Le marais de "l'ultra-gauche" au service des campagnes de la bourgeoisie

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La campagne de la bourgeoisie contre la Gauche communiste autour de "l'affaire négationniste" a trouvé dans le milieu informe dénommé "d'ultra-gauche" non seulement de quoi alimenter ses calomnies mais aussi une caution théorique contre la tradition de la Gauche communiste et les organisations qui s'en réclament.

Comme nous l'avons déjà dit[1], le magma informe appelé "l'ultragauche", n'a rien à voir avec les organisations du milieu prolétarien. Rassemblement hétéroclite d'intellectuels divers au radicalisme petit-bourgeois, sans réelle filiation historique et sans tradition organisationnelle, il a toujours été le lieu de passage de toutes sortes de relectures "modernistes"[2] du marxisme, typiques de l'impatience petite bourgeoise déçue par la classe ouvrière. Fait de personnalités intéressées beaucoup plus à faire parler d'elles qu'à défendre des positions de classe, il est aussi le lieu de tous les aventurismes.

Tel fut le cas du libraire P. Guillaume qui, au début des années 80, vit dans les thèses de R. Faurisson l'occasion de s'offrir un coup de pub et qui déjà à cette époque rendit ainsi un fier service à la classe dominante. D'abord parce que les thèses "négationnistes", avec ou sans l'épithète ou "ultragauche", n'ont jamais servi d'autre but que celui d'affaiblir la condamnation du capitalisme, en niant la vérité historique de ses crimes les plus monstrueux. Ensuite parce que, en remettant à la mode les thèses éculées de l'antisémite Faurisson, "l'ultragauche négationniste" a, déjà à l'époque  et au même titre qu'un Le Pen, bien servi la propagande bourgeoise de la gauche visant à entraîner les ouvriers derrière la défense de l'Etat démocratique au nom du "retour du péril fasciste". Enfin en drainant derrière lui un milieu d'intellectuels dont certains prétendaient "sympathiser" avec les positions de la Gauche communiste, pillant dans les principes de celle-ci pour essayer de les mêler aux délires négationnistes, elle oeuvrait déjà à la traîner dans la boue.

Quant à ceux qui, revenus de l'aventure faurissonienne en question, ont commis l'ouvrage collectif "Libertaires et 'ultragauche' contre le négationnisme" autour duquel s'est centrée la récente campagne de presse, ils contribuent encore plus subtilement à l'opération de dénigrement de la Gauche communiste.

Ces gens-là, après avoir largement pataugé dans la fange douteuse du "révisionnisme" aux relents antisémites, vomissent aujourd'hui des mea-culpa et prétendent se blanchir en multipliant les professions de foi antifasciste et démocratique. Qu'ils le fassent devant leurs procureurs démocrates et trotskistes et se fassent préfacer par Gilles Perrault, animateur du groupement anti-lepéniste "Ras-l'front", n'est pas pour nous étonner de la part de "révolutionnaires" en peau de lapin de cet acabit.

 Mais ils ne s'arrêtent pas là. Pour mieux se disculper de leurs errements passés, ils s'empressent d'en faire porter le chapeau... à la Gauche communiste dont les principes et en particulier l'attitude internationaliste devant la seconde guerre mondiale aurait contenu, en germes, les ingrédients fondateurs de leurs dérives négationnistes !

Nos "radicaux" ultragauche ex-révisionnistes s'en prennent ainsi à l'affirmation par la Gauche communiste que la barbarie nazie participait pleinement de la logique aveugle et meurtrière du capital et de la guerre impérialiste, comme y ont participé les massacres de Dresde et d'Hiroshima. Ce point de vue, qualifié aujourd'hui de "schématisme marxeux" par les anciens amis de P.Guillaume, aurait constitué la racine théorique des errances faurissoniennes ultra gauchistes. Insistant à longueur de page sur le caractère "original" et "à part" de la barbarie nazie, l'argumentaire de ces derniers rejoint sans complexe les attaques du Figaro et du Monde pour hurler avec eux : le pire des négationnismes n'est pas de nier les chambres à gaz, mais d'oser dénoncer, derrière le monstrueux instrument nazi, la main du capitalisme.

Mais le summum est atteint lorsque cette bande de repentis s’attaque à la position des communistes face à la seconde guerre mondiale. Le délire négationniste ultra gauchiste descendrait en droite ligne du "dogme" selon lequel "il n'y a pas plus de différences entre le fascisme et les démocraties qu'il n'y en avait en 1914 entre la France de Clémenceau et l'Allemagne du Kaiser" et serait l'héritage des "groupes issus de la gauche italienne et allemande" qui ont défendu, "qu'on se retrouvait (face à la 2è guerre mondiale) devant le même cas de figure que lors de la Première Guerre mondiale"[3]. Sans le dire ouvertement, on suggère lourdement au lecteur que c'est donc le "dogme borné" de l'internationalisme prolétarien, son refus de choisir un camp dans la boucherie impérialiste de 3945, à l'instar de Lénine en 1914, qui aurait empêché la Gauche communiste de "percevoir l'originalité du nazisme" et, ce faisant, qui aurait ouvert grand la porte aux thèses négationnistes ! Au cas où on n'aurait pas compris, la conclusion du bouquin est encore plus explicite lorsqu'elle taxe de "cheval de bataille néonazi", le "renvoi dos à dos les deux belligérants, les Etats totalitaires et les Etats démocratiques"[4] .

Convertis en défenseurs acharnés de la "normalité démocratique" du capitalisme contre "l'aberration" de sa forme fasciste, les repentis ultra-gauchistes ont donc achevé de rejoindre le camp de tous les va-t-en guerre, ceux qui, à toutes les époques, ont toujours trouvé des mots d'ordre "radicaux" pour entraîner les prolétaires derrière les drapeaux nationaux et justifier la boucherie impérialiste[5].

Vu la complaisance avec laquelle ces gens-là apportent de l'eau au moulin de la campagne de dénigrement contre la Gauche communiste, on pourrait se demander pourquoi la presse bourgeoise s'est acharnée sur ces trois pelés d'intellectuels manipulés au lieu de s'en prendre explicitement aux organisations bien réelles qui se réclament de la Gauche communiste. Il n'y a là aucun mystère. Plutôt que de faire une publicité ouverte à ces dernières et citer leur presse, mieux vaut pour la bourgeoisie montrer du doigt des ersatz inoffensifs (contre le capital tout au moins !) et faire vendre un bouquin qui contribuera d'autant mieux à dénaturer les positions de la Gauche communiste.


[1] Voir Révolution Internationale n°258 et 259.

[2] Voir Révolution Internationale n°17 et 18 : Du modernisme au néant.

[3] Libertaires et ultragauche contre le négationnisme, p.29.

[4] (4) Ibid., p.99.

[5] Qu'un Barrot, coauteur d'un ouvrage sur La Gauche Communiste en Allemagne et surtout responsable de la publication de textes de Bilan (principal représentant des positions défendues par la Gauche Communiste dans les années trente) sur la guerre d'Espagne, se retrouve côte à côte et sans les critiquer le moins du monde avec les tenants de cette entreprise crapuleuse, apporte de fait une caution à toute cette campagne dirigée contre la Gauche communiste.

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