Les trotskistes persistent et signent dans la défense de l'État stalinien

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(D'après Révolution Internationale N°206; novembre 91)

  • S'il ne reste plus aujourd'hui un seul stalinien pour oser encore entonner l'hymne de la supériorité du modèle économique soviétique, eh bien, semble-t-on se dire chez les trotskistes, c'est nous qui le ferons. Dans cet effort, reconnaissons qu'on aura rarement publié plus monumentale pièce d'abrutissement intellectuel que ces lignes d'un insoutenable lyrisme :
  • "L'économie étatisée et planifiée de l'Union Soviétique était et est encore, au moins virtuellement, un acquis pour tout le prolétariat et pour toute l'humanité."
  • L'auteur d'une si énorme incongruité ?
  • Lutte Ouvrière (LO) et sa revue théorique "Lutte de Classe" (dans l'article "L'URSS après le putsch", p. 25, de la parution d'octobre dernier).

Alors que plus de soixante ans d'"économie étatisée et planifiée" à la Staline débouchent présentement en URSS, au su et au vu de tout le monde, sur un consternant et effroyable tableau de banqueroute totale et de chaos de la société soviétique, avec la plus sordide misère pour la classe ouvrière de ce pays, le déni des réalités que trahissent les amis d'Arlette Laguiller est proprement à couper le souffle. Même un Marchais ne se risquerait plus à prononcer un pareil dithyrambe et il faut être possède, comme LO, d'un fanatisme absolu du capitalisme d'Etat qu'elle baptise "socialiste" pour le crier à tue-tête en 1991. Mais ayant de toute évidence décidé de prendre les ouvriers auxquels elle s'adresse pour de complets crétins, la rédaction de "Lutte de Classe" poursuit son lamentable papier en ces termes : "Aujourd'hui, nous le disons encore, tant que la propriété étatique des entreprises existe, tant que la planification même en crise existe, nous considérons que le prolétariat soviétique comme le prolétariat mondial, ont quelque chose à défendre en URSS et que l'URSS est encore d'une certaine façon un pays qui appartient à tous les prolétaires du monde. " (Article cité, pp. 26-27.)

Un tel discours est avant tout une inqualifiable insulte proférée contre la mémoire des millions et des millions d'ouvriers soviétiques qui, hier, furent les victimes de la féroce exploitation capitaliste de Staline, et jetée à la face de leurs enfants qui, aujourd'hui, sont abaissés au dernier seuil de la pauvreté par les héritiers et les ayants droit du dictateur géorgien, à quelque fraction (conservatrice, réformatrice ou libérale") bourgeoise qu'ils appartiennent. Par rapport au prolétariat mondial, qui subit aujourd'hui la sauvage attaque de la crise économique du capitalisme aux quatre horizons du monde, lui désigner l'Etat russe en ruine comme le patrimoine qu'il faut défendre et considérer malgré tout comme un pas vers le socialisme, c'est, plus qu'une incommensurable imbécillité, un crime.

LO, cependant, n'a pas le monopole trotskiste de cette entreprise volontaire de destruction de l'intelligence ouvrière. Un certain "Groupe pour la reconstruction de la IVe Internationale" adressait en effet à la fin du mois de septembre une lettre publique à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ainsi qu'au Parti Communiste Internationaliste[1] où l'on a pu lire cette autre impensable littérature : "Toutes les analyses des trotskistes et de Léon Trotski ont été confirmées, tous les pronostics ont été réalisés. En URSS, c'est la révolution politique qui déferle et impose le respect du dernier combat de Lénine contre le chauvinisme grand-russe, pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (...). Ce sont les masses, et la jeunesse soviétique en premier lieu, qui ont abattu les objets de culte de la bureaucratie stalinienne (...). Le stalinisme se meurt. Le stalinisme ne se relèvera jamais de la révolution politique en URSS."... Illuminisme crapuleux, odieuse menée de démoralisation de la classe ouvrière ourdie sous le nom de Lénine : on sait que, au sein du mouvement a-classiste (bien entendu manipulé par les différentes fractions de l'appareil d'Etat aux prises en URSS) qui abat "les objets de culte de la bureaucratie stalinienne", se trouve nombre d'ouvriers pour couvrir d'ordures les statues de Lénine. De sorte que tout vrai révolutionnaire peut certes parler d'une confusion navrante et d'un déboussolement inévitable, vu le contexte, des prolétaires soviétiques. Il ne peut nullement dire, dans lé sens contraire, que ce mouvement constitue une révolution politique voire une quelconque expression prolétarienne authentiquement et positivement orientée vers les intérêts de la classe ouvrière mondiale. Ou bien l'on se situe du point de vue anti-ouvrier et sciemment falsificateur de la classe dominante. Et c'est bien le cas de tous les trotskistes, ces hommes de terrain désignés par la bourgeoisie pour répandre l'obscurantisme dans les rangs ouvriers.

Au nom des prétendus acquis résiduels de la révolution russe (pourtant définitivement vaincue en 1927), au nom de ce qu'ils appellent toujours l'"Etat ouvrier dégénéré", de la "patrie socialiste" et du progrès humain que réaliserait pour eux 1'"économie soviétique étatisée et planifiée, les épigones de Trotski se sont faits depuis la seconde guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui et avec un zèle de tous les instants, les laquais objectifs du stalinisme. Ils ont, de manière critique, peut-être, mais effective, cautionné l'asservissement du prolétariat russe à l'Etat capitaliste d'URSS. A d'innombrables reprises depuis 1939, ils ont invité les prolétaires de Russie et du monde entier à soutenir jusqu'au prix du sacrifice de leur vie les brigandages impérialistes de l'Union Soviétique.

Non contents d'avoir secondé avec zèle la bourgeoisie russe, les trotskistes n'ont cessé de faire croire, et plus que jamais aujourd'hui, aux ouvriers des pays développés que le stalinisme faisait "malgré tout" bel et bien partie de leur patrimoine et de leur être historiques. Ils participent ainsi de la maniéré la plus efficacement bourgeoise à la campagne d'une bourgeoisie occidentale dont le but avéré est de semer ignominieusement la confusion entre le communisme ainsi que l'histoire véritable du mouvement ouvrier révolutionnaire, et cet avatar hideux du capitalisme d'Etat qu'est le stalinisme.

Nous avons ici même consacré le mois passé aux trotskistes, un article détaillé pour dresser le réquisitoire prolétarien contre leurs multiples malfaisances bourgeoises. Nous comprenons bien que la déconfiture de leur idole soviétique sème un trouble profond parmi leurs organisations, de la LCR à LO. Mais on aurait tort de se contenter d'en rire et de railler la bêtise que la déconvenue politique fait émerger d'elles car ce serait induire les ouvriers à sous-estimer l'ennemi de classe mortel qu'elles représentent. Comme l'ensemble de la bourgeoisie, la composante trotskiste, à l'extrême gauche du capital, sait faire de son propre affaiblissement historique et de sa décomposition politique, une arme de confusionnisme contre la classe ouvrière. Veufs ou orphelins de l'"Etat ouvrier dégénéré", PCI, LCR, LO et Cie occupent une place de choix dans le gang des démocrates bourgeois : qui mieux qu'eux peuvent entraver, dévoyer, dénaturer la prise de conscience du prolétariat mondial, dans le rôle d'embaumeur du cadavre du stalinisme honni ?


[1] PCI. Il s'agit du courant qu'on appelait naguère "lambertiste" et dont (si l'on en juge par leur rhétorique) doivent provenir, suite à une récente scission ou à une exclusion, les signataires de ce libellé.

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