Le trotskisme, fils de la «Contre-révolution»

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Le trotskisme, Fils de la contre-révolution

Depuis la fin des années 60, le capitalisme décadent est entré dans une nouvelle phase de crise économique qui se traduit pour la classe ouvrière par une détérioration sans cesse croissante de ses conditions d’existence (chômage, inflation, augmentation des cadences...). En réponse à cela, la classe ouvrière a repris le chemin de la lutte à l’échelle mondiale, mettant fin par son mouvement à toute une période de contre- révolution quasi ininterrompue depuis 50 ans. Pour faire race à cette remontée des luttes ouvrières, le capital est contraint de plus en plus à faire appel à ses fractions de gauche et d’extrême gauche (Portugal, Espagne, Italie, France...) qui apparaissent comme seules capables de détourner la combativité de la classe sur le terrain bourgeois, d’enrayer la prise de conscience de ses intérêts historiques. Ces fractions par leur programme de nationalisations, par leur langage ouvrier, sont en fait les mieux à même d’accélérer la mise en place des mesures capitalistes d’Etat, rendues nécessaires par l’exacerbation de la concurrence mondiale tout en les présentant à la classe ouvrière comme des mesures “socialistes”, “révolutionnaires” la conviant ainsi à accepter l’augmentation inévitable de son exploitation et de son oppression, la conviant à défendre “son” capital national contre les autres.

C’est au sein de ces fractions de gauche, plus précisément au sein de celles qui se distinguent par leur langage “radical”, que l’on trouve en bonne place les groupes trotskistes. Ce qui justifie à nos yeux la publication d’une série d’articles visant d’une part à montrer comment le trotskisme est apparu dans l’histoire, d’autre part quel est son rôle spécifique dans l’appareil politique bourgeois et celui qu’il sera appelé à jouer au service du capital au fur et à mesure que la classe ouvrière tendra à s’organiser et à lutter de manière autonome.

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Les groupes trotskistes, indépendamment des divergences qui justifient leur existence séparée, se présentent tous, sans exception, comme les continuateurs de la politique révolutionnaire du parti bolchevik et de la 1ère Internationale. En cela, ils ne se distinguent pas des autres fractions de gauche du capital qui, pour justifier une activité contre-révolutionnaire au sein de la classe ouvrière, se réclament des luttes passées de celle-ci et des organes dont elle s’est dotée. Mais, pour donner corps à ce qu’ils affirment, les groupes trotskistes s’appuient sur deux faits :

1°) C’est au sein de la IIIe Internationale que s’est développée à partir de 1924 en réaction au “stalinisme” naissant, l’”Opposition de gauche”, en Russie d’abord, internationalement ensuite, et qui, sous la direction de Trotsky a donné naissance en 1938 à la IVème Internationale dont les groupes trotskistes actuels sont issus.

2°) C’est en s’appuyant sur les quatre premiers congrès de l’I.C. que l’”Opposition de gauche” poursuit son activité politique et c’est à partir de certaines positions des 2ème, 3ème et 4ème congrès que Trotsky élabora les positions politiques communes aux groupes qui se réclament de lui.

En fait le “lien” qu’ils tracent entre les révolutionnaires des années 20 et eux-mêmes n’a de consistance que dans la mesure où:

  • d’une part ils reprennent à leur compte et érigent en principes politiques immuables ce qui constituait les “erreurs” du mouvement ouvrier de l’époque et non les positions révolutionnaires que la vague révolutionnaire de 17-23 avait permis de dégager.
  • d’autre part, c’est à partir de ces positions erronées (dont il s’était fait un ardent défenseur dès le 2ème Congrès de l’I.C.) que Trotsky a élaboré les positions fondamentales du “trotskisme”, positions erronées qui ont servi pendant 50 ans de contre-révolution de caution de “gauche” à la politique anti-prolétarienne de la bourgeoisie.

Premières réactions ouvrières à la dégénérescence de l’I.C.

La guerre de 1914 qui met aux prises les principales puissances impérialistes marque l’entrée du système capitaliste dans sa phase de décadence, “ouvrant l’ère des guerres, des crises et des révolutions sociales” (1er congrès de l’I.C.). En réaction à cette première guerre mondiale, le prolétariat surgit internationalement et voit sa fraction russe prendre le pouvoir à la suite de l’insurrection d’Octobre 17. La lutte de la classe ouvrière va se poursuivre pendant plusieurs années surtout en Allemagne, Italie et Hongrie... C’est dans ce contexte général que les organisations révolutionnaires qui se regroupent dans l’I.C. lors de son premier congrès en 1919, adoptent, à la lumière de la révolution russe, les orientations politiques qui sont la manifestation du pas énorme que vient de franchir la classe ouvrière mondiale. A ce titre elle rejette les conceptions de la IIème Internationale et des “centristes” à la Kautsky comme bourgeoises (réformisme, parlementarisme, nationalisme...), et appelle la classe ouvrière à instaurer la dictature des Conseils Ouvriers.

Cependant dès 1919, l’échec sanglant du prolétariat en Allemagne d’abord, en Hongrie ensuite, annonce le reflux de la lutte mondiale et vient renforcer l’isolement de la révolution en Russie que les efforts déployés par la classe ouvrière en 20-21 ne parviendront pas à enrayer.

Dès les premiers signes de reflux, les conceptions qui avalent prévalu au cours de la période progressive du capitalisme (parlementarisme, syndicalisme, dans le cadre de la lutte pour les réformes), et qui continuent à se manifester au sein de la classe ouvrière vont peser de plus en plus sur l’I.C. C’est ce que traduit le retour progressif aux vieilles tactiques puisées dans l’arsenal de la social-démocratie. Cela dès le 2ème congrès de l’I.C., et surtout lors des 3ème et 4ème: conquêtes des syndicats, parlementarisme, alliances avec des fractions de la bourgeoisie, luttes de libération nationale, gouvernement ouvrier et paysan En Russie, là où le prolétariat a pris le pouvoir, l’isolement de la révolution va faire que les confusions du parti bolchevik sur la nature du pouvoir de la classe ouvrière (c’est le Parti qui exerce le pouvoir) l’amènent à prendre des mesures opposées aux intérêts de la classe ouvrière: soumission des soviets au Parti, embrigadement des ouvriers dans les syndicats, signature du traité de Rapallo (diplomatie secrète d’Etat à Etat: droit pour les troupes allemandes de s’entraîner sur le territoire russe), répression sanglante des luttes ouvrières (Kronstadt, Petrograd 1921). Mais l’adoption de telles orientations par le parti bolchevik et l’I.C., qui vont jouer un rôle d’accélérateur du reflux dont elles sont l’expression, ne se fait pas sans susciter des oppositions en leur sein.

C’est ainsi qu’au 3ème congrès de l’I.C., ceux que Lénine appelle les “gauchistes”, regroupés au sein du KAPD, s’élèvent contre le retour au parlementarisme, au syndicalisme, et montrent en quoi ces positions vont à l’encontre de celles adoptées au 1er congrès qui tentaient de tirer les implications pour la lutte du prolétariat de la nouvelle période historique ouverte par la 1ère guerre mondiale.

C’est aussi à ce congrès que la “Gauche Italienne” qui dirige le Parti Communiste d’Italie réagit vivement -bien qu’en désaccord profond avec le KAPD- contre la politique sans principe d’alliance avec les “centristes” et la dénaturation des P.C. par l’entrée en masse de fractions issues de la social-démocratie.

La signification de l’“Opposition de gauche”

Mais c’est en Russie même (compte tenu des confusions du parti bolchevik qui se manifestent dans le contexte d’isolement de la révolution) qu’apparaissent les premières oppositions. C’est ainsi que dès 1918, le “Kommunist” de Boukharine et d’Ossinsky, met en garde le parti contre le danger d’assumer une politique de capitalisme d’Etat. Trois ans plus tard, après avoir été exclu du parti bolchevik, le Groupe Ouvrier” de Miasnikov mène la lutte dans la clandestinité en étroite liaison avec le KAPD et le P.C.O. de Bulgarie jusqu’en 24 où il disparaît sous les coups répétés de la répression dont il fait l’objet. Ce groupe critique le parti bolchevik sur le fait que celui-ci commence à sacrifier les intérêts de la révolution mondiale au profit de la défense de l’Etat russe, réaffirmant que seule la révolution mondiale peut permettre à la révolution de tenir en Russie.

On voit donc, contrairement à ce que laissent croire les trotskistes qui gardent le silence sur ces oppositions, que ces tendances qui se situaient résolument du point de vue des intérêts prolétariens n’ont pas attendu Trotsky et l’"Opposition de gauche” pour lutter pour la sauvegarde des acquis fondamentaux de la révolution en Russie et de l’Internationale Communiste.

C’est seulement après la faillite de la politique de l’I.C. en Allemagne en 1923 et en Bulgarie en 1924, faite de ce mélange de frontisme et de “putschisme”, que commence à se constituer au sein du parti bolchevik et plus précisément dans ses sphères dirigeantes, le courant connu sous le nom d’“Opposition de gauche”.

Cette “Opposition de gauche” se cristallisera autour de chefs prestigieux du parti bolchevik, tel Trotsky, Préobrajensky, Ioffé, mais ne rencontre pas de véritable écho dans une classe ouvrière qui sort saignée à blanc de la guerre civile. Les points sur lesquels elle mène la lutte sont exprimés, en ce qui concerne la Russie, à travers son mot d’ordre : “feu sur le koulak, le Nepmen, le bureaucrate”. D’une part elle critique la politique interclassiste de l’“enrichissez-vous à la campagne” prônée par Boukharine et, d’autre part, elle attaque la bureaucratie du parti et ses méthodes. Elle poursuivra ce combat jusqu’au moment de son exclusion et de la répression de ses membres (exécutions, internements, déportations, suicides, exil de Trotsky).

Au niveau international, à partir de 1925-26, l’Opposition de gauche s’élève contre la constitution du “comité Anglo-russe” et l’alliance avec les Trade-unions (syndicats anglais) qui vient saborder la grande grève générale des ouvriers anglais. D’autre part, sous l’impulsion de Trotsky, l’Opposition de gauche mène une lutte résolue contre la politique criminelle de l’I.C. “stalinisée” en Chine en préconisant la rupture du jeune Parti Communiste Chinois avec le Kuomintang et les diverses forces bourgeoises pseudo progressistes. Elle affirme que les intérêts du prolétariat mondial ne doivent pas être sacrifiés à la politique et aux intérêts de l’Etat russe.

Par ailleurs, elle engage la lutte contre la théorie du “socialisme dans un seul pays” (développée par Boukharine pour le compte de Staline). Au 14ème congrès du Parti Communiste Russe, où cette thèse est adoptée, seule la voix des membres de l’Opposition de gauche se fait entendre pour la rejeter.

C’est bien en tant que réaction prolétarienne aux effets désastreux de la contre-révolution qu’apparaît, se développe puis meurt l’Opposition de gauche en Russie. Mais le fait même qu’elle apparaisse si tardivement pèse lourdement sur ses conceptions et sur sa lutte. Elle s’avère en fait incapable de comprendre la nature réelle du “phénomène stalinien” et “bureaucratique”, prisonnière qu’elle est de ses illusions sur la nature de l’Etat russe. C’est ainsi que, tout en critiquant les orientations de Staline, elle est partie prenante de la politique de mise au pas de la classe ouvrière par la militarisation du travail sous l’égide des syndicats. Elle se fait, elle aussi, le chantre du capitalisme d’Etat qu’elle veut pousser plus en avant par une industrialisation accélérée.

Lorsqu’elle lutte contre la théorie du socialisme dans un seul pays elle ne parvient pas à rompre avec les ambiguïtés du Parti bolchevik sur la défense de la “Patrie soviétique”. Et ses membres, Trotsky en tête, se présentent comme les meilleurs partisans de la défense “révolutionnaire” de la “patrie socialiste”

Prisonnière de ce type de conceptions, elle s’interdit tout combat véritable contre la réaction stalinienne en se limitant à en critiquer certains effets.

D’autre part, dans la mesure où elle se conçoit elle-même, non comme une fraction révolutionnaire cherchant à sauve garder théoriquement et organisationnellement les grandes leçons de la Révolution d’Octobre, mais comme une opposition loyale au Parti Communiste Russe, elle ne sortira pas d’un certain “manœuvrièrisme” fait d’alliances sans principes en vue de changer le cours d’un Parti presque totalement gangrené (c’est ainsi que Trotsky cherchera le soutien de Zinoviev et de Kamenev qui ne cessent de le calomnier depuis 1923). Pour toutes ces raisons, on peut dire que l’"Opposition de gauche" de Trotsky en Russie restera toujours en deçà des oppositions prolétariennes qui s’étaient manifestées dès 1918.

L’“Opposition de Gauche Internationale”

Au niveau international commencent à apparaître dans différentes sections de l’Internationale Communiste des tendances et individus qui manifestent leur opposition à la politique de plus en plus ouvertement contre-révolutionnaire de cette dernière. Malgré un échange de correspondances entre certaines de ces tendances et des membres de l’“Opposition de gauche” en Russie, aucun lien solide ne parvient immédiatement à se créer entre eux. Il faut attendre 1929, alors qu’en Russie les “oppositionnels de gauche” se retrouvent pourchassés et assassinés par les staliniens, pour que commence à se constituer, autour et sous l’impulsion de Trotsky exilé, un regroupement de ces tendances et individus qui prend le nom d’“Opposition de Gauche Internationale”. Celle-ci constitue à plus d’un titre le prolongement de ce qu’avait représenté la constitution et la lutte de l’“Opposition de Gauche” en Russie. Elle en reprend les principales conceptions et se réclame des quatre premiers congrès de l’I.C. Par ailleurs elle perpétue le “manoeuvrièrisme” qui caractérisait déjà l’"Opposition de Gauche" en Russie.

Par beaucoup d’aspects cette "Opposition" est un regroupement sans principes de tous ceux qui, notamment, veulent faire une critique “de gauche” du stalinisme. Elle s’interdit toute véritable clarification politique en son sein et laisse à Trotsky, en qui elle voit le symbole vivant de la Révolution d’Octobre, la tâche de s’en faire le porte-parole et le “théoricien”. Elle s’avérera rapidement incapable dans ces conditions de résister aux effets de la contre-révolution qui se développe à l’échelle mondiale sur la base de la défaite du prolétariat international.

La “Contre-révolution”

La défaite du prolétariat mondial, que les nouveaux échecs en Allemagne en 1923 et en Chine en 1927 sont venus sanctionner, loin de marquer un recul momentané du mouvement prolétarien, ouvre en fait la période de contre-révolution la plus longue et la plus profonde que la classe ouvrière ait jamais connue dans son histoire.

En effet, démoralisée par ses échecs successifs, à nouveau atomisée et soumise à l’idéologie bourgeoise, la classe ouvrière s’avérera incapable de s’opposer au cours vers la guerre dans lequel s’engage à nouveau le système capitaliste qui est entré dans une phase historique où il ne cesse d’être rongé par ses contradictions désormais insurmontables. Partout où, confrontée à la misère que lui impose le capital en crise, la classe ouvrière tente bien de résister par la lutte, elle se heurte non plus seulement aux partis sociaux-démocrates qui se sont illustrés tout au long de la vague révolutionnaire des années 20 comme les chiens de garde du capital, mais désormais aux partis “communistes” staliniens. Ceux-ci, passés corps et âme dans le camp du capital, assument leur fonction de dévoiement des luttes ouvrières et d’embrigadement dans la voie du nationalisme et dans la logique des affrontements inter-impérialistes préparant la deuxième boucherie impérialiste.

Dans ce contexte général de contre-révolution qui s’accompagne d’un profond recul de la lutte de classe et de la conscience du prolétariat, il devient de plus en plus difficile pour les fractions et tendances qui se réclament de la révolution communiste de résister à la pénétration des idées bourgeoises en leur sein, de lutter à contre-courant pour maintenir et développer les acquis du mouvement révolutionnaire passé. D’autant que, contrairement à la contre-révolution qui suit la défaite de la Commune de Paris et qui ne laisse aucune illusion sur la nature de classe des “Versaillais” massacreurs de la classe ouvrière, la contre-révolution qui triomphe, non seulement le fait en laissant derrière des centaines de milliers de cadavres d’ouvriers, mais également en mystifiant la classe ouvrière sur sa nature. Dans la mesure où elle triomphe à travers le lent processus de dégénérescence de l’I.C. et de la révolution russe, en favorisant toutes les illusions de la classe ouvrière sur le maintien de la nature “prolétarienne” de l’Etat russe et des Partis communistes qui, en continuant à se réclamer d’Octobre 17, vont pouvoir justifier leur politique au service du capital.

L’“Opposition de Gauche” qui partage et donc répand ces illusions, se constitue donc dans cette période de contre-révolution et reprend, sans les critiquer, à la fois les erreurs de l’I.C. qui ont contribué activement au reflux de la vague révolutionnaire des années 20 et les conceptions fausses de l’Opposition de gauche russe qui l’ont conduit à l’impasse dans la lutte contre Staline.

De 1929 à 1933, elle se conçoit et agit comme “opposition loyale” à la politique de l’I.C. qu’elle tente de redresser de l’intérieur alors que l’adoption par celle-ci de la théorie du “socialisme dans un seul pays” est venue confirmer sa mort comme organe prolétarien et le passage de ses partis dans le camp du capital. A partir de 1933, bien que “comprenant” enfin la fonction contre-révolutionnaire des partis staliniens et s’orientant vers la constitution d’organisations distinctes des P.C., l’"Opposition de Gauche" continue à les considérer comme “ouvriers” et à agir en conséquence, développant jusqu’à l’absurde les conceptions fausses qui avaient présidé à sa constitution et qui vont s’avérer de plus en plus crûment être des justifications de “gauche” de la contre-révolution triomphante.

Trotsky et le trotskisme

Tout au long de la période qui précède la tenue du Congrès de fondation de la IVème Internationale en 1938, compte tenu de l’hétérogénéité de l’“Opposition de Gauche”, c’est Trotsky lui-même qui élabore à partir des erreurs de l’I.C. les tactiques et orientations qui, aujourd’hui encore, à quelques différences d’interprétation près, servent de fondement à l’activité contre-révolutionnaire des groupes trotskistes au sein de la classe ouvrière et qui se trouvent sous leur forme achevée dans le “Programme de Transition”.

C’est, en fait, vers le milieu des années 30 que le mouvement trotskiste va être amené à capituler face à la contre-révolution en se mettant à la remorque de la politique des Fronts Populaires destinés à embrigader le prolétariat derrière le drapeau national, c’est à dire la préparation à la guerre. En ce sens, le mouvement trotskiste se mettait objectivement à abandonner le principe fondamental du mouvement ouvrier, l’internationalisme prolétarien qui, à l’époque de la décadence du capitalisme, à l’époque des “crises, guerres et révolutions” plus encore que par le passé, où le prolétariat pouvait développer sa lutte pour des réformes au sein des frontières nationales, constitue le critère décisif de l’appartenance au camp du prolétariat et du communisme.

“État Ouvrier dégénéré“ et défense de l’URSS

Prisonnier des conceptions erronées de l’"Opposition de Gauche" russe, Trotsky, assimilant mesure de nationalisation de la production -c’est à dire passage de la propriété privée des moyens de production à une propriété d’Etat- à une mesure “socialiste”, va se situer sur le même terrain que les staliniens qui justifient le maintien et l’intensification de l’exploitation de la classe ouvrière au nom de la “construction du socialisme”.., dans un seul pays. En effet, tout en condamnant cette théorie comme bourgeoise, Trotsky est amené à reconnaître implicitement la possibilité que soit détruite au moins en partie, dans le cadre des frontières nationales, la loi de la valeur, c’est à dire la production pour l’échange, l’extorsion et l’accumulation de la plus-value à travers le salariat, la séparation des producteurs d’avec leurs moyens de production.

Incapable de reconnaître dans la “bureaucratie” qui se développe en URSS l’ennemie héréditaire du prolétariat qui renaît sur la base des rapports de production capitalistes qui avaient persisté même après la prise du pouvoir politique du prolétariat en 1917, Trotsky ne comprendra pas la fonction de gestion et de conservation de ces rapports par cette “bureaucratie” qu’il croit “ouvrière” alors qu’elle est bien bourgeoise. Dans les faits Trotsky se fera le chantre du capitalisme d’Etat russe se bornant à prôner une révolution “politique” réinstaurant la “démocratie prolétarienne”.

Ainsi, en 1929, il défendra l’intervention de l’armée russe en Chine où le gouvernement de Tchang Kaï-Chek chasse les fonctionnaires russes chargés de gérer le tronçon du Transsibérien qui passe en territoire chinois et revêt une importance stratégique du point de vue des intérêts nationaux du capital russe.

A cette occasion, Trotsky lance le mot d’ordre tristement fameux : “Pour la patrie socialiste toujours, pour le stalinisme, jamais !“ qui dissociait les intérêts staliniens (donc capitalistes) des intérêts nationaux de la Russie, qui présentait aux prolétaires une “patrie” à défendre, eux qui n’en ont pas, qui traçait enfin la voie du soutien à l’impérialisme russe

Antifascisme, frontisme, syndicalisme

Incapable de cerner la nature et la fonction contre-révolutionnaire et bourgeoise des partis staliniens et même des partis sociaux-démocrates, Trotsky va voir dans les mystifications développées par ces partis (anti-fascisme démocratique notamment, front populaire, ...) des moyens de renforcer l’“Opposition de Gauche”, afin d’aboutir au surgissement d’un nouveau parti révolutionnaire.

Dans les zigzags des staliniens et les manoeuvres social démocrates, Trotsky va à chaque fois voir des brèches provoquées par la pression d’une classe ouvrière dont il n’arrive pas à comprendre la défaite historique. Appelant au front unique, à l’unité syndicale, il ne fait que jouer le jeu de la contre-révolution elle-même qui a besoin de resservir les vieux mythes pour désorienter encore plus la classe ouvrière qu’elle veut entraîner à une nouvelle guerre mondiale. Dans l’alliance anti-fasciste des Fronts Populaires espagnol et français, Trotsky va voir une impulsion pour la politique révolutionnaire, une base pour le renforcement des positions trotskistes à travers l’entrisme, dans les partis socialistes ! Chaque nouvelle tactique de Trotsky sera un pas de plus dans la capitulation et la soumission à la contre-révolution.

Reprenant par ailleurs, à la suite des bolcheviks, le mot d’ordre du “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, qui exprimait l’illusion de ces derniers sur la possibilité pour une nation sous domination impérialiste de se “libérer” sans tomber sous la coupe d’un autre impérialisme, Trotsky et les groupes qui participent au Congrès de fondation de la IVème Internationale qualifieront la guerre entre la Chine et le Japon comme une guerre de libération nationale de la Chine devant être soutenue. Dès cette époque se trouvent ainsi posées les bases qui vont fonder le soutien verbal et quelquefois actif des groupes trotskistes aux luttes de libération nationale qui, à l’époque du capitalisme décadent, sont autant de lieux d’affrontement entre les divers blocs impérialistes dans lesquels le prolétariat ne peut servir que de chair à canon.

Le programme politique qui est adopté au congrès de fondation de la IVème Internationale, rédigé par Trotsky lui-même, et qui sert de base de référence aux groupes trotskistes actuels, reprend et aggrave les orientations de Trotsky qui ont précédé ce congrès (défense de l’URSS, front unique ouvrier, analyse erronée de la période...) mais en plus est axé sur une répétition vide de sens du programme minimum de type social-démocrate (revendications “transitoires”), programme rendu caduc par l’impossibilité des réformes depuis l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, de déclin historique.

Ce Programme de Transition ouvrait la voie à l’intégration définitive du mouvement trotskiste dans la cohorte des partisans du capitalisme d’Etat qui, au nom de la mise en place de mesures “socialistes”, vont embrigader la classe ouvrière après la seconde guerre mondiale dans les reconstructions nationales, c’est à dire la reconstruction du capital!

“Fractions Communistes de Gauche” et “Contre-révolution”

Confrontées à la Contre-révolution la plus profonde de toute l’histoire du mouvement ouvrier, les Fractions Communistes de Gauche qui étalent apparues dans les années 20 et qui avaient lutté dès cette époque contre la dégénérescence et les erreurs de l’I.C., se sont trouvées emportées elles aussi par le flux de la contre-révolution. C’est ainsi que les éléments de la Gauche Allemande qui furent pourtant parmi les premiers à s’élever contre le retour dans l’I.C. des tactiques sociales-démocrates et à rompre avec celle-ci, soit ont abandonné toute activité politique, soit sont tombés dans l’idéologie “conseilliste” rejetant la nécessité du Parti et même la Révolution russe. C’est la Gauche Communiste Italienne qui va assurer, malgré des faiblesses certaines et inévitables, l’essentiel du travail de défense des positions de classe. C’est elle qui, malgré un isolement dramatique, va assurer tout un travail de compréhension politique et théorique des effets de la défaite du prolétariat, allant même jusqu’à reposer la question de la validité de certaines positions de l’I.C. que Bordiga n’avait pas mis en cause (comme la question nationale). Sur un certain nombre de points cruciaux, la Gauche Italienne s’opposera aux orientations de Trotsky (voir les annexes à cette brochure).

Mais quelles qu’en soient leurs limites, ces fractions, contrairement à l’Opposition de Gauche de Trotsky, ont permis de maintenir la tradition révolutionnaire. C’est aussi grâce à elles qu’aujourd’hui le faible courant révolutionnaire a pu renaître et se développer.

Quant au courant trotskiste des années 30, après ses capitulations et malgré l’assassinat de Trotsky en 1940 par le stalinisme, il passera avec armes et bagages dans le camp du capital en s’enrôlant dans le camp de l’impérialisme démocratique et de l’impérialisme russe...

La fonction des trotskistes actuels

Trente ans après la tenue du Congrès de fondation de la IVème Internationale, les groupes politiques qui perpétuent la tradition trotskiste végétaient à l’ombre des partis communistes staliniens et parfois même, pour certains, en leur sein. Depuis la fin des années 60 cependant, ces groupes ont vu leurs rangs se renforcer et leur importance au sein de l’appareil politique du capital faire de même. Or, ce changement notable ne peut pas s’expliquer par un bouleversement de leurs positions politiques. Ce que l’on constate en effet, c’est plutôt la persistance des erreurs de Trotsky poussées jusqu’à l’absurde, c’est à dire en clair, la défense des intérêts bourgeois ! Les groupes trotskistes d’aujourd’hui sont tous des continuateurs de la politique contre-révolutionnaire des trotskistes pendant la guerre et des défenseurs du fameux “Programme de Transition” quelles que soient par ailleurs les différences d’interprétation que chacun de ces groupes peut en faire. Qu’on en juge :

Caution de “Gauche” et rabatteurs des syndicats

Le Programme de Transition avançait comme principe fondamental que les militants de la IVème Internationale devaient participer aux syndicats. Le résultat en a été que partout les trotskistes sont devenus des fidèles garde-fous de l’encadrement des machines syndicales. Certes, ils critiquent les éternelles “trahisons” des “directions bureaucratiques” mais ils se gardent bien, et pour cause, d’aider la classe ouvrière à lutter contre les syndicats. Pour les trotskistes il s’agit de garder la “forme” syndicale, le “contenu” du syndicalisme et seulement d’éliminer quelques poignées de mauvais “bureaucrates”, comme si ces derniers n’étaient pas le pur produit de la forme et du contenu du syndicalisme dans la phase de décadence du capitalisme ! En fait pour les trotskistes il s’agit de concurrencer les bureaucrates en place sur leur terrain, et quand ils arrivent, à force de manoeuvres, à occuper un poste de commandement syndical, les trotskistes s’avèrent de parfaites doublures des staliniens ou des sociaux-démocrates !

Ainsi, alors que la classe ouvrière a déserté la vie syndicale, les trotskistes tentent de donner une apparence de vie prolétarienne à ces véritables organes de police dans les entreprises que sont les syndicats ! Encastrés dans les rouages des syndicats, les trotskistes font partie de ceux qui préparent les défaites des luttes ouvrières, leur sabotage et leur dévoiement. Militants de base toujours, délégués syndicaux souvent, permanents syndicaux quelquefois, ils participent à l’ensemble des campagnes de mystification organisées par les différents syndicats et entretiennent toutes les illusions qui subsistent au sein de la classe ouvrière (réformisme, corporatisme, usinisme, chauvinisme, légalisme, etc. ...).

Lorsque dans les luttes, des ouvriers s’affrontent aux syndicats, que certains syndiqués déchirent leur carte syndicale, les trotskistes prônent la conciliation avec les syndicats, ils tentent de ramener dans le rang ceux qui en sortent sur des bases illusoires du type : “rentrons dans les syndicats pour lutter contre les directions traîtres !“, ce qui déboussolent encore plus les ouvriers... Certains trotskistes vont même jusqu’à proposer l’adhésion à deux syndicats en même temps pour favoriser l’unité syndicale frauduleusement assimilée à l’unité ouvrière ! En clair il s’agit pour les trotskistes, avec de multiples méthodes aussi sordides les unes que les autres, de demander aux ouvriers de faire pression pour que ceux qui “les trahissent” s’unissent et deviennent plus “démocratiques” (c’est à dire accordent plus de strapontins aux trotskistes et pervertissent encore plus d’ouvriers combatifs). Dans tous les cas le rôle des trotskistes contribue toujours à améliorer et affiner l’encadrement syndical !

Lorsque dans les luttes surgissent des comités de grève, les trotskistes, qui ont le culot de se présenter comme des partisans de véritables organes unitaires de la classe ouvrière, sont évidemment les premiers à exiger que les syndicats puissent continuer à s’y exprimer et à y être représentés ! Chaque fois, au nom de la solidarité et de l’unité ouvrières et de l’élargissement de la lutte, ils demandent ou plutôt implorent le soutien des syndicats, leur permettant ainsi de reprendre le mouvement en main grâce à leur appareil bureaucratique, de reprendre le contrôle des luttes “sauvages” afin de pouvoir les briser !

En fait, caution de gauche et rabatteurs des syndicats, les trotskistes (tout comme les autres gauchistes d’ailleurs) participent activement au désarmement de la classe en masquant la nature et la fonction réelle de tels organes anti-prolétariens.

Complice des massacres du prolétairiat

Le Programme de Transition préconisait, à travers le mot d’ordre de “front unique ouvrier” et celui de “gouvernement ouvrier et paysan” la lutte pour l’union des partis se réclamant de la classe ouvrière et même de la paysannerie... Plus de trente ans après, continuant à présenter les partis sociaux-démocrates et staliniens comme des partis “ouvriers” qui auraient le simple tort d’être “réformistes” (alors que la base matérielle du réformisme a disparu depuis le début du siècle dans l’entrée du capitalisme dans sa décadence!), les trotskistes appellent à l’unité de ces derniers et convient les travailleurs à les porter au pouvoir. C’est à dire à porter au pouvoir (là où ils ne le sont pas déjà) les massacreurs des ouvriers et révolutionnaires allemands lors des années 20, ceux des prolétaires russes ou espagnols, les pourvoyeurs en chair à canon des deux dernières boucheries impérialistes mondiales et de tous les affrontements inter-impérialistes depuis. Certes, ils “critiquent” la politique menée par ces partis, ils leur demandent même de “rompre avec la bourgeoisie” (!!!), ce qui est le comble du cynisme ! Chaque fois que l’Etat capitaliste a eu besoin des partis de gauche, pour réprimer la classe ouvrière, pour l’embrigader dans la guerre, pour reconstruire et gérer l’économie nationale, pour assurer le bon fonctionnement des pouvoirs publics, des services “sociaux”, ils ont répondu et continuent de répondre “présents”... Leur demander de “rompre avec la bourgeoisie”, c’est leur demander de changer de nature, c’est demander au capital de se faire hara-kiri, c’est demander à un tank de se transformer en ambulance. Une telle politique criminelle et absurde aboutit à :

  • renforcer les illusions des ouvriers sur la nature de ces partis qui n’ont d’ouvrier que le sang des prolétaires qu’ils ont fait verser ;
  • ramener dans le giron de la gauche, à travers une critique pseudo-radicale, les éléments qui s’en détachent ;
  • préparer le massacre de la classe ouvrière par ces mêmes partis de gauche ;

“Roues de secours” de l’appareil d’État

Le Programme de Transition affirmait la nécessité de participer aux élections et au Parlement. Depuis l’après-guerre -continuité oblige- les trotskistes n’ont pas raté une seule des élections importantes qui rythment la vie politique de la bourgeoisie décadente. Depuis la fin des années 60, en France, les trotskistes ont mis le paquet dans ce type d’intervention. Certes ils rappellent quelquefois à juste titre que le terrain électoral n’est pas vraiment le terrain de lutte pour la classe ouvrière, mais après ces références polies aux principes révolutionnaires, c’est à celui qui trouvera la meilleure justification à la participation au cirque électoral bourgeois destiné à détourner et à mystifier la conscience de la classe ouvrière. Les prétextes invoqués sont tous plus “réalistes” les uns que les autres: “Les ouvriers ne comprendraient pas qu’en de telles circonstances, les révolutionnaires n’aient rien à dire”, “C’est l’occasion, au moment où toute l’attention des ouvriers se trouve orientée sur les élections, de faire une agitation révolutionnaire, d’utiliser les tribunes qui nous sont offertes par la bourgeoisie”. Ce qui veut dire en clair : “les ouvriers sont mystifiés, atomisés, conservent des illusions sur les élections, alors nous participons à l’entretien de cette situation de mystification.”

Quant à l’agitation “révolutionnaire” des trotskistes, elle se résume à soutenir en paroles “les justes luttes des travailleurs” (ce que n’importe quel curé de gauche peut faire), à "exiger” des partis “ouvriers” qu’ils défendent vraiment les intérêts des travailleurs et rompent, bien sûr, avec la bourgeoisie, à “dénoncer la droite” dans un langage plus radical que la gauche en faisant même, de temps à autre, référence aux Conseils Ouvriers ou à la violence de classe. Tout cela étant d’ailleurs réservé pour le premier tour des élections... Après quoi, bien entendu, fidèles à leur véritable nature de soutien critique” de la gauche du capital, ils appellent communément à voter pour cette dernière afin, disent-ils, de “ne pas heurter” le niveau de “conscience” de la classe ouvrière qu’ils confondent cyniquement avec les illusions des ouvriers. Comme le disait le groupe trotskiste “Lutte Ouvrière”, ”aucune de nos voix ne doit leur manquer”... pour pouvoir assumer leur fonction de défenseur du capital national au plus haut niveau de l’appareil d’Etat. Là encore, la fonction des trotskistes et des gauchistes en général, est de ramener sur le terrain électoral et démocratique les ouvriers qui s’en éloignent et cela avec toute une phraséologie pseudo-révolutionnaire qui sert finalement à rabattre les ouvriers dans le giron de la gauche et notamment ceux qui commençaient à perdre leurs illusions sur elle. Il faut d’ailleurs rappeler que partout où les trotskistes sont parvenus à un certain poids électoral, la classe ouvrière l’a payé cher (Ceylan, Bolivie,...).

Une défense “radicale” du capitalisme d’État

Le Programme de Transition mettait en avant une série de revendications économiques dites “transitoires” dans la mesure où, censées “répondre aux besoins objectifs des masses” tout en étant “inintégrables par le capitalisme”, elles devaient permettre, si la classe ouvrière luttait pour les faire aboutir, une dynamique de lutte de classe permettant aux trotskistes d’apparaître comme les dirigeants “naturels” du prolétariat et de conduire celui-ci à la révolution. La logique des revendications “transitoires” consistait à donner une nature intrinsèquement révolutionnaire à certaines exigences économiques formulées à l’avance par les experts “en révolution” que se voulaient les trotskistes.

Trente ans après, cette problématique a pris toute sa signification contre-révolutionnaire... Aujourd’hui les revendications salariales “radicales”, l’échelle mobile des salaires, le partage des heures de travail entre tous, les nationalisations sans indemnité ni rachat et sous “contrôle ouvrier” des entreprises en faillite, des banques, des monopoles, etc. bref, tout le fatras revendicatif que les trotskistes mettent en avant ne sert qu’à duper et illusionner les travailleurs soit à travers une relance du rôle des syndicats, soit à travers des mystifications “autogestionnaires” comme le “contrôle ouvrier”: en ce qui concerne les revendications salariales, les trotskistes se contentent de faire de la surenchère par rapport aux revendications officielles de la gauche en y ajoutant 100 ou 200 F. L’échelle mobile des salaires est une mesure utopique qui ne ferait qu’entériner le niveau d’exploitation de la classe ouvrière atteint au moment de sa mise en application, elle impliquerait par ailleurs un renforcement du poids des syndicats chargés évidemment de “contrôler” l’application de cette échelle mobile. Le partage des heures entre tous les travailleurs est une proposition de rationalisation de l’exploitation capitaliste impliquant le maintien du salariat, le caractère semi-utopique de cette proposition ne doit pas cacher son contenu démagogique et réactionnaire. Quant aux nationalisations, elles sont parfaitement intégrables par le capitalisme et depuis qu’elles sont appliquées à grande échelle, elles n’ont ni amélioré le sort de la classe ouvrière, ni facilité sa lutte. Quant au “contrôle ouvrier”, il n’est qu’une forme parmi d’autres des mystifications avancées par la bourgeoisie pour faire participer la classe ouvrière à la gestion de sa propre exploitation sous le contrôle de l’Etat bourgeois ! On jugera du caractère “révolutionnaire” de telles revendications !

A travers ce système de revendications très élaboré, et qui varie d’ailleurs suivant les différents groupes trotskistes qui ne cessent de se quereller sur l’opportunité de telle ou telle revendication précise, ceux-ci contribuent à plusieurs niveaux à affaiblir et à dévoyer les luttes ouvrières:

  • Ils renforcent les illusions des ouvriers sur la possibilité d’obtenir des améliorations durables de leurs conditions de vie et de travail dans le capitalisme décadent.
  • Ils participent à l’enfermement des luttes ouvrières dans le cadre économique du capital, dans l’atelier, dans l’usine, dans la branche ou la corporation, et la nation.
  • Ils agissent en tant que partisans des mesures de capitalisme d’Etat au sein de la classe ouvrière en faisant passer ces mesures comme des jalons vers le “socialisme” ou même comme le commencement du “socialisme” lui-même ! Comme les autres partis de gauche, ils se situent donc bien sur le terrain du maintien du capitalisme décadent.
  • Ils entretiennent, par leur savante séparation entre lutte économique et lutte politique de la classe ouvrière, la difficulté de la classe ouvrière à prendre conscience de sa force, de son rôle historique, du contenu révolutionnaire de ses luttes revendicatives.
  • Ils retardent donc le surgissement de la révolution prolétarienne en espérant enferrer la classe ouvrière dans une simple vision “trade-unioniste” de sa lutte.

Par ailleurs, les trotskistes continuent de soutenir qu’en URSS l’économie a quelque chose de “socialiste”, que l’Etat reflète des rapports de production que la classe ouvrière devrait conserver (puisqu’elle les aurait mis en place en 1917 !!!), ainsi le prolétariat russe ne devrait ni détruire l’Etat qui l’opprime, ni transformer radicalement le système économique dans lequel il est exploité férocement !!! Ainsi, lorsque les ouvriers russes, comme ceux du monde entier, luttent contre l’exploitation forcenée qu’ils subissent, s’affrontent violemment aux syndicats, à la police d’Etat, à l’armée “rouge”, s’attaquent au “Parti Communiste” au pouvoir, c’est à dire à l’Etat capitaliste garant de leur exploitation et de leur misère, les trotskistes préconisent la lutte pour un simple changement d’équipe au sein des rouages de l’appareil d’Etat, la lutte pour remplacer les “mauvais” bureaucrates par des “bons”... Ils se font là encore les défenseurs les plus pernicieux du capitalisme d’Etat qu’ils proposent aux ouvriers de “démocratiser”.

Apôtres de l’impérialisme russe

Le Programme de Transition préconisait la “défense inconditionnelle de l’URSS” en cas de guerre et avançait par ailleurs le mot d’ordre d’indépendance nationale pour les pays arriérés soumis à l’impérialisme.

Fidèles à la lettre de telles orientations, malgré leurs désaccords sur la manière de les concrétiser aujourd’hui, les trotskistes dans leur ensemble n’ont pas manqué, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, une seule occasion de soutenir le bloc impérialiste russe contre le bloc impérialiste américain.

Derrière un langage anti-impérialiste démagogique, ils ont milité pour que l’impérialisme américain abandonne son emprise sur les régions et les pays du globe qui constituent l’enjeu de la rivalité entre les deux grands blocs, c’est à dire laissent la place à l’impérialisme russe.

Sous prétexte de “lutte pour l’indépendance nationale” -c’est à dire du droit pour chaque bourgeoisie de pouvoir exploiter sans partage “sa” propre classe ouvrière dans le cadre des frontières nationales de son Etat- les trotskistes ont appelé les prolétaires des pays dits du “tiers-monde” à s’enrôler et à mourir derrière la fraction de la bourgeoisie nationale “la plus progressiste”, “la moins réactionnaire" ou “la plus révolutionnaire” qui s’avérait en fait être la plus "pro-russe”

Les trotskistes ont en fait lutté pour que les travailleurs du monde entier soutiennent ces “luttes de libération nationale” agrandissant encore plus le fossé entre les prolétaires de chaque pays, en les faisant s’entre-tuer, les détournant de leur véritable ennemi : la bourgeoisie mondiale, chaque bourgeoisie nationale, chaque impérialisme!

Donc, comme on le voit, l’activité des groupes trotskistes depuis la fin des années 60 s’inscrit parfaitement dans la lignée de la dégénérescence des années 30 et du passage dans le camp bourgeois lors de la seconde guerre mondiale. Et le regonflement relatif des groupes trotskistes ces dernières années s’explique, à la lumière des changements intervenus dans la vie du capitalisme vers la fin des années 60 et son entrée dans une nouvelle phase de crise économique, avec le resurgissements des luttes du prolétariat mondial. C’est à la lumière des problèmes et des nécessités qui s’imposent au capital que l’on peut comprendre le renforcement de la place des trotskistes.

(R.I n° 26; 27; 28 et 29 -1976)