu’accentuer cette dispersion. Seuls, quelques petits groupes extrêmement faibles ont résisté à ce rouleau compresseur.

Il était naturel, d’autre part, que la monstruosité de la guerre ouvrît les yeux et fît resurgir de nouveaux militants révolutionnaires. C’est ainsi qu’en 1945 se sont formés, un peu partout, des petits groupes qui, malgré l’inévitable confusion et leur immaturité politique, présentaient néanmoins dans leur orientation des éléments sincères tendant à la reconstruction du mouvement révolutionnaire du prolétariat.

La Seconde Guerre mondiale ne s’est pas soldée comme la première par une vague de luttes révolutionnaires de la classe. Au contraire. Après quelques faibles tentatives, le prolétariat a essuyé une désastreuse défaite, ouvrant un cours général réactionnaire dans le monde. Dans ces conditions les faibles groupes qui ont surgi au dernier moment de la guerre risquent d’être emportés et disloqués. Ce processus peut déjà être constaté par l’affaiblissement de ces groupes un peu partout et par la disparition de certains autres, comme celle du groupe des Communistes révolutionnaires en France.

Cependant, l’existence et le développement de ces groupes dans leur ensemble, présente un intérêt certain, car ils sont incontestablement des manifestations de la vie de la classe et de son expression idéologique, avec tout ce qu’ils contiennent de tâtonnement et d’hésitation reflétant les difficultés réelles rencontrées par le prolétariat durant ces 30 dernières années. Dans une période comme la nôtre de réaction et de recul, il ne peut être question de constituer des partis et une Internationale, – comme le font les trotskistes et consorts – (car le bluff de telles constructions artificielles n’a jamais servi qu’à embrouiller un peu plus le cerveau des ouvriers). Il serait criminel de négliger l’effort de regroupement des militants révolutionnaires.

Aucun groupe ne possède en exclusivité la “vérité absolue et éternelle” et aucun groupe ne saurait résister par lui-même et isolément à la pression terrible du cours actuel. L’existence organique des groupes et leur développement idéologique sont directement conditionnés par les liaisons intergroupes qu’ils sauraient établir et par l’échange de vues, la confrontation des idées, la discussion qu’ils sauraient entretenir et développer à l’échelle internationale.

Cette tâche nous parait être de la première importance pour les militants à l’heure présente et c’est pourquoi nous nous sommes prononcés et sommes décidés à œuvrer et à soutenir tout effort tendant à l’établissement de contacts, à multiplier des rencontres et des conférences élargies.

Mais ici nous devons faire quelques observations :

L’objectif qu’on se propose d’atteindre est bien précis. Il ne s’agit pas de discussion en général, mais bien de rencontres qui permettent des discussions entre des groupes prolétariens révolutionnaires. Cela implique forcément des discriminations sur la base de critères politiques idéologiques. Il est absolument nécessaire, afin d’éviter les équivoques et afin de ne pas rester dans le vague, de préciser autant que possible ces critères.

En prenant l’initiative de la conférence, en invitant tel groupe ou tel autre, vous avez évidemment obéi vous aussi à des critères politiques et non à des appréciations sentimentales. Mais cela reste chez vous trop vague.

a) En éliminant le courant trotskiste, vous avez certainement tenu compte de son appréciation de l’Etat russe et de sa position de défense de cet Etat qui font du trotskisme un corps politique se situant hors du prolétariat. Nous partageons sur ce point votre façon de voir et estimons que l’attitude envers l’Etat russe doit être considérée comme un critère de délimitation. Mais au lieu d’être sous-entendu implicitement, nous croyons qu’on ferait mieux et un grand pas en avant, en l’affirmant explicitement.

b) Vous invitez par contre le Libertaire, c’est-à-dire la Fédération anarchiste française. Vous n’ignorez pas que les anarchistes français tout en considérant comme une “faute” la participation de leurs camarades espagnols au Gouvernement capitaliste 1936-38, n’ont jamais rompu avec eux ni dénoncé leur action comme trahison du prolétariat. Il ne s’agit pas simplement de la participation au gouvernement mais de toute une politique qui, partant du “Frente popular”, du front unique avec une fraction “démocratique” de la bourgeoisie contre une autre “fraction “réactionnaire”, “fasciste”, a fait de l’anarchisme un courant politique qui a participé sous l’étiquette de “l’antifascisme” à la guerre impérialiste en Espagne.

Ce sont les mêmes raisons politiques qui ont rendu possible la participation des anarchistes aux maquis de la Résistance en France, qui interdisaient à la Fédération de prendre position sur ce problème (c’est-à-dire à la participation à la guerre impérialiste tout court), en en faisant un problème de conscience individuelle.

“L’antifascisme” comme la “défense de l’URSS” ont servi et servent encore comme principaux moyens pour duper et rassembler le prolétariat sur le terrain du capitalisme. Nous estimons qu’il est nécessaire d’affirmer clairement que tout courant se rattachant à “l’antifascisme”, se rattachant à la défense du capitalisme et de son Etat, n’a pas sa place dans un rassemblement du prolétariat.

c) Il est à peine nécessaire d’insister que doivent être éliminées des rencontres et des conférences tous les groupes qui sous un quelconque prétexte idéologique (défense de l’URSS, de la démocratie, de l’antifascisme ou de libération nationale) ont effectivement participé d’une façon ou d’une autre à la guerre impérialiste de 1939-45.

De tels groupes, quelles qu’aient pu être leur origine et leur tendance initiale, ont été happés dans l’engrenage de l’idéologie capitaliste et ont cessé d’être des foyers de fermentation de formation de militants prolétariens.

d) Il est un point acquis pour le programme de classe du prolétariat : c’est la nécessité de la destruction violente de l’Etat capitaliste. La signification historique d’Octobre 1917, sa portée décisive réside dans la démarcation qu’elle a faite entre la position bourgeoise de maintien et de réforme de l’Etat capitaliste et la position du prolétariat luttant pour sa destruction. En ce sens, Octobre 1917 reste un critère fondamental de toute organisation se réclamant du prolétariat.

Ces quatre critères que nous venons d’énoncer n’ont pas pour but de résoudre les problèmes se posant au prolétariat pour son émancipation ni de définir les tâches propres aux groupes révolutionnaires. Ces quatre critères ne font que marquer les frontières de classe, séparant le prolétariat du capitalisme.

Seules les rencontres entre les groupes se trouvant sur la base de ces critères, c’est-à-dire sur la base de classe du prolétariat, peuvent présenter un réel intérêt, et la discussion peut être une œuvre utile et féconde pour la renaissance du mouvement révolutionnaire international.

Salutations révolutionnaires,

Gauche communiste de France


Texte no 2

Le bilan de la Conférence par Internationalisme

Une Conférence internationale des groupements révolutionnaires

Les 25 et 26 mai s’est réunie une Conférence Internationale de contact des groupements révolutionnaires. Ce ne fut pas uniquement pour des raisons de sécurité que cette Conférence ne fut pas annoncée tambour battant à la mode stalinienne et socialiste. Les participants à la Conférence avaient profondément conscience de 1a terrible période de réaction que traverse présentement le prolétariat, et de leur propre isolement inévitable en période de réaction sociale – aussi ne se livrèrent-ils pas aux bluffs spectaculaires tant goûtés, d’ailleurs de fort mauvais goût, de tous les groupements trotskistes.

Cette Conférence ne s’est fixé aucun objectif concret immédiat impossible à réaliser dans la situation présente, ni une formation artificielle d’Internationale, ni des proclamations incendiaires au prolétariat.

Elle n’avait uniquement pour but qu’une première prise de contact entre les groupes révolutionnaires dispersés, la confrontation de leurs idées respectives sur la situation présente et les perspectives de la lutte émancipatrice du prolétariat.

En prenant l’initiative de cette Conférence, le Communistenbond “Spartacus” de Hollande, mieux connu sous le nom de Communistes de conseils ([1]), a rompu l’isolement néfaste dans lequel vivent la plupart des groupes révolutionnaires et a rendu possible la clarification d’un certain nombre de questions.

Les Participants

Les groupes suivants furent représentés à la Conférence et ont pris part au débat :

  Hollande : le Communistenbond “Spartacus” ;

  Belgique : les groupes apparentés au “Spartacus” de Bruxelles et de Gand. La Fraction belge de la GCI ;

  France : la Gauche communiste de France. Le groupe du Prolétaire ;

  Suisse : le groupe Lutte de classe.

En outre, quelques camarades révolutionnaires n’appartenant à aucun groupe participèrent directement, par leur présence ou par l’envoi d’interventions écrites, aux débats de la Conférence.

Notons encore une longue lettre du “Parti socialiste de Grande-Bretagne” adressée à la Conférence et dans laquelle il a expliqué longuement ses positions politiques particulières.

La FFGC a également fait parvenir une courte lettre dans laquelle elle souhaite “bon travail” à la Conférence mais à laquelle elle s’excuse de ne pouvoir participer à cause du manque de temps, d’occupations urgentes ([2]).

Le travail de la Conférence

L’ordre du jour suivant fut adopté comme plan de discussion à la Conférence :

l.  L’époque actuelle.

2. Les formes nouvelles de lutte du prolétariat (des formes anciennes aux formes nouvelles).

3. Tâches et organisation de l’avant-garde révolutionnaire.

4. Etat-Dictature du prolétariat-Démocratie ouvrière.

5. Questions concrètes et conclusions. (accord de solidarité internationale, contacts, information internationale, etc.).

Cet ordre du jour s’est avéré bien trop chargé pour pouvoir être épuisé par cette première Conférence insuffisamment préparée et trop limitée par le temps.

N’ont été effectivement abordés que les trois premiers points à l’ordre du jour. Chaque point à donné lieu à d’intéressants échanges de vues.

Il serait évidemment présomptueux de prétendre que cet échange de vues a abouti à une unanimité. Les participants à la Conférence n’ont jamais émis une telle prétention. Cependant, on peut affirmer que les débats parfois passionnés ont révélé une plus grande communauté d’idées qu’on n’aurait pu le soupçonner.

Sur le premier point de l’ordre du jour comprenant l’analyse générale de l’époque présente du capitalisme, la majorité des interventions rejetait aussi bien les théories de Burnham sur l’éventualité d’une révolution et d’une société directoriale, que celle de la continuation de la société capitaliste par un développement possible de la production. L’époque présente fut définie comme étant celle du capitalisme décadent, de la crise permanente, trouvant dans le capitalisme d’Etat son expression structurelle et politique.

La question de savoir si les syndicats et la participation aux campagnes électorales en tant que forme d’organisation et d’action pouvaient encore être utilisés par le prolétariat dans la période présente a donné lieu à un débat animé et fort intéressant. Il est regrettable que les tendances qui préconisent encore ces formes de la lutte de classe, sans se rendre compte que ces formes dépassées et périmées ne peuvent exprimer aujourd’hui qu’un contenu antiprolétarien et tout particulièrement le PCI d’Italie, ne furent pas présentes à la Conférence pour défendre leur position. Il y avait bien la Fraction belge et la Fédération autonome de Turin, mais la conviction de ces groupes dans cette politique qui était leur, récemment, est à ce point ébranlée et incertaine qu’ils ont préféré garder le silence sur ce point.

Le débat portait donc, non sur une défense possible du syndicalisme et de la participation électorale en tant qu’armes de lutte du prolétariat, mais exclusivement sur les raisons historiques, sur le pourquoi de l’impossibilité de l’utilisation de ces formes de lutte dans la période présente. Ainsi des syndicats, le débat s’est élargi et la discussion a porté non seulement sur la forme organisationnelle en général, qui, en somme, n’est qu’un aspect secondaire, mais a mis en question les objectifs qui la déterminent – la lutte pour des revendications économiques corporatistes et partielles, dans les conditions présentes du capitalisme décadent ne peuvent être réalisés et encore moins servir de plate-forme de mobilisation de la classe.

La question de comités ou conseils d’usine comme forme nouvelle d’organisation unitaire des ouvriers acquiert sa pleine signification et devient compréhensible en liaison étroite et inséparable avec les objectifs qui se posent aujourd’hui au prolétariat : les objectifs sont non de réformes économiques dans le cadre du régime capitaliste, mais de transformations sociales contre le régime capitaliste.

Le troisième point : les tâches et l’organisation de l’avant-garde révolutionnaire, qui posent les problèmes de la nécessité ou non de la constitution d’un parti politique de classe, du rôle de ce parti dans la lutte émancipatrice de la classe et des rapports entre la classe et le parti, n’a malheureusement pas pu être approfondi comme il aurait été souhaitable.

Une brève discussion n’a permis aux différentes tendances que d’exposer dans les grandes lignes leurs positions sur ce point. Tout le monde sentait pourtant qu’on touchait là une question décisive aussi bien pour un éventuel rapprochement des divers groupes révolutionnaires que pour l’avenir et les succès du prolétariat dans sa lutte pour la destruction de la société capitaliste et l’instauration du socialisme. Cette question, à notre avis fondamentale, n’a été qu’à peine effleurée et demandera encore des discussions pour l’approfondir et la préciser. Mais il est important de signaler que déjà à cette Conférence, il est apparu que si des divergences existaient sur l’importance du rôle d’une organisation de militants révolutionnaires conscients, les Communistes de conseil pas plus que les autres ne niaient la nécessité même de l’existence d’une telle organisation, qu’on l’appelle Parti ou autrement, pour le triomphe final du socialisme. C’est là un point commun qu’on ne saurait trop souligner.

Le temps manquait à la Conférence pour aborder les autres points de l’ordre du jour. Une courte discussion très significative a eu encore lieu, vers la fin, sur la nature et la fonction du mouvement anarchiste. C’est à l’occasion de la discussion sur les groupes à inviter dans de prochaines conférences que nous avons pu mettre en évidence le rôle social-patriote du mouvement anarchiste, en dépit de sa phraséologie révolutionnaire creuse, dans la guerre 1939-45, leur participation à la lutte partisane pour la Libération “nationale et démocratique” en France, en Italie et actuellement encore en Espagne, suite logique de leur participation dans le Gouvernement bourgeois “républicain et antifasciste”, et dans la guerre impérialiste en Espagne en 1936-38.

Notre position : que le mouvement anarchiste aussi bien que les trotskistes ou toute autre tendance qui participa ou participe à la guerre impérialiste au nom de la défense d’un pays (défense de la Russie) ou d’une forme de domination bourgeoise contre une autre (défense de la République et de la démocratie contre le fascisme) n’avait pas de place dans une Conférence des groupes révolutionnaires fut soutenue par une majorité des participants. Seul le représentant du Prolétaire se faisait l’avocat de l’invitation de certaines tendances non orthodoxes de l’anarchisme et du trotskisme.

Conclusion

La Conférence s’est terminée comme nous l’avons dit sans avoir épuisé l’ordre du jour, sans avoir pris aucune décision pratique, et sans avoir voté de résolution d’aucune sorte. Il ne pouvait en être autrement. Cela, non pas tant comme le disaient certains camarades pour ne pas reproduire le cérémonial religieux de toute Conférence et consistant dans le vote final obligatoire de résolutions qui ne signifient pas grand chose, mais à notre avis parce que les discussions ne furent pas suffisamment avancées pour permettre et justifier le vote de résolution quelconque.

Alors, la Conférence ne fut qu’une réunion de discussion habituelle et ne présente pas autrement d’intérêt, penseront certains malins ou sceptiques. Rien ne serait plus faux. Au contraire, nous considérons que la Conférence a eu un intérêt et que son importance ne manquera pas de se faire sentir à l’avenir sur les rapports entre les divers groupes révolutionnaires. Il faut se souvenir que depuis 20 ans, ces groupes vivent isolés, cloisonnés, repliés sur eux-mêmes, ce qui a inévitablement produit chez chacun des tendances à un esprit de chapelle et de secte, que tant d’années d’isolement ont déterminé dans chaque groupe une façon de penser, de raisonner et de s’exprimer qui le rend souvent incompréhensible aux autres groupes. C’est là non la moindre des raisons de tant de malentendus et d’incompréhensions entre les groupes. C’est surtout la nécessité de se rendre soi-même perméable aux idées et arguments des autres et de soumettre ses idées propres à la critique des autres. C’est là une condition essentielle de non encroûtement dogmatique et du continuel développement de la pensée révolutionnaire vivante qui donne tout l’intérêt à ce genre de Conférence.

Le premier pas, le moins brillant mais le plus difficile, est fait. Tous les participants à la Conférence, y compris la Fraction belge qui n’a consenti à participer qu’après bien des hésitations et beaucoup de scepticisme ont exprimé leur satisfaction et se sont félicités de l’atmosphère fraternelle et de la discussion sérieuse. Tous ont également exprimé le vœu d’une convocation, prochaine pour une nouvelle conférence plus élargie et mieux préparée pour continuer la travail de clarification et de confrontation commune.

C’est là un résultat positif qui permet d’espérer qu’en persévérant dans cette voie, les militants et groupes révolutionnaires sauront dépasser le stade actuel de la dispersion et parviendront ainsi à œuvrer plus efficacement pour l’émancipation de leur classe qui a la mission de sauver l’humanité tout entière de la terrible destruction sanglante que prépare et dans laquelle l’entraîne le capitalisme décadent.

Marco


Texte no 3

RECTIFICATIF
autour de la Conférence internationale de contact

Nous avons reçu du camarade Jober la rectification suivante. C’est avec plaisir que nous la publions d’autant plus que dans le compte rendu de Marco de la Conférence, il était fait expressément mention de la délégation de la Fédération autonome de Turin. C’est uniquement à la suite d’une erreur de dactylo que tout ce passage a été omis.

“Dans votre relation sur la Conférence internationale de contact, vous avez oublié de citer parmi les participants la section Autonome du PCI de Turin ; le seul organisme qui a envoyé adhésion et délégation officielle. Le camarade Marco mélange les positions théoriques de la Fraction belge avec celles du groupe de Turin. La vérité est que la Fraction belge maintient intégralement les positions bordiguistes ; au contraire, la section de Turin s’est déclarée autonome précisément pour les divergences sur la question électorale et sur la question clé de l’unité des forces révolutionnaires du prolétariat. L’ample relation traduite en français et distribuée à chaque groupe – même incomplète – peut éclairer les camarades à ce sujet. Le délégué de Turin n’a pas abusé du temps précieux et limité sur la discussion du point 2 n’ayant aucun mandat impératif ; mais dans toutes ses brèves interventions, il a suffisamment manifesté la nécessité de l’action directe intransigeante de classe, unique chemin pour le redressement du mouvement révolutionnaire du prolétariat.

“L’exemple pratique de l’initiative de la section de Turin avec le groupe autonome anarchiste est significatif. Pour témoignage de mes assertions, même sur la question syndicale, je vous cite les conclusions de la relation de Turin : – nous avons la confiance que cette conférence nous apportera les éclaircissements nécessaires sur toutes les questions qui intéressent l’organisation du prolétariat (ce n’est pas la position de la Fraction belge ni du PCI) et qu’il nous sera possible d’arriver à une complète entente. Une autre précision reste à faire : il est exact que les anarchistes n’ont pas adhéré officiellement, mais il ne faut pas oublier qu’un anarchiste a présidé la Conférence.

“Avec ma foi révolutionnaire,

JOBER


Textes no 4

BULLETIN D’INFORMATIONS
ET DE DISCUSSIONS INTERNATIONALES

édité par le Groupe des communistes de conseils – Hollande,

1er nov. 1947 – N° 1

Ce Bulletin comprend deux textes : la “Lettre de la GCF” et une “Réponse” à cette lettre.

 

1. – Réponse à la lettre de la Gauche communiste de France

La parution de ce Bulletin d’informations et de discussions internationales est une réponse pratique à la lettre de la GCF. Nous avons l’espoir que beaucoup de camarades ou même des groupes seront intéressés à participer à la discussion en vue de la préparation de la prochaine conférence. Les camarades ou les groupes sont priés de faire connaître le nombre d’exemplaires de chaque numéro qu’ils désirent avoir. Vu que l’envoi des fonds est pratiquement impossible ; nous prions les abonnés de garder l’argent jusqu’à la prochaine réunion.

Les articles devront être rédigés aussi brièvement et simplement que possible.

La rédaction du “Bulletin”

 2. – Lettre de la Gauche communiste de France

(octobre 1947)

Chers camarades,

A la conférence de contact des groupes révolutionnaires tenue à la Pentecôte, il était ressorti la nécessité de préparer une nouvelle conférence permettant, en plus de la discussion générale, une plus grande liaison idéologique entre les différents groupes révolutionnaires.

C’est en voulant préciser et mettre en application ce vœu de la Conférence de la Pentecôte, que la Gauche communiste de France s’adresse à vous [pour vous] prier de prendre en main l’organisation technique d’une nouvelle conférence.

Si la précédente conférence a réuni des groupes révolutionnaires ayant des points idéologiques communs sans qu’ils aient été formulés, il est aujourd’hui impossible de réunir une conférence sans que celle-ci se pose sur une base commune de discussions. Il n’est pas dans nos intentions d’éliminer certains groupes et certains militants isolés, mais nous pensons qu’une base affective ne suffit pas pour réunir une nouvelle conférence de contact.

La base de discussion n’est pas une série de critères permettant l’élimination ou l’admissibilité des groupes à cette conférence, elle n’exprime que la nécessité qu’une telle conférence soit une véritable “praxis” révolutionnaire. Rejetant le dilettantisme dans la discussion de certains groupes ou individualités, nous entendons que cette conférence soit le préliminaire d’une sérieuse discussion politique en vue de la lutte de classe du prolétariat vers le socialisme.

Les groupes qui sont susceptibles ou ont le désir de participer à cette conférence se posent comme points communs :

1. La volonté d’œuvrer et de lutter en vue de la révolution du prolétariat, par la destruction violente de l’Etat capitaliste pour l’instauration du socialisme.

2. La condamnation de toute acceptation ou participation à la Seconde Guerre impérialiste avec tout ce qu’elle a pu comporter de corruption idéologique de la classe ouvrière, telle les idéologies fascistes et antifascistes ainsi que leurs appendices sociaux : le maquis, les libérations nationales et coloniales, leur aspect politique : la défense de l’URSS, des démocraties, du national socialisme européen.

Cette condamnation se rapporte aussi sur toute guerre impérialiste qui pourrait éclater entre le bloc américain et le bloc russe.

Hors de cette base commune de discussion, la conférence se perdra dans sa signification politique et sa tâche révolutionnaire.

Ordre du jour des discussions

Après près de six ans d’arrêt de toute discussion internationale, l’ordre du jour de cette conférence sera particulièrement chargé vu les nouvelles théories bourgeoises, lesquelles ont considérablement interféré avec les vieux principes révolutionnaires. Celui que nous proposons sera le plus large possible et en même temps permettra à tous les participants de faire connaître les enseignements qu’ils ont tirés de la lutte de classe de ces 30 dernières années.

1. Analyse de la situation politique sociale et économique du capitalisme moderne (totalitarisme, capitalisme d’Etat, techno-bureaucratie).

2. Le mouvement ouvrier actuel, sa nature de classe, nature et signification de ses divers mouvements économiques, sociaux et politiques (syndicats, lutte extra-syndicale, lutte à objectifs sociaux, lutte pour les nationalisations).

3. Signification et tâches des groupes révolutionnaires dans la lutte de classe et dans la révolution (notions du parti prolétarien et post-révolutionnaire).

4. Base politique sociale et économique de l’édification de la société socialiste. Problème de la gestion socialiste et de l’Etat post-révolutionnaire.

Nous précisons que cet ordre du jour n’est que proposé, seule la Conférence pourra décider de l’ordre du jour à adopter.

Il demeure certains points techniques qu’il s’agit de régler très vite. Nous vous proposons donc d’écrire les rapports de l’ordre du jour que vous réunirez dans un bulletin. Donc, chaque mois jusqu’à la Conférence, un bulletin paraîtra contenant les rapports de discussions des différents groupes sur les points à l’ordre du jour. Vous en aurez la charge, dans ce qui est de réunir les différents documents de discussion et d’expédier les bulletins aux groupes ou militants qui y participeront. Comme cet aspect technique de la Conférence nécessitera une dépense financière trop lourde, nous acceptons de participer aux frais dès maintenant. Il sera présenté à la Conférence un bilan des dépenses de publication, lesquelles dépenses seront supportées par tous les participants.

Nous émettons le vœu que cette Conférence soit très sérieusement préparée pour donner des résultats féconds et indispensables pour la lutte de classe à venir.

Avec nos salutations communistes,

La Gauche communiste de France



[1]) Nous trouvons dans le Libertaire du 29‑mai 1947 un article fantaisiste sur cette‑Conférence. L’auteur qui signe AP et qui passe dans le Libertaire pour le spécialiste en histoire du mouvement ouvrier communiste, prend vraiment trop de‑liberté avec l’histoire. Ainsi représente-t-il cette Conférence à laquelle il n’a pas assisté et dont il ne sait absolument rien‑comme une Conférence des Communistes des conseils, alors que ces derniers, qui l’ont effectivement convoquée, participaient au même titre que toute autre tendance.

AP ne se contente pas seulement de prendre de la liberté avec l'histoire passée mais il se croit autorisé d'écrire, au passé, l'histoire à venir. A la manière de ces journalistes qui ont décrit à l'avance avec force détails la pendaison de Goering, sans supposer que ce dernier aurait le mauvais goût de se suicider à la dernière minute, l'historien du Libertaire AP annonce la participation à la Conférence des groupes anarchistes alors qu'il n'en est rien.

Il est exact que le Libertaire fut invité à assister, mais il s’est abstenu de venir et à notre avis avec raison. La participation des anarchistes au Gouvernement républicain et à la guerre impérialiste en Espagne en 1936-38, la continuation de leur politique de collaboration de classe avec toutes les formations politiques bourgeoises espagnoles dans l’émigration, sous prétexte de lutte contre le fascisme et contre Franco, la participation idéologique et physique des anarchistes dans la “Résistance” contre l’occupation “étrangère” font d’eux en tant que mouvement un courant absolument étranger à la lutte révolutionnaire du prolétariat. Le mouvement anarchiste n'avait donc pas sa place à cette Conférence et son invitation eut été en tout état de cause une erreur.

[2]) Les “occupations urgentes” de la FFGC dénotent bien son état d’esprit concernant les rapports avec les autres groupes révolutionnaires. De quoi souffre exactement la FFGC, du “manque de temps” ou du manque d’intérêt et de compréhension pour les contacts et les discussions entre les groupes révolutionnaires ? A moins que ce ne soit son manque de politique suivie (à la fois pour et contre la participation aux élections, pour et contre le travail dans les syndicats, pour et contre la participation aux comités antifascistes, etc.) qui la gêne à venir confronter ses positions avec celles des autres groupes.