Mécontentement dans l'enseignement pour adultes: Initiatives spontanées contre les mesures d'austérité

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"Le droit d'inscription aux cours pour adultes en Flandre sera sérieusement augmenté à partir de septembre 2007, et cela vaut aussi pour le cours de néerlandais destiné aux allochtones qui y vivent. Contre ces mesures, s'est déroulée le 11 janvier 2007 une manifestation devant le Ministère Flamand de l'Enseignement, à Bruxelles, au cours de laquelle professeurs et étudiants ont mené une action commune (...) Vos commentaires et votre éventuel soutien sont bienvenus. Il ne s'agit pas seulement de l'enseignement du néerlandais, mais aussi des autres cours pour adultes. T&G".

Nous voulons réagir à cet appel et à d'autres réactions de lecteurs et de contacts que nous avons reçues à ce propos car ils sont caractéristiques du mécontentement provoqué par cette nouvelle mesure d'austérité du ministre flamand de l'Enseignement, le 'socialiste' Vandenbroucke. Qui est concerné? Comment réagir? Descendre dans la rue ensemble? Interrompre les cours? Comment appeler à la solidarité? Les nombreuses questions que se posent les participants à ces actions sur la voie à suivre pour imposer un véritable rapport de forces, sont en effet une composante essentielle d'une résistance victorieuse.

Une nouvelle attaque qui vise la classe ouvrière

"Afin d'éviter que les étudiants accumulent «cours de jardinage et cours de cuisine» comme s'ils faisaient du shopping, le ministre de l'Enseignement, Frank Vandenbroucke (SP.A) propose d'augmenter le droit d'inscription" (De Standaard, 14.2.07). Concrètement, cela revient à augmenter le droit d'inscription par heure de cours à un euro, soit en pratique à tripler, voire quadrupler le montant à payer par les élèves (souvent une hausse de 100 à 300 EUR par cours) ! Mais, dit Vandenbroucke: "Actuellement, trop d'adultes papillonnent grosso modo d'un cours de décoration florale à un cours d'Italien, et vice versa. Ces élèves dilettantes peuplent l'enseignement pour adultes, mais dans les cours se trouvent également des adultes qui ont vraiment besoin de formation. En fixant un seuil financier, ce sont les adultes les plus motivés qui resteront" (De Standaard, 14.2.07). Voilà qui va certainement réjouir ces "adultes qui ont vraiment besoin de formation" (sic)! C'est la énième attaque directe sur les conditions de vie de la population travailleuse. Cette fois au travers de l'Enseignement pour adultes. Cela ôtera à une partie de la classe travailleuse toute chance de mieux se former, ou de se former tout court, et donc aussi d'essayer d'améliorer ses chances d'obtenir un emploi ou sa qualité de vie. Pour les allochtones, c'est un montant encore plus important qui sera prélevé de leurs moyens de (sur)vie, et il leur sera encore plus difficile d'avoir accès au marché de l'emploi. Et nous ne disons encore rien de la pression exercée concernant les présences des élèves (qui sont parfois absents parce qu'ils doivent travailler dans des jobs aux horaires très flexibles et difficiles). Certaines autorités vont jusqu'à exiger des écoles qu'elles dénoncent les absents.

Ceci est en flagrante contradiction avec les promesses d'une "formation continue" ou le slogan maintes fois répété d'une "politique d'enseignement sociale" que ce même ministre "socialiste" répand depuis toute une législature et dont il se vante constamment dans les médias. En France aussi, on a d'abord essayé de "vendre" le CPE) comme une "mesure sociale pour aider les jeunes à trouver un emploi", et chez VW, les licenciements massifs et les baisses de salaires sont présentés comme une "garantie pour l'avenir". Une fois de plus, les mesures d'austérité ou de rationalisation sont présentées sous la forme de décisions 'sociales' qui doivent 'garantir le futur' ! La énième leçon, que nous ne pouvons attendre d'un gouvernement, avec ou sans ministre socialiste, rien d'autre que des mesures destinées à augmenter les chances de survie du système d'exploitation capitaliste. Diminution des frais de production, du salaire indirect, des allocations sociales, enseignement plus cher, offres culturelle et sociale plus chères, augmentation des soins de santé.

Mais on pourrait peut-être penser que le ministre a l'intention de doubler le salaire des professeurs grâce aux mesures d'économie? Bien au contraire: dans toute la Flandre, Vandenbroucke veut fusionner les centres de formation par région, rationaliser donc, "harmoniser l'offre" comme on dit dans son jargon. En clair: faire tourner l'affaire avec moins de personnel et moins de soutien logistique, donc avec un meilleur "taux d'utilisation" des moyens investis. Cette situation provoque, c'est le moins qu'on puisse dire, questions et mécontentement dans le personnel: combien d'emplois seront supprimés, et selon quels critères? En plus, les directions pourront récompenser les "bons" professeurs: l'un donnera 15 heures de cours, et l'autre 25, pour le même salaire. Place à l'arbitraire et au favoritisme donc! Un coup de maître dans le registre "diviser pour régner".

Forger la solidarité

Les enseignants, aussi bien que le personnel logistique et les élèves ne se sont pas laissés endormir, ils sont conscients qu'il s'agit d'une mesure d'économie orchestrée, qui va avoir un impact sur beaucoup de familles de travailleurs: plus de 200.000 élèves et plusieurs milliers de membres du personnel. L'action du 11 janvier à laquelle renvoie l'appel, menée par des enseignants et des élèves, était donc une première réaction spontanée. Une action qui n'a pas attendu les mots d'ordre des syndicats et des directions. Ces derniers mois, différentes actions se sont succédées partout en Flandre, alors que les syndicats étaient occupés à négocier "en silence" (voir entre autres https://www.neeaan1euro.be et https://www.platformvolwassenenonderwijs.be).  Syndicats et pouvoirs organisateurs ont rapidement réagi en lançant leurs propres "actions" via la "plateforme enseignement pour adultes" et en appelant à interrompre les cours dix minutes pendant deux jours. Quelle perspective! Leurs revendications regorgent de visions qui opposent les différentes catégories visées et qui proposent des "apports constructifs" à toutes sortes de mesures spécifiques du plan ministériel. Assez d'illusions ! Pour faire face à une telle mesure, nous devons compter sur la solidarité à l'intérieur de la classe ouvrière, et il faudra activement aller la chercher. Nous ne pouvons pas rester isolés. C'est là-dessus que comptent les politiciens et leurs laquais syndicaux. Alors ils pourraient, chacun dans leur rôle, imposer la mesure. On a vu comment les ouvriers de VW ont été manipulés (voir article dans ce journal), pour finalement (et grâce aux syndicats) se voir imposer licenciements et baisses de salaires, au nom de la "raison". C'est ce que veulent éviter les participants aux actions. Mais comment, car c'est la question qui revient dans toutes les discussions que nous avons eues. Si nous tirons les leçons des événements chez VW, nous devons diriger nos efforts vers le recherche active de solidarité, et par conséquent, vers l'extension de notre lutte et l'ouverture en direction de revendications communes. Pour cela, nous devons garder l'organisation de la lutte entre nos mains, en appelant tous les concernés à tenir des assemblées générales et à mettre en avant des revendications communes.

Ce n'est qu'en forgeant un rapport de forces contre la bourgeoisie que nous pourrons la forcer à temporairement reculer sur le plan de sa rage d'économies et d'imposition de la misère. Car elle n'a pas d'autre principe que la productivité, les économies de coût, la recherche du profit, et tout doit s'y soumettre. La lutte de la classe ouvrière ne peut vivre que par la solidarité, et porte en elle les germes d'une société qui tend vers une production pour les besoins réels de l'humanité.

K.Stof & LAC / 3.3.07

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